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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 8
Nom de l'œuvre : Tales Of Darkness Nom du chapitre : Le charme de l'accueil
Écrit par Kazumi Chapitre publié le : 18/1/2006 à 22:37
Œuvre lue 41002 fois Dernière édition le : 18/1/2006 à 22:37
Lysa avait l´horrible impression de tomber d´une hauteur vertigineuse, sans rien pour la retenir.
Son estomac sembla s´agiter dans tous les sens, et elle pria pour que les deux desserts qu´elle avait avalés quelques heures plus tôt y restent. Le vent lui fouettait violement le visage. Sa queue de cheval bleue se tordait comme tirée en arrière par une main malicieuse. Le vent picotait ses yeux fermés…
Brusquement saisie d´un doute, Lysa ouvrit les yeux. Elle regarda autour d´elle.
« Idiote », pensa-t-elle en se mordant la lèvre inférieure.
Contrairement à ce qu´elle avait cru, elle n´était pas en train de tomber dans le vide. Ni même de tomber tout court.
Lysa était à Sylvarant. Elle venait d´arriver à Sylvarant.
Lysa se pinça fortement le bras pour s´assurer qu´elle ne rêvait pas. La douleur fulgurante qui traversa son bras la rassura entièrement sur ce point. Elle ne rêvait pas.
Lysa était assise sur une large dalle de pierre grise. Un forte bourrasque balayait le sol. Sur la dalle était gravée une jolie figure cabalistique qui ressemblait vaguement à une rose des vents. Lysa reconnaissait les quatre points cardinaux, désignés en une écriture ancienne et indéchiffrable. Autour de la dalle, perchées sur quatre piliers, des idoles dansantes ouvraient les bras, leurs visages de pierre tournés vers le ciel en une expression émerveillée. L´effet général était assez réussi, mais Lysa était suffisamment perspicace pour se douter que sa présence en ces lieux ne serait probablement pas la bienvenue.
Elle se releva lentement, les membres ankylosés, et ramassa son sac avant de le caler sur son dos. Elle s´apprêtait à descendre de la dalle, lorsqu´un jeune homme, qui était jusque-là dissimulé sous la dalle, leva brusquement la tête vers elle.
« Ça commence bien », pensa Lysa, résignée.
Le jeune homme avait l´air apeuré. Il lui jeta un regard de lapin traqué et fit un bond en arrière. Il leva les mains en signe de dénégation, l´air gêné :
â€" Je sais, lança-t-il tout à trac, d´une voix précipitée, le règlement stipule qu´il est formellement interdit d´approcher la dalle les jours de grand vent, mais je voulais simplement vérifier quelque chose…
Il avait l´air terriblement mal à l´aise. Lysa, un peu abasourdie, le regarda poursuivre son plaidoyer sur un ton virant au pathétique.
â€" Je… Je fais des recherches scientifiques… poursuivit-il en bafouillant à moitié. Je… Ça n´a rien de personnel… C´est purement dans l´intérêt de la science…
Le jeune homme poussa un soupir, puis ajouta, suppliant :
â€" Vous ne direz rien au maire, hein ?
Lysa l´observa avec des yeux ronds. Elle ne comprenait pas un traître mot de ce qu´il racontait. En même temps, elle sentit une vague de soulagement l´envahir. Ils parlaient la même langue !
Il avait un accent épouvantable qui rendait ses paroles presque incompréhensibles, mais c´était indubitablement la même langue.
Visiblement, il semblait ne lui vouloir aucun mal. Au contraire, c´était plutôt lui qui avait l´air ennuyé.
Le jeune homme attendait sa réponse en tripotant nerveusement ses lunettes. Lysa décida de jouer le jeu :
â€" Ne vous en faites pas, assura-t-elle, consciente qu´elle répondait au hasard, je ne dirai rien.
Le visage du garçon s´éclaira. Il la remercia avec effusion, avant de se replonger dans ses « investigations scientifiques ».
Lysa descendit de la dalle et le regarda à la dérobée. Sous la masse de cheveux noirs, on apercevait la forme ronde de ses lunettes. Sa peau était de couleur olivâtre et ses lèvres minces remuaient pensivement. Il mesurait la hauteur de la dalle avec un mètre ruban, l´air très concentré. Il avait l´air parfaitement ridicule. Jugeant néanmoins qu´il semblait inoffensif, Lysa entreprit de lui extorquer des informations. Elle se racla la gorge.
â€" Excusez-moi, demanda-t-elle d´un ton poli, je suis à la recherche d´un Nain pour un travail concernant… euh…
Elle s´embrouillait. Elle ne trouvait pas ses mots, sa langue se déliait d´elle-même. Le jeune homme lui adressa un sourire encourageant.
â€" Je ne suis pas de la région, précisa-t-elle, et… J´ai besoin d´un Nain pour m´aider à réaliser…
Deux pommettes roses apparurent sur ses joues alors qu´elle tentait péniblement d´inventer un mensonge plausible.
â€" La décoration d´intérieur dans une résidence du Sud, débita-t-elle d´un trait.
Les yeux du jeune homme s´agrandirent derrière ses lunettes.
â€" Un Nain ? répéta-t-il.
Lysa hocha la tête. « S´il me sort que cette race à disparu depuis des siècles, pensa-t-elle, je me suicide. »
Contre toute attente, le jeune homme éclata de rire. Devant l´air éberlué de Lysa, il crut bon de se justifier :
â€" Vous les avez raté de peu. La Grande Foire du Nain a eu lieu il y a deux jours.
Lysa grommela un juron. Bon. Tant pis.
â€" Qu´est-ce que la Grande Foire du Nain ? demanda-t-elle avec curiosité.
â€" C´est un événement grandiose, répondit le jeune homme en écartant les bras pour bien montrer à quel point l´événement était grandiose. Des Nains de tout Sylvarant s´installent à Asgard pendant deux semaines, et, pendant ces deux semaines, leurs services sont gratuits. Il y a toujours beaucoup de monde. Les touristes adorent cette fête.
Lysa regretta d´avoir posé la question : les commentaires du jeune homme l´avaient rendue terriblement frustrée. Elle parvint néanmoins à scotcher un sourire aimable sur son visage et s´éloigna sur un vague signe de la main. Le jeune homme la salua à son tour et poursuivit ses observations.
Lysa se retourna une dernière fois pour contempler la dalle. Le vent soulevait de grosses mottes de terre qui entouraient la dalle d´un nuage sableux. Vue de loin, elle ressemblait vaguement à un autel sacrificiel. De longues coulures de sang séché ornaient la pierre grise. Le jeune homme, penchée sur l´une d´elle, mesurait sa longueur avec son mètre ruban.
Lysa frissonna.
Elle pivota sur ses talons et dévala les escaliers.

Lorsqu´elle arriva à Asgard, grande ville du Nord de Sylvarant, peuplée majoritairement de touriste les trois quarts de l´année, Lysa se demanda si elle ne s´était pas trompé de planète.
Les rues d´Asgard étaient aussi animées que le parc d´attraction d´Altamira en plein été. Des passants déambulaient entre les échoppes de souvenirs, engoncés dans de larges capes pour se protéger du vent. Des petites vieilles, agrippés à la manche de leurs grands enfants, commentaient chaque babiole d´une voix émoustillée. Des gamins zigzaguaient entre les touristes, balançant leurs ballons-souvenir frappés aux armoiries d´Asgard sur la tête des Minouz qui feulaient de colère de leur drôle de voix suraiguë. Lysa n´eut pas le temps de s´étonner sur la présence des Minouz à Sylvarant : elle fut transportée par la foule, bousculée de tous les côtés par une horde de touristes surexcités, avant d´atterrir sur les fesses devant l´entrée d´une cavité rocheuse d´où s´échappait une vague odeur de moisi. Des lueurs glauques dansaient à l´intérieur de la grotte et Lysa songea un instant à y entrer, mais elle préféra rebrousser chemin et rejoignit la rue commerçante.
« Trouver un hôtel, pensa-t-elle fermement. Puis une carte. Puis à bouffer. Je crève la dalle. De toute façon, la langue parlée ici est la même qu´à Tesséha´lla, je ne devrais pas avoir trop de mal à me repérer… »
C´est ce qu´elle croyait. Les rues n´avaient pas de noms, contrairement aux échoppes et aux hôtels qui affichaient de larges enseignes colorées. En essayant de déchiffrer une pancarte accrochée à la devanture d´une boutique, Lysa dû vite déchanter : les enseignes étaient rédigées dans un style ancien que l´on utilisait plus à Tesséha´lla depuis des siècles. Sauf à Sybak, où on l´enseignait encore comme langue morte…
Déterminée à ne pas se laisser décourager, Lysa décida de demander son chemin aux passants. Elle aborda un homme qui portait un nœud papillon, signe probable d´une certaine ouverture d´esprit, ou d´une totale excentricité.
Malheureusement pour elle, cet individu appartenait à la deuxième catégorie.
â€" Excusez-moi, demanda Lysa poliment, je cherche à me loger… Est-ce que vous pourriez m´indiquer un hôtel correct et pas trop cher dans le coin ?
L´homme s´arrêta net, vexé, comme si elle le retardait et risquait de lui faire perdre une fortune à la banque. En guise de réponse, il lui posa à son tour une question :
â€" Vous n´êtes pas d´ici, n´est-ce pas ?
â€" Non, répondit Lysa, mal à l´aise, en espérant que cette réponse laconique suffirait à le satisfaire.
L´homme enchaîna :
â€" Et vous voulez que je vous indique un hôtel. Eh bien, mademoiselle, j´ai un excellent guide touristique, certes, mais ce n´est pas vous qui m´avez aidé à le payer.
Sur ce, il s´en fut à grand pas sur ses jambes d´échassier. Ebahie, Lysa le regarda s´éloigner, la bouche ouverte, immobile et tremblante comme s´il l´avait giflée. « Quel con ! pensa-t-elle furieusement. »
Puis elle secoua la tête comme pour reprendre ses esprits, et s´éloigna à son tour, la mine sombre.
« S´ils sont tous comme ça ici, ça va pas être une partie de plaisir, pensa-t-elle. »
Lysa haussa les épaules et s´engagea dans une rue bordée de boutiques d´armes que l´on aurait qualifiées à Tesséha´lla de « pittoresques » ou de « pièges à touristes ». Visiblement, ce n´était pas le cas ici, car des chevaliers à l´air très sérieux entraient dans les boutiques et ressortaient armés de bouts de ferraille dont les habitants de Tesséha´lla n´auraient pas voulu comme butoirs de porte. Lysa entra dans un magasin d´armures qui proposait de formidables réductions sur les gantelets en cuir, â€" 50 % si l´on prenait la paire, gratuits s´il s´agissait d´une optimisation.
Par chance, le tenancier du magasin se révéla beaucoup plus sympathique que l´excentrique au nœud pap´. Il lui conseilla de prendre une chambre à L´Auberge du Vortex, destinée aux petits budgets, et lui griffonna un plan pour s´y rendre sur un coin de buvard. Lysa le remercia chaudement et, par un acte de générosité qu´elle regretta ensuite, accepta même de lui acheter un charme de poison à 70 Flouz pièce. Elle quitta le magasin se rendit directement à l´auberge.
Ce n´est que lorsqu´elle tenta d´agrafer le charme à sa cape qu´elle s´aperçut qu´il ne s´agissait en fait que d´une languette de métal peinte en doré.
Lysa dut garder les yeux rivés sur le plan pour trouver l´Auberge du Vortex. Asgard était une grande ville, construite en forme de cuvette, et dont les maisons étaient accolées contre une immense paroi rocheuse. La ville était bâtie autour d´un gouffre sombre et béant. Les services touristiques proposaient excursions en dragons et visites des ruines de la civilisation des Balacruf. La gastronomie d´Asgard se disait également la meilleure de Sylvarant, ce qui expliquait pourquoi les touristes affluaient en masse.
Au bout d´un quart d´heure de marche, Lysa arriva devant une maison minuscule à la devanture fanée. Un panneau déglingué affichait en lettres calligraphiées et baveuses : « Auberge du Vortex ». À travers les petites fenêtres, on apercevait la lueur dansante des bougies qui semblait floue à travers les vitres embuées.
Lysa entra dans l´auberge. Quelques clients la suivirent du regard alors qu´elle s´avançait vers le comptoir. Les regards se posaient avec insistance sur ses cheveux bleus, et Lysa regretta vivement de ne pas avoir mis sa capuche. Derrière le comptoir en bois dur, une grosse dame s´affairait à laver le sol avec de vieux chiffons en houspillant sa fille qui courait entre les tables d´un air empressé. La tenancière remarqua Lysa et s´approcha d´elle.
â€" Qu´est-ce qui vous faut ? demanda-t-elle d´une voix pâteuse.
Son haleine empestait l´alcool.
â€" J´aimerais louer une chambre, s´il vous plaît, répondit Lysa en s´interdisant de froncer le nez.
â€" Pour combien ?
â€" Une personne.
La femme éclata d´un rire gras.
â€" Nan, j´veux dire, pour combien d´temps ?
â€" Je ne sais pas, répondit Lysa. Une nuit, je pense.
â€" Ça roule, ma poule, lança la tenancière d´un air faussement enjoué. MARGARET !
La jeune fille sursauta violement et laissa tomber son balai qui s´écrasa sur le sol avec fracas.
â€" Tu la mets au premier ! aboya la tenancière en lui jetant une clé rouillée. Et bouge tes fesses, la demoiselle n´a sûrement pas que ça à faire !
C´était exact, mais Lysa estimait qu´il ne s´agissait pas d´une raison suffisante pour agresser la gamine sur ce ton. Celle-ci ne sembla pourtant pas s´en formaliser et conduisit docilement la Demi-Elfe au premier étage. Elle glissa la clé dans la serrure d´un porte en bois vermoulu et enfonça la porte d´un coup d´épaule. La jeune fille entra ensuite dans la chambre et lissa les draps d´un lit qui ressemblait à un berceau pour enfants. Elle se tourna ensuite vers Lysa en lui tendant sa clé :
â€" Le dîner est servi de sept heures à dix heures, murmura-t-elle. Si vous voulez des couvertures, il faut payer un supplément.
â€" Ça ira, assura Lysa tout en ayant conscience que ça n´allait pas du tout.
La jeune fille la remercia à voix basse et quitta la pièce de son pas précipité.
Une fois seule, Lysa contempla sa chambre, ou plutôt le placard à balais qui lui servait de chambre. C´était une pièce minuscule et encrassée que même les Demi-Elfes détenus dans les prisons de Meltokio auraient jugée minable. Les draps étaient sales et rêches, le parquet grinçait atrocement à chaque pas. Une sorte de grattement continu s´élevait du sol, et Lysa eut la vision de rats gros comme des mulots jouant à cache-cache derrière les combles.
Avec un lourd soupir, Lysa s´effondra sur le lit qui manqua de céder sous son poids. Elle croisa les bras sous sa nuque et ferma les yeux pour ne pas voir le plafond lézardé.
« Et voilà, pensa-t-elle sombrement. Tu t´es encore foutue dans la merde. »
C´était un fait. Elle était désormais paumée dans un monde peut-être pas hostile, mais visiblement rempli d´excentriques portant des nœuds papillons et d´auberges crasseuses. Et encore, elle n´avait pas vu ce qu´il y avait à l´extérieur des portes d´Asgard. Sylvarant était probablement rempli de monstres terrifiants et autres charmantes créatures qui devaient battre la campagne environnante. Si les chercheurs de Tesséha´lla associaient l´adjectif « infernal » aux mots « monde de Sylvarant », c´est qu´il y avait une raison.
D´ailleurs Lysa l´avait perçu tout de suite, à l´instant même où elle avait atterri sur la dalle. Le niveau de mana de Sylvarant était ridiculement faible. Presque inexistant. Les Humains ne le percevaient probablement pas, mais les Demi-Elfes le ressentaient, eux. C´était comme un vide, un manque criant qui faisait tourner la tête quand on le ressentait pour la première fois.
Lysa n´arrivait pas à comprendre comment les êtres vivants parvenaient à survivre dans ces conditions.
« Il y a probablement un Elu ici aussi, songea-t-elle. »
En y réfléchissant bien, ça devenait évident. Ils devaient enchaîner les périples de la régénération pour survivre, tenter de remonter leur taux de mana en brisant les sceaux… Visiblement, leurs tentatives s´étaient jusqu´ici soldées par un échec. Sinon, ils n´en seraient pas là.
Lysa ressentit un violent accès de colère contre elle-même. Et dire qu´elle s´était jetée droit dans la gueule du dragon simplement pour échapper aux chevaliers pontificaux et pour récupérer une exsphère ! Elle allait peut-être crever ici parce que la peur d´être mise à mort l´avait poussée à commettre une folie. C´était tellement stupide que ça en devenait presque risible.
Et puis d´abord, si elle n´avait pas tenté de tuer le Pontife, elle n´en serait pas là. Si elle avait laissée la vie sauve à Kuchinawa et à Vharley, les choses auraient tourné autrement. Tout ça pour une exsphère. Tout ça pour adresser un pied de nez au Pontife. Tout ça pour…
Non. Non, ne pas penser à ça. Surtout pas.
Lysa enfonça la tête dans ses oreillers en essayant de chasser les idées noires qui s´insinuaient sournoisement dans son esprit. Ça te manque tant que ça ? chantonnait une voix dans sa tête. Tu en as envie, hein ? Tu le veux, tu le souhaites de toutes tes forces.
En fait, tu t´en moques complètement, de cette histoire d´exsphère. Les chevaliers pontificaux ne te font pas si peur que ça.
Mais tu en crèves d´envie… Ça te manque tellement que tu es prête à risquer ta vie pour…
« La ferme !! hurla mentalement Lysa. La ferme la ferme LA FERME !!!! »
Elle appuya les oreillers contre son visage si fort qu´elle en eut les larmes aux yeux. Il était inutile de le nier : elle pleurait vraiment, de gros sanglots lui secouant la poitrine. Lysa agrippa les oreillers pour étouffer ses pleurs. En quelques minutes, les oreillers furent trempés et chiffonnés.
Assommée par le chagrin et la fatigue, elle finit par s´endormir.

Lysa se réveilla vers huit heures, avec un mal de crâne tenace bourdonnant à ses tempes et les yeux rougis comme si elle les avait frottés avec du citron.
Elle se changea, donna un coup de brosse sur ses cheveux et jeta sa cape noire sur ses épaules.
Lysa descendit dans la salle à manger de l´auberge, petite pièce aux murs jaunis où régnait une atroce odeur de graillon. Deux grandes volailles qui ressemblaient à des bébés dragons emplumés tournaient à la broche au-dessus d´un feu crépitant. Des fauteuils de bois dur, recouvert de tissu jaunâtre, entouraient de petites tables branlantes disséminées à travers la pièce. Margaret, la fille de la tenancière, visiblement débordée, courait sans cesse de la salle à manger aux cuisines tandis que sa mère ricanait de son rire impossible avec ses clients.
Lysa prit place à une table ronde, près de la fenêtre, ce qui permettait d´échapper plus ou moins aux odeurs de graillon. Elle redoutait quelque peu l´arrivée des plats. « Je ferais mieux de commander une salade », pensa-t-elle en observant les clients qui engouffraient une sorte de viande spongieuse à grands « sluuuurp » répugnants.
Sans même lui demander son avis, Margaret lui flanqua sous le nez une assiette creuse remplie à ras bord de petits morceaux de viande baignant dans une sauce marronnasse. Malgré son apparence peu ragoûtante, une délicieuse odeur montait du plat fumant. Lysa saisit sa fourchette avec réticence et piqua des morceaux de viande à contrecoeur. Elle s´aperçut avec surprise que le plat avait bon goût. Un peu rassérénée, Lysa mangea son ragoût avec entrain.
À côté d´elle, un couple de gens âgés, installé devant deux bols de soupe claire, discutaient à voix haute de leurs problèmes conjugaux. Ils semblaient appartenir à la classe moyenne ici, bien qu´ils auraient été qualifiés de clochards à Tesséha´lla. Lysa suivait distraitement leur dispute lorsqu´elle entendit clairement les mots « Grande Foire du Nain » dans leur conversation embrouillée. Elle tendit l´oreille.
â€" Keravus, c´est le meilleur, grogna le mari. Y´a pas de forgeron Nain plus doué que lui.
La femme eut un petit ricanement méprisant.
_ Il a un certain talent, je te l´accorde, mais il ne vaut pas les deux autres… Ceux-là, ils sont…
â€" Tu dis ça parce que le gamin avait une tête de minet ! riposta le mari. Il a pas arrêté de te faire des sourires, et toi, tu es tombée direct dans le panneau !
â€" C´est faux, répondit sa femme en rougissant. Le petit était très doué, et c´était un jeune homme absolument charmant.
Lysa avait trouvé un bout de papier et une plume dans l´une des poches de sa cape. Elle notait fiévreusement les noms de forgerons Nains qui revenaient dans leur conversation. « Génial, absolument génial ! pensa-t-elle. Ces deux cons m´apportent les infos sur un plateau ! »
â€" Tu parles, protesta le mari en levant les yeux au ciel. C´est toujours la même chose avec toi, dès qu´il y a un beau mec dans l´histoire, tu pars au quart de tour.
â€" En tout cas, ils ont réussi à réparer l´exsphère du fils de monsieur le maire ! Avoue que ce n´est quand même pas à la portée du premier crétin venu !
Lysa sursauta. Ils avaient réussi à réparer une exsphère ?
â€" Mouais, consentit le mari. C´est quoi leurs noms, déjà ?
â€" Dirk et Lloyd Irving. Lloyd, c´est le plus jeune. Ils habitent à Isélia.
La femme ajouta, une pointe d´excitation dans la voix :
â€" Tu sais, c´est le village des oracles, là où est née la nouvelle Elue !
â€" Ah oui, c´est vrai… Il paraît que le maire du village a…
Mais Lysa n´écouta pas le reste de leur conversation. Elle était déjà remontée dans sa chambre, grimpant les escaliers quatre à quatre. Lorsqu´elle arriva dans sa chambre confinée, Lysa claqua la porte et déplia le bout de papier sur lequel elle avait inscrit les noms relevés dans la conversation des vieux.
Dirk et Lloyd Irving, à Isélia. C´était peu, mais cela restait un début de piste.
Satisfaite, Lysa s´écroula sur son lit. Elle gardait les yeux fixés sur le papier, un grand sourire aux lèvres. Sans même se déshabiller, elle se glissa sous la couette.
Lysa jubilait. Elle avait réussi à arriver sans encombres à Sylvarant, elle avait visité l´une des villes de ce monde, et, en plus, elle avait réussi à obtenir le nom de deux forgerons Nains.
Pas trop mal pour une première journée, non ?
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