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Lecture du chapitre 4 | |
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Nom de l'œuvre : Le sang de la jetée | Nom du chapitre : Les sanglots des embruns |
Écrit par Cyrlight | Chapitre publié le : 20/8/2018 à 21:23 |
Œuvre lue 2397 fois | Dernière édition le : 20/8/2018 à 21:23 |
- Tu veux dire que ça y est ? Ça y est vraiment ? Mo ouvrit des yeux ronds pendant que Candice se mettait à trépigner sous la table. Alise acquiesça d'un hochement de tête, ce qui suffit à leur arracher un sourire de triomphe. Oui, enfin, tout était prêt. - Et où est la merveille ? - Encore dans mon bureau. Je n'allais pas l'emmener ici, quand même. Elle n'en sortira plus avant que l'heure soit venue de présenter la loi au Parlement. J'ai mis trop de temps à rédiger le projet, le relire, le réécrire et le corriger. Ses deux amis se mirent à pousser des cris de joie et Alise s'efforça de partager leur allégresse, mais elle n'y parvenait pas. En réalité, contrairement à eux qui avait su la duper, elle peinait à cacher qu'elle était au courant au sujet de leur relation, or elle ne voulait pas leur en parler pour autant. Elle les avait appelés un peu plus tôt dans l'après-midi afin de leur proposer un rendez-vous au Café Nacré, où ils s'étaient tous réunis pour qu'elle leur annonce la grande nouvelle : son projet de loi était enfin achevé et allait pouvoir être présenté. - Je ne suis pas mécontente de savoir que nous voyons peut-être cet immonde Starossier dans les quais pour la dernière fois. Candice tourna la tête en direction de la baie vitrée. Le bateau avait mouillé dans la baie la veille, emmenant avec lui une nouvelle cargaison de ses victimes. De là où ils se trouvaient, ils ne pouvaient pas le distinguer, mais ils savaient que son ombre plongeait le port de Salencre dans les ténèbres et le sang. - Ucello va enfin retrouver la paix, affirma Alise en tapotant le renflement que la pokéball formait dans sa poche. Et moi aussi. - C'est vrai ! surenchérit Mo. Avec toutes ces nuits blanches que tu as passé à travailler, tu as bien mérité de dormir un peu et de te reposer. Quand la motion aura été adoptée, tu pourras partir un peu en vacances. - Quand même pas, non. Je te rappelle que même si c'était l'objectif principal de mon mandat, je serai encore députée après ça. Je dois continuer à jouer mon rôle jusqu'aux prochaines élections. - Qui sait ? Tu seras peut-être réélue, déclara Candice avec positivisme. Les gens ne t'appréciaient pas trop au début à cause de ton profil d'écologiste extrémiste, mais grâce à l'ardeur que nous avons mise dans ta campagne anti-Starossier, ils ont commencé à te voir autrement. - Je doute que ça suffise à les convaincre de voter pour moi. - Pourquoi ? Tu fais bien ton travail, non ? - Je suis censée défendre les intérêts de Salencre, je te rappelle, or pour beaucoup, je suis en train de ruiner l'économie du port. - Mais tu sauves les pokémon de la baie. - Je ne suis pas sûre que ce soit d'un grand réconfort pour les gens qui peinent à achever leur fin de mois avec leur salaire. Alise prit une brioche dans la petite corbeille qu'elle avait commandée à la serveuse. Elle était tiède et une délicate odeur de vanille s'en échappait. Elle la mordit doucement en savourant son arôme naturel. - Je suis d'accord avec toi, confessa Mo. Mon non plus, je ne crois pas trop à une éventuelle réélection. Pour être honnête, je me suis même toujours demandé comment tu avais fait pour être nommée député une fois. L'intéressée avala de travers la bouchée qu'elle était en train de mâcher et s'étouffa à demi. Elle se mit à tousser bruyamment, aussi Candice lui donna-t-elle plusieurs grandes tapes dans le dos. Elle lui servit ensuite un grand verre d'eau, qu'Alise but pratiquement d'une seule traite. - Ne te mets pas dans des états pareils, plaisanta son ami avec un clin d'œil. Je ne sous-entends pas que tu as triché, loin de là ! Comment t'y serais-tu prise, d'ailleurs ? Pour toute réponse, elle esquissa un sourire forcé. Elle avait trop mal à la gorge pour s'exprimer dans l'immédiat et, lorsqu'elle le fit, sa voix avait pris un timbre rocailleux suite à sa quinte de toux : - Oui, c'est vrai. Comment aurais-je fait ? - Tu as toujours le mot pour rire, toi ! s'exclama Candice en frappant amicalement l'épaule de Mo. Alise est beaucoup trop honnête pour user de procédés aussi fourbes. D'ailleurs, si elle était capable de ça, elle ne se serait pas battue bec et ongles pendant des mois pour faire passer sa loi. - Ne crions pas victoire trop vite, interrompit-elle précipitamment. Elle n'a pas encore été acceptée. Pour ça, il faut encore attendre une ou deux semaines, étant donné que je n'ai pas encore choisi la date de la présentation. - Dans tous les cas, nous nous retrouverons ici à ta sortie du Parlement. Que ce soit pour fêter ta réussite ou t'apporter notre soutien dans la défaite. Candice plaça sa main sur celle d'Alise et Mo l'imita. Ils échangèrent un sourire tous ensemble, chaleureux pour les deux autres, mais toujours crispé en ce qui concernait la politicienne. *** - Te rends-tu compte que c'est peut-être la dernière fois que nous voyons le Starossier dans le port ? D'ici quelques jours, c'en sera fini du cargo de la mort. Ucello, assis sur l'épaule d'Alise, frotta l'une de ses branches rugueuses contre sa joue. Elle le sentait de moins en moins tendu, comme s'il prenait confiance en l'avenir. Depuis qu'il était avec elle, il n'avait pas encore émis la volonté d'évoluer. Cela l'avait inquiétée au début mais, après avoir consulté un psychologue pokémon, elle en avait déduit que le traumatisme de la mort de ses parents l'empêchait sans doute de grandir. Elle espérait que la fin de la traite des staross lui permettrait enfin d'en devenir un lui-même. Les mains dans les poches de son blazer, elle remonta la route qui longeait la plage. Elle avait abandonné Candice et Mo devant le Café Nacré afin de rentrer au plus vite. Maintenant qu'elle savait la vérité, être avec eux la mettait mal à l'aise. Elle ne leur en voulait pas, ni à l'un, ni à l'autre, mais cela lui pinçait le cœur de les voir si heureux quand elle était seule. Le soleil amorçait sa courbe vers l'horizon. Au fur et à mesure que l'automne se rapprochait, il se couchait de plus en plus tôt. Bientôt, la nuit tomberait sur Salencre, mais Alise savait toujours qu'après revenait le jour, et ce serait pour elle un véritable renouveau. Elle se sentait sereine de se dire qu'elle allait mener sa croisade à terme. Alors qu'elle pénétrait dans le quartier dans lequel elle vivait, la première chose qui interpela son regard fut la longue voiture noire aux vitres teintées qui était garée au bas de son immeuble. Elle fronça les sourcils à sa vue : elle savait très bien à qui ce genre d'automobile aussi ostentatoire appartenait. Par réflexe, elle rappela Ucello dans sa pokéball. En la voyant, un homme en costume, le visage dissimulé derrière des lunettes de soleil, descendit de la place du conducteur pour venir à sa rencontre. Il la salua brièvement d'un signe de tête, puis déclara d'une voix morne, presque mécanisée : - Mademoiselle Alise Degret ? J'ai ordre de vous faire monter dans cette voiture. Veuillez me suivre, s'il vous plait. - Où comptez-vous m'emmener ? - C'est un ordre du Boss, mademoiselle. Tâchez de l'exécuter. Alise lui jeta un regard blasé tandis qu'il lui ouvrait la portière arrière, mais consentit tout de même à venir s'asseoir sur la banquette. Elle espérait que personne ne l'avait aperçue. La Main Noire était très controversée à Souka, à l'instar du Starossier, mais nul ne se permettait de s'y opposer. Le chauffeur démarra en douceur et prit la route principale de Salencre, celle qui reliait la ville à la capitale. Il ne lui en fallut pas davantage pour deviner où elle se rendait : le quartier général de la mafia se trouvait à Milicent. Elle savait qu'on l'emmenait là -bas. Le trajet nécessita une grosse demi-heure, essentiellement due au non-respect des limitations de vitesse, sans quoi il aurait sûrement été bien plus long. Alise esquissa un sourire en passant devant le siège du Parlement où elle présenterait sa loi d'ici quelques jours, mais se renfrogna lorsque le véhicule s'immobilisa face au siège de la Main Noire. En apparence, il ne s'agissait que d'un casino des plus anodins, mais personne à Souka n'ignorait qu'il était le repère de ces sinistres individus. C'était un secret de polichinelle : leur existence et leurs actes étaient connus de tous. - Descendez, ordonna le chauffeur après lui avoir de nouveau ouvert. Alise posa un pied sur l'asphalte, puis un second. L'homme s'écarta pour lui laisser davantage de place et elle se redressa avec élégance. Elle restait parfaitement calme, presque aussi stoïque que lui. Elle n'était pas inquiète sur ce qui pouvait l'attendre au QG de la Main Noire. En effet, bien que l'organisation ait de nombreux défauts, ses membres n'étaient pas des criminels, ou du moins pas des assassins. Ils ne tuaient personne et n'employaient que très rarement la violence. En revanche, ils avaient d'autres méthodes de persuasion très efficaces. Bon nombre de commerces fermaient après avoir fait faillite, des scandales éclataient dans les familles qui refusaient de coopérer... Tout ceci était signé de la main de la mafia. - Présentez-vous à l'accueil, vous y recevrez de nouvelles instructions. Mes hommages, mademoiselle Degret. Le chauffeur s'inclina avec respect devant elle et elle répondit à ses salutations par un bref mouvement de la tête. Elle tourna ensuite les talons pour se diriger vers l'entrée ostentatoire du casino, rehaussée de spots lumineux puissants qui brillaient même en plein jour, au grand dam des écologistes dont elle faisait partie. Les portes coulissantes s'ouvrirent sur son passage et elle pénétra à l'intérieur. L'endroit était bruyant. Alise n'aimait guère cette abondance de luxure, mais elle ignora son ressenti pour s'avancer vers le guichet où une femme distribuait des jetons à de riches clients. Un homme avec un attaché-case s'éloigna du comptoir, par-dessus lequel elle put se pencher à son tour. - Ah, mademoiselle Degret ! lança l'employée en l'identifiant immédiatement. Le Boss veut vous voir immédiatement. Je vous demanderai de bien vouloir vous rendre dans son bureau. La femme fouilla un instant son bureau encombré, puis tendit à Alise une carte magnétique suspendue à une lanière en tissu qui permettait de la passer autour du cou. La politicienne s'en empara. - Pour rejoindre la partie privée du casino, vous passez devant les tables de blackjack et ce sera la porte tout au fond, à la droite de la roulette. C'est étrange de vous expliquer cela à vous. J'ai un peu du mal à croire que vous ne soyez jamais venue ici. - C'est vrai... Bonne journée, Margot. Elles échangèrent un sourire, puis Alise suivit le chemin que l'hôtesse venait de lui indiquer. De temps en temps, un client la reconnaissait sûrement et jetait un regard dans sa direction, puis se reconcentrait sur les machines à sous accolées au mur. Elle ne fut pas mécontente de quitter cette salle bondée dans laquelle régnaient une chaleur étouffante et des effluves entêtants de parfums mélangés. Après avoir ouvert la porte métallique avec son passe, en dépit de l'étiquette qui indiquait "PRIVE"', elle se retrouva dans un long couloir obscur. La lumière s'alluma automatiquement sur son passage. Elle ignorait où était situé le bureau du Boss, Margot n'avait pas été aussi précise dans ses explications, sans doute par peur qu'un individu lambda ne surprenne ses paroles. Elle déambula donc plusieurs minutes dans les corridors, jusqu'à localiser l'endroit qu'elle recherchait. Personne ne connaissait le visage du chef de la Main Noire. Il ne se montrait jamais en public, préférant envoyer ses sous-fifres ou ses hommes de confiance sur le terrain. Son identité était un mystère pour tout le monde. Nul ne savait qui tirait en secret les ficelles de Souka. - Entrez, invita une voix profonde après qu'Alise ait toqué à la porte. Elle poussa le battant et se retrouva à l'intérieur d'une piécette raffinée au mobilier ancien. Un homme lui tournait le dos, les mains jointes au niveau de ses reins. Il portait un costume de marque à la coupe impeccable et ses cheveux aussi noirs que l'ébène étaient coiffés vers l'arrière. L'individu se tourna vers elle, le regard aussi froid et dur que le sien. Il était plutôt bel homme, le teint buriné, les tempes grisonnantes et la moustache fine. Son maintien était élégant, à l'instar de ses manières. Il la jaugea un instant, puis sourit. - Ça faisait longtemps, Alise. - En effet. Bonjour, papa. Monsieur Degret vint s'asseoir derrière son bureau et il l'invita d'un geste à prendre place également. Il lui proposa un café, qu'elle accepta volontiers avant que le silence ne s'installe entre eux. - J'imagine que tu n'as pas couru le risque de me faire venir jusqu'ici uniquement dans le but d'avoir de mes nouvelles, n'est-ce pas ? s'enquit-elle, le visage grave. - Non, c'est exact. Je devais m'entretenir avec toi d'un sujet qui ne pouvait plus attendre. - De quoi s'agit-il ? - Ça me navre de te l'annoncer, mais en ce moment, tu me causes beaucoup de désagréments, Alise. - Des... désagréments ? répéta l'intéressée en tiquant sur le mot. De quoi as-tu à te plaindre ? Il me semble que je me suis montrée plus qu'à la hauteur de tes espérances dans l'affaire du Centre Commercial. Sans moi, tu n'aurais pas pu acheter les parts de Borchoff pour une bouchée de pain. C'est en mettant le nez dans les dossiers que j'ai réussi à découvrir que le bâtiment n'était pas aux normes sécuritaires et écologiques. - C'est vrai et je t'ai d'ailleurs grassement récompensée pour ce service. En revanche, il n'était pas prévu que l'argent que je gagne d'un côté grâce à toi, tu me le fasses perdre d'un autre. - Comment ça ? J'ai toujours accepté de te rendre service dans la mesure du possible afin que tes affaires prospèrent. - Oui, mais aujourd'hui, il semblerait que tu sois déterminée à t'opposer à moi. Alise fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas où son père voulait en venir. Elle faisait preuve de d'une loyauté constante à son égard, même si elle le voyait peu souvent à cause de ses occupations réprimandables, aussi ne saisissait-elle pas ce qu'il avait à lui reprocher. - La loi que tu as enjoint les autres députés à accepter, sur les taxes portuaires concernant les pierres précieuses, a fait chuter mon business et mes bénéfices ont diminué de soixante pour cent. - Tu ne me confies rien au sujet de tes projets, sauf quand je peux t'être utile à quelque chose. Je n'étais même pas au courant que tu faisais dans la vente de bijoux, alors comment aurais-je pu savoir que ça allait te causer du tort ? - Oh, ça m'en causera toujours moins que si tu parviens à mener ta croisade à bien. - Ma... croisade ? Qu'est-ce que ma lutte anti-Starossier vient faire là -dedans ? - Alise, Alise... Tu es incroyablement intelligente, mais aussi terriblement stupide quand tu décides de le vouloir, sourit M. Degret. Les rubis de ces pokémons valent une petite fortune. Tu ne croyais quand même pas que j'allais laisser un tel trésor au fond de la mer ? - Quoi ? s'époumona sa fille en se levant d'un bond, manquant de renverser sa chaise au passage. Tu veux dire que tu es également à la tête du trafic de staross ? - Evidemment. C'est pour cette raison que je te demanderai de ne pas soumettre ta motion au Parlement. - C'est hors de question ! J'ai accepté beaucoup de choses venant de toi, papa. Je t'ai toujours couvert, j'ai influencé le gouvernement à maintes reprises pour que tu puisses continuer à tirer les ficelles dans l'ombre, mais là , c'est trop ! Elle abattit violemment son poing sur le bureau et le son qu'il produisit se répercuta un instant dans le calme de la pièce. Ses joues s'étaient empourprées sous la colère, au contraire de son père qui conservait un flegme parfait. - Comment peux-tu faire une chose pareille ? Même avec mes amis, lorsqu'ils critiquaient la Main Noire, j'ai soutenu que vous n'étiez pas foncièrement mauvais, et aujourd'hui j'apprends que tu es celui contre qui je me suis battue toutes ces années ! - Jusqu'à présent, personne n'a pris tes propos d'écologistes extrémistes au sérieux et j'ai pu m'amuser à te regarder perdre ton temps à essayer de me contrer. Aujourd'hui, c'est différent. Tu représentes une menace qu'il me faut éradiquer. - Eradiquer ? Tu as l'intention de te débarrasser de ta propre fille ? - Quoi ? s'étonna-t-il. Non, bien sûr que non, Alise ! Simplement, tu ne présenteras pas ta loi, c'est tout. - Oh que si ! Cette fois, papa, je ne marcherai pas dans ta combine. Vous massacrez des pokémons par centaines, vous souillez la baie de Salencre avec leur sang. Il n'est pas question que je ferme les yeux sur un tel crime. - Si tu t'obstines à refuser, je vais me voir forcé de t'y contraindre. Le sang d'Alise se glaça dans ses veines alors que M. Degret se mettait lui aussi debout pour arpenter la pièce en faisant les cent pas, une main dans son dos, l'autre sous son menton. - J'imagine que tu n'as pas oublié par quel moyen tu as accédé à ton poste de députée, n'est-ce pas ? - Non... Elle lâcha cette réponse dans un souffle. Elle avait toujours fait confiance à son père pour qu'il ne la menace pas avec cela, mais elle s'était trompée. Il y avait des quantités d'actions qu'il était capable de réaliser auxquelles elle n'aurait jamais cru. - Si tu refuses, je révélerai à tout le monde que la Main Noire a truqué les élections de façon à t'assurer la victoire au siège de Salencre que tu convoitais. Ta carrière politique sera ruinée, de même que ton honneur et que le crédit que les habitants de Souka t'accordent. Tu n'as pas envie que ça se produise, n'est-ce pas ? - Je... Alise ne répondit pas immédiatement. Elle était dans une impasse. Son père était l'individu le plus puissant de la région et il pourrait faire tomber sa tête du Parlement en un claquement de doigt, ainsi qu'il venait de le lui faire comprendre. Si jamais elle s'opposait à lui, ce serait la dernière chose qu'elle se permettrait en tant que politicienne. - Papa, explique-moi... tenta-t-elle d'une voix compréhensive. Pourquoi fais-tu tout ça ? Tes casinos, tes magasins, tout te rapporte de l'argent, non ? Tu es de loin l'homme le plus riche, à Souka. Pourquoi as-tu en plus besoin de massacrer d'innocents pokémons ? - Innocents, les staross ? Fais croire ça à n'importe qui, mais pas à moi. - Tu n'as jamais eu de sang sur les mains. Pourquoi maintenant ? - Parce qu'il est temps que ces maudites créatures me payent leur dû ! mugit M. Degret. La jeune femme sursauta. Elle n'avait pas l'habitude de l'entendre hurler et, les rares fois où cela se produisait, il était véritablement en proie à une rage incontrôlable, exactement comme cela semblait être le cas en cet instant. - Quel dû ? De quoi parles-tu ? - De ce qu'ils nous ont fait à toi, à moi et à ta mère. - A ma... mère ? répéta Alise, abasourdie. Son père ne parlait pratiquement jamais d'elle, d'où le peu de connaissances qu'elle possédait à son sujet. D'instinct, elle porta sa main au médaillon qui avait jadis appartenu à sa génitrice et qui contenait l'unique photographie qu'elle possédait d'elle. - Sans ces stupides étoiles de mer que tu tiens à protéger, elle ne serait sûrement pas morte. - Tu es fou, papa ! Tu m'as toujours dit qu'elle avait perdu la vie parce que l'accouchement s'était mal passé. S'il y a une responsable dans l'histoire, c'est moi. - Non... En réalité, tu es née prématurée. Sa grossesse était censée durer encore un mois, sauf que nous étions sur un bateau lorsqu'elle a eu les premières contractions. J'ai demandé à l'équipage de mettre le cap sur le port le plus proche, à savoir Salencre, car j'ai tout de suite vu que cela n'allait pas. Il y avait un médecin à bord, mais il manquait de moyen. Si nous avions atteint la côte à temps, elle aurait pu être dirigée vers un hôpital où on l'aurait sauvée, sauf que la coque a heurté un ban de staross qui a endommagé les hélices. Quand nous avons accosté, il était trop tard. Elle est morte dans mes bras, à cause de ces satanées... - C'était un accident ! protesta Alise. Des larmes brillaient au coin de ses yeux. Toute cette histoire venait de la perturber. Malgré cela, elle ne pouvait toujours pas en vouloir aux pokémons que son père traquait sans relâche. C'aurait pu être des corayons, un wailmer ou n'importe quoi. Les staross se sont simplement trouvés au mauvais endroit au mauvais moment. - Que tu les tues ne ramènera pas maman, tu en as conscience ? - Peu importe. Je préfère les voir en parure plutôt qu'en vie. - Tu es monstrueux ! - Non, je nous fais justice. - Ce n'est pas ton rôle. - Qui le fera, dans ce cas ? Arceus ? Lugia ? Je te pensais plus intelligente que ça pour croire à de telles fadaises. Alise ne releva pas. Ses ongles s'enfonçaient dans le plateau de bois du bureau. Quand elle s'en aperçut, elle le relâcha et se recula d'un pas. Elle regarda son père dans les yeux, dont les traits étaient devenus fous. - Pendant tous ces mois, lâcha-t-elle au bout d'un moment, tu savais... Tu savais que je me battais contre toi, mais tu ne m'en as rien dit. C'est maintenant, alors que je suis à deux doigts de réussir, que tu veux que j'abandonne mes projets ? Que fais-tu des gens qui comptent sur moi ? - A toi de voir si tu préfères les décevoir en renonçant ou les voir te mépriser parce que le monde découvrira la véritable origine de ton mandat. La politicienne sentit ses muscles se contracter de colère. Son père n'hésiterait pas à mettre sa menace à exécution. Il avait toutes les cartes en main, contrairement à elle qui n'en possédait plus une seule. Après ces années de bons et loyaux services à l'égard de la Main Noire, voici que l'organisation se retournait contre elle. - Tu n'es pas en posture de négocier, Alise, souligna M. Degret. Soit tu te plies à ma volonté, soit tu en payeras le prix. - Comment peux-tu faire ça à ta propre fille ? - C'est toi qui me contraint à en arriver à de telles extrémités. Tu m'avais promis de ne jamais chercher à me mettre de bâtons dans les roues. - Et j'ai toujours tenu cette promesse. - Pas aujourd'hui. - Parce que tu n'avais jamais eu de sang sur les mains jusqu'à présent. Tu n'es rien qu'un égoïste. Tu sais que je suis écologiste, je l'ai toujours été, et pourtant tu mets à mal tous les préceptes qui me sont chers. - Au contraire, Alise, je ne pense qu'à toi. A toi qui n'a pas eu le loisir de connaître ta mère uniquement parce que ces créatures existent. - Alors accepte aussi que je puisse leur pardonner, contrairement à toi. - Hélas, c'est impossible. - Dans ce cas, nous n'avons plus rien à nous dire, rétorqua-t-elle. - Je crains que si. Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu décidais : perdre dignement ou bien perdre dans la honte. Alise enfila son manteau qu'elle avait ôté après s'être installée sur sa chaise et tourna le dos à son père avec rage pour fondre sur la porte d'un pas déterminé. Elle n'en avait pas actionné la poignée qu'il lui lançait : - Je te laisse jusqu'à demain soir, après quoi je rendrais public toute l'affaire. Tu es une fille réfléchie, je compte sur toi de ne pas faire l'erreur de t'opposer à moi. |
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