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Lecture du chapitre 5 | |
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Nom de l'œuvre : Tales Of Darkness | Nom du chapitre : Pèlerinage |
Écrit par Kazumi | Chapitre publié le : 11/12/2005 à 16:39 |
Œuvre lue 41007 fois | Dernière édition le : 11/12/2005 à 16:39 |
Lysa arriva à Meltokio le lendemain soir. Elle avait voyagé en barge élémentale, pilotant sans problème le petit véhicule promu au rang de bateau et qui surfait à travers les vagues. La traversée avait été rapide et agréable, hormis vers la fin où un orage avait éclaté, ralentissant considérablement sa progression. Elle avait réussi à maintenir le cap et elle était parvenue jusqu´au grand pont de Tesséha´lla sans encombres. Après avoir récupéré deux sertis-clé dans les boîtes en cartons, comme le lui avait indiqué Vharley, Lysa avait abandonné la barge élémentale près du pont. Elle s´était ensuite rendue à Meltokio, avec la ferme intention de se réfugier chez Sélès. Les chevaliers pontificaux ne lui lâcheraient pas les basques, elle le savait. Il fallait qu´elle trouve une cachette. Lysa mit près d´une demi-heure pour arriver jusqu´au couvent. Les portes, comme d´habitude, étaient closes. Un petit garçon sautait à cloche-pied sur les marches de l´escalier en sifflotant. Lysa s´approcha et lui tapota l´épaule. â€" Est-ce que tu sais s´il y a une autre entrée ? demanda-t-elle à voix basse. Il acquiesça, apparemment tout fier. â€" Ouais, répondit-il. Mais c´est cher. Trois mille Flouz. La Demi-Elfe sourit d´un air attendri. Elle ébouriffa les cheveux de l´enfant, et, glissant sa main le long de sa gorge, l´attrapa par le col de sa chemise et le plaqua brutalement contre le mur du couvent. Une expression de surprise incrédule apparut sur la figure crasseuse du môme. Elle approcha son visage à deux centimètres du sien et murmura d´une voix douce et menaçante : â€" Ecoute, espèce de sale petit crétin, je n´ai pas fait près de 345 kilomètres en BE pour me voir bloquer la porte par un morveux dans ton genre. Donc, je te laisse le choix : soit tu me dis gentiment où se trouve l´autre entrée, soit je t´explose la tête contre le mur jusqu´à ce que tu soit en état d´aller voir notre déesse vénérée. Qu´est-ce que tu choisis ? Le môme gémit, terrorisé. Visiblement, la première option lui parut nettement plus envisageable que la deuxième, car il hocha frénétiquement la tête. Lysa le reposa sur le sol. L´enfant fonça aussitôt en direction des cuisines, longeant le mur blanchi à la chaux. Lysa poussa un juron. Pourquoi n´y avait-elle pas pensé ? Elle était déjà passée par là , en plus. Le gosse pilla devant les grandes fenêtres ouvertes d´où s´échappait une odeur fade de soupe au choux. Il pointa un doigt tremblant vers les fenêtres. Lysa ne prit pas la peine de le remercier : elle enjamba le rebord et pénétra dans le couvent. Il régnait une chaleur étouffante. La grosse cuisinière, en robe blanche, s´agitait devant ses casseroles. Des panaches de fumée s´échappaient du chaudron. À pas de loup, pour ne pas se faire repérer par la vieille folle qui l´avait déjà frappée avec son balai à deux reprises, Lysa traversa les cuisines. Elle franchit une estafilade de portes et sourit en voyant les sÅ“urs à genoux, bien gentiment, les yeux fermés pour la prière du soir. Le traditionnel rituel allait servir ses fins. La Demi-Elfe parvint devant un escalier qu´elle grimpa quatre à quatre et arriva devant la cellule de Sélès. Elle frappa à la porte en priant pour que son amie soit là . Sélès était là . Elle lui ouvrit, puis, reconnaissant Lysa, la saisit par l´encolure de sa cape et l´entraîna dans sa chambre. Elle claqua la porte et se tourna vers elle. Son visage prit une expression sévère. â€" Qu´est-ce que tu fiches ici ? demanda Sélès. Lysa, surprise par le peu de chaleur de l´accueil, répondit qu´elle cherchait une planque. â€" Je veux bien te croire, soupira Sélès. Tous les chevaliers pontificaux de la ville sont à ta poursuite. Il y a des avis de recherche partout, et, s´ils t´attrapent, tu seras mise à mort. J´étais hyper inquiète pour toi. Lysa crispa les mains sur les accoudoirs du fauteuil sur lequel elle était assise. Et merde. Elle ne pouvait pas dire qu´elle ne s´y attendait pas, pourtant. â€" Ils ont découvert que c´était toi qui avait tenté d´assassiner le Pontife. Tu savais qu´il y avait des systèmes de vidéosurveillance à l´hôtel Cicéron ? Elle ne savait pas, non. Avec le recul, ça devenait évident. Un hôtel aussi bien protégé utilisait forcément la magitechnologie. Lysa passa une main lasse sur son front et s´aperçut qu´elle était en sueur. â€" Bon… souffla-t-elle. Tant pis… Je reste ici une nuit, et je fiche le camp. Sélès frappa violement du pied sur le sol. â€" Pas question ! s´écria-t-elle. De toute manière, que tu sois ici ou dehors, ça ne change pas grand-chose point de vue sécurité. Ce n´est pas parce que tu te déplaces en permanence que tu seras protégée. â€" Je sais, répondit Lysa. Je voulais juste éviter de t´attirer des ennuis. Sélès frappa à nouveau du pied sur le sol. â€" Ne dis pas de conneries, ordonna-t-elle sèchement. Tu restes ici, point. Nous trouverons bien une solution. Lysa esquissa un léger sourire. Elle aimait sa façon fraternelle d´utiliser la première personne du pluriel, mais elle se doutait que le peu d´influence de Sélès ne suffirait pas à régler la situation. Elle accepta néanmoins son offre. Son amie avait raison, se déplacer tout le temps n´arrangerait rien. Et puis elle était crevée. Lysa s´écroula sur le lit qui lui était réservé et contempla le plafond. Sélès, comprenant que son amie était trop fatiguée pour bavarder, se rendit dans la salle de bain qui jouxtait sa chambre. Lysa sentit ses yeux papillonner. Elle était si fatiguée… Sa tête lui faisait mal. Mais quelle bande de cons, ces chevaliers pontificaux ! Jamais elle n´avait voulu assassiner le Pontife. Elle ne pouvait pas savoir que le sort Lame du Tonnerre se transformerait en Indignation. N´empêche, elle ne l´avait pas raté, le gros bouffi ! Lysa sentit les coins de sa bouche se relever imperceptiblement, et elle dut lutter contre une violente envie de rire. Puis son visage redevint grave. Il fallait qu´elle trouve un moyen pour leur échapper. Sélès était bien gentille, mais elle ne pouvait rien pour elle. Il fallait qu´elle trouve une cachette… Un endroit où nul ne pourrait aller, pas même les chevaliers pontificaux. Bon, ça, c´était impossible. Alors un endroit où ils ne la suivraient jamais… Le Temple de la Foudre, peut-être ? La Tour du Salut ? Au moment où une idée parvenait dans son esprit embrumé par les affres du sommeil, Lysa entendit trois coups sourds frappés violement à la porte. Elle se sentait trop faible pour bouger… Tant pis, ils n´avaient qu´à entrer. Lysa hésita et se redressa un peu. Et si c´était les chevaliers pontificaux ? La porte s´ouvrit. Ce n´était pas les chevaliers pontificaux. Lysa blêmit. C´était encore pire. La mère supérieure se tenait dans l´encadrement de la porte, une expression triomphante sur son visage flasque. À ses côtés se trouvait le môme qui avait indiqué l´entrée à Lysa. Il se planquait dans les jupes de la grosse femme, les yeux rivés sur Lysa, apparemment terrifié. La mère supérieure lui caressa la tête, comme on le ferait à un chiot à trois pattes, découvert à moitié mort de faim dans un chenil. â€" Très bien, mon enfant, très bien, le félicita-t-elle de son horrible voix de petite fille. C´est merveilleux, absolument merveilleux… Voyant que le môme ne faisait pas mine de bouger, elle le repoussa vers les escaliers. â€" Tu as très bien agi en venant m´informer de la présence de cette horrible Demi-Elfe, poursuivit-elle. Tu en seras récompensé, crois-moi… Maintenant, file, et que la déesse Martel te protège. L´enfant ne se le fit pas dire deux fois. Il fonça à toutes jambes vers les escaliers et disparut quelques secondes plus tard. Avec un sourire carnassier, la mère supérieure se tourna vers Lysa. La jeune fille frissonna. De toute évidence, la vieille avait largement dépassé la date limite de fraîcheur, mais la méchanceté devait la conserver : pas une seule ride n´apparaissait sur son visage aux joues roses. Seules quelques mèches blanches s´échappant de sa coiffe laissaient deviner son âge véritable. Une lueur de fanatisme dansait dans ses yeux gris. Sa corpulence était impressionnante. Jamais Lysa ne pourrait se faufiler par la porte. Elle était foutue. â€" Alors, on rigole moins, hein ? siffla la mère supérieure en s´avançant vers elle. Depuis des années que je te vois souiller l´âme immortelle de cette pauvre enfant, la pourrir de l´intérieur avec ton sang maudit, je rêvais de te punir comme tu le méritais, mais, bien entendu, les stupides enseignements de l´Eglise de Martel m´empêchaient de porter la main sur une adolescente… Mais maintenant, la donne a changée ! Oh oui, poursuivit-elle d´un air exalté, tout a changé… Lysa se leva, et, avec un calme olympien, lissa les plis de sa cape et la considéra souverainement. â€" Il y a deux grosses erreurs dans votre discours, déclara-t-elle. La mère supérieure ricana. â€" Vraiment ? Lysa hocha la tête. Gagner du temps. Gagner du temps pour trouver une solution. â€" Oui, vraiment. La première, c´est cette histoire de sang maudit. La vieille se dressa de toute sa hauteur, frisant le mètre cinquante. Elle sourit à nouveau, découvrant ses dents jaunes en une expression féroce et provocatrice. â€" Personne n´ignore que votre sang est maudit, petite dinde ! lança-t-elle. â€" Je vous signale, répliqua Lysa, que la déesse que vous et votre bande de demeurées passez près de quinze par jour à adorer était une Demi-Elfe. Le sourcil droit de la mère supérieure s´éleva si haut qu´on aurait pu caser un Å“uf d´aigle royal dans l´orbite. â€" Tu est folle, cracha-t-elle. â€" Pensez ce que vous voulez, je m´en fous. Mais, étant donné que je viens d´Exire, le mythique village des Demi-Elfes, fondé par la déesse Martel elle-même, je pense que ma parole a un peu plus de valeur que la vôtre. Elle disait n´importe quoi, elle en avait conscience, mais elle était prête à raconter qu´elle avait un jour copulé avec un Esprit Originel pour le simple plaisir de voir le visage de la mère supérieure se déformer sous l´effet de la surprise. â€" La deuxième, poursuivit Lysa, c´est… Ce fut ce moment que choisit Sélès pour quitter la salle de bain. En sous-vêtements. En apercevant Sélès, les yeux de la vieille s´agrandirent tant et si bien que l´on voyait désormais le réseau sanglant des nerfs sur la pupille. Elle plaqua une main sur sa bouche, et recula lentement, l´air horrifiée. Elle pointa un doigt boudiné sur la jeune fille. â€" Tu… balbutia-t-elle. Vous… La mère supérieure reculait toujours. Elle finit par se retrouver plaquée contre la rambarde des escaliers. Lysa saisit ses lames de coude et se prépara. Elle fit signe à Sélès de se rhabiller. Celle-ci, en voyant les armes, comprit immédiatement. Elle sauta dans sa jupe et s´empara de son haut qui coiffait l´abat-jour de sa lampe de chevet. â€" Vous… poursuivit la mère supérieure, l´air profondément choqué. Vous avez fait… Vous avez fait… La vieille déraillait sévère. Elle commençait à imaginer des trucs auxquels Lysa n´avait même pas pensé. Vaguement amusée, la Demi-Elfe décida de se prendre au jeu. Elle s´approcha de la vieille et prit une expression gourmande. â€" Oh oui, dit-elle dans un soupir d´extase. Parfois même deux fois par jour. La vieille poussa un hurlement perçant. Les vitres vibrèrent sous le choc, tandis que les sÅ“urs, alertées, grimpaient l´escalier dans un joyeuse cavalcade pour voir de quoi il retournait. L´une d´entre-elles posa la main sur le bras de la mère supérieure qui haletait bruyamment, les yeux toujours braqués sur Lysa. â€" Ma sÅ“ur, murmura la femme, que se passe-t-il ? La mère supérieure frisait l´apoplexie. Ses joues, couperosées au naturel, avaient pris une teinte violacée qui indiquait une forte insuffisance cardiaque. Lysa se surprit à espérer qu´elle crève d´une attaque sous ses yeux. Cela lui épargnerait bien des efforts. Mais, de toute évidence, Dame Martel n´existait pas pour les criminels, car la vieille, reprenant du poil de la bête, fonça sur elle en braillant. â€" Je vais te saigner comme la sale petite truie que tu es ! hurla-t-elle, les griffes projetées en avant. Pour la respectable mère supérieure du couvent de Meltokio, âgée de soixante-quatorze ans et six mois, l´expression ne manquait pas de sel. Lysa ne prit pas le temps de se formaliser sur le vocabulaire de la vieille. Elle se contenta de la repousser à l´aide de son Gardien, puis, avec un petit coup de pied bien placé, elle l´envoya au tapis. La vieille tomba lourdement en arrière et resta clouée au sol, son imposante poitrine se soulevant de façon précipitée et irrégulière. Les sÅ“urs murmurèrent d´un air désapprobateur mais pas une ne fit un geste pour l´aider. Lysa profita de leur inaction pour saisir Sélès par le bras et l´entraîner dans les escaliers. Elles dévalèrent les marches, franchirent la porte qui ouvrait sur la cour et quittèrent le couvent. La nuit était tombée sur Meltokio, plongeant la cité impériale dans un océan de ténèbres. L´obscurité noyait les formes des immeubles et effaçait les contours des silhouettes qui se dessinaient aux coins des rues. Lysa s´en réjouit. Les deux filles couraient, leurs bottes claquant sur la chaussée humide. Sélès était considérablement ralentie par le poids de sa valise qu´elle traînait derrière elle. Lysa s´empara de la valise, la cala sur son dos et reprit sa course. Derrière elles, un cliquetis de ferraille indiquait clairement que les chevaliers pontificaux étaient à leur poursuite. Lysa tourna brutalement à droite, Sélès sur ses talons, et s´arrêta sous un porche. Elle tira son amie par la manche pour lui faire signe de se plaquer contre le mur. Deux chevaliers pontificaux passèrent devant elles sans les voir. Sélès étouffa un cri. Lysa lui ordonna de se calmer, puis elle attendit quelques secondes et prit la parole : â€" Qu´est-ce qu´on fait ? demanda-t-elle en reprenant son souffle. Sélès fut prise de court. D´ordinaire, c´était Lysa qui donnait les ordres. â€" Je sais pas trop… répondit-elle, hésitante. Sélès regarda autour d´elle comme si elle espérait voir la solution surgir de l´ombre. Brusquement, son visage s´éclaira. Lysa se pencha vers elle, attentive. â€" Tu veux quitter la ville, non ? demanda Sélès. â€" Je préférerais. Ce serait plus sage. Tu pourrais retourner au couvent et prétendre que je t´… En voyant l´expression indignée qui apparut sur le visage de son amie, Lysa s´arrêta net. â€" Lysa, dit Sélès d´un ton féroce, je viens avec toi. â€" C´est dangereux… â€" Tant mieux. â€" Tu pourrais te blesser. â€" Et alors ? Lysa observa longuement Sélès, l´air incrédule. La jeune fille avait une expression décidée sur le visage, un air bravache que Lysa ne lui avait jamais vu. Elle serrait les poings et sa voix était tendue par le désir de convaincre. Lysa s´aperçut que si elle voulait réellement venir, dans l´état actuel des choses, elle ne pourrait pas l´en empêcher. Visiblement, Sélès était déterminée à ne pas la lâcher. La Demi-Elfe poussa un profond soupir. â€" Fais comme tu veux… Sélès, ravie, battit des mains. Elle attrapa les poignets de son amie et se lança dans une série de ferventes effusions. â€" Je ne te dérangerai pas, lança-t-elle d´un ton précipité, comme si elle craignait que Lysa ne revienne sur sa décision. C´est promis. Et je ne ferai pas de bêtises. On aurait dit une gamine en train de faire des résolutions intenables à ses parents pour être autorisée à sortir le soir. Lysa mit fin au pathétique plaidoyer de Sélès en agitant la main d´un air agacé. â€" Bon. C´est bien joli tout ça, mais maintenant, il faudrait peut-être décider de notre prochaine destination, tu crois pas… ? Sélès acquiesça. â€" J´ai eu une idée, tout à l´heure, déclara-t-elle. Tu savais que la cathédrale de Meltokio organisait des pèlerinages ? Lysa secoua la tête. Elle n´était pas très au courant des activités de l´Eglise de Martel. À vrai dire, elle n´en avait rien à faire. Du moment qu´il ne s´agissait pas de nouvelles mesures contre les Demi-Elfes… â€" Y´a une caravane de pèlerinage qui va bientôt partir, affirma Sélès. Ils vont à Altamira. Normalement, le point de rendez-vous se trouve devant la cathédrale. Tu cr… Elle n´acheva pas sa phrase. Lysa l´empoigna par le bras et l´entraîna à sa suite, en direction de la cathédrale, priant pour qu´elles n´arrivent pas trop tard. Une caravane de religieux. Excellente idée. Les disciples de Martel avaient tous les pouvoirs : s´infiltrer parmi eux leur ouvrait toutes les portes. Lysa et Sélès sprintait à travers les rues, deux ombres mouvantes qui filaient comme si le diable étaient à leurs trousses. Lysa préférait ne pas penser à ce qui adviendrait si elles n´arrivaient pas à temps pour rattraper la caravane. Non seulement Sélès serait sévèrement punie, mais elle-même se verrait mise à mort. Exécution sur la place publique, sous les quolibets des habitants de Meltokio. Le rêve. Par chance, par miracle ou par hasard, elles furent à l´heure. La caravane était encore garée à l´angle de la cathédrale. C´était un véhicule conçu pour accueillir une dizaine de personnes, et encore, il aurait fallu que les dix personnes en question eut été un groupe de contorsionnistes professionnels. Une bâche de couleur terne était tendue sur les lattes qui formaient le toit, et, en guise de signe distinctif, les pasteurs avaient cousu l´emblème de l´Eglise de Martel sur les deux côtés de la bâche. Deux chevaux de trait, le poil terne et l´œil vitreux, mâchonnait sans enthousiasme l´avoine dont leur mangeoires étaient remplies. Lysa et Sélès passèrent devant les chevaux, qui relevèrent la tête, observèrent les deux jeunes filles d´un regard éteint, et frémirent longuement des naseaux, l´air farouche. â€" Je pensais que l´Eglise de Martel était plus riche que ça, murmura Lysa en contemplant l´emblème effiloché. â€" Les touristes qui partent avec ce pèlerinage doivent manquer d´argent, répondit Sélès sur le ton de l´évidence. Les deux filles s´avancèrent jusqu´à la file de pèlerins qui se trouvait derrière la caravane. Les pèlerins étaient issus de catégories complètement différentes â€"une petite vieille parlait offrandes avec un chevalier en armure noire, et un adolescent s´accrochait à la manche de sa mère vêtue comme une domestiqueâ€", mais ils semblaient tous partager un point commun : la même expression de félicité totale était scotchée sur leur visages. Comme si rien ne les réjouissait plus que de partir en voyage avec une bande d´inconnus, dans une caravane minuscule tirée par deux chevaux asthmatiques. Lysa en déduit que tous les ressortissants de l´Eglise de Martel avaient été frappés de plein fouet par l´aile maléfique de la folie furieuse. Le jeune pasteur chargé de réguler l´embarquement des passagers étaient débordé. Les pèlerins piaffaient, bavardaient, s´échangeaient des propos d´une voix forte, ignorant complètement les rappels à l´ordre du prêtre. Lysa et Sélès n´eurent aucun mal à se faufiler discrètement dans la caravane. Elles ramenèrent le col de leurs capes jusqu´au menton, et Lysa rabattit sa capuche sur son front, pour éviter de se faire remarquer. Les pèlerins pénétrèrent dans la caravane en s´extasiant sur l´originalité de ce moyen de transport. Les deux filles passèrent complètement inaperçues. Un quart d´heure plus tard, la caravane s´ébranla. Sélès, voyant que la bâche était déchirée à maints endroits, colla son Å“il sur l´une des ouvertures pour regarder sa ville natale s´éloigner, jusqu´à se muer en une masse informe à l´horizon. Elle ne put retenir un soupir de soulagement. Jamais elle ne reviendrait ici. Jamais elle ne retournerait s´enfermer au couvent. Elle suivrait Lysa, quoi qu´il advienne, qu´elle le veuille ou non. Sélès avait déjà compris les intentions de Lysa. On ne passe pas cinq ans en compagnie de quelqu´un sans acquérir une certaine expérience au sujet de ses pensées et sentiments. Elle ne savait pas où Lysa voulait aller pour échapper aux chevaliers pontificaux. Mais, quoi qu´il en soit, elle avait la ferme intention de la suivre. Avant d´entrer clandestinement dans une caravane de pèlerins, dans le but d´arriver incognito à Altamira en évitant les frontières, Lysa ne tenait pas les membres de l´Eglise de Martel en haute estime. Elle méprisait pasteurs, religieuses et prêtres, et trouvait que les commandements de l´Eglise, en règle générale, n´étaient qu´un vaste tissu de conneries. La jeune fille n´allait cependant pas jusqu´à les détester, et elle se contentait de les ignorer. Mais après avoir passé trois heures en compagnie d´une bande de pèlerins entièrement dévoués et de trois prêtres fanatiques, Lysa éprouvait pour l´Eglise de Martel et ses ressortissants une haine sidérale. Pour commencer, le pasteur chargé de l´animation avait prononcé un émouvant discours sur le thème : « Partons tous ensemble à Altamira pour sauver les âmes perdues des bourgeois dépravés qui hantent ces lieux sans avoir reçu la divine Foi. » Le discours en question semblait avoir été composé par un moine dyslexique, car le pasteur était obligé de coller son nez sur le parchemin pour arriver à déchiffrer les gribouillis, eux-mêmes rédigés dans un style mièvre et parfaitement insupportable. Malgré cela, les pèlerins poussaient des exclamations ravies et encourageantes à chaque fois que le pasteur parvenait à terminer une phrase. Au bout du vingt-cinquième « Gardons le sourire et la Foi, quoi qu´il arrive ! », répété avec enthousiasme par les religieux, Lysa fit une horrible grimace et décida de se boucher les oreilles. En cet instant, elle avait tout sauf envie de garder de le sourire, et encore moins la Foi, qu´elle n´avait de toute manière jamais eue. Lorsque les deux jeunes filles étaient montées à bord de la caravane, l´angoisse leur avait rivé les yeux au sol. Mais maintenant que Meltokio n´était plus qu´une vague forme sombre sur l´horizon, elles se risquaient à observer leur nouvelle cachette. En plus d´elles et des pasteurs, le véhicule transportait une vingtaine de pèlerins, tous à la mine prodigieusement réjouie. Il y avait là des messieurs réjouis, des dames réjouies, une poignée d´adolescents réjouis, sans parler d´un conducteur réjoui, qui, de temps à autre, se retournait vers ses passagers avec un grand sourire réjoui. Sélès se demandait ce qui pouvait bien les mettre de si bonne humeur. Les pèlerinages organisés par l´Eglise de Martel n´avaient rien de riant. Elle le savait pour avoir participé à plusieurs « programmes de voyage », comme disait le Pontife. La nourriture était immonde, les pasteurs, irascibles, et le matériel de camping, de très mauvaise qualité. On se demandait où passaient les généreuses donations faites à l´Eglise de Martel par de bourgeois qui n´avaient pas le temps d´aller prier, et qui s´inquiétaient pour leur image aux yeux de la déesse… Sélès eut un rire amer. Elle se tourna vers Lysa et grimaça à son tour. Dès le premier tour de roue, le pasteur avait saisi ses feuillets et le véhicule entier avait répété en chÅ“ur les commandements de l´Eglise de Martel. Hélas, à chaque « Gardons le sourire ! », l´angoisse des jeunes filles ne faisait que monter d´un cran. Au commandement « Voyager c´est la vie ! », repris joyeusement par les pèlerins, elles se faisaient déjà un sang d´encre. Assurément, quelqu´un allait s´écrier : « Dites ! Ces deux-là , qu´est-ce qu´elles font ici ? Elles n´ont même pas fait la queue avec les autres ! » Au commandement « Un monde sans discrimination est un monde de paix », fredonné par les pasteurs, elles sentaient leurs entrailles se tortiller dans leur estomac. Assurément, quelqu´un ferait remarquer : « Dites ! Ces deux-là , d´où sortent-elles ? Elles n´ont même pas de médaille à l´effigie de Martel ! » Et au commandement du « Respecter son prochain ne peut que faire du bien », littéralement hurlé par les religieux, la peur leur labourait le ventre. Assurément, quelqu´un finirait par lancer : « Dites ! Ces deux-là , regardez-les mieux ! C´est la Demi-Elfe recherchée pour vol et tentative d´assassinat ! » Mais les pèlerins chantaient avec tant d´entrain que rien n´aurait pu les arrêter. De toute manière, ils n´avaient guère prêté attention aux deux jeunes filles. Et ils étaient bien trop occupés à déborder de bonne humeur pour s´aviser que ni Lysa, ni Sélès, ne récitaient les commandements. Sélès entreprit donc de parler à Lysa, le plus discrètement possible. â€" Qu´est-ce qu´on fera, quand on sera arrivées là -bas ? demanda-t-elle à voix basse. Lysa sortit de son sac un petite bourse remplie de Flouz qui auraient normalement dû servir à régler Altessa. Elle fit un rapide calcul mental. â€" On pourra louer une chambre à l´hôtel, murmura-t-elle. J´ai quelques trucs à faire, mais tu pourras aller à la plage… â€" Ou t´accompagner. Lysa lui jeta un regard sévère. Sélès la gratifia d´un grand sourire joyeux. â€" Comme tu voudras… concéda la Demi-Elfe. Mais ce n´est pas une classe verte, tu sais… â€" Ouais, je sais. Inutile de me traiter comme une gamine de trois ans… â€" C´est pas ça. Mais ce que j´ai à faire, c´est principalement de la recherche. Je pensais que tu aurais pu trouver une occupation plus marrante… Sélès haussa les épaules. Le reste du voyage se déroula dans une morne torpeur. La nuit avait fait place à l´aube, et les religieux, las des chants et des récitations de commandements, avaient fini par s´endormir. Lysa se roula en boule dans un coin et, bientôt, on entendit de puissants ronflements émaner de sa personne. Sélès se cala contre sa valise, et ferma doucement les yeux. Elle s´endormit en rêvant des plages d´Altamira, baignées par le soleil, et de la mer qui s´étendait à perte de vue, avec des vagues moutonnant à l´horizon… Sélès sourit. Elle ne regrettait pas d´avoir suivi Lysa. |
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