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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 4
Nom de l'œuvre : Le cri des Cornèbre [Mythe] Nom du chapitre : Chapitre 3 : Cuchulainn
Écrit par Cyrlight Chapitre publié le : 30/12/2015 à 01:08
Œuvre lue 7565 fois Dernière édition le : 30/12/2015 à 01:13
Morrigan s'agenouilla derrière un buisson, livide, lorsqu'elle vit passer un Carchacrok. Même après des années, son traumatisme à l'égard de cette race de pokémon ne s'était pas atténué. Elle les redoutait et les haïssait plus encore que toutes les autres créatures réunies.

Elle retint sa respiration. Elle savait que, même s'il la surprenait, il ne lui ferait pas de mal, mais elle n'avait aucune envie de se retrouver face à ce monstre qui ressemblait avec précision à celui qui avait tué ces parents. Dès qu'il se fut éloigné, elle se redressa prudemment.

Elle s'interrogeait. Son sixième sens la mettait en garde. Il y avait quelque chose d'étrange dans la Forêt de Vestigion, quelque chose de changé. Elle n'aurait su dire ce dont il s'agissait, mais elle avait un très mauvais pressentiment. Elle était convaincue qu'un évènement grave allait se produire.

Elle connaissait les bois par coeur à force d'y errer depuis son plus jeune âge. Elle avait entrepris quelques heures plus tôt d'en explorer le moindre recoin, jusqu'à découvrir pourquoi son instinct la taraudait de la sorte. Hélas, ses plans étaient sans cesse contrariés par le nombre de pokémon qu'elle croisait sur son chemin.

C'était la première fois depuis des années, autrement dit depuis qu'ils avaient pris l'entière possession des lieux suite à la défaite de Scathach, avant qu'elle ne revienne de l'Île de Fer, qu'elle en apercevait une telle quantité. D'ordinaire, la guerrière ne leur laissait jamais le temps de se multiplier de la sorte. Même si elle n'avait pas réussi à les tuer jusqu'au dernier, elle faisait des carnages dans leur rang.

Elle décida de suivre la direction qu'avait empruntée le Carchacrok. C'était risqué, pourtant elle était persuadée qu'il ne reviendrait pas sur ses pas. Malgré elle, elle connaissait bien leurs habitudes, de même que leur comportement. Il y avait très peu de chance pour qu'elle se trompe.

Elle marcha sans bruit, le bas de ses haillons relevé afin qu'il ne frotte pas l'herbe haute. Elle savait vers quel endroit elle se dirigeait. Il existait, au coeur de la forêt, un espace dégagé où se trouvaient des centaines de pierres, disposées en cercle autour d'un rocher beaucoup plus grand et plus solide que les autres.

La légende, transmise depuis des temps immémoriaux, affirmait que cet endroit était maudit, aussi personne n'osait jamais s'y aventurer, pas même l'impétueuse Scathach. Morrigan, cependant, ne nourrissait pas de telles craintes. Elle était certaine d'avoir été damnée dès sa naissance, d'où son don, aussi elle ne redoutait pas cette superstition. Quel tort supplémentaire le mauvais sort aurait-il pu lui causer ?

Elle s'approcha doucement de la vaste clairière, autour de laquelle les arbres étaient si serrés qu'ils semblaient former une barrière protectrice. Des bruits paraissaient s'en échapper. Elle tendit l'oreille et obtint confirmation de cette hypothèse.

Elle chercha rapidement des yeux un espace suffisamment large, entre les troncs, qui lui permettrait d'observer ce qui se passait à l'intérieur. À force de persévérance, elle finit par en trouver un et vint immédiatement se placer face à lui. Ce qu'elle découvrit alors qui glaça le sang.

Des dizaines de pokémon étaient réunis. Des Carchacrok, des Rhinastoc, des Charmina, des Roserades... De nombreuses espèces, comptant parmi les plus dangereuses, s'étaient regroupées là. Morrigan dut plaquer ses mains sur sa bouche pour contenir le cri d'effroi qu'elle brûlait de pousser.

Ils étaient en train de communiquer et, grâce à son indésirable capacité, elle pouvait les comprendre. Ils parlaient de leur rassemblement, qui avait pour but de former une coalition contre la Tueuse, ainsi qu'ils surnommaient vraisemblablement Scathach. Ils prévoyaient d'attaquer son camp afin de les détruire tous jusqu'au dernier, elle aussi bien que ces hommes.

Elle inspira profondément, horrifiée. Ce qu'elle venait d'entendre la bouleversait. Certes, elle n'appréciait pas plus la guerrière que la réciproque n'était vraie, ni ses soldats qui la méprisaient tout autant qu'elle, cependant elle n'oubliait pas que Cuchulainn comptait parmi leur rang. Elle serait effondrée s'il venait à lui arriver malheur.

Sans un bruit, elle s'éloigna en courant aussi vite que le lui permettaient ses faibles jambes. Elle devait avertir l'armée de Scathach le plus rapidement possible, mais comment ? Celle-ci avait formulé suffisamment de menaces à son encontre pour être définitivement tentée de les mettre à exécution.

Si elle se rendait directement sur son territoire, la femme la tuerait certainement sans le moindre scrupule avant qu'elle n'ait le temps de s'exprimer, ou elle ordonnerait à ces hommes d'exécuter cette basse besogne à sa place. De surcroît, même si elle parvenait à communiquer avec eux, les chances qu'ils avaient de croire une sorcière comme elle étaient minces.

Elle devait trouver une idée. À défaut d'être brave et robuste, Morrigan était intelligente, voire rusée. Elle savait qu'elle pouvait se fier à la finesse de son esprit. Elle allait trouver un moyen de les mettre en garde, en particulier Cuchulainn.

***


- Où est Scathach ? interrogea le Héros après un frugal petit-déjeuner, constitué de viande de Lockpin.
- Partie avec Ferdiad dans la forêt. Elle n'a pas participé à une patrouille depuis un moment, alors elle a décidé de l'accompagner, d'autant que Noise ne se sentait pas suffisamment remis pour quitter le camp.

Cuchulainn acquiesça d'un hochement de tête. La blessure dont le guerrier avait été victime avait sérieusement endommagé son épaule et, malgré l'optimisme dont il s'efforçait de faire preuve au quotidien, il apparaissait clairement qu'il ne retrouverait jamais le même usage de son articulation qu'autrefois. Sa dextérité en souffrait et c'était à peine s'il parvenait encore à manier son épée. Au bout de quelques minutes d'exercice, celle-ci finissait toujours par lui échapper.

- Le pauvre... murmura-t-il dans un souffle. Cela doit être tellement difficile pour lui. Personnellement, je crois que je préférerais mourir au combat plutôt que ne jamais plus être en mesure de me battre.
- Moi aussi. Finir vaillamment sa vie sur le champ de bataille, c'est glorieux. Qui souhaiterait périr seul, oublié de tous ?
- Tu te trompes si tu fais référence à Noise. Personne ne l'oubliera. Pas moi, en tout cas, et je m'assurerai qu'il perdure dans les mémoires comme le valeureux soldat qu'il a toujours été. Ce tragique incident ne doit en rien altérer les exploits qui ont été les siens.

Cuchulainn se leva du siège sur lequel il était installé et marcha vers sa tente. Le soleil se levait à peine sur la région de Vestigion, enveloppant le camp d'une douce lumière jaune pâle. C'était un temps parfait pour s'entraîner. Il avait bien l'intention d'en profiter, raison pour laquelle il allait chercher son épée.

L'abri de toile était vide lorsqu'il pénétra à l'intérieur. Ses compagnons d'armes l'avaient déserté au même moment que lui, afin de sortir se repaître. L'endroit était beaucoup moins luxueux que celui où Scathach demeurait. Il n'y avait ni tenture, ni draperie, seulement des couches rudimentaires.

En s'approchant de la sienne, autour de laquelle étaient entreposées ses affaires, il remarqua un étrange papier soigneusement plié sur sa couverture rapiécée. Il l'ouvrit, intrigué, pour découvrir qu'il s'agissait d'un message de la guerrière, le priant de la retrouver dans la forêt le plus tôt possible.

Il jugea cette requête étrange, car elle n'avait pas pour habitude de demander à ses hommes de s'aventurer seuls dans le bois, pas même dans le but d'y rejoindre quelqu'un. Il était cependant devenu le Héros aux yeux de tous. Peut-être l'en croyait-elle capable.

Il s'interrogea également, se demandant à quel moment elle avait pu déposer ce billet sur son lit. Il ne l'avait pas vue depuis son réveil et, en apprenant qu'elle était partie avec Ferdiad, en avait conclu qu'ils avaient sans doute quitter le camp très tôt. Il haussa les épaules, en guise de réponse à lui-même, pour se convaincre qu'elle avait sans doute confié ce mot à un soldat̀, qui le lui avait apporté ici.

Cuchulainn s'arma de son épée, noua son fourreau autour de sa taille et décida de partir pour le point de rendez-vous. L'endroit où elle lui avait demandé de se rendre n'était pas très éloigné. S'il ne rencontrait pas une créature sauvage en chemin, il l'atteindrait en moins de vingt minutes.

Personne ne le vit quitter la rive pour s'enfoncer dans la forêt. Ce n'était pas plus mal ainsi. À présent que les autres soldats le considéraient presque comme une légende vivante, ce qui le mettait souvent mal à l'aise, ils insistaient pour l'accompagner dans chacune de ses quêtes. Cela provoquait généralement des discordes et des jalousies que Scathach elle-même peinait à calmer.

Ce fut sans encombre qu'il arriva sur place. Le lieu convenu par la guerrière était une petite clairière exiguë où quelques rayons de soleil parvenaient à toucher le sol, car le feuillage était moins dense à cet endroit que dans le reste du bois. Quelqu'un était déjà présent, cependant il ne s'agissait pas de sa maîtresse.

Une silhouette lui tournait le dos. Elle portait un capuchon dont la cape descendait jusqu'à ses pieds et dissimulait l'intégralité de son corps. Lorsqu'elle pivota afin de lui faire face, Cuchulainn put constater qu'il s'agissait d'une femme, bien que ses traits soient encore plongés dans l'ombre.

- Merci d'être venue, déclara la mystérieuse inconnue d'une voix douce.
- Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?

Le Héros avait grondé d'une voix menaçante, dans le but de l'intimider. Il tira sa lame et la brandit devant lui, prêt à s'en servir. Celle qui se tenait face à lui ne bougea pas d'un pouce. Elle ne paraissait même pas effrayée. Elle se contenta de porter ses mains au morceau de tissu qui recouvrait son crâne et de le faire basculer vers l'arrière.

Le visage qui se dévoila n'était pas étranger à Cuchulainn. Il avait déjà rencontré cette jeune femme quelques mois plus tôt, il s'en souvenait. Elle se nommait Morrigan et, même si elle lui avait paru inoffensive au premier abord, Scathach l'avait mis en garde contre ses facultés.

- Toi ? Que fais-tu ici ? interrogea-t-il avec dureté. Tu as été chassée.
- Cette forêt est ma maison. Le seul moyen de m'obliger à la quitter serait de me tuer.
- Scathach le fera sans hésiter si elle te revoit.

Cuchulainn savait que ce n'était pas vrai, puisque la guerrière elle-même lui avait affirmé ne jamais s'en prendre aux êtres humains. Il préférait néanmoins que son interlocutrice le croie. Il valait mieux pour elle de disparaître avant d'essuyer une nouvelle fois les ires mémorables de la meneuse d'hommes.

- Je suis venu te mettre en garde. Des pokémon se rassemblent. Ils préparent une attaque contre l'armée de la Tueuse, ton amie. Ils ont l'intention de vous anéantir tous jusqu'au dernier. Je les ai surpris en train d'en discuter.
- C'est donc vrai... Tu es une sorcière.
- Non ! protesta-t-elle. Je suis victime d'une malédiction depuis ma naissance. J'ignore pourquoi je suis capable de communiquer avec ces démons. Je sais seulement que je ne l'ai jamais désiré. C'est un fardeau qui me pèse énormément.
- Tu m'as attiré jusqu'ici en te faisant passer pour Scathach. C'était un mensonge. Comment veux-tu que je te fasse confiance ?
- Tu ne serais jamais venu si tu avais su qu'il s'agissait de moi, or je me devais de te mettre en garde face à cette coalition.
- Pourquoi te donner cette peine ? interrogea-t-il, les sourcils froncés.
- Parce que... Parce que tu as été bon avec moi, le jour où tu m'as rencontrée. Je ne l'ai pas oublié.

Cuchulainn l'observait avec suspicion. Même s'il l'avait jugée inoffensive au premier abord, il se méfiait d'elle depuis qu'il avait eu vent de son talent. Quelqu'un qui partageait un tel lien avec les pokémon ne pouvait mériter une foi aveugle.

- As-tu une preuve de ce que tu avances ? Sans cela, je ne puis te croire, affirma-t-il sans cesser de la menacer de son épée.
- Ils sont rassemblés dans la clairière aux rochers. Je peux t'y conduire, si tu le désires. Ainsi, tu pourras vérifier de tes propres yeux l'exactitude de mes propos.
- Je n'ai jamais entendu parler d'un tel lieu. Qu'est-ce qui me prouve qu'il ne s'agit pas là d'un piège que tu me tends ?
- Quelle raison me pousserait à faire cela ? Je n'ai aucun grief contre toi, bien au contraire. Tu ne mérites pas de souffrir pour ce que Scathach et ses hommes m'infligent.

Le Héros l'étudia soigneusement. Elle était aussi maigre que dans son souvenir, et aussi pâle, ce qui lui conférait une apparence maladive. Si jamais ses paroles s'avéraient être un leurre, il n'aurait aucun mal à maîtriser Morrigan, même si celle-ci pratiquait la sorcellerie, comme certains le prétendaient. Il avait vaincu suffisamment de pokémon pour ne pas la redouter.

- J'accepte de te suivre, finit-il par déclarer. Montre-moi. Laisse-moi cependant te mettre en garde : au moindre signe de trahison, tu le regretteras.
- Tu n'auras pas à souffrir d'un revers de ma part, je t'en fais la promesse. Viens.

D'un geste de la main, elle l'invita à lui emboîter le pas. Il s'exécuta, mais demeura toujours en léger retrait, à distance d'elle, tandis qu'ils se déplaçaient dans la forêt. Il n'était toujours pas convaincu de pouvoir se fier à cette singulière personne. Elle cachait peut-être, sous une allure chétive, de quoi inspirer la terreur.

Ils marchèrent durant un long moment. Elle l'emmena dans une partie du bois, ancienne et plus obscure encore que le reste, où Cuchulainn n'avait jamais pénétré. Sa main se crispa sur la garde de son épée, qu'il n'avait pas pris la peine de remettre dans son fourreau, par mesure de sécurité.

- Sommes-nous presque arrivés ? s'enquit-il alors que le chemin tendait à s'éterniser.
- Bientôt, nous...

Elle s'interrompit et s'immobilisa. Le Héros l'imita. Ils venaient de percevoir un bruissement infime, qui les avait placés en alerte. Ils n'étaient pas seuls, dans les environs. Quelqu'un ou quelque chose se mouvait entre les buissons touffus qui ornaient le sol. Cuchulainn souleva sa lame, prêt à s'en servir.

Une silhouette à la crinière rousse sortit de nulle part pour bondir sur Morrigan. Elle la projeta à terre et, presque immédiatement, se redressa pour plaquer l'extrémité acérée d'une épée au niveau de sa gorge. Le guerrier identifia Scathach, en même temps que Ferdiad les rejoignait au pas de course.

- Que fais-tu avec elle ? l'interrogea-t-elle sèchement.
- Elle a des informations à nous communiquer. Apparemment, une armée de pokémon s'est rassemblée dans un lieu que l'on nomme la clairière aux rochers.
- Elle te conduisait surtout à ta perte, pauvre fou ! Nul ne t'a donc jamais dit que cet endroit était maudit ? Personne, pas même moi, ne se risquerait à pénétrer à l'intérieur.

Cuchulainn ramena son attention sur Morrigan, dont la lèvre inférieure tremblait et les yeux ne quittaient pas la pointe de la lame, prête à lui trancher la carotide. Avec dureté, il la questionna :

- Est-ce vrai ?
- Non ! Enfin, ce lieu a mauvaise réputation, en effet, mais je te jure que...
- Silence ! gronda férocement Scathach. Mes menaces ne semblent plus suffire, désormais. Mon territoire grouille suffisamment de vermine ainsi, sans que tu aies besoin de le souiller davantage.

Elle lui asséna un coup de pied dans les côtes, qui arracha à la jeune femme un gémissement de douleur. L'épée de la guerrière vint ensuite se planter à quelques centimètres seulement de sa joue, tranchant une mèche de ses cheveux noirs au passage.

- Que faut-il que je fasse, désormais, à part te tuer ?
- Non ! bredouilla Morrigan, les yeux exorbités par la terreur. Non ! S'il vous plaît, non !

Elle se protégea le visage de ses mains et continua à hurler de panique pendant que Scathach empoignait à nouveau son arme. Cuchulainn l'observait. Il s'interrogeait, victime d'hésitation. Devait-il intervenir ou laisser sa maîtresse agir ? Avait-elle d'ailleurs vraiment l'intention de l'assassiner, elle qui avait toujours affirmé ne pas s'en prendre aux humains ?

Il n'eut pas le temps d'achever sa réflexion. Un rugissement féroce fut poussé, si puissant qu'il fit trembler la voûte de verdure qui s'étendait par-dessus leur tête. Le sol se mit à vibrer également. Le Héros et Ferdiad échangèrent un regard trahissant leur appréhension. Ils savaient déjà ce que cela signifiait.

Une fraction de seconde plus tard, un Roserade et un Carchacrok pénétrèrent dans leur champ de vision. Le dragon était à l'origine du cri, ainsi que des secousses, provoquées par le martèlement virulent de ses pas qui frappaient la terre. Immédiatement, les deux soldats dégainèrent leur arme respective, prêts à s'en servir.

Scathach asséna un second coup à Morrigan, qu'elle atteignit cette fois au niveau de la tempe, avant de se détourner d'elle. Elle se plaça entre ses deux disciples, les sourcils froncés, les lèvres pincées. Ils avaient tous deux rarement eu l'occasion de la voir au combat, mais ils savaient qu'à elle seule, elle valait au moins dix de ses hommes.

- Cette infâme sorcière t'a tendu un piège. Elle t'a conduit ici pour y lâcher sur toi ces créatures dont elle a le contrôle, Cuchulainn. Tes chances de te sortir vivant de cette situation auraient été minces. Tu mériterais que je t'abandonne à ton sort pour te punir de l'inconscience dont tu as fait preuve.
- Je ne mérite pas votre clémence, maîtresse, mais c'est avec la plus profonde gratitude que je la reçois.

Le jeune homme inclina légèrement la tête dans sa direction avant qu'elle ne donne l'assaut. Si les Carchacrok étaient l'une des espèces les plus dangereuses de la Forêt de Vestigion, les Roserade étaient également à craindre. Ils possédaient de nombreuses capacités permettant d'attaquer ses ennemis à distance.

- Occupez-vous de la plante, ordonna Scathach en s'élançant. Moi, je me charge du dragon.

Cuchulainn et Ferdiad chargèrent leur cible désignée, non sans avoir jeté à leur maîtresse un regard admiratif au préalable. Déjà, le pokémon tenta de les atteindre avec de longues lianes qui jaillirent de ses fleurs. Ils parvinrent à les esquiver en faisant chacun un bond latéral. Le Héros réussit même à trancher celle qui l'agressait avec sa lame.

Un liquide violâtre en gicla, auquel il échappa de justesse. Les Roserade étaient capables de produire une sorte de suc toxique, qui empoisonnait tout être ayant le malheur de rentrer en contact avec. Des antidotes existaient, mais ceux qu'ils possédaient se trouvaient au camp. S'il était contaminé, cela le handicaperait sérieusement pour le reste de la bataille.

Un nuage de feuilles iridescentes fondit vers lui. Cuchulainn se baissa pour les éviter, néanmoins elles changèrent brutalement d'orientation pour le toucher malgré sa tentative d'esquive, comme si elles étaient contrôlées à distance. Elles ne le blessèrent pas grièvement, cependant elles lui causèrent plusieurs entailles sur les bras et le torse, ainsi qu'une sur la joue, qui se mit aussitôt à saigner abondamment.

Le jeune homme ne se laissa pas déstabiliser et pourfendit l'Éco-Sphère qui se dirigeait vers lui. Ferdiad profita du fait que la créature soit plus concentrée sur son partenaire que sur lui. Alors qu'il était sur le point de transpercer son buste, celle-ci fit un pas de côté. Il ne lui trancha qu'un membre, mais cela suffit à mettre le Roserade hors de lui.

Aussitôt, des centaines de pétales rosâtres s'élevèrent autour de lui en tournoyant, l'attaquant sans cesse. Il était prisonnier de cette attaque végétale, de laquelle Cuchulainn ne pouvait le tirer sans risquer d'être blessé à son tour. Le seul moyen de lui porter secours était de détruire le pokémon.

Il voulut fondre sur lui, cependant il fut heurté de plein fouet dès sa première foulée par Scathach, que le Carchacrok venait de projeter. Sa cuirasse avait été lacérée par ses griffes puissantes et une tache de sang suintait au niveau de son ventre. Elle était blessée.

- Je vais bien, déclara-t-elle sèchement en voyant son regard s'attarder sur sa plaie. N'as-tu pas un objectif à remplir ?

Sur ces mots, elle repartit à l'assaut, une épée dans chaque main, et il décida de l'imiter, à ceci près que lui ne disposait que d'une seule lame. Scathach n'accordait pas à ses guerriers le privilège d'en posséder deux comme elle.

Le Roserade commençait à devenir prévisible. De nouveau, il tenta d'atteindre Cuchulainn avec ses lianes, qu'il esquiva sans peine. Il bondit par-dessus avec aisance et se propulsa dans les airs. Une seconde Éco-Sphère se dirigea vers lui, qu'il para avec aisance. Il était près du but, désormais.

La tornade végétale qui encerclait Ferdiad disparut au moment où il trancha la tête du pokémon. Elle roula sur le sol tandis que, par mesure de sécurité, le Héros poignardait également son buste. Sa lame se recouvrit rapidement de suc, mais par chance, le métal dans lequel elle avait été forgée était suffisamment résistant pour ne pas fondre à son contact.

Il l'essuya malgré cela sur lui et vérifia l'état de santé de son camarade. Il avait légèrement le tournis à cause des pétales qui avaient longuement virevolté autour de lui. En dehors de cela, ses blessures n'étaient pas plus graves que celles de Cuchulainn. Comme ils étaient encore apte au combat, ils décidèrent de prêter main forte à Scathach.

La guerrière avait beau être la meilleure d'entre tous, son adversaire lui résistait. Il avait brisé l'une de ses épées et la seconde peinait à transpercer sa cuirasse solide, propre aux différentes espèces de dragon.

À peine se furent-ils joint au combat qu'ils durent déjà esquivé une gerbe de flammes bleutées. Elle jaillissait de la gueule ouverte du pokémon et semblait particulièrement dévastatrice. Ferdiad profita d'un créneau qui s'offrait à lui et se baissa par-dessous le jet incandescent pour tenter d'approcher le monstre.

Comme il était concentré sur Scathach et Cuchulainn, il ne le remarqua qu'au dernier moment, mais tout de même assez tôt pour se défendre. Il leva sa patte, prêt à frapper. Le soldat voulut se reculer pour échapper à l'assaut, cependant il n'en eut pas le temps. La griffe du Carchacrok s'abattit sur sa gorge, qu'elle trancha.

- Non ! s'écrièrent les deux autres en choeur.

Scathach effectua un saut de mains latéral pour s'éloigner du souffle ardent et entreprit d'escalader un tronc d'arbre. Pendant ce temps, le Héros se faufila agilement jusqu'au pokémon, qu'il frappa entre les omoplates. Cela ne lui causa aucun dégât apparent, en dépit de son arme aiguisée. Il se contenta seulement d'interrompre son attaque.

La guerrière poussa un cri en se laissant tomber de la branche sur laquelle elle avait rampé pour asséner un violent coup de pied à la créature. Grâce à son élan, couplé à sa force naturelle, le choc parvint à le sonner. Cuchulainn en profita. Rassemblant toute son énergie, il força son épée à pénétrer à l'intérieur de son corps, jusqu'à ce qu'elle lui perfore le coeur.

Ils n'attendirent pas qu'il se soit effondré, mort, pour se précipiter auprès de Ferdiad. Sa carotide avait été touchée et il saignait abondamment. Scathach compressa sa plaie avec ses doigts pâles, qui ne tardèrent pas à devenir écarlates. Elle savait que son effort était vain. Cela n'accorderait à son disciple que quelques secondes supplémentaires.

- Ramenez-moi... Ramenez-moi à ma famille, s'il vous plaît, articula-t-il péniblement en crachant un flot de sang.

Lorsque les hommes du camp tombaient au combat, ils étaient généralement immolés ou leur dépouille était jetée à la mer. La plupart d'entre eux n'avaient pas de proches ou ceux-ci vivaient très loin. Ferdiad, néanmoins, était originaire de Vestigion. Scathach acquiesça d'un hochement de tête, puis caressa son front de sa main qui ne comprimait pas sa plaie.

- Je te le promets. Tu t'es battu courageusement. Va en paix, à présent.

D'ordinaire, elle ne faisait pas preuve de clémence à l'égard de ses disciples. Elle n'avait jamais caché qu'à ses yeux, la mort représentait une faiblesse, raison pour laquelle elle la méprisait et méprisait ceux qui en étaient victimes. En dépit de cela, toutefois, nul n'ignorait dans son campement que Ferdiad, à l'instar de Noise et de Cuchulainn, comptait parmi ses soldats favoris. C'était sans doute ce qui la poussait à se montrer aussi indulgente.

Elle lui ferma les yeux de ses doigts maculés de sang et le Héros s'agenouilla à côté de son compagnon d'armes afin de lui rendre un dernier hommage. Il posa sa main sur son épaule, qu'il pressa avec bienveillance, puis se redressa. Il avait le coeur lourd. C'était un guerrier valeureux et un homme d'honneur qui venait de s'éteindre sous ses yeux.

Un bruit dans leur dos leur rappela la présence de Morrigan, qui se remettait péniblement des coups de Scathach lui avait infligés. Avec le combat et la mort de Ferdiad, ils l'avaient totalement oublié. Immédiatement, ils se tournèrent vers elle. Elle s'efforçait de se redresser, encore un peu sonnée.

- C'est parce que tu as fait fi de mes mises en garde à l'encontre de cette sorcière que j'ai aujourd'hui perdu l'un de mes disciples, Cuchulainn.
- J'en ai conscience, maîtresse. C'est moi qui aurais dû périr au combat, pas lui.
- En récompense des nombreuses vies que tu as contribué à sauver, je t'accorde le pardon. Ne commets jamais plus d'erreur, cependant, car tu seras banni de manière irrévocable.
- Je vous en donne ma parole.
- Quant à toi... gronda férocement la guerrière. Être immonde ! Créature abjecte ! Tu as tenté de mener l'un de mes soldats à sa perte et, à cause de ton piège, un autre a été assassiné.
- Ce n'est pas moi ! protesta Morrigan en bredouillant. Je ne... Je n'ai pas voulu leur faire de mal. J'étais sincère. Je voulais vraiment vous mettre en garde, j'ai vu les pokémon dans la clairière aux rochers.
- Cela suffit ! Je ne veux plus entendre le moindre mot sortir de ta bouche, sorcière !

Scathach lui asséna un coup de pied dans le ventre, qui la fit basculer vers l'arrière alors qu'elle venait à peine de parvenir à se mettre à genoux. Elle retomba mollement dans l'herbe, la respiration coupée par le choc. Ses yeux noirs exprimaient une profonde terreur lorsqu'elle les posa sur Cuchulainn.

- S'il vous plaît... murmura-t-elle sur un ton apitoyant. Dites-lui... Dites-lui que vous me croyez. Je vous le jure, je ne vous ai pas menti. J'ai simplement...
- Si, tu m'as menti, gronda-t-il. Ne serait-ce que pour m'attirer dans la forêt, tu m'as leurré. J'ai été sot d'accorder la confiance à quelqu'un comme toi. Aujourd'hui, j'ai conduis l'un de mes frères à la mort, par ta faute. Tu ne mérites aucune indulgence, aucune excuse. Tu es effectivement le monstre que l'on m'a toujours décrit. À présent, je peux le voir de mes propres yeux.
- C'est faux ! Tout ceci n'est qu'un accident. Comment puis-je vous le démontrer ?
- Tu as lâché tes créatures sur nous. Tu étais prête à mener Cuchulainn dans un lieu maudit. Pour ces crimes, tu mérites la mort.

Scathach leva son épée et la planta dans l'épaule de Morrigan, qui poussa un hurlement déchirant, avant de la rouer de coups. Elle lui inspirait tant de haine et de dégoût qu'elle ne pouvait se contenter de la tuer. Elle éprouvait le besoin de la faire souffrir, ne serait-ce que pour Ferdiad.

Bientôt, elle se retrouva couverte d'ecchymoses et de blessures diverses. L'une de ses jambes s'était brisée sous les assauts frénétiques de la guerrière. Sa lèvre inférieure était en sang, à l'instar de son nez. Son oeil gauche était tuméfié. Elle poussa un gémissement de douleur extrêmement faible, car elle avait perdu toute son énergie, lorsque la lame la transperça, cette fois-ci au niveau de la cuisse.

- Maîtresse, intervint Cuchulainn alors qu'elle s'apprêtait à l'achever. Vous ne devriez pas.
- Tu oses ? tonna férocement Scathach. Ce qui vient de se produire ne t'a donc pas servi de leçon ?
- Si, bien sûr, mais regardez-la. Vous l'avez battue et blessée à mort. Elle ne survivra pas à la correction que vous venez de lui infliger. Ne rompez pas votre serment, celui que vous avez fait de ne jamais vous en prendre aux être humains. Le temps se chargera de terminer ce que vous avez commencé. Même si les pokémon l'épargneront, son corps finira par se vider entièrement de son fluide et elle périra. Ce n'est qu'une question d'heures. Abandonnez-la à son sort.
- Tu as raison. Comme quoi, lorsque tu t'en donnes la peine, tu sais faire preuve de discernement. Toi ! Je ne te ferai pas l'insigne honneur de te détruire de ma main. Tu n'en vaux pas la peine. Tu mourras ici, dans cet endroit où tu auras commis ta dernière bassesse.

Scathach s'accroupit pour prendre entre ses mains le visage de Morrigan, qui peinait à garder les yeux ouverts. Avec ses ongles, elle lui griffa le menton pendant qu'elle pestait rageusement :

- Tu as eu tort de te croire plus maligne que moi. Ce n'est pas toi qui me vaincras. Malgré tes abominables dons, tu n'as ni le charisme ni le courage nécessaires pour me défaire. Comme tous ces pokémon, tes précieux amis, qui s'y sont essayés avant toi, tu as échoué lamentablement, et tu as causé ta perte.

La guerrière, en se redressant, lui infligea un dernier coup de pied dans le flanc qui la fit rouler face contre terre. À bout de force, Morrigan ne trouva même pas l'énergie nécessaire pour s'épargner cette posture. Elle demeura ainsi, le visage plongé dans l'herbe et dans la boue, pendant que Cuchulainn et Scathach s'éloignaient ensemble en emportant le corps de Frediaid. Ils venaient de la livrer à son sort.

Elle se mit à sangloter doucement et ses larmes ruisselèrent le long de ses joues. Au terme d'une vie misérable, elle allait mourir. Était-ce donc cela, son destin ? Des années de souffrance, pour que cela ne la conduise nulle part ?

À plusieurs reprises, elle avait songé que, si la mort venait à la prendre, au moins cela la libérerait de sa faculté dont elle était plus la victime que la maîtresse. En cet instant, cependant, alors qu'elle était à la frontière de l'existence et du néant, cette consolation n'en était plus une. Elle ne voulait pas que son histoire s'achève ainsi.

Elle n'avait jamais rien fait pour mériter le sort qui avait été le sien, néanmoins elle l'avait toujours subi, convaincue que c'était un juste châtiment par rapport à ce qu'elle était. Elle en était désormais incertaine. Pourquoi accepter de n'être qu'une ombre, de se laisser traiter plus bas que terre ?

Elle était différente et elle en avait toujours eu honte. Honte de ne pas être comme les humains. Honte de ne pas être leurs semblables. Qui, toutefois, aurait voulu ressembler à ces êtres qui n'étaient que haine et cruauté ? Morrigan ne leur avait jamais causé le moindre mal, contrairement à eux tous, qui l'avaient injustement persécutée.

Ils l'avaient poussée dans la noirceur et dans les ténèbres, pensant que c'était à elles qu'elle appartenait. Ils avaient tort. Son âme avait toujours été bonne, seulement meurtrie. Ce jour-là, cependant, elle venait de voler en éclats. Scathach avait fini de détruire en elle tout ce qui ne l'était pas encore.

Quant à Cuchulainn... Elle s'était trompée sur son compte. Il ne valait pas mieux que sa maîtresse. Il avait refusé de la croire alors qu'elle avait simplement voulu l'aider. Il avait préféré se prosterner aux pieds de la guerrière au lieu de lui faire confiance. Dire que quelques mois plus tôt, il s'était montré tendre et attentionné envers elle. Il ne restait à présent plus rien de cet homme-là.

Le coeur lourd de rancoeur, Morrigan parvint à puiser dans sa colère l'énergie nécessaire pour relever la tête. Son visage était crasseux, couvert de terre humide, et des gouttelettes d'eau perlaient sur ses cils. Elle regarda devant elle avec rage et détermination. Dans un souffle, elle murmura :

- Vous allez payer, tous autant que vous êtes, pour ce que vous m'avez infligé. J'en fais le serment. Je me vengerai...
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