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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 3
Nom de l'œuvre : L'ultime voyage initiatique [concours Let's Go] Nom du chapitre : Ans 4 & 5
Écrit par ÉmeuriQ Chapitre publié le : 31/10/2018 à 21:21
Œuvre lue 1625 fois Dernière édition le : 15/11/2018 à 20:08
An 4



Assise sur le dossier en béton d’un banc public du Bourg Palette, Clémence écoutait Laureline sangloter doucement, le visage perdu entre ses genoux remontés jusqu’au menton. Les deux dresseuses ne s’étaient pas revues depuis un long moment et elles avaient discuté à bâton rompu de leurs différentes aventures.

Puis, insidieusement, le regard de Laureline s’était voilé à l’évocation de ses Pokémon. Cela n’avait que peu surpris Clémence. Quelque chose d’indéfini dans le comportement de son amie lui avait mis la puce à l’oreille. Cela aurait pu être son sourire figé. Ou bien un de ses éclats de rire à l’écho un peu trop forcé. Il y avait manifestement un truc pas très Hélixique chez Laureline sans que sa camarade puisse mettre le doigt dessus. Elle ne s’était pas trompée.

« Tu comprends, je ne pouvais plus garder Pikachu quand il a évolué, gémit Laureline.
- Un Raichu ce n’est pas si mal comme Pokémon, tu sais. C’est moins mignon mais ça doit être vachement plus résistant. »
Laureline releva vivement la tête et planta un regard brûlant de colère et de détresse dans les yeux de sa confidente.
« Mais ce n’est pas ça le problème, lui reprocha-t-elle. C’était pas un Pikachu d’ici à la base.
- Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Il y eut un court silence, le temps que Clémence saisisse ce que Laureline essayait de lui faire comprendre. Puis elle écarquilla les yeux.

« Tu veux dire qu’il venait d’Alola ? Mince alors, ils retirent même les Pokémon qui ont une forme divergente de ceux nés à Kanto ? C’est pour ça que tu refusais de le faire évoluer ?
- Qu’est-ce que tu crois ? hurla la jeune femme. C’est fini ! FINI ! Si j’avais ce salaud sous la main, je lui éclaterais la face de mes propres mains ! »
L’estomac de Clémence se noua. Même s’il ne semblait y avoir personne aux alentours, on ne savait jamais qui pouvait bien écouter ce qu’elles disaient. La peur rongeait son esprit. L’effroi comprimait sa poitrine. Malgré elle, la dresseuse saisit le poignet de Laureline et siffla entre ses dents :
« Une citoyenne ne devrait pas dire ça du Front des Pokémon ! C’est dangereux !
- Mais, je ne parle pas d’eux ! Je parle du Professeur Chen ! »

Depuis que le scandale du ChenGate avait éclaté de nombreux dresseurs avaient découvert que les origines de leur Pokémon de départ n’étaient peut-être pas celles qu’ils croyaient. On pouvait entendre sur les canaux de radio pirate que Raphaël Chen plaidait la cause de son cousin, arguant que c’était le seul moyen qu’ils avaient trouvé pour sauver des milliers de Pokémon des bouleversements climatiques que connaissait Alola. Mais Clémence se gardait bien d’écouter ce genre d’émission dissidente et préférait rester branchée sur la chaîne 151. La radio officielle du FdP n’avait diffusé que des reproches et des accusations sur celui qu’ils déclaraient être un traître à la région. Pas un mot sur Alola et les problèmes que l’archipel traversait. Ils ne pouvaient pas être si grave puisque la radio ne les mentionnait même pas. Pas vrai ?

En tout cas, peu de temps après l’arrestation de Chen, la Milice avait commencé à confisquer aux dresseurs les Pokémon qui ne figuraient pas au registre du Pokédex Régional. Officiellement il s’agissait d’éviter la propagation des espèces non réglementaires dans la nature au cas où le propriétaire déciderait de le relâcher.

En effet, l’embargo sur les frontières extérieures avait continué d’engendrer de plus en plus de pénuries, particulièrement sur les objets de soin au Pokémon dont certains composants de fabrication étaient importés d’autres régions. Parallèlement le niveau d’inflation avait explosé, répandant une vague de misère sans précédent parmi les couches les plus fragiles de la population. Aujourd’hui, seuls les dresseurs les plus aisés pouvaient se permettre de payer une simple Potion. Il était devenu presque impossible de soigner ses Pokémon sans passer par un Centre Pokémon et la nouvelle taxe instaurée l’année précédente sur le stockage PC des Pokémon Exotiques avait contraint plus d’un dresseur à les remettre aux autorités. Quant à la Pension, il ne fallait pas y songer. Cela faisait belle lurette qu’ils y étaient interdits.

C’est ainsi que Clémence avait dû se défaire de Phyllali quelques mois plus tôt. Quand elle avait commencé son voyage, la dresseuse aurait juré ses grands dieux que jamais elle ne se séparerait de l’un de ses Pokémon. Que le lien d’amitié qui les unissait, elle et son équipe était plus fort que tout. Mais si elle devait être honnête avec elle-même, la jeune fille avait vécu sa séparation avec le Pokémon assimilé Exotique presque comme un soulagement.

Clémence s’en souvenait comme si c’était hier. Ils s’étaient pointés un jour, alors qu’elle mangeait à la terrasse d’un restaurant de Jadielle pour se remettre de sa défaite face au Champion de la ville. Deux hommes en uniforme noir avec le brassard du FdP bien visible sur l’avant-bras. Le plus petit l’avait vaguement saluée de la tête tandis que l’autre, le plus grand – Clémence se souvenait clairement qu’il avait une moustache qui lui tombait sur les lèvres – avait sollicité de voir sa Carte Dresseur. On lui demandait souvent ses papiers ces jours-ci.

Ils avaient été très polis avec elle. Prenant leur temps pour lui expliquer qu’ils avaient reçu un signalement de Pokémon Exotique. Ils enquêtaient sur celui-ci.

« Avait-elle eu connaissance de ce genre de Pokémon ? Oui.
Savait-elle où il se trouvait actuellement ? Oui.
A qui appartenait-il ? A elle.
Pourquoi l’avait-elle en sa possession ? Quand elle l’avait eu, ce n’était qu’un Evoli, tout ce qu’il y avait de plus régional.
Cette évolution particulière était-elle voulu ? Non. Non, bien sûr que non. Elle avait été accidentelle. Un charlatan lui avait vendu un éclat de Pierre Mousse en lui faisant croire que c’était une Pierre Eau. La couleur pouvait porter à confusion.
Avait-elle conscience que la détention de ce Pokémon était illégale ? Oui.
Avait-elle cherché à s’en séparer ? N… non.
Pourquoi ? Parce qu’elle ne croyait pas que le relâcher dans la nature était la solution car il risquait de se reproduire.
Ah oui ? Oui.
Dans ce cas, souhaitait-elle que la Milice s’en débarrasse pour elle ? »

Silence.

« Oui…

… merci.
»

***


Quelques temps après leur dernière conversation un peu houleuse, Clémence retourna voir son amie chez elle au Bourg Palette. Le trajet était assez court car elle fréquentait désormais les alentours de Jadielle. En effet, la jeune dresseuse tentait depuis des mois de battre Blue, le mythique Champion de l’arène sans succès. Il était le dernier obstacle à la séparer de son rêve : obtenir les huit badges qui la qualifieraient à la Ligue Indigo.

Avant de mettre un terme à sa carrière suite à la confiscation de son Pikachu, Laureline avait décroché le badge Terre. Clémence espérait donc que son amie pourrait lui donner des conseils sur la stratégie à adopter. Elle était toutefois inquiète de l’état dans lequel elle allait la retrouver. La perte de son Pokémon fétiche avait beaucoup affecté l’ancienne dresseuse. C’était compréhensible d’ailleurs. Clémence aussi n’avait pas bien vécu le fait de devoir abandonner Phyllali aux mains du FdP. Mais elle n’avait pas eu le choix. Qu’aurait-elle pu faire ? Il y avait bien eu des manifestations pour protester contre la politique du gouvernement mais les autorités avaient procédé à des arrestations. Se mêler à ce genre d’histoire c’était prendre le risque de se voir empêchée de concourir à la Ligue. Elle devait éviter à tout prix de faire des vagues et surmonter la douleur provoquée par la perte de son Pokémon. Elle devait l’oublier.

La maison de Laureline se trouvait un peu à l’écart du Bourg, à quelques mètres à peine de la jetée du haut de laquelle, les jours de beau temps, on apercevait Cramois’île. La vue était toujours belle et on voyait parfois batifoler quelques Tentacool près de la côte quand soufflaient les vents du nord. C’était une bâtisse ancienne ayant connu des jours meilleurs mais toujours entretenue par le père de Laureline, un retraité aimable aux cheveux d’argent qui n’avait jamais quitté son village natal, préférant cultiver son propre jardin.

Les craintes de Clémence sur le moral de Laureline se volatilisèrent au moment où elle ouvrit la porte, le visage rayonnant.
« Bonjour ! l’accueillit-elle en l’enlaçant. Comment ça va ?
- Plutôt bien, répondit Clémence étonnée de la voir ainsi rétablie. Quoi de neuf depuis la dernière fois ?
- Oh ! Tu vas être surprise ! Attends un peu… Il ne devrait pas tarder à venir voir ce qui se passe. »

La curiosité de Clémence piquée au vif, la jeune dresseuse jeta un coup d’œil à l’intérieur de la maison, cherchant la cause de l’apparente joie de sa camarade. Et puis soudain, elle le vit.
« Ça alors ! » s’exclama-t-elle.
Descendant sur ses courtes pattes les marches du premier étage, un magnifique petit Evoli, d’un brun profond de la queue au museau, fixait la visiteuse de ces grands yeux ébène.

« Il est hyper affectueux. » se vanta Laureline en attrapant le Pokémon pelucheux pour le serrer dans ses bras. Son nez disparu presque entièrement dans la fourrure de la bestiole. « Et il m’obéit au doigt et à l’œil ! »
A peine avait-elle prononcé cette phrase, que son Evoli se libéra de son étreinte et en profita pour sauter au sol et se précipiter à l’extérieur en jappant comme un dingue de sa petite voix adorable.

« Mais qu’est-ce qu’il a ? demanda Laureline d’un air exaspéré.
- Attends, tu vas voir. » lui répondit une Clémence hilare.
Son amie la dévisagea sans comprendre puis, un sourire complice vint éclairer son visage.
« Ne me dis pas que… »

C’est ce moment-là que le nouveau Pokémon de Clémence choisit de jaillir de sous le porche de la maison, filant comme une flèche à travers le gazon. Tâche jaune sur fond vert dont seul le bout foncé de la queue dépassait des hautes herbes, c’était un Pikachu aux joues écarlates et aux yeux d’un noir profond, Evoli sur les talons. La course-poursuite dura jusqu’au moment où, se retournant brusquement, Pikachu ne lui envoie une décharge électrique. Le Pokémon de Laureline revint alors se blottir dans les bras de sa dresseuse en tremblant.

Les deux jeunes filles étaient prises d’un fou-rire. Quelle coïncidence ! Elles étaient revenues au premier jour de leur apprentissage, lorsqu’elles avaient obtenu leur tout premier Pokémon. C’était comme être dans une vie parallèle où leur choix aurait été inversé.

Quand elles eurent repris un peu de leur contenance, les deux comparses continuèrent leur conversation.
« Ben si je m’attendais à ça ! Toi, avec un Pikachu ?
- C’est toi qui dis ça alors que tu as passé des années à me rabâcher les oreilles sur la supériorité d’un Pokémon électrique contre Evoli ?
- Oh, j’ai eu envie de changer, riposta Laureline. Et puis le type ne fait pas tout, tu sais. Il faut aussi un dresseur talentueux. Je pourrais te battre avec un Magicarpe hydrophobe si je voulais.
- C’est un défi, ça ? Moi qui croyais que tu voulais arrêter le dressage.
- Je peux très bien arrêter le dressage et quand même réussir à te foutre une rouste, ma grosse.
- Oh à ta place je ne vendrais pas la peau du Chelou… du Ronflex – la peau du Ronflex – avant de l’avoir tué. » balbutia Clémence en regardant autour d’elle.
Depuis quelques temps elle avait pris l’habitude de ne mentionner que des Pokémon Régionaux. Au cas où. On ne savait jamais. Elle ne voulait pas se faire reprocher de vouloir faire la propagande de ceux des autres régions.

Malgré leur échange jovial en apparence, Clémence se garda bien de dire à son amie que, si elle avait jeté son dévolu sur Pikachu et non sur un autre Evoli, c’était que le souvenir de la perte de ce dernier était bien trop profondément ancré dans son esprit pour supporter d’en élever un nouveau. Au moins, la jeune dresseuse était certaine que son Pikachu était authentique, lui. Pas un Exotique. Elle l’avait acheté dans une des batteries d’élevage du Front des Pokémon qui visait à repeupler Kanto avec de vrais Pokémon de la région. Grâce au certificat qui garantissait sa provenance on ne pouvait plus l’accuser de se balader accompagnée d’un Pokémon Exotique.

Maintenant qu’elle se savait en règle, elle se sentait en sécurité. Elle commençait même à voir que les efforts déployés par le FdP – s’ils pouvaient paraître drastiques – commençaient à porter leurs fruits. Il était de plus en plus rare de croiser un Pokémon qui ne faisait parti du registre régional, même en pleine nature. Oh, il arrivait parfois de croiser un Exotique sauvage mais la Milice avait mis en place un numéro vert qui permettait aux bons citoyens de signaler la présence et la position de ces anomalies. La politique stricte ça pouvait avoir du bon. Peu à peu la région de Kanto reprenait son véritable visage. Si on oubliait les problèmes d’approvisionnement et les nombreux dresseurs démunis qui erraient désormais sur les routes à la recherche de Pokédollars pour payer les soins de leurs Pokémon.

« Bon ! relança Laureline un peu trop fort pour faire oublier ce moment de flottement. Ce combat on se le fait pas ou pas ?
- Ouais. Let’s go, Pikachu ! Montrons à cette grande gueule de quoi nous sommes capables. »

Comme tout le reste, il valait mieux ne pas trop y penser.


An 5



Il pleuvait à verse ce jour-là. Poussé par le vent violent, le crachin venait s’écraser sur son visage comme autant de piqûres glacées. Une main agrippée à la capuche de son manteau, Clémence tentait de se prémunir au mieux des éléments qui se déchaînaient contre elle. Le vent sifflait en passant entre ses jambes et faisait claquer l’ourlet de son vêtement contre ses cuisses. Elle n’était qu’un point sombre dans un océan de noirceur.

Un éclair raya le paysage pour dévoiler de monstrueux nuages se découpant à peine dans un ciel de plomb privé de ses étoiles. Le roulement fracassant d’un tambour gigantesque fit trembler le sol. Le cœur de la tempête n’était pas très loin. La jeune femme devait trouver un abri. Et vite.

Cet entrelacs de galeries souterraines, de chemins de montagne et de cascades naturelles qu’elle devait traverser faisait passer le séjour de Clémence dans le Mont Sélénite pour une balade de santé. Sans oublier les Pokémon sauvages d’une force spectaculaire qui peuplaient la région. La rumeur voulait que la Route Victoire fût une des épreuves les plus laborieuses pour les aspirants Maîtres Pokémon, permettant à la fois de tester la résistance et la patience des dresseurs, ainsi que leur communion avec leurs Pokémon. Ce chemin avait vu plus d’un rêve se briser car nombreux étaient ceux qui, après avoir obtenu les 8 badges, abandonnaient ici, au seuil des marches du Plateau Indigo.

Mais pour la jeune dresseuse il était hors de question de jeter l’éponge si proche du but. Toutes ces années de sacrifice, ces jours d'entraînement intense, ces heures de joie et de douleur ne seraient pas réduits à néant par quelques secondes de doute. Elle était une dresseuse Pokémon. C’était sa raison d’être. Elle parviendrait à rejoindre coûte que coûte sa destination.

Profitant de la lumière d’un autre éclair qui dévoila la surface de la paroi rocheuse, Clémence repéra une fente assez large pour l’accueillir à quelques mètres au-dessus d’elle. Malgré des mains couvertes d’égratignures et un vent dont chaque souffle menaçait de la faire s’envoler, l’intrépide aventurière commença à grimper le flanc de la montagne. Si elle parvenait jusqu’à cet abri, elle pourrait attendre que la tempête se calme avant de reprendre son ascension. Dans son dos, sa capuche volait follement. Plus qu’un petit effort…

La fissure se révéla plus profonde et plus spacieuse que de prime abord. Mais également plus habitée. Lorsqu’elle parvint enfin à se hisser sur le rebord, une paire d’yeux jaunes la fixait d’un air réprobateur. Sans lui laisser le temps de réagir, le Rapasdepic déploya ses ailes de toute leur envergure et lui donna un violent coup de bec.

La dresseuse hurla. Le choc aurait bien failli la faire dégringoler de l’abri si elle ne s’était pas farouchement accrochée à une excroissance rocheuse. Du sang dégoulinait le long de son bras et imbibait ses vêtements. Blessée à l’épaule, elle chercha fiévreusement les Pokéball accrochées à sa ceinture et en lança une au hasard.

Dans une vive lumière rouge-orangé, Pikachu fit son apparition. Presque immédiatement, le Pokémon électrique se mit en position de combat. Elle ne l’avait pas depuis aussi longtemps que les autres mais le petit être jaune était déjà bien dressé.
« Pika ! Pikapiii !
- Vas-y, Pikachu. Défonce-moi cet oiseau de malheur avec un éclair. »

Amplifiées par le temps exécrable, les capacités de Pikachu réduisirent son adversaire à néant en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Le Rapasdepic, désavantagé par son type et par l’espace clos dans lequel il était réfugié n’avait eu aucune chance.

Un peu plus tard, alors qu’une cuisse de Rapasdepic cuisait au-dessus du feu de fortune qu’elle avait allumé ; Clémence regardait s’abattre la pluie à l’extérieur, le menton reposant sur le crâne de Pikachu juché sur ses genoux. L’épaule de la dresseuse était encore douloureuse mais la blessure avait été désinfectée et la plaie proprement bandée. Dehors, l’orage commençait à passer. Bientôt le soleil percerait de ses flèches rayonnantes les nuages et elle pourrait reprendre son chemin.

« Tu vois, Pikachu, après la pluie vient le beau temps. Il ne faut jamais abandonner car nos efforts sont toujours récompensés. »

***


C’est appuyée sur une branche rabougrie faisant office de bâton de marche, les genoux et les mains tout ensanglantés que Clémence arriva en vue du Plateau Indigo. Dressée fièrement dans la vallée, la première porte n’était plus qu’à quelques minutes de marche.

Pikachu qui galopait gaiement à côté de sa maîtresse se dressa sur ses pattes arrière et lui lança un regard interrogateur. La jeune femme aurait bien esquissé quelques pas de danse mais elle était tellement épuisée qu’elle peinait à tenir sur ses jambes. Elle se contenta donc d’un sourire triomphal. Elle l’avait fait. Clémence avait réussi à passer la Route Victoire et, dissimulée derrière les 8 immenses portes, se cachait l’épreuve ultime de tout dresseur qui aspirait à accéder au titre de Maître Pokémon de la Ligue Indigo : le redouté Conseil des 4.

Une à une elle passa les portes du Plateau, immenses masures qui rappelaient l’entrée d’un temple. Chaque fois un individu en habit cérémoniel lui demandait de présenter l’un des badges qu’elle avait durement obtenu au cours de son voyage initiatique à travers Kanto. Roche, Cascade, Foudre, Prisme, me, Marais, Volcan… Arrivée devant la porte du badge Terre, l’homme qui en gardait l’accès resta un long moment silencieux, se contentant de fixer intensément son lecteur de Carte Dresseur.

« Il y a un problème ? s’enquit Clémence soudain inquiète.
- Non, répondit l’homme en s’écartant enfin. Vous pouvez passer. Félicitations… »
Tout en s’éloignant la dresseuse pouvait sentir le lourd regard de l’étrange individu dans son dos. Un long frisson lui parcourut l’échine.
« Pikaaaa… » résuma Pikachu d’un air dépité.

Marchant dans une allée dallée bordée de bosquets taillés en forme de dresseurs renommés, Clémence avançait vers son destin. Le bâtiment face à elle grossissait à chacun de ses pas. C’était dans ce dernier qu’elle allait devoir se frotter à la Ligue Indigo. Dans sa poitrine, son cœur résonnait de plus en plus fort. Elle se sentait légère, si légère. Comme dans un rêve éveillé.

Elle s’apprêtait à pousser les portes vénérables derrière lesquelles étaient nées les plus grandes légendes de dresseurs quand des cris retentirent à l’intérieur. Puis les battants s’ouvrirent violemment en la refoulant contre un mur. Un convoi de 6 miliciens passa en trombe devant la dresseuse, ombres noires au brassard marqué de l’omniprésent logo du Front des Pokémon. Ils traînaient avec eux un garçon, à peine un jeune homme, qui pleurait, hurlait, se contorsionnait, donnait des coups tout en même temps. Une camionnette noire arriva par un chemin de terre dérobé et, sans arrêter son moteur, ouvrit sa portière latérale dans laquelle les Miliciens jetèrent sans ménagement leur prisonnier. Le véhicule repartit alors en trombe et disparut derrière les arbres. L’opération, entre le cri et la disparition de la camionnette, n’avait pas duré deux minutes.

Abasourdie, Clémence se tourna vers les badauds qui étaient venus observer l’étrange scène depuis l’encadrement de la porte et discutaient à mi-voix entre eux.
« Pourtant ses Pokémon étaient tous homologués au Pokédex et certifiés comme provenant de la région, disait une femme qui portait un costume d’hôtesse de Centre Pokémon.
- Oui, mais à ce que j’ai les entendus dire c’est qu’avant il possédait un Goupix d’Alola, pas de Kanto. Un Goupix d’Alola !
- Avant ? » s’étrangla Clémence malgré elle en joignant la conversation.
L’homme qui avait parlé en dernier la gratifia à peine d’un regard mais hocha la tête.
« Ouais, avant. Maintenant il est illégal d’avoir eu un Pokémon Exotique, même si on l’a rendu. En plus ce n’est pas difficile à savoir puisque le gouvernement a autorisé la Milice à accéder aux données personnelles contenues dans les Cartes Dresseurs. A la radio ils disaient que ce n’est pas parce qu’un dresseur est aujourd’hui en règle qu’il a forcément changé de mentalité. Depuis ils ont arrêté des centaines de personnes dans la région et recherchent activement les autres. »

Pendant qu’ils discutaient, les Miliciens s’étaient dispersés, certains revenant vers le bâtiment, d’autres se dissimulant dans les fourrés ou derrière un arbre. Clémence agit instinctivement. Attrapant Pikachu pour le mettre sur son épaule, la jeune dresseuse descendit la volée de marches et, à pas lent, rebroussa chemin. Dès qu’elle fut hors du champ de vision des Miliciens, elle pressa le pas, puis se mit à courir. De la sueur, qui n’était pas totalement dû à l’effort, trempait ses vêtements.

Avant ! C’était du délire ! Comment pouvaient-ils faire ça ? S’ils recherchaient tous les dresseurs qui, un jour, avaient eu un Pokémon n’apparaissant pas au Pokédex Régional, ils n’avaient pas fini d’en arrêter ! Bon sang ! Laureline comptait-elle parmi les dresseurs appréhendés par la Milice du Front des Pokémon ?

Lorsque Clémence arriva devant la porte du badge Terre, le gardien qui l’avait dévisagée un peu plus tôt se tenait en son centre, lui bloquant l’accès. Contrairement à son premier passage, il portait cette fois-ci le brassard du FdP. Son regard était plus froid que le baiser d’un Lippoutou.

Comment Kanto avait-il pu tomber si bas ? Les gens auraient dû plus se rebeller, non ? Même après les premières arrestations. Clémence aussi aurait pu un peu plus protester quand on lui avait confisqué Phyllali. Résister. Dire non. Au lieu de courber l’échine. D’attendre que la vague passe. Mais elle n’était pas la seule fautive. Les autres aussi avaient baissé les bras. Non, elle n’était pas responsable !

Réfléchissant à peine, Clémence bifurqua brusquement et, quittant le chemin pavé, sauta dans les fourrés, disparaissant dans les arbres de l’épaisse forêt qui bordait la porte. Elle se mit à courir de toutes ses forces, pendant que Pikachu s’accrochait à son cou comme il le pouvait. Les branchages lui griffaient les bras et les racines la firent trébucher plus d’une fois. La douleur à son épaule, là où le Rapasdepic l’avait blessée, s’était réveillée mais elle n’en tint pas compte. Elle était comme aveuglée, fonçant toujours plus vite vers une destination inconnue.

Tout était allé tellement vite. Beaucoup trop vite. Kanto ne s’était même pas méfié, obnubilé par ces discours de lendemains qui chantent. Elle avait préféré se voiler la face, croire que si elle appliquait toutes les directives à la lettre tout se passerait bien pour elle. Que son objectif personnel était bien trop important pour être sacrifié par quelques désagréments quotidiens. Merde ! Depuis combien de temps s’était-elle endormie pour vivre son rêve dans ce cauchemar ? Maintenant il était trop tard.

Clémence fuyait, fuyait, fuyait. Elle finit par débouler sur l’autre versant de la forêt. En contrebas on distinguait un petit chemin de terre. Il serpentait entre les montagnes et les collines au bout desquelles s’élevait l’infranchissable mur qui séparait désormais le plateau en deux, excluant tout accès à la région de Johto. Les frontières de la région étaient bloquées et surveillées depuis longtemps. En interdisant aux uns d’entrer, le Front des Pokémon empêchait les autres de sortir. Il n’existait pas d’échappatoire.

Une ombre immense plana au-dessus d’elle, la faisant tressaillir. La dresseuse leva les yeux. Un Pokémon doré volait entre les nuages tandis que ses ailes de lumière battaient gracieusement les airs. Prenant source dans le panache caudal, son fabuleux sillage traçait sur la voûte céleste une route arc-en-ciel. Clémence sentit ses jambes se dérober sous elle et tomba à genoux. Prise à la gorge par ce spectacle, des larmes ruisselaient sans discontinuer de son visage. Or, le Pokémon à la parure chatoyante s’éloignait déjà. Pikachu tenta de briser le charme, tirant vainement sur la manche de sa maîtresse. Hypnotisée, la dresseuse ne pouvait en détacher le regard, même lorsque l’apparition ne fut plus qu’un point lumineux à l’horizon.

Au loin, on entendit le crissement de roues et le rugissement d’un moteur. Un nuage de poussière brune se rapprochait rapidement.

Clémence le savait, elle connaissait ce Pokémon. Mais elle avait oublié son nom.
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