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Lecture du chapitre 5 | |
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Nom de l'œuvre : Le cri des Cornèbre [Mythe] | Nom du chapitre : Chapitre 4 : Ferdiad |
Écrit par Cyrlight | Chapitre publié le : 30/12/2015 à 01:14 |
Œuvre lue 7568 fois | Dernière édition le : 30/12/2015 à 01:14 |
Les Vestigionnais étaient venus nombreux pour assister aux obsèques de Ferdiad. Ils s'étaient regroupés dans le petit cimetière du village pendant que plusieurs hommes solidement bâtis se chargeaient de mettre le cercueil en terre. Au premier rang, une femme dissimulait ses larmes derrière un mouchoir, tout en tenant un garçon d'une douzaine d'années enlacé. Il s'agissait de la mère et du frère du défunt. - C'est la première fois que je vois un enterrement, déclara Scathach. Elle était assise sur le mur d'enceinte et observait la scène de loin, aux côtés de Cuchulainn. Ni l'un ni l'autre n'appréciaient réellement la foule, aussi se sentaient-ils plus à leur aise à distance. Ils auraient pu partir après avoir remis le corps à la famille, ainsi que Ferdiad en avait émis la volonté avant de trépasser, cependant ils avaient tenu à rester afin de lui rendre un ultime hommage. Le Héros ne faisait aucun commentaire sur ce traitement de faveur que la guerrière accordait à son défunt disciple. Au contraire, il en était heureux, d'une certaine manière. Il n'aurait pas apprécié que Scathach le traite avec la même indifférence que tous ses soldats tombés au champ d'honneur. Ferdiad était un être à part, il méritait cette distinction. Quelques-uns de ses proches, qu'il avait fréquentés à l'époque où il demeurait encore au village, tinrent à prononcer de brefs discours en sa mémoire. Cuchulainn songea un instant à aller louer une dernière fois la bravoure de son compagnon d'arme et témoigner de la fierté qu'il avait éprouvé en combattant à ses côtés, cependant il s'abstint. Il était un étranger pour les habitants et il redoutait que cela ne soit mal perçu. Scathach, pour sa part, était appréciée de tous. Les Vestigionnais la percevaient comme la femme qui n'avait pas peur de s'ériger face aux pokémon afin de garantir leur sécurité et de reconquérir leur territoire. Personne ne se serait offusqué si elle avait tenté de prendre la parole, néanmoins elle n'en fit rien. Lorsque les obsèques s'achevèrent et que la terre vint recouvrir le cercueil dans lequel reposerait à jamais Ferdiad, le soleil se couchait sur la région. Il teintait les pierres tombales, d'ordinaire grisâtres, d'une jolie teinte, pareille à un voile d'or. La nuit n'allait pas tarder à tomber, ce qui n'échappa pas à l'oeil avisé de la guerrière. - Il serait trop risqué de rentrer au camp ce soir, affirma-t-elle. Les pokémon ont une vision nocturne supérieure à la nôtre. Traverser la forêt quand elle est plongée dans les ténèbres équivaudrait à un suicide. Nous allons prendre des chambres à la taverne et nous nous mettrons en route à l'aube. Cuchulainn se soumit sans protester. Nul ne discutait jamais la volonté de Scathach et cela ne s'avérait de toute façon pas nécessaire, puisqu'elle avait toujours raison. Ils attendirent donc que la foule présente à l'enterrement se disperse avant de quitter le cimetière à leur tour. Aucun téméraire n'osait s'aventurer dans les rues dès lors qu'il faisait nuit. Ils redoutaient trop l'attaque surprise d'une créature sauvage pour se risquer à mettre le nez hors de l'abri que leur conférait leur maison. Ils ne croisèrent par conséquent que très peu de passants lorsqu'ils se rendirent à l'établissement mentionné par la guerrière. L'endroit était petit, mais au moins aussi accueillant que toutes les auberges dans lesquelles Cuchulainn avait dormi, à l'époque où il traversait Sinnoh pour rejoindre le campement de Scathach. Quelques voyageurs y logeaient déjà , néanmoins il restait assez de place pour qu'ils puissent y demeurer tous les deux le temps d'une nuit. Sur une idée de la guerrière, ils décidèrent de s'attarder un moment au rez-de-chaussée, où trois personnes étaient en train de dîner. Après s'être installé à une table, elle commanda deux chopes de bière au tavernier. Celui-ci mit moins d'une minute à leur apporter leur boisson. Il s'inclina au passage devant Scathach, dont il avait entendu vanter les exploits, à l'instar de tous les autres villageois. - À Ferdiad ! clama-t-elle en saisissant le récipient par son anse. - À Ferdiad ! répéta Cuchulainn, imitant son geste. C'était peu, mais il s'agissait d'un hommage qu'il tenait à rendre au défunt, en souvenir de l'affection qu'il portait aux bonnes victuailles. Il ne festoierait plus, désormais. À cette pensée, le coeur du Héros se serra. Les reproches de Scathach n'étaient pas immérités : s'il n'avait pas commis l'erreur de suivre Morrigan, son frère d'armes serait peut-être encore en vie. D'une traite, il but l'alcool et consentit ensuite à laisser la guerrière en réclamer de nouveau. Ce soir-là , exceptionnellement, il allait laisser l'ivresse embrumer son esprit. Cela l'aiderait à chasser ses sombres pensées et à atténuer la peine qui était la sienne. Puisqu'il n'aurait aucun combat à mener dans les heures à venir, il pouvait se le permettre. *** Cuchulainn ronflait bruyamment lorsque la porte de la chambre dans laquelle il s'était établi grinça en s'ouvrant. Il se réveilla en sursaut et se redressa. Grisé par la bière, il s'était couché directement après avoir rejoint l'étage, raison pour laquelle il portait encore ses habits sur lui. Il souffrait d'un mal de crâne abominable. Sa lucidité commençait à lui revenir progressivement, cependant il avait toujours des difficultés pour réfléchir et surtout pour se concentrer. Il lui fallut d'ailleurs quelques secondes afin de se remémorer le bruit qui l'avait tiré du sommeil. Il jeta un rapide regard en direction de l'encadrement reliant la pièce au palier. En dépit de la pénombre ambiante, il réussit à distinguer une crinière rousse et le teint de porcelaine d'une séduisante jeune femme. Elle portait un corsage moulant qui faisait saillir sa poitrine galbée et qui affinait sa taille déjà mince. Quant à ses cuissardes, elles épousaient ses longues jambes. Cuchulainn observa avec intérêt la divine apparition. Il ignorait s'il devait sa réaction à l'alcool contenu dans ses veines, mais il n'avait jamais trouvé Scathach plus sublime qu'en cet instant. Si elle n'avait pas fait un pas dans sa direction au même instant, il se serait certainement levé pour tituber jusqu'à elle. Lorsqu'il prononça son nom dans un souffle teinté d'envie, elle lui adressa un sourire appuyé, révélant ses canines pointues. De sa démarche gracieuse et altière, elle le rejoignit. Ce fut sans émettre la moindre parole qu'elle monta sur le lit et s'accroupit face à lui. Toujours dans le silence le plus complet, elle prit la main de Cuchulainn pour venir la poser sur son sein, à travers son vêtement. Il pouvait sentir les pulsations régulières de son coeur résonner dans sa paume. Cela ne le préoccupa guère longtemps, toutefois, car moins d'une seconde plus tard, elle se penchait sur lui pour l'embrasser avec avidité. *** Scathach, convaincue d'avoir entendu un bruit anormal, émergea brutalement de ses songes pour s'emparer par réflexe de son épée, qu'elle conservait toujours à portée de main. En l'occurrence, celle-ci était posée sur sa table de nuit jusqu'à ce qu'elle ne la saisisse afin de la pointer en direction de la porte de sa chambre. Elle était close, parfaitement normale, cependant la guerrière était certaine de ne pas avoir rêvé. Son instinct lui soufflait qu'il y avait un rôdeur à cet étage. Prudemment, elle alluma la bougie qu'elle avait abandonnée au moment de se coucher au pied de son lit et inspecta les environs. Il n'y avait personne. Le son provenait sûrement du couloir. En voulant sortir sur le seuil, elle se figea. Quelqu'un se tenait face à elle. Il s'agissait d'une jeune femme à la chevelure volcanique, dont quelques mèches éparses s'échappaient pour retomber devant ses yeux vert feuillage. Sa peau était claire, presque blafarde, son nez fin et ses lèvres écarlates. Si Scathach s'était trouvée devant un miroir, le reflet qu'il lui aurait renvoyé n'aurait pas été différent. Elle était absolument identique à celle qu'elle contemplait et qui lui rendait la pareille. Afin de ne pas éblouir les prunelles semblables aux siennes, elle abaissa sa chandelle. En dépit de la légère surprise qui l'avait d'abord frappée, lorsqu'elle s'exprima, ce fut avec un ton parfaitement mesuré : - Aifé, salua-t-elle. - Bonsoir, petite soeur. L'autre lui adressa un sourire démoniaque, auquel Scathach ne répondit pas. Elle n'avait pas vu sa jumelle depuis des années et n'était pas réellement enthousiaste à l'idée de la retrouver. Leur physique était leur unique point commun. Elles se distinguaient l'une de l'autre sur tout le reste et se haïssait farouchement. - Que fais-tu ici ? interrogea la guerrière. As-tu renoncé à ta croisade ou s'est-elle, comme je le pressentais, avérée infructueuse ? - Je me suis sentie nostalgique et j'ai éprouvé le besoin de revenir au berceau de notre existence. - Toi ? Nostalgique. Pardonne-moi de ne pas te croire. - J'ai eu l'occasion de rencontrer ton disciple, il y a quelques minutes. Tu les entraînes visiblement beaucoup mieux qu'autrefois. J'ai appris que tu avais subi une cuisante défaite, il y a deux ans. Est-ce vrai ? - Cela te donne au moins une raison de jubiler en songeant que ta cadette n'est pas aussi invincible qu'elle le prétend. - Scathach, n'es-tu pas lasse de cette guerre que nous nous menons sans cesse ? Ne crois-tu pas qu'il serait tant de tirer un trait sur nos anciennes querelles ? - Nos objectifs sont antagonistes, Aifé. Toute réconciliation entre nous est impossible. Faut-il te rappeler que, la dernière fois où nous nous sommes adressées la parole, cela s'est terminé par un sanglant combat au terme duquel seuls mes principes m'ont convaincu de t'épargner ? Ou dois-je en conclure que tu as renoncé à prendre le parti des pokémon ? - C'est là où tu te méprends totalement. Je ne suis pas de leur côté, pas plus que de celui des humains. Je pense seulement que les deux espèces sont capables de cohabiter. - Au cours du voyage que tu as réalisé dans Sinnoh, as-tu vu un endroit où nos deux espèces parvenaient à vivre en harmonie ? Un seul ? - Avec un peu de bonne volonté, cela doit être possible. Il suffit juste de... - Quelles que soient tes idées, elles ne m'intéressent pas, Aifé. Je vois que même après tout ce temps, ta folie n'a pas disparu. Tu tiens toujours autant qu'avant à faire régner la paix entre ces monstres et nous. - Et je constate que toi, tu n'as pas renoncé à ta soif de sang barbare. Tu continues à les massacrer par dizaine dans l'unique but de conquérir un territoire qui est le leur autant que le tien. - De le restituer aux Vestigionnais, car il leur revient de droit. - C'est faux ! répliqua Aifé en s'emportant. Notre seul droit est celui de le partager. Ni les pokémon ni nous ne pouvons prétendre plus que quiconque à la possession de ce lieu. Quand daigneras-tu t'en apercevoir ? - Et toi, chère soeur ? Quand daigneras-tu comprendre que le seul langage que ces créatures connaissent est celui d'une lame plantée en plein coeur ? Essaye de t'approcher de l'un d'eux pour fraterniser. Il te tuera avant même que tu n'aies eu l'occasion de le frôler. - Ils ont appris à avoir peur de nous, tout comme nous avons appris à avoir peur d'eux. Il est temps que cette situation change. - C'est donc pour cela que tu es revenue, Aifé ? Pour tenter de me ranger à ton opinion ? Ma réponse est la même qu'il y a cinq ans. Non. Et si jamais tu tentes encore de te dresser en travers de mon chemin, exactement comme tu l'as fait autrefois, je n'hésiterai pas à t'affronter à nouveau. Est-ce clair ? - Dans ce cas, commence à aiguiser tes lames. J'ai bien l'intention de te faire entendre raison tôt ou tard, même si pour cela, il faut que j'emploie la manière forte. Les guerres que tu mènes ne conduisent nulle part, si ce n'est à des effusions de sang. Je sais que c'est l'un de tes hommes que l'on enterrait aujourd'hui. Comptes-tu vraiment exterminer tous les pokémon jusqu'au dernier en n'hésitant pas à sacrifier tes soldats pour parvenir à tes fins ? - Oui, affirma catégoriquement Scathach. - Je t'en empêcherai. - J'ai hâte de voir cela, répliqua la guerrière avec un rictus. Aifé allait prononcer une dernière phrase, cependant la porte se referma sur elle. Sa jumelle venait de la claquer, si fort que cela avait provoqué un courant d'air qui avait soufflé la flamme de sa bougie. La chambre tout entière se retrouva plongée dans les ténèbres, tandis que Scathach regagnait son lit. Elle ne parvint pas à se rendormir. La visite inattendue de sa soeur l'avait contrariée. Depuis leur enfance, un sempiternel conflit les opposait l'une à l'autre, à cause de leurs idéaux antagonistes. Si la cadette s'était toujours avérée hostile aux pokémon, son aînée faisait preuve d'empathie à leur égard. Fraterniser avec ces créatures... Quelle hypothèse absurde ! Elle ne pourrait jamais comprendre pourquoi Aifé s'obstinait dans cette voie. À maintes reprises, elle avait tenté de lui démontrer qu'il s'agissait d'êtres hostiles et dangereux, cependant elle ne voulait rien entendre. À cause de leur détermination et de leur orgueil qui les enjoignaient de rester enracinées dans leur vision respective du monde, elles s'étaient déchirées. Du simple statut de jumelles, elles étaient passées à celui de soeurs ennemies. Elles désiraient toutes les deux prouver à l'autre qu'elles avaient raison, mais aucune d'elles n'y parvenait jamais. Scathach, le visage enfoui dans son oreiller, se mordit la lèvre. En dépit de sa bravoure naturelle, elle prenait les menaces d'Aifé très au sérieux. Si sa soeur avait vraiment l'intention de lui causer du tort, elle n'aurait pas de difficulté à réussir. Aussi maligne et forte qu'elle, il fallait être sotte pour ne pas le redouter. Son retour dans la région de Vestigion annonçait également celui des ennuis. Quel était son objectif, cependant ? Désirait-elle seulement s'ériger en défenseur de la cause pokémon ou avait-elle d'autres projets en tête ? Scathach n'avait aucun moyen de le savoir. Elle ne découvrirait les plans de son aînée que lorsque celle-ci aurait décidé de les dévoiler. Pour l'instant, tout ce qu'elle pouvait faite, c'était rester sur ses gardes. *** Morrigan gémit faiblement, alors qu'un Gallame la soulevait précautionneusement entre ses pattes. Comme il était robuste et elle légère, il n'eut aucun mal à se mouvoir avec son fardeau. Elle ferma les paupières tandis qu'il la déplaçait. Il venait de la trouver à l'endroit exact où Scathach l'avait abandonnée pour qu'elle y meure. Bien qu'elle ne vit pas les lieux qu'elle traversait, elle sentit qu'ils parcouraient de nombreux mètres. Elle le laissa faire. Elle était trop faible pour songer à bouger, d'autant que l'ensemble de son corps la faisait souffrir le martyr. La rouée que la guerrière lui avait infligé avait laissé des séquelles dans chacun de ses muscles. Au bout d'un long moment, le pokémon qui la transportait ralentit son allure et l'étendit sur le sol. L'herbe était fraîche sous elle. De là où elle était, elle pouvait apercevoir le ciel, ainsi que les étoiles. L'avait-il conduite hors de la forêt ? Cette absence de feuillage au-dessus de sa tête l'incitait à penser que oui. En réalité, elle se trouvait simplement dans une zone dégagée, où coulait une rivière, d'après le clapotis qu'elle parvenait à entendre. Elle tenta de se redresser afin d'observer les environs, mais ses courbatures l'en dissuadèrent. Comprenant qu'elle ne réussirait pas à se mouvoir seule, le Gallame la rapprocha de l'eau, jusqu'à ce qu'elle puisse y tremper le bout de ses doigts. Presque aussitôt, quelque chose vint frôler sa peau. Elle tressaillit, craintive. Il s'agissait certainement d'un pokémon et, même s'ils ne lui avaient jamais fait de mal de façon directe, elle continuait à les redouter. Au prix d'un douloureux effort, elle tourna la tête sur le côté, de façon à pouvoir observer un Ecayon. Un croassement sinistre résonna au-dessus d'elle au même instant. Trois Cornèbre planaient en l'observant. Elle se mordit la lèvre. Ces créatures attendaient-elles de la voir périr avant de se repaître de ses chairs ? Elle connaissait leur appétit carnassier et l'idée que son corps leur serve de festin la répugnait. Elle se réconfortait en songeant qu'elle ne serait pas là pour voir ce qu'il adviendrait de sa dépouille, lorsqu'elle n'aurait plus la force de lutter pour se maintenir en vie. Était-ce pour cette raison que le Gallame l'avait conduite ici ? Afin que les oiseaux de mort puissent se sustenter le moment venu ? Elle poussa un petit gémissement. Perdue dans ses funestes pensées, elle avait cessé d'observer l'Ecayon, or elle venait de sentir quelque chose de froid contre son bras. En risquant un nouveau coup d'oeil, elle constata qu'un filet d'eau était en train d'entourer son membre, de son poignet jusqu'à son coude. Au passage du liquide, les contusions disparaissaient, les hématomes se résorbaient. - Qu'est-ce que... bredouilla-t-elle. Le poisson était en train de la guérir grâce à ses pouvoirs. Exactement comme le Charmina l'avait soignée le jour où elle avait rencontré Cuchulainn pour la première fois dans la forêt, il pouvait réparer ses blessures. - Je... Merci. Elle était toujours faible, cependant elle souffrait beaucoup moins. Elle ignorait de quel talent le pokémon avait usé, toujours était-il qu'il se révélait véritablement efficace. Avec l'aide du Gallame, elle réussit à s'asseoir en tailleur sur le sol, où elle se mit à grelotter. Ce fut alors que les Cornèbres fondirent sur elle. Par réflexe, elle ferma les yeux. Elle savait que leur bec pointu n'aurait aucune difficulté à les lui crever. Les créatures ailées, toutefois, ne l'attaquèrent pas. Elles se contentèrent de déposer sur ses épaules une longue cape noire, entièrement constituée de plumes, afin qu'elle n'ait pas froid. - Pourquoi faites-vous tout cela pour moi ? interrogea-t-elle, désemparée par tant de générosité. - Parce que tu es différente des autres humains. Tu es capable de nous comprendre. Tu n'es pas un monstre barbare assoiffé de sang, contrairement à eux. Aux yeux de toute la forêt, tu es une déesse, Morrigan. - Moi ? Je vous ai toujours fui. J'ai toujours eu peur de vous. De... moi-même. - Peut-être, mais tu ne nous a jamais fait de mal non plus. Tu es la seule dans ce cas. - Quand j'étais petite, l'un des vôtres a massacré mes parents sous mes yeux, ce que je n'ai jamais pu pardonner à votre espèce. Pourquoi ? - L'instinct de survie. Les humains nous persécutent depuis l'aube des temps. Nous devons tuer ou être tué, autrement dit nous n'avons pas le choix. La jeune femme ne répondit pas au Gallame, avec lequel elle communiquait. Elle préféra réfléchir aux informations qu'il venait de lui transmettre. Jamais elle n'avait vu la situation sous cet angle. Elle avait toujours cru que les humains étaient victimes des pokémon et non l'inverse, car les créatures étaient bien plus fortes qu'eux. Cette révélation ne suffisait néanmoins pas à effacer le traumatisme et la rancoeur que lui avait infligé le violent trépas de ses parents. La créature blanche et verte dut s'apercevoir de sa défiance dont elle ne se départait pas, car il reprit la conversation d'un timbre encore plus doux : - Ce territoire nous appartenait autrefois dans son intégralité. Depuis que les Hommes y ont mis les pieds, ils n'ont eu de cesse de tenter de nous en chasser. C'est d'autant pire depuis que la Tueuse nous a envahis avec ses soldats. Elle n'arrêtera pas de nous combattre tant qu'elle n'aura pas pris possession de ces lieux, en nous tuant tous jusqu'au dernier pour y parvenir. Morrigan observa le bipède qui s'adressait à elle. Elle prit appui sur lui et se mit debout. Dressée sur ses pieds, elle le dépassait de quelques centimètres, ce qui ne le rendait pas moins menaçant pour autant. Sa crainte ne l'abandonnait pas, pourtant son instinct commençait à lui souffler qu'elle n'avait pas de raison d'être. Si son esprit lui intimait de demeurer sur ses gardes car elle était cernée par des pokémon sauvages, son subconscient, pour sa part, lui affirmait qu'elle n'avait jamais été autant en sécurité qu'en cet instant. Elle choisit de conserver une certaine prudence, tout en s'efforçant de mettre ses réserves de côté. Elle avait désormais une ennemie commune avec les créatures qui l'entouraient, aussi la discussion valait la peine d'être poursuivie. - Scathach... La Tueuse... C'est elle qui m'a infligée ces blessures dont vous venez de me guérir. Je suis comme vous, persécutée par l'espèce humaine pour ce que je suis, et d'autant plus par celle qui se considère comme la maîtresse de ces bois. Elle a tenté de me bannir de cette terre, moi aussi, exactement comme elle l'a fait pour vous. Si aucun de nous n'a le droite d'y être, pourquoi l'aurait-elle davantage ? - Elle ne l'a pas. C'est pour cette raison que les nôtres ont prévu de la combattre. Nous préférons mourir avec honneur, en l'affrontant, plutôt que de la laisser nous décimer un à un dans la honte. Quitte à périr, nous le ferons dans la dignité, dressés devant elle pour faire obstacle à son illégitime conquête. Morrigan ne releva pas immédiatement. Elle s'accorda une longue réflexion. Elle n'avait pas oublié les paroles qu'elle avait murmurées dans la forêt quand Scathach et Cuchulainn l'avaient injustement laissée choir. Même si elle ne se sentait pas parfaitement à son aise auprès des pokémon, elle découvrait un désir de vengeance nouveau, qu'elle partageait avec eux. Elle était déterminée à obtenir réparation des torts qui lui avaient été infligées, quitte à s'allier à ces créatures pour y parvenir. - Je serai avec vous, affirma-t-elle, catégorique, au bout d'un long moment. Toutes ces années de souffrance et de sempiternel rejet de la part des humains se muaient désormais en une haine farouche. Elle ne voulait plus se soumettre et encore moins subir. Elle souhaitait se libérer de ses chaînes avec lesquelles elle s'était elle-même entravée. Elle avait longtemps cru qu'à cause de sa nature, elle n'avait pas le droit de lever la tête. Pour la première fois, elle allait le faire. Elle s'était trompée depuis le début. Elle avait cru qu'en fuyant les pokémon et en niant ce qu'elle était réellement, elle serait acceptée par son espèce, mais elle avait tort. Tort de penser que les hommes étaient ses pairs. Si elle avait une chance de trouver son salut, c'était aux côtés de ceux qui étaient considérés aux yeux de tous comme des monstres. Comme... elle. Pour arriver à ses fins, elle avait besoin que les créatures l'acceptent au sein de leur communauté, ce qui était moins sûr. Aucun d'entre eux n'avait réagi suite aux propos qu'elle venait de tenir, alors qu'ils auraient pourtant dû avoir un quelconque impact. Percevaient-ils le dégoût qu'elle avait longtemps éprouvé à leur égard et qu'elle ne pouvait effacer aussi aisément ? Elle insista : - Si vous m'accueillez parmi vous, je peux vous jurer que je marcherai avec vous jusqu'au camp de la Tueuse. - Nous te considérons déjà comme l'une des nôtres, Morrigan, et nous serions comblés de t'avoir à nos côtés. - Alors ensemble, nous l'affronterons, elle et son armée. Nous nous libérerons du joug de son oppression et nous la vaincrons, car notre combat est plus juste que le sien. C'est celui de notre indépendance. Tandis qu'elle conversait avec le Gallame, d'autres pokémon les avaient rejoints au bord de la rivière. Il y avait désormais un Rhinastoc, un Charmina, un Nostenfer, une Lockpin et deux Roserade. En choeur, ils acclamèrent les paroles qu'elle venait de prononcer, avant de s'incliner devant elle. - Non... murmura-t-elle, soudain très gênée. Pas de cela. - Tu es notre reine, Morrigan. Notre déesse. Tu es celle qui comprend. Par conséquent, tu mérites ces honneurs qui te sont faits. Les Cornèbre se rassemblèrent à ses pieds, où ils agitèrent bruyamment leurs ailes. L'un d'entre eux tenait un objet étincelant dans son bec. Il s'approcha d'elle en sautillant sur ses serres afin de le lui remettre. Elle le prit avec précaution, pour découvrir qu'il s'agissait d'une couronne argentée. - Je... - Accepte ce présent et deviens notre guide. Tu es la lumière qui manquait à notre armée pour avoir le courage et la force nécessaire face à la Tueuse. Grâce à toi, désormais, nous atteindrons la victoire. Morrigan hésitait. Elle avait besoin d'eux pour obtenir sa revanche sur Scathach, cependant elle ne s'était pas attendue à ce qu'ils exigent d'elle de devenir leur souveraine. Était-elle prête à se lier de façon inextricable avec les pokémon ? Elle les avait longtemps détestés, mais toujours moins qu'elle haïssait désormais la guerrière. Si elle exceptait son traumatisme d'enfance, lié à l'assassinat barbare de ses parents, ils ne leur avaient jamais véritablement fait de mal. Était-ce une raison suffisante pour leur accorder sa personne, ne faire plus qu'un avec eux ? Si elle refusait, elle devrait certainement renoncer à sa vendetta. Si elle acceptait, elle serait à jamais l'une des leurs, ce qu'elle avait toujours tenté de réfuter jusqu'alors. - Qu'importe ce que l'avenir nous réserve, nous te suivrons. Le Gallame insistait. Cela comptait visiblement beaucoup pour eux de pouvoir la considérer comme leur reine. Elle ferma les paupières afin de se concentrer davantage sur ses réflexions. Elle avait essayé d'être acceptée par les humains pendant des années, en vain, alors que les pokémon étaient prêts à le faire sans hésiter. Que risquait-elle à tenter sa chance avec eux ? Rien, car elle n'avait rien à perdre. - D'accord. Je vous remercie pour la confiance que vous m'accordez et je reçois avec la plus grande dignité cette couronne que vous m'offrez. Ensemble, nous affronterons Scathach. Ensemble, nous gagnerons, ou nous échouerons si le sort en décide ainsi. Toujours est-il que nous sommes désormais unis par non seulement une même vengeance, mais également un même destin. Le Cornèbre battit des ailes jusqu'à son épaule et se lova contre sa joue. Elle tressaillit légèrement à son contact, mais parvint à ne pas afficher une expression révulsée. En dépit de l'allégeance qu'elle venait de leur accorder, il allait lui falloir encore un peu de temps avant que la crainte et l'antipathie qu'elle éprouvait à l'égard de leur espèce ne se dissipent totalement. Les deux autres oiseaux vinrent se blottirent contre ses jambes, afin de lui témoigner leur affection. Elle s'efforça de conserver son calme et de demeurer stoïque. Elle s'étonna elle-même en réussissant. Contrairement à ses compagnons qui demeurèrent muets, celui qui était perché sur son omoplate s'exprima : - Nous ne vous quitterons plus, majesté. Nous serons votre garde rapprochée. Morrigan hésita un peu avant d'incliner la tête dans sa direction, et il l'imita sitôt qu'elle l'eut fait. Elle observa ensuite les autres pokémon ressemblés autour d'eux. Ils étaient tous liés par un pacte, désormais, et sa présence parmi eux semblait leur insuffler une bravoure nouvelle. Elle espérait que cela suffirait pour vaincre Scathach. Elle s'était alliée aux habitants de la forêt dans le but de lui faire payer ses actes et aucun d'eux ne renoncerait tant qu'ils ne seraient pas tombés ou qu'ils n'auraient pas atteint leur objectif, y compris elle-même car, après tout, elle était l'une des leurs, à présent. |
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