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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 6
Nom de l'œuvre : L'héritier de la foudre Nom du chapitre : Ch. 5: Confidence
Écrit par supersianne Chapitre publié le : 21/2/2006 à 20:10
Œuvre lue 21714 fois Dernière édition le : 19/5/2006 à 21:41
"Ma mère est morte quand j'avais 9 ans.
Elle était médecin, et, alors qu'elle assistait à un match dans le stade de ma ville natale, Celadopole, la tribune s'est écroulée, suite au séisme d'un grolem qui combattait en contrebas. Elle et plusieurs autres ont été retrouvés, blessés, morts, ou indemnes, sous un tas de décombres.
Mon père, qui était dresseur pokémon, travaillait à la sécurité du grand magasin de Celadopole. La nouvelle l'a effondrée, tout comme moi. Mais nous avons réussi à survivre, et la vie a continué, doucement.

J'allais à l'école. J'aimais beaucoup ça, mais je regardais d'un drôle d'œil les gosses de mon âge, qui ne parlaient tous que du moment où ils pourraient enfin entreprendre leur voyage initiatique.
Moi, je savais que le grolem qui avait tué ma mère était le pokémon d'un dresseur, alors je ne voulais pas en être un.

Pour mes dix ans, alors que tous recevaient leur premier pokémon, j'ai reçu ma première guitare. Mon père me l'avait offert parce qu'il avait remarqué que j'aimais la musique, et qu'il estimait que c'était l'instrument le plus à même de satisfaire mes élans de mélomane.
J'ai pris deux ans de cours, puis je me suis débrouillé tout seul.

Le salaire de mon père n'était pas exorbitant, mais il suffisait juste pour une vie convenable, et pour payer mes études, car comme les jeunes qui ne tentent pas le voyage initiatique sont rares, les écoles qui accueillent après 10 ans sont pour la plupart toutes privées.

J'aimais apprendre. Je lisais beaucoup à la bibliothèque de Celadopole, et j'enchaînais les petits boulots pour m'offrir des CD, que j'écoutais en boucle, avant d'essayer de refaire les mélodies à l'oreille, grâce à ma guitare.
J'aimais mon école. Les élèves de mon âge étaient comme moi, des gens qui avaient refusé de partir en vadrouille. Certains étaient des gamins de riche, qui estimaient qu'ils n'avaient pas à se salir les mains avec des pokémons, d'autres étaient là parce qu'ils avaient pris conscience du peu d'ouvertures qu'offrait le voyage initiatique et que comme moi, ils aimaient étudier, d'autres encore étaient trop lâches ou trop attachés à leur famille et à leur maison pour oser partir sur les routes, et d'autres étaient là car obligés par leur parents.
J'avais des amis dans toutes ces catégories. J'amenais souvent ma guitare à l'école, et je jouais pour tout-le-monde. C'est à partir de là que j'ai commencé à me sentir débordant d'un sentiment de partage, d'amour. La plupart ne me comprenait pas, mais ceux qui me comprenaient devinrent bientôt de véritables frères ou sœurs pour moi. Ce furent eux qui m'offrirent mon bandeau arc-en-ciel: j'avais alors 14 ans. L'arc-en-ciel relie deux points de la terre en un pont, et ses couleurs sont universelles, c'était mon symbole favori.

Tout se détraqua suite au licenciement de mon père, qui avait omis de signaler la disparition de certains objets dans les étalages de l'étage où il était sensé assurer la sécurité. Il fut accusé de vol, et proprement mis à la porte: les dresseurs sans boulot ne manquaient pas, et on ne demandait pas de qualifications spéciales à un vigile...

J'avais alors 15 ans. Les temps devinrent durs. Je faisais toujours plus de petits boulots, pour donner l'argent à mon père, qui lui cherchait désespérément du travail. J'ai revendu ma collection de CD.
Nous nous installâmes dans un appartement, revendant notre petite maison, qui nous coûtait trop cher.
Et, alors que mes 16 ans approchaient, et que les dettes, malgré nos efforts conjugués, s'accumulaient sans être payées, mon père se suicida, me laissant une lettre, où il disait qu'il ne pouvait plus assumer, et qu'il espérait que je ne lui en voudrais pas. Il me suppliait de mener une vie heureuse, et de ne jamais changer, de toujours rester chaleureux et de jouer de la guitare.

On vint à notre petit appartement. On prit les meubles, on me regardait avec dédain, parfois avec pitié. J'avais pris soin de cacher ma guitare...
J'allai à l'enterrement de mon père, le lendemain. Il y avait peu de monde. Mais moi, j'étais là, et je pleurais, toutes les larmes de mon corps.
J'étais orphelin.

Deux jours après la mort de mon père, on m'annonça que j'allais être placé en famille d'accueil.
J'allai à l'école. Je dis au revoir à tous mes amis, et leur jouai de la guitare pour la dernière fois. Ils me regardaient avec tendresse et compassion. Je n'avais jamais été aussi heureux de les sentir avec moi, et pourtant, il allait falloir que je les quitte...
Je revins à la chambre dans l'internat de mon école, où l'on m'avait placé temporairement, comme l'appartement avait été saisi. Je récupérai la housse de ma guitare, j'y mis tous les vêtements qui purent y tenir, et je partis, le soir-même.

Mon errance commença.
Je vivais libre. Je vagabondais, je jouais de la guitare, récoltant l'aumàne. Je gagnais peu, mais commençais à mettre de l'argent de côté.
Pour quelle chimère économisais-je? Je n'avais aucun souhait, aucun besoin, aucun but.
Mais les pokédollars s'accumulaient lentement.

Mon alimentation se constituai essentiellement de baies. Quand je pouvais, je tentai d'attraper des pokémons sauvages pour les manger, leur viande cuite sur un feu de fortune.
Parfois, des dresseurs perdus et sans compagnie se joignaient à moi, et je faisais avec eux une partie de leur chemin. Je garde un bon souvenir de ces amis éphémères.
J'ai toujours dormi à la belle étoile, j'ai toujours ressenti un véritable engouement pour la nature. Même quand je passais une nuit blanche parce qu'il pleuvait des cordes.
Je ne pouvais transporter que peu de vêtements de rechange. J'étais donc obligé de laver tous mes fringues au lavomatic quand je passais dans des villes, ou de les laver à l'ancienne, à la flotte, dans une rivière.
Je savais que je ne pourrai jamais me payer un dentiste, alors je faisais très attention avec mes dents, et j'achetais régulièrement du dentifrice et une nouvelle brosse à dents. Je me souviens parfaitement de la tête que faisaient les pharmaciennes quand je me pointais dans leur boutique, tout terreux avec les cheveux livrés à la plus totale anarchie, pour leur demander une nouvelle brosse à dents...
Pareil pour mon hygiène corporelle. Je squattais souvent les campings en douce, pour me laver dans leur douche, en piquant un peu de savon et de shampoing à l'innocente personne qui se lavait dans la cabine à côté de la mienne.
Heureusement qu'on trouve beaucoup de campings à Kanto.

La première année passée sur la route fut difficile, car il me fallait m'acclimater à cette nouvelle façon de vivre, et surtout, j'étais recherché par les créanciers de mon père, qui auraient bien voulu me ramener à Celadopole, pour pouvoir garder un œil sur moi, et me réclamer des sous dès que j'aurai atteint la majorité... Et pourtant, mon père ne devait pas, autant que je me souvienne, une somme si astronomique que ça.... Va savoir, ça leur faisait peut-être plaisirs de jouer au chasseur et à la bête traquée.

Mais mon existence continuait doucement. Je m'habituai.
Le pire était l'ennui. Voyager encore et toujours, marcher, cela finit vite pas être lassant. Alors je réfléchissais. Je fredonnais des mélodies. J'inventais des paroles. Le soir, je synthétisais tout ça avec ma guitare. Ça me plaisait beaucoup. Ensuite, quand je jouais de la guitare, je testais ces chansons, avec les gens qui venaient m'écouter. Elles marchaient toujours. Certaines plus que d'autres, mais je ne me souviens pas que l'une d'elles ait un jour fait un bide.

J'avais traversé Kanto dans tous les sens, pendant deux ans, et je me disais qu'il allait falloir, pour ma majorité approchant, que je réalise quelque-chose. L'idée me vint naturellement: pourquoi ne pas tenter de faire écouter mes chansons à des personnes qui pourraient me faire connaître?
C'était évidemment présomptueux de ma part, mais pour une fois que j'arrivais à me fixer un but, j'allais m'y accrocher, même si ça se soldait par un échec. De toutes façons, je n'avais pas grand-chose à perdre.
Je décidai alors de me rendre à Jotho. Là-bas, je connaissais l'existence d'une tour radio qui faisait passer des auditions, pour repérer des talents. Et pourquoi pas?
Après avoir ressassé cette idée pendant quelques semaines, je résolus d'accomplir vraiment ce dessein, m'en faisant le serment intérieur. La nuit était alors tombée, et je marchai dans une rue obscure, à Opala.
C'est alors que je me rendis compte que je m'étais engagé dans un cul-de-sac.
Voulant faire demi-tour, je vis quatre silhouettes imposantes se dessiner dans la pénombre. Il s'agissait de voyous, qui cherchaient à me voler. Bien sûr, j'eus beau leur affirmer que je n'avais rien, ils m'envoyèrent un machopeur, qui me plaqua contre le mur. Je portai alors ma guitare sur mon dos, et, ayant pressenti ce qui allait se passer, je l'avais jeté à terre juste à temps pour ne pas que le pokémon combat l'écrase avec moi.
Mes agresseurs commencèrent alors à me dépouiller, après avoir récupéré ma guitare. Je me disais que c'était bien ma veine: je venais à peine de prendre une résolution que déjà on me mettait des bâtons dans les roues...
De plus, s'ils me volaient ma guitare, je n'aurais plus d'instrument de travail, et pour en racheter une autre, il faudrait que je gagne de l'argent, et sans guitare, ça allait être difficile.
Et dans cette housse se trouvaient mes malheureux habits, et tout l'argent que j'avais réussi à récolter jusqu'à lors, et qui donnait, au final, une jolie somme. Bref, j'allais être proprement nettoyé.
Par contre, je ne craignais pas pour ma vie. Ces types, comme moi, étaient en galère, à part qu'ils n'avaient pas pris la même voie que moi, voilà tout. Je ne pouvais m'empêcher de les plaindre, d'une certaine façon. Et je savais qu'ils ne tenteraient pas de me tuer, parce qu'ils n'en éprouvaient ni besoin ni plaisirs.
Mais peut-être me trompai-je, peut-être voulais-je, sur le moment, absolument voir le côté positif des choses, peut-être m'auraient-ils tué.

Mais la question resterait sans réponses, puisqu'un jeune garçon, et sa voltali vinrent à mon secours, faisant fuir tous ces voyous.
J'étais encore hébété. Je remerciai à peine mon sauveur, avant de partir. Ayant récupéré ma guitare, le reste comptait beaucoup moins.

Toujours sous le coup de l'émotion, je sortis de la ville, m'étalai vaguement sur ma couverture sous un arbre, et partis aussi sec pour le pays des rêves.
Avant de m'endormir, j'étais affreusement mal-à-l'aise. Pourrais-je un jour, rendre à ce garçon l'immense service qu'il m'avait rendu?

Je vécus alors en songe une histoire si réelle, qu'en me réveillant, je pouvais me remémorer n'importe quel moment de mon rêve, avec autant de précision que s'il avait été gravé dans ma mémoire, image après image, seconde après seconde.
Il y avait un orage, un immense orage. La foudre frappait partout, le tonnerre grondait, la pluie déferlait.
Et alors, au milieu des éléments déchaînés, arrive un bateau. Un navire de luxe. Je me vois dessus, en compagnie d'un jeune dresseur. Mais nous ne semblons pas nous rendre compte du tumulte qui nous entoure. Alors, je vois que l'adolescent possède un voltali à ses côtés, et je comprends qu'il s'agit de mon sauveur.
Puis, je regarde l'orage, et voit qu'il est crée par deux pokémons... D'une part, Electhor, duquel nous nous éloignons, et d'autre part Raikou, duquel nous nous rapprochons.

Ce rêve m'est resté. Encore aujourd'hui, je le revois comme s'il datait d'hier.
J'en déduisis que ce rêve était une réponse à mes tourments: si je le suivais à la lettre, je devrais pouvoir -comment, je n'en savais rien- rendre à mon sauveur la monnaie de sa pièce.

Je supposai que je devais quitter Kanto, représenté par Electhor, et rejoindre Jotho, incarné par Raikou. Je devais monter sur le bateau que j'avais vu. Quelques recherches m'apprirent qu'il s'agissait de l'Aquaria, et que le billet était hors-de-prix.
J'avais l'argent économisé depuis deux années déjà. Je m'approchai de la somme requise, mais étais encore loin de l'atteindre. Je redoublai alors d'ardeur. Je ne me contentais plus de jouer de la guitare: je me faisais embaucher pour quelques jours sur des chantiers quelconques, illégalement et pour un salaire misérable, -mais rien n'était négligeable- et je touchais toujours les pokédollars offerts par des âmes solidaires ou mélomanes qui venaient m'écouter gratter...
Je savais que l'Aquaria faisait de fréquentes traversées, et que donc les places, bien que chères, n'étaient pas difficiles à trouver, et n'étaient pas obligatoirement à réserver quinze mois à l'avance.

Ainsi, ayant dépassé mes dix-neuf ans, je me retrouvai à Carmin-Sur-Mer, avec l'argent nécessaire pour pouvoir embarquer.
Mais là, un doute stupide me rongea: ce rêve ne m'avait à aucun moment indiqué quand partir. Jusque là, j'étais tant préoccupé par le coût de mon billet que j'avais oublié ce détail, ou du moins avait feint de l'ignorer...
Et pourtant, il fallait que j'embarque avec le garçon qui m'avait aidé, pour suivre à la lettre les indications de mes songes...

Mais je décidai de me laisser guider jusqu'au bout, et, après une première journée dans la ville portuaire, j'eus l'immense soulagement, alors que j'allai jouer dans un des restaurants en bord de mer, d'y voir ce même dresseur, qui m'avait sauvé voilà un an, accompagné d'un homme que je reconnus comme être le Major Bob.

Mon rêve allait bientôt se réaliser: je me rendis au port, achetai un billet à un
riche qui abordait chaque personne pour lui demander si elle ne voulait pas lui prendre un billet pour le prochain départ de l'Aquaria, car lui ne pourrait pas y aller.
En me posant la question, il semblait ricaner intérieurement. Tiens, je vais demander à ce type, ça va être marrant de le voir me regarder avec des yeux ronds. Eh bien raté: je pus prendre le billet, et pour un peu moins cher que le tarif prévu.
J'avais le droit d'être un peu chanceux, non? J'étais tout-de-même orphelin et vagabond, et ma bonne étoile, qui avait très mal accompli son boulot jusque là, devait commencer à se bouger un peu les fesses.

Je passais ma semaine à Carmin-Sur-Mer.
Je jouais dans le parc toute la journée, et tous les soirs, vers six ou sept heures, je pouvais y voir le dresseur qui m'avait sauvé. Il venait à chaque fois avec une cargaison de pokémons électriques: j'en déduisis donc, ajouté au fait que je l'avais vu en compagnie du Major Bob, qu'il devait travailler à l'arène de la ville. Il s'installait sur le banc en face du mien, et m'écoutait attentivement. Je devinai qu'il m'avait reconnu, et qu'il tentait de percer à jour qui j'étais: je devais être une sacrée énigme pour lui...

Puis, le jour de l'embarquement arriva: j'entrai dans le bateau, et fus alors désespéré: il était exactement comme je l'avais imaginé: bourré de riches méprisants.
Perdu au beau milieu l'adversité, je pris ma guitare et montai sur le pont: il me semblait que ce devait être le seul endroit neutre du navire, où devaient se rejoindre tous les étrangers au peuple qui grouillait ici...
Mon intuition fut juste, et le dresseur ne tarda pas à venir à moi.

Et mon rêve s'accomplissait.

Mais que faire à présent?
Simplement vivre.
Mes songes m'ont mis sur la voie, à moi de la suivre, à présent."
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