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Lecture du chapitre 4 | |
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Nom de l'œuvre : Tales Of Darkness | Nom du chapitre : Le ballet des exsphères |
Écrit par Kazumi | Chapitre publié le : 11/12/2005 à 16:38 |
Œuvre lue 41001 fois | Dernière édition le : 11/12/2005 à 16:38 |
Lysa ouvrit lentement les yeux, et, tout aussi lentement, redressa la tête. Bien lui en prit : une horrible douleur lui sciait la nuque. Un mouvement trop brusque lui aurait probablement brisé les cervicales. La jeune fille s´appliqua à décontracter délicatement les muscles de son cou, attentive au moindre tiraillement au niveau de l´épine dorsale. Après quelques flexions, elle tenta de se redresser, ce qui se révéla rapidement être impossible. Elle était ficelée comme un saucisson. Lysa sentit une sueur glacée tomber sur ses épaules. Elle était allongée sur le sol crasseux d´un endroit impossible à identifier, par manque de lumière. Un réduit obscur, à première vue. Des boîtes en carton s´alignaient à sa gauche. En étendant le bras, elle buta contre une paroi. Elle n´y voyait rien. Il faisait trop sombre. Lysa aurait pu ramper à travers la pièce, mais ses chevilles et poignets étaient maintenus immobiles par une corde de chanvre, lui coupant ainsi la circulation sanguine. Elle avait la bouche pâteuse et les muscles endoloris. Une migraine atroce lui martelait les tempes. Lysa s´aperçut qu´elle était vêtue de ses seuls sous-vêtements. Elle blêmit. Est-ce qu´on l´avait… Non. Non, c´était impossible. Et pourtant… Elle se mit à hurler. Une panique totale, incontrà lable, s´empara d´elle. Elle était enterrée vivante, dans un noir absolu, sans air. Probablement à la merci d´une bande de fous furieux. Lysa perdit la tête. Incapable de se maîtriser, elle cria, martela de ses deux poings enchaînés les parois métalliques de son cercueil. Elle suffoquait. En cet instant, elle était prête à tuer pour retourner à l´air libre. Des larmes couvrirent ses joues et ses cris se muèrent en sanglots. Brusquement, Lysa sentit deux mains s´abattrent sur ses chevilles. Un rayon de lumière éclaira brièvement son visage, l´aveuglant un court instant. On la tirait en avant. L´espace d´un instant, elle songea à se débattre, puis elle y renonça. On l´emmenait hors de cet endroit, c´était déjà ça. Une trappe s´ouvrit devant elle et lui massa le dos alors qu´elle émergeait de son cercueil. La tête en bas, la Demi-Elfe fut traînée sur la moquette. Elle se mit à genoux et observa l´endroit où on l´avait emmenée. Lysa comprit immédiatement où elle se trouvait. Le poste de commande d´une barge élémentale. Elle reconnaissait le décor banal, la moquette grise, l´absence de fenêtres. Les barges élémentales étaient de petits véhicules servant à transporter des marchandises, du matériel de chantier ou des prisonniers. Il était probable que son « cercueil » eut été en fait le coffre du véhicule. Lorsqu´elle était poursuivie par les chevaliers pontificaux, à l´époque où elle servait un groupe de brigands, Lysa s´était cachée de nombreuses fois dans la BE de la bande. Lysa leva les yeux vers les hommes qui l´entouraient. Le premier, comme elle l´avait deviné, était Vharley. Il semblait maîtriser à grand-peine sa colère et agitait continuellement une bouteille de vodka en direction de la jeune fille. Il cracha quelques jurons et but longuement au goulot. Sa crête tressautait de façon ridicule sur son crâne rasé, tandis que ses joues se coloraient un peu plus à chaque gorgée d´alcool. Lorsqu´il eut fini, il reprit sa litanie d´insultes à l´égard de Lysa. Elle décida de l´ignorer et se tourna vers les deux autres. L´homme qui l´avait tirée hors de la cale était Kuchinawa, un ninja membre du clan de Mizuho. Lysa se souvenait vaguement de lui. Lorsque, deux ans plus tôt, l´invocatrice chargée de conclure le pacte avec Volt avait rendu celui-ci fou, Lysa, qui logeait alors dans la maison du chef, avait sauvé les enfants du dojo. En effet, Volt avait foncé sur le village de Mizuho, qu´il s´était mis à détruire pour se venger de l´affront fait par l´invocatrice. La Demi-Elfe s´était interposée et était parvenue à repousser l´Esprit Originel, sauvant ainsi la vie d´une vingtaine d´enfants ninja. Le chef adjoint en personne avait exprimé toute sa gratitude, et Kuchinawa lui avait offert un charme de protection, en guise de remerciement. Ses parents avaient péri lors de l´accident. Il ne lui restait que son frère, et sa petite cousine, qui faisait partie des enfants sauvés par Lysa. Il baissa la tête lorsque la Demi-Elfe croisa son regard et elle comprit. Il devait travailler pour le Pontife. Kuchinawa avait trahi les siens, et il était plus que probable qu´il ait divulgué les techniques Igaguri pour le compte des chevaliers pontificaux. Lysa eut un rire méprisant. Quel minable… Elle focalisa ensuite son attention sur le troisième homme. Il ne ressemblait absolument pas aux fréquentations habituelles de Vharley. C´était un bel épéiste, probablement un mercenaire. Il devait frà ler le mètre quatre-vingt dix et portait des vêtements de voyage luxueux. Ses longs cheveux, d´un brun tirant sur le rouge sombre, tombaient en mèches désordonnées sur son visage. Il avait la main posée sur la garde de son épée et semblait éviter de regarder Lysa. Celle-ci s´aperçut qu´elle était encore en sous-vêtements. â€"Mes fringues, ordonna-t-elle d´un ton buté. Sans un mot, Kuchinawa détacha les cordes qui maintenaient ses poignets et chevilles et lui tendit sa cape. Lysa se drapa dedans et eut un regard malicieux. â€"Maintenant que je suis vêtue un peu plus décemment, lança-t-elle avec un sourire, peut-être que le bellâtre aux cheveux bruns me fera l´aumà ne d´un regard ? Le « bellâtre aux cheveux bruns » garda le silence. Vharley jeta sa bouteille sur le sol et cracha une bordée de jurons. Il sortit un cran d´arrêt de la poche droite de son pantalon. À la vue du couteau, Kuchinawa se raidit instantanément, et Lysa comprit qu´il n´avait pas oublié l´épisode de Volt. Si Vharley attaquait et qu´il ne faisait rien, il perdrait définitivement son honneur, déjà sérieusement entamé par sa trahison. Cela pouvait se révéler utile. â€"Vharley, mon petit chou, susurra Lysa, range donc ce truc. Tu risquerais de te blesser. â€" Ta gueule ! répliqua Vharley. Je te donne une dernière chance de t´en sortir, petite conne : dis-moi où est le serti-rune ! Lysa sentit son cÅ“ur faire un triple salto arrière. Alors Altessa ne délirait pas… â€" Désolée, mon lapin, mais je ne vois pas de quoi tu parles. C´est réservé aux Anges et aux Elus, les sertis-rune. Vharley poussa un hurlement inarticulé de rage et plaqua violement Lysa contre le mur. Il pointa le couteau sous sa gorge et grogna : â€"Dis-moi où est le serti-rune ou je te fais la peau, sale garce ! â€" Si vous ne l´avez pas trouvé en me mettant à poil et en fouillant mes affaires, répondit froidement Lysa, c´est que je ne l´ai pas sur moi. Vharley grogna à nouveau, et, d´une main, la souleva du sol, le couteau toujours pointé sur la jugulaire qui palpitait. â€"Qu´est-ce que tu en as foutu ? Réponds ! Vharley appuya lentement la lame sur la gorge de Lysa qui ne cilla pas. Un minute s´écoula ainsi dans un silence tendu. Kuchinawa, immobile, observait la scène sans réagir. L´épéiste toussota. Lentement, à contrecoeur, Vharley relâcha son étreinte. Lysa poussa un soupir de soulagement. Il s´en était fallu de peu. â€"Je vous rappelle, dit l´épéiste d´une voix calme, que j´ai besoin d´un guide pour la Mine de la Vallée de Toïze… Vharley grommela un juron. Visiblement, il semblait frustré d´avoir été coupé dans son élan. Il parvint néanmoins à scotcher un sourire aimable sur son visage porcin, mais ce sourire ressemblait bien plus à un rictus carnassier qu´à une marque de sympathie. Lysa, qui avait sursauté en entendant l´épéiste prononcer les mots « Mine de la Vallée de Toïze », tenta de maîtriser le tremblement de ses jambes. Elle avait travaillé à la Mine, un an auparavant. La société Lézaréno, qui traversait alors une mauvaise passe, avait décidé d´employer des Demi-Elfes non régularisés pour ne pas avoir à leur payer le salaire normal d´un ouvrier Humain. Lysa, en manque criant d´argent, avait accepté de bosser là -bas. Ce n´était pas spécialement un bon souvenir. â€"Monsieur Aurion, lança Vharley à l´adresse de Lysa, cherche à obtenir un minerai spécial qui pourrait se trouver dans la Mine de Toïze. Quant à moi, il me faut des exsphères. T´as bossé là -bas, non ? Lysa hocha la tête. Inutile de nier, il s´était probablement renseigné sur elle. De plus, une idée commençait à germer dans son esprit. â€"Guide-nous dans la Mine, poursuivit Vharley, et je te laisse la vie sauve jusqu´à ce que j´ai récupéré les exsphères. Lysa réfléchit. L´endroit où l´on pouvait extraire les exsphères se trouvait au fin fond de la Mine, sous une cascade qui déversait continuellement des litres d´eau jaunâtres. Pour y accéder, il fallait passer sur un pont… Un pont en bois, formé de lattes disjointes, de surcroît fragile. La Demi-Elfe sourit. Elle hocha la tête, l´air aussi angélique que possible. â€"Bien sûr. Pas de problème… Elle hésita un instant. Elle avait oublié le système de sécurité. Après trois ans d´inactivité, il était probablement devenu vétuste. Il faudrait sans doute le détruire complètement pour faire en sorte qu´il ne s´attaque pas à eux. Elle l´expliqua à Vharley qui haussa les épaules, désinvolte. â€" Kuchinawa s´en chargera, dit-il. â€" Il n´y arrivera pas tout seul, protesta Lysa. Certes, les techniques enseignées par le chef de Mizuho étaient impressionnantes, mais elle ne suffiraient pas face à un système électronique planté. â€" Je l´aiderai, promit le dénommé Aurion. Sur ces mots, il quitta la pièce et se rendit sur le pont extérieur de la BE. Vharley le suivit. Kuchinawa rendit ses vêtements à Lysa et ouvrit la trappe qui menait au coffre pour qu´elle puisse se changer à l´abri des regards. La jeune fille s´habilla rapidement et défit le ruban qui retenait ses cheveux. Un objet se détacha du ruban et roula sur le sol. Lysa sourit, ramassa le serti-rune et le glissa dans la poche de sa cape. Puis elle noua ses cheveux en une queue de cheval basse, et satisfaite, quitta le coffre. Ils mirent une demi-heure pour arriver à la Mine de la Vallée de Toïze. Lysa était étroitement surveillée par Kuchinawa et Vharley, lequel passait nonchalamment le doigt sur la lame de son couteau lorsqu´elle se tournait vers lui. L´épéiste, lui, ne disait rien. Il marchait rapidement, la tête courbée, les yeux fixés sur le sol. Il avait l´air passablement déprimé. Lysa le classa aussitôt dans la catégorie des rabat-joie. De temps à autre, il regardait Lysa d´un air troublé, plissait les yeux, fronçait les sourcils, puis se concentrait à nouveau sur l´herbe du chemin. Un souffle d´air glacé montait de l´entrée de la Mine. Des planches en bois en interdisaient autrefois l´accès, mais elles avaient vite fait d´être détruites par des pillards. Lysa se demandait ce qu´ils venaient chercher ici, à part des emmerdes. Des monstres avaient envahi la Mine : il était dangereux de se déplacer ici sans armes. Vharley poussa Lysa en avant, et le petit groupe entra dans la Mine. Lysa crispa ses mains sur les plis de sa cape. Elle regardait autour d´elle, scrutant la pénombre dans l´attente de l´apparition d´une des sentinelles du système de sécurité. Une odeur fétide montait du sol boueux. Les murs suintaient d´humidité, et Lysa eut brutalement l´impression de se déplacer sur le ventre d´un batracien géant. Ils arrivèrent devant la porte métallique qui bloquait l´entrée de la Mine. La jeune fille regretta amèrement de ne pas avoir ses lames de coude sur elle. Le système de sécurité réagirait violement à leur intrusion, il n´y avait aucun doute là -dessus. Kuchinawa et Aurion s´avancèrent devant la porte, tandis que Vharley restait prudemment en arrière, retenant Lysa auprès de lui. Kuchinawa posa la main sur l´une des pièces du complexe â€"l´unité auto réparatriceâ€". Rien ne se passa. Les sentinelles, censées arriver à la minute même où le système informatique détectait une intrusion, restaient invisibles. Kuchinawa lança à Lysa un regard interrogateur. Celle-ci haussa les épaules, mais elle n´était nullement rassurée. Il régnait sur les lieux un silence de mort. Aurion dégaina son épée et frappa la porte d´entrée. À la grande surprise de Lysa, la porte s´ouvrit obligeamment. Vharley tordit violement le bras de Lysa et la secoua comme un prunier. â€" Tu t´es foutue de nous ! gueula-t-il. Lysa se dégagea de son étreinte et s´avança vers la porte. L´épéiste ne broncha pas, mais Kuchinawa courut jusqu´à elle et la retint par la cape. La Demi-Elfe l´ignora, posa la main sur la porte et observa l´assemblage électronique d´un Å“il expert. Elle n´avait pas travaillé trois mois ici pour rien. De fines étincelles bleues couraient le long du réseau électronique qui contrà lait l´ouverture de la porte. Visiblement, celle-ci avait été forcée. Lysa observa les environs, et son regard se posa sur une machine défoncée qui reposait sur le sol. Elle s´approcha de la machine et reconnut le canon d´une des sentinelles appartenant au système de sécurité. Elle avait été détruite. Aurion s´approcha d´elle et saisit l´une des pièces qui constituaient autrefois la sentinelle. Il la tourna entre ses doigts. â€" Qu´est-ce… Qu´est-ce qui se passe ? demanda Vharley d´une voix anxieuse. â€" Quelqu´un est déjà passé ici avant nous, répondit calmement Lysa. Elle s´avança vers l´unité auto réparatrice. C´était la seule pièce du système à être en bon état. â€" Elle ne va pas tarder à se réactiver, énonça la jeune fille. Il vaut mieux que vous vous dépêchiez de récupérer vos trucs. â€" Pourquoi ? questionna Kuchinawa. â€" Parce que sinon, répondit-elle, le système va se régénérer avec l´unité auto réparatrice et ils ne vous laisseront pas sortir. La nouvelle jeta un froid. Kuchinawa était déjà passé de l´autre côté de la porte, impatient d´en finir. Aurion jeta la pièce métallique sur le sol. Il se tourna vers Lysa et s´adressa à elle : â€" En tout cas, la personne qui a forcé le système manipule très bien l´électricité. Les machines ont été défoncées par un sort de foudre… Lysa se sentit rougir. Il devait être au courant de l´histoire avec le Pontife. Elle s´engagea dans le tunnel qui menait au cÅ“ur de la Mine. Kuchinawa, en bon chien de garde, se colla immédiatement contre elle. Vharley et l´épéiste les rejoignirent après avoir récupéré l´une des torches plaquées contre le mur. Ils progressèrent ainsi à travers la Mine dans un silence absolu. Aurion repoussait sans difficulté les monstres qui faisaient mine de s´intéresser à eux d´un peu trop près. Lysa fut frappée par sa dextérité en matière de combat. Il alternait des sorts longue portée et des attaques courtes avec une habileté qui forçait l´admiration. Son talent à l´épée semblait sans limites. Blessé, il utilisait un sort de soin sur lui-même, ce qui devait être pratique. De toute manière, il n´était jamais blessé. Les monstres avaient à peine le temps de s´approcher de lui qu´ils étaient déjà morts. Lysa songea qu´elle aurait pris beaucoup de plaisir à combattre ce type, elle qui était toujours en quête d´adversaires nouveaux. Mais il ne fallait pas rêver. À ses yeux, elle n´était qu´une Demi-Elfe minable qui lui servait de guide à travers la Mine… Avant d´être tuée par Vharley. Cette dernière pensée fit sourire Lysa. Elle s´avança gaiement parmi les tunnels. Ce connard allait regretter ses actes. Amèrement. La Demi-Elfe se souvenait parfaitement de l´endroit :elle n´eut aucun mal à guider le groupe. Elle se rappelait avoir bossé en compagnie de membres de sa race, qui, comme elle, étaient à la recherche d´un peu de fric pour ne pas finir au fond d´un cachot. En un sens, travailler dans la Mine de Toïze revenait à croupir en prison. La Mine était sale, le travail, dangereux, et la nourriture fournie par la société Lézaréno, dégueulasse. Lysa était chargée des petits travaux, comme réparer les chariots servant à transporter des pierres, ou poser des bombes chargées de faire exploser ces mêmes pierres. Elle distribuait aussi les repas en veillant à ce que tout le monde obtienne la même quantité. Là encore, ce n´était pas une expérience particulièrement agréable : les travailleurs la houspillaient et la pressaient pour avoir leur bouffe. Lysa les comparait souvent à des lions affamés. Après une heure de lente progression à travers les tunnels crasseux, les nacelles mues par la magitechnologie et les ascenseurs vétustes, ils arrivèrent devant une majestueuse cascade dont l´eau avait pris une délicate teinte verdâtre. Tout autour d´eux, de minuscules fragments d´exsphères brillaient dans l´air. L´atmosphère était moite. Vharley cracha sur le sol, apportant ainsi sa propre contribution à l´humidité des lieux. Lysa lui ordonna d´éteindre sa torche, et pointa le bras vers la cascade : â€" Y´a des exsphères ici, expliqua-t-elle. Vous pourrez les voir, si vous éteignez la lumière. Vharley gloussa de contentement et jeta sa torche dans l´eau. Aussitôt, des petits points scintillants apparurent tout autour d´eux. Ils brillaient d´une douce lueur rouge, presque fantomatique, et flottaient lentement dans les airs. Les exsphères palpitaient, comme rendues vivantes par la présence d´humains autour d´elles. La brume produite par l´écoulement de la cascade ajoutait à l´ambiance un brin de magie. Vharley, indifférent à la beauté du spectacle, s´avança sur le pont, suivi de près par Kuchinawa. Il tenta d´attraper les exsphères qui dansaient autour de lui en un ballet silencieux. C´est à peine s´il parvint à les effleurer. Lysa observa froidement Vharley se ridiculiser, sautillant sur le pont comme un éléphant cherchant à s´envoler. Il en avait oublié Lysa. Tant mieux. Elle se tourna vers Aurion et fronça les sourcils. Qu´est-ce qu´il était venu chercher, déjà ? â€" Pourquoi êtes-vous ici ? demanda Lysa sur le ton de la curiosité neutre. â€" Je cherche du minerai inhibiteur, répondit-il. Du minerai inhibiteur… Il y en avait près de la cascade, de l´autre côté du pont. Pauvre gars. C´était moche, mais bon, vu la puissance de l´épéiste, elle n´avait pas trop le choix. Lysa lui indiqua l´emplacement du minerai et le regarda rejoindre Vharley et Kuchinawa sur le pont branlant. À cet instant, tout se précipita. Lysa se baissa, s´empara d´une pierre coupante et appuya doucement le tranchant de celle-ci sur l´une des cordes qui maintenaient le pont. Les fils de chanvre cédèrent, rongeant à moitié la corde. Elle s´arrêta là , puis, prenant son courage à deux mains, appela Vharley. Le receleur d´exsphères se retourna. Lorsqu´il vit Lysa passer la pierre coupante sur la corde d´un air négligent, son cÅ“ur remonta brusquement dans sa gorge, cognant contre la pomme d´Adam dissimulée par les replis de graisse. Sa peau prit une riche couleur aubergine et, presque aussitôt, il se mit à hurler, arrosant les planches disjointes de ses postillons alcoolisés. Il secoua violement le pont, ce qui, vu sa situation, était la dernière chose à faire. Kuchinawa, raide comme un piquet, observait Lysa d´un air incrédule. Il se traita mentalement d´imbécile, ce qui n´était pas dans ses habitudes. Cette petite garce les avait roulés depuis le début. Elle avait prévu le coup. À présent, elle souriait, pesant doucement sur le tranchant de la pierre. Si elle coupait la corde, le pont s´écroulerait, entraînant les trois hommes dans une chute probablement mortelle. Certes, il y avait la cascade, mais le lac devait être profond, et ils avaient de fortes chances de finir noyés. Kuchinawa hurla à son tour. L´épéiste était le seul à rester calme. Il s´en doutait. Lorsqu´il était passée devant la jeune fille pour rejoindre le pont, elle lui avait jeté un regard attristé, comme si elle voulait le retenir. C´était à cet instant précis que Kratos avait deviné son plan. De toute manière, contrairement aux deux autres, il s´en sortirait. Et leur vies importaient peu à ses yeux. Il savait de source sûre que Kuchinawa était traître au clan de Mizuho, et Vharley n´était qu´un receleur d´exsphères crétin, alcoolique et répugnant. Leur morts n´allaient pas bouleverser grand-monde. De plus, Kratos n´était absolument pas sûre que Lysa cherche délibérément à les tuer. Elle semblait vouloir autre chose… De fait, la jeune fille prit la parole : â€" Je dois t´avouer, mon cher Vharley, que ça ne m´enchante pas de tuer. On m´a déjà rendue responsable d´une tentative d´assassinat, alors, trois meurtres à mon palmarès, ça commencerait à faire beaucoup. Elle fit une pause étudiée, savourant l´expression rageuse de Vharley. Elle le tenait par les couilles et elle aimait ça. Elle décida d´en rajouter dans le sadisme : elle sortit son serti-rune de sa poche et le brandit devant ses yeux. Vharley poussa un nouveau hurlement, suivi d´une flopée de jurons étudiés. Lysa sourit. â€" Je te propose un marché, mon grand, poursuivit-elle d´une voix parfaitement calme. Dis-moi où tu planques tes sertis-clé et je te promets que je te laisserai repartir. Vharley grogna. Kuchinawa secoua la tête et murmura d´une voix précipitée, nerveuse : â€" Ne fais pas ça ! Elle te les piquera tous, et on aura de sérieux emmerdes avec le Pontife ! Refuse ! Vharley hésita. Lysa choisit à sa place en sciant lentement la corde de chanvre. Le pont se balança dangereusement, dans un grincement atroce. Le receleur d´exsphères blêmit et repoussa Kuchinawa qui lui secouait le bras. Il n´allait pas mourir ici, c´était trop con ! Il avait encore des tas de choses à faire, une entreprise à monter, un empire à conquérir ! Le Pontife lui avait promis qui lui offrirait un poste de sous-secrétaire d´Etat lorsqu´il prendrait la place du Roi. Il n´avait quand même pas perdu près de cinq ans à lui tourner autour pour se faire tuer par cette petite conne alors qu´il était tout près du but ! â€" Dans le coffre ! beugla Vharley, la voix vibrante de terreur. Ils sont dans des boîtes en cartons, dans le… AAAH !!! L´une des cordes qui maintenaient le pont venait de céder. Le pont pencha brusquement sur le côté, entraînant dans sa chute ses trois occupants, qui tombèrent lourdement en arrière. Kuchinawa, qui avait de bons réflexes, parvint à saisir la tranche de l´une des planches en bois. Il n´en fut pas de même pour Vharley. Pendant quelques instants, il battit l´air de ses bras de façon ridicule, comme s´il espérait s´envoler, puis il poursuivit sa chute, droit vers le lac. Sa main agrippa le bras de Kuchinawa, qui émit un grognement réprobateur. Vharley était particulièrement lourd. Il ne pourrait pas tenir très longtemps, d´autant plus que Vharley ne cessait ne s´agiter dans l´espoir de remonter, déséquilibrant Kuchinawa. Celui-ci se tourna vers Aurion, dans l´espoir d´obtenir un peu d´aide, mais l´épéiste avait disparu. Il était peut-être tombé… Kuchinawa avait trop à faire avec sa propre vie pour se soucier de celle des autres. Avec un hurlement démentiel, il tenta de s´accrocher à l´une des cordes qui formaient le pont. Peine perdue. Le visage baigné de sueur, les yeux exorbités, Kuchinawa se tourna vers Lysa. Elle n´allait pas les laisser crever ici, c´était impossible… Lysa observait le spectacle en silence. Elle s´amusait à lancer et à rattraper la pierre coupante au vol. Elle réfléchissait. Maintenant, elle savait où se trouvaient les sertis-clé. Certes, elle en avait déjà un, mais ça pourrait toujours être utile… Restait à savoir ce qu´elle faisait de Vharley et de Kuchinawa. Lysa avait vu l´épéiste tomber, c´était fini pour lui. Mais les deux autres… La Demi-Elfe passa un long doigt fin sur ses lèvres minces. Puis, d´un pas décidé, elle s´avança vers le pont et se pencha sur la deuxième corde. Kuchinawa ne comprit pas. Pas tout de suite. Son esprit refusait d´admettre l´image que ses yeux lui imposaient. Il secoua la tête, tandis qu´une goutte de sueur roulait le long de sa gorge. â€" Non, murmura-t-il, comme si ce simple mot avait le pouvoir de modifier la réalité. Non. Lysa releva la tête et le salua d´un signe de la main, un sourire malsain aux lèvres. â€" Kuchinawa, dit-elle posément, il y a quelque chose que tu dois savoir à mon sujet. Les mains de Vharley glissaient le long du bras de Kuchinawa. Ses courtes jambes s´agitaient dans le vide. La scène avait quelque chose de surréaliste. Vharley accroché à Kuchinawa, lui-même accroché au pont qui allait s´écrouler d´une minute à l´autre, avec, autour d´eux, les exsphères qui continuaient leur danse silencieuse, indifférentes. Et la Demi-Elfe qui les regardait avec un amusement sadique, en continuant de couper la corde à l´aide de sa pierre tranchante. Elle releva la tête et leur adressa un léger sourire. â€" Je ne tiens jamais mes promesses, acheva-t-elle. Kuchinawa observait Lysa comme s´il la voyait pour la première fois. Il tenta d´accrocher son regard. Ses yeux, d´un vert très clair, étaient froids, calculateurs, et dépourvus de la plus petite parcelle de pitié. Pour elle, la situation était claire : tuer ou être tuée. Kuchinawa songea que si cet imbécile de Vharley ne lui avait pas révélé qu´il avait l´intention de la tuer après qu´ils aient récupéré les exsphères, ils seraient encore en sécurité à l´heure qu´il est. Décidément, ce type était d´une connerie sans fond. Et en plus, il continuait à s´agiter en-dessous de lui, lui déchirant le bras, le suppliant de trouver une solution pour qu´ils puissent remonter ! Kuchinawa eut un mouvement d´humeur. Il en avait assez. Vharley lui faisait mal. S´il devait mourir, autant que ce soit sans souffrances. Kuchinawa secoua son bras d´un coup sec. Vharley lâcha prise. Les yeux écarquillés sous l´effet de la stupeur, Vharley tomba en chute libre, sa crête brune s´agitant sur sa tête sous l´effet du vent. Quelques secondes passèrent, puis il y eut un grand « splatch ! » , comme si quelque chose de très lourd venait d´entrer en contact avec un élément liquide. Kuchinawa ferma les yeux et décontracta son bras engourdi par l´effort. Bon débarras. Lysa avait observé la scène sans réagir. Elle eut un haussement d´épaules détaché et reprit sa besogne. Kuchinawa lui adressa un regard suppliant auquel elle ne répondit pas. Elle n´allait pas le laisser mourir, c´était impossible ! Il ne voulait, il ne pouvait pas l´admettre. Ce n´était qu´une enfant ! Cet acte était inhumain. C´en était monstrueux. La brume dissimula le dernier geste de Lysa. Kuchinawa ne se vit pas mourir. Elle leva le bras, et, d´un coup sec, trancha la corde qui le retenait à la vie. Le pont se disloqua instantanément. Lysa regarda sans émotion le corps de Kuchinawa tomber droit vers le lac, au milieu des exsphères. Elle entendit un horrible craquement. Il avait probablement atterrit sur l´un des rochers qui parsemaient le lac et s´était brisé les os sous le choc, sans doute… Autour d´elle, illuminant les lieux comme des bougies flottantes, les exsphères poursuivaient leur ballet improvisé. Il semblait à Lysa que leur danse s´accompagnait d´un léger murmure, comme une chanson. Mais une chanson un peu aigrelette, un peu méchante, semblable à celles que chantent les enfants lorsqu´ils viennent d´écraser une fourmilière à coups de talons. C´était de circonstance. Lysa tendit la main devant elle. Aussitôt, comme un signal, deux exsphères vinrent se poser dans sa paume. Lysa referma vivement le poing, capturant les exsphères. Enfermées au creux de sa main, elles produisaient une douce chaleur. Elle en avait. Elle avait enfin des exsphères. Mais cette idée ne lui procurait aucune satisfaction. â€" J´étais vraiment obligée de faire ça… ? demanda Lysa à voix haute. Lentement, la jeune fille se tourna vers le tunnel. Il fallait partir. Il fallait qu´elle quitte la Mine, qu´elle « emprunte » la barge élémentale, qu´elle se rende à Meltokio pour courir se réfugier chez Sélès. Les chevaliers pontificaux, même s´ils ignoraient la mort de Vharley, ne la lâcheraient pas. Il fallait qu´elle se cache, elle le savait. Mais elle avait du mal à quitter cet endroit. Finalement, Lysa pivota sur ses talons, tournant le dos au pont détruit. Puis, d´un pas précipité â€"un pas de fuyardeâ€", elle s´enfonça dans le tunnel. Kratos attendit que le bruit de ses pas décroisse dans le tunnel pour remonter. À la seconde précise où il était tombé en arrière, ses ailes s´étaient immédiatement déployées. Kratos s´était caché sous la cascade pour ne pas se faire repérer sous sa forme angélique. Résultat : il était trempé. Il agita longuement ses ailes pour essuyer les gouttes d´eau et épousseta son uniforme du Cruxis. Quelle journée de merde. Non seulement il n´avait pas réussi à récupérer le minerai inhibiteur â€" il n´en restait plus lorsqu´il était allé jeter un coup d´œil de l´autre côté du pontâ€", mais en plus, il avait la quasi-certitude qu´on était déjà passé par là avant lui. Et, vu que la porte avait été détruite par un sortilège de foudre, il ne se faisait pas trop d´illusions quant à la nature du pillard. Avec un lourd soupir, Kratos rangea ses ailes et s´avança vers le tunnel. Ses pensées le ramenèrent à Lysa. Un sacré courage, la gamine ! N´importe quel môme de son âge aurait flippé à sa place. Elle avait gardé son sang-froid tout le long. C´était impressionnant. Kratos, pensif, poursuivit sa marche le long du tunnel. Au bout de quelques minutes, l´obscurité l´engloutit. Les exsphères, déçues, le regardèrent partir. Puis elles reprirent leur danse, tournoyant, louvoyant au-dessus du corps de Kuchinawa éclaté sur un rocher et celui de Vharley flottant à la surface de l´eau. |
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