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Lecture du chapitre 9 | |
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Nom de l'œuvre : Tales Of Darkness | Nom du chapitre : Tapage nocturne |
Écrit par Kazumi | Chapitre publié le : 1/4/2006 à 22:06 |
Œuvre lue 40998 fois | Dernière édition le : 20/4/2006 à 23:07 |
Lysa stoppa un instant sa marche pour contempler la pente raide qui déroulait ses méandres sinueux devant elle. Elle venait d´escalader le pic d´Hakonésia, sorte d´immense piton rocheux qui montait en pic presque vertical avant de se redescendre brutalement puis de s´étendre sur plusieurs kilomètres. Le chemin était assez étroit, entouré d´enclos qui servaient visiblement à délimiter les pâturages réservés aux fermiers d´Asgard et de Palmacosta. Devant une baraque miteuse, la maison du gardien sans doute, des touristes exaltés piaillait sur leur programme de vacances tandis qu´une jeune femme à l´air débordée tentait de faire l´appel. Lysa descendit le petit chemin de terre et passa sous l´arche qui marquait l´entrée du pic d´Hakonésia, surveillée par deux gardes moroses. Elle jeta un coup d´œil à la maison du gardien et s´aperçut que la façade était presque enterrée sous une montagne d´objets hétéroclites. Des sculptures hideuses encadraient une sorte de moulin à vent qui tournait mollement, un dragon en plâtre dardait des yeux globuleux sur une couronne en pierre grise, et une petite fontaine crachait un filet d´eau boueuse à côté de la porte. « C´est quoi ce fouillis ? pensa Lysa, vaguement étonnée. Il brade sa déco ou quoi ? » Les objets étant tous plus laids les uns que les autres, Lysa se refusa à voler l´une de ses horreurs et préféra passer son chemin. Au moment où elle passait devant la petite maison, un homme sec et ridé comme un morceau de bois mort s´encadra dans la porte. Son nez rouge comme une prune indiquait clairement que son métier ne devait pas être marrant tous les jours mais qu´il trouvait des consolations ailleurs. Le vieillard lui jeta un regard à la fois méchant et avide. Lysa frissonna et accéléra le pas. « Vieux cochon », pensa-t-elle en surprenant le regard en biais jeté à sa poitrine. Elle resserra les pans de sa cape autour de sa gorge et dévala la pente en courant. Au pied du pic, Lysa fit pivoter son sac sur sa hanche et en sortit une belle carte en papier de riz, tracée à la plume, entourée d´un joli ruban rouge, avec les noms des villes marqués en parler courant et en langue des Anges. « Carte estampillée `´Moines de la Chapelle de Luin´´ », pensa Lysa, plus amusée qu´agacée à l´idée que les meilleurs produits se trouvaient surtout chez les bigots. Lorsque le moine qui lui avait vendu son Å“uvre-d´art â€"déroulée avec d´infinie précautionsâ€" avait pointé Isélia sur la carte, Lysa avait manqué de s´étouffer. Pour les habitants d´Asgard, l´expression « le bout du monde » convenait parfaitement pour qualifier le village d´Isélia. Située dans un environnement boisée et tranquille malgré la présence relativement proche d´une ferme humaine â€"Lysa n´avait pas osé relever les deux derniers mots au vu de l´expression grave du moineâ€", Isélia, malgré son charme de village rustique, comprenait un inconvénient majeur : ce village était beaucoup trop loin. Carrément sur le continent opposé. À pied, elle en avait pour un mois, facile. Plus si les conditions de voyage étaient mauvaises. â€" Il n´y a pas moyen de prendre un bateau à Palmachin, là …? avait demandé Lysa en désignant un petit point sur la côte. Pour terminer le trajet jusqu´à Isélia. Le moine avait grimacé. â€" Si, bien sûr, mais avec les Désians et les monstres, les bateaux ne sortent que rarement du port. Je ne suis même pas sûr qu´ils vous laisseront aller jusqu´à Izoold. Désian. Encore ce mot bizarre. Ce n´était pas la première fois qu´elle l´entendait. À l´Auberge du Vortex, la grosse tenancière avait vanté les qualités de la région en misant sur le fait que les Désians ne mettaient pas souvent les pieds à Asgard. Un autre client avait rétorqué que les habitants de Luin désertaient en masse, à cause de la proximité de la ferme humaine. Tous les clients avaient alors hoché gravement la tête, comme recueillis. Le sujet avait l´air tellement tabou que Lysa n´avait pas osé demander de quoi il s´agissait. Mais elle se doutait que les Désians ne devaient pas être de simples paysans élevant des moutons dans leurs fermes « humaines »… Lysa plissa les yeux en fixant la carte. Pour rejoindre Palmacosta, le chemin était tout tracé : il suffisait d´aller tout droit. La route était indiquée. Il y avait même une maison du Salut à mi-chemin pour que les voyageurs puissent se reposer. « Parfait, pensa Lysa, rassérénée. Au moins, si je me paume, je pourrai demander mon chemin. » Elle poursuivit donc sa route d´un pas léger. Au bout de cinq heures de marche passées à tourner en rond et à s´écorcher les pieds parmi les ronces, Lysa dû admettre une chose : elle était résolument, catégoriquement et indubitablement perdue. Elle avait naïvement cru qu´il suffisait de suivre la route poudreuse qui s´étendait devant elle, mais, malheureusement, celle-ci était à demi enterrée sous les buissons épineux et les hautes herbes rebelles. Ce qui rendait la progression difficile. Pour ne pas dire carrément impossible. Après s´être écorché les jambes parmi les buissons de ronces, Lysa avait tenté de suivre un chemin qui semblait vierge de toutes mauvaises plantes, mais cette solution de facilité lui avait coûté cher : désormais, elle ne pouvait même plus retourner sur ses pas, puisque la route avait tout bonnement disparu. Elle se trouvait maintenant engluée dans un chemin boueux qui serpentait à travers une forêt touffue. Les arbres, haut comme des cathédrales, éclipsaient même la lumière du jour. â€" Génial, haleta Lysa, le souffle court. Absolument génial. Le bois semblait être assez étendu. Il régnait une vague odeur d´humus et cadavres d´animaux en décomposition. â€" Il n´y a donc pas une seule route correcte dans ce putain de pays ? hurla Lysa, furieuse. Rageuse, elle donna un grand coup de pied dans une mauvaise herbe plantée bêtement là et qui ne demandait rien. La mauvaise herbe était en réalité une mandragore qui n´apprécia pas du tout d´être arrachée de son tas de compost. La bestiole ressemblait vaguement à une racine à visage humain, avec une affreuse petite tête de bébé joufflu. Elle s´extirpa complètement du sol et se mit à courir en poussant des hurlements perçants. Par réflexe, Lysa se boucha aussitôt les oreilles. Bien lui en prit, car, en entendant le cri de la vilaine petite plante, les monstres de la forêt tombèrent comme des mouches, assommés. « Fichue bestiole », pensa-t-elle, frissonnante, en voyant un oiseau énorme s´écraser sur le sol avec un bruit mat. Un grognement sourd et douloureux retentit derrière elle. Lysa sursauta. Un énorme dragon, l´œil vitreux, le corps couvert d´écailles luisantes comme un char d´assaut blindé, s´avançait vers elle en passant une langue verte et pointue sur ses babines. Il ressemblait à un croisement grotesque entre un vélociraptor et un véritable dragon. Bizarrement, il était coiffé d´un heaume métallique adapté à sa gueule reptilienne, et son dos était harnaché d´une grande selle en cuir. Ses pattes arrières, puissantes et musclées, étaient également équipées de jambières métalliques à charnières. Il agitait sa queue hérissée de pointes qui imprimait dans le sol dur des marques longues et profondes. « Les cris de la mandragore ont dû l´attirer jusqu´ici… », pensa Lysa, blême. Une lueur affamée brillait dans le regard du monstre. Elle posa la main sur la poignée d´une de ses lames de coude. Elle savait pourtant qu´il était inutile d´espérer vaincre la créature… Son armure protégerait le dragon contre chacun de ses coups… À contrecÅ“ur, Lysa plongea la main dans son sac, les yeux toujours rivés sur le dragon qui grognait doucement. Brusquement, le monstre arqua ses pattes puissantes et s´élança sur elle. Lysa poussa un cri. Par réflexe, elle lui envoya l´objet qu´elle avait à la main en plein sur sa gueule hérissée de crocs. Le vélocidragon attrapa la côte de bÅ“uf en plein vol et l´étala sur le sol. Gloussant de plaisir, il commença à déchirer la pièce de viande à belles dents. Des lambeaux de chair rouge voltigeaient autour de son museau ensanglanté. Lysa n´attendit pas la fin du spectacle. Elle pivota sur ses talons et s´enfuit en courant. Lysa courait comme une dératée, s´écorchant les chevilles à travers les buissons de ronces. Un point de côté lui vrillait méchamment les hanches, mais elle ne prit pas la peine de s´arrêter : le dragon avait probablement finit son repas et devait errer dans les bois à la recherche d´un petit supplément. Après dix minutes de course folle à travers bois, Lysa s´arrêta au milieu d´un clairière pour reprendre son souffle. Elle s´appuya contre le tronc d´un arbre et se laissa glisser jusqu´au sol, arrachant au passage des morceaux d´écorce qui vinrent se loger dans ses cheveux. Lysa s´empara de sa gourde et but longuement au goulot, la tête rejetée en arrière. Elle utilisa les dernières gouttes pour nettoyer son visage recouvert d´une fine pellicule de crasse et de sueur. Elle passa les mains sur son visage pour s´essuyer puis ferma les yeux. â€" Quelle journée pourrie, grommela-t-elle à voix basse. C´était peu de le dire. Lysa leva les yeux vers la cime des arbres et s´aperçut que la lumière ne filtrait plus à travers l´épais feuillage. La nuit était tombée. Lysa sortit un quignon de pain et une longue lanière de viande séchée de son sac. Elle hésita à faire un feu, y renonça, et dîna frugalement avec pour seule compagnie un gros crapaud perché sur un rocher et qui la contemplait d´un air méfiant. Lysa s´enroula dans sa cape et remonta son écharpe sur son visage avant de fermer les yeux. Elle s´endormit rapidement et plongea dans un sommeil sans rêves. Jo Fiorentino et Gustave Reynolds étaient de service, ce soir-là . Soldats Désians au service de Lord Magnius depuis près de trois ans, Jo et Gus partageaient un point commun : ni l´un ni l´autre n´avait choisi de se mettre au service des Désians. Engagés de force lors d´une razzia lancée sur Palmacosta, les deux hommes étaient tout d´abord voués à servir de cobayes expérimentaux au sein de la ferme, puis, lorsqu´on avait découvert qu´ils étaient tous deux des Demi-Elfes, on les avait envoyés au service militaire Désian. La question de leurs plans de carrière personnels ne s´était même pas posée. Jo Fiorentino et Gustave Reynolds deviendraient Désians. Qu´ils le veuillent ou non. Voilà pourquoi ces deux Demi-Elfes tout autrefois destinés à une carrière littéraire (pour Gus) et médicale (pour Jo) se retrouvaient à battre la semelle par un froid mordant, lors d´une nuit d´automne, perdus dans les bois qui entouraient la ferme humaine. â€" Fait chier, les tours de garde, marmonna amèrement Jo. Si on devait pas se taper cette connerie, on serait au chaud, à l´heure qu´il est ! Gus ne répondit pas. Il continuait à marcher, son arbalète en bandoulière sur l´épaule. â€" Il fait vachement frisquet pour la saison, relança Jo. C´est peut-être parce que la ferme est surchauffée, mais j´ai l´impression qu´il fait quand même drôlement froid pour une fin d´été… Il observa son compagnon à la dérobée. Celui-ci, l´air particulièrement tendu, continuait à marcher à grand pas, figé dans une attitude toute militaire. â€" Tu nous joues les bons élèves ce soir… ? lança Jo d´un air railleur. â€" Personnellement, je ne suis pas mécontent d´être dehors, en ce moment. â€" Tu plaisantes ? Il fait moins deux ! â€" Je préfère crever de froid dehors que crever d´angoisse dedans, répliqua Gus d´un air mystérieux. â€" Qu´est-ce que tu racontes ? Gus poussa un long soupir. â€" T´es vraiment si débile ? demanda-t-il en toisant son coéquipier d´un air méprisant. T´as déjà oublié ? C´est ce soir… C´est ce soir qu´elle arrive. Jo se raidit instantanément. Il décida de faire semblant d´avoir mal entendu. â€" Qui ça, elle ? â€" Tu le fais exprès, pas vrai ? â€" Ben… Non… Gus s´arrêta net et frotta longuement ses paupières du bout des doigts. â€" Lady Lyune, murmura-t-il à voix très basse. â€" Hein ? â€" Lady Lyune A. Virgin ! La directrice du Conseil de Discipline Consistoriale ! La Grande Inspectrice des Cardinaux Désians, bordel! Jo sentit aussitôt son estomac se tordre en de douloureuses torsades. â€" Tu déconnes ? â€" Pas du tout. C´est demain l´inspection, c´était marqué sur le tableau d´affichage. Tout le monde le sait, sauf un certain crétin de ma connaissance… â€" Putain ! fit simplement Jo. Il était blême. Tout le monde savait qui était la Grande Inspectrice au sein de la communauté Désiane. Les rumeurs les plus folles couraient à son sujet. On racontait qu´il s´agissait d´une guerrière hors pair, prise de haine pour les Désians après qu´ils aient assassiné sa famille, et qui avait massacré une bonne centaine de soldats avant de rejoindre brusquement leur camp. Les chefs Désians, ayant compris qu´ils ne pourraient jamais la tuer, avait préféré s´en faire une alliée qu´une ennemie. N´ayant plus rien à perdre, elle avait accepté. On racontait aussi qu´elle était la fille d´un Ange et d´une Humaine, ce qui expliquait son incroyable dextérité en combat. On racontait également qu´elle était la réincarnation de Spiritua, venue sur Terre pour soumettre le peuple Désian à la colère divine. On racontait tellement de choses… Cependant, tous s´accordaient sur un point : dès qu´elle annonçait sa venue dans une ferme humaine, les Cardinaux Désians devenaient extrêmement nerveux. Ils la décrivaient comme inquiétante, vicieuse et à moitié folle. L´inspection était pour eux un véritable cauchemar, orchestré par cette fille perverse qui faisait durer le plaisir. Elle cherchait la moindre faille dans le système, s´attardait longuement sur des détails, bombardait les soldats de questions insidieuses. Elle rendait les Cardinaux complètement dingues. Personne ne savait d´où elle venait mais tous la craignaient. La réaction de Jo était donc compréhensible. Gus et lui poursuivirent leur marche sur quelques mètres, remuant de sombres pensées, lorsque brusquement, un bruit profond et régulier les fit s´arrêter net. Cela ressemblait vaguement à un grognement animal, ou à un vrombissement de moteur sourd. Gus posa la main sur son arbalète et Jo se recula prudemment. Ils savaient tous deux quels genres de créatures habitaient ces bois, et ils ne tenaient surtout pas à les tirer de leur sommeil si â€"par chanceâ€" celles-ci dormaient. Gus fit bravement un pas en avant. Jo en fit quatre en arrière. â€" Laisse tomber, souffla-t-il à son compagnon. â€" Mais on dirait un ronflement humain… â€" Ça, t´en sais rien, affirma Jo, péremptoire. Laisse tomber, je te dis ! â€" Si c´est vraiment un monstre, je ferai demi-tour, c´est tout… dit Gus avec un haussement d´épaules. â€" Et si il ne t´en laisse pas le temps ? ricana Jo. Les bestioles qui vivent ici peuvent t´arracher la tête en moins d´une seconde ! Mais Gus avait déjà écarté les branchages de la pointe de son arbalète, sous l´œil réprobateur de Jo qui restait prudemment en arrière. Il faillit pousser un cri en voyant Gus s´enfoncer à travers les buissons. Gus disparut, happé par le feuillage sombre et touffu qui bruissait doucement sous la brise. Il y eut un long silence. Puis un éclat de rire. Jo, intrigué, écarta les feuillages de sa main gantée et s´avança à travers les branchages. Devant lui, Gus ricanait doucement, son arbalète posée au sol. â€" Vachement dangereux les monstres de cette forêt ! lança Gus avec un rictus amusé, en désignait une vague forme sombre ramassée au pied d´un arbre. Jo ne lui prêta pas attention et se pencha sur la forme sombre. Une tache bleue apparaissait parmi les replis noirs. Il sursauta, surpris. â€" Mais c´est une gamine ! dit-il bêtement. â€" Plus vraiment une gamine, fit remarquer Gus. Elle doit avoir dans les seize, dix-sept ans. Il fit une pause, puis ajouta : â€" C´est une Demi-Elfe. â€" Merci, j´avais remarqué, répliqua Jo avec aigreur. À ton avis, qu´est-ce qu´elle fiche ici ? â€" Aucune idée, fit Gus en haussant les épaules. Jo se balançait d´un pied sur l´autre, l´air nerveux. â€" On devrait peut-être la réveiller… â€" Pourquoi ? répondit Gus en riant. T´as des idées derrière la… Un craquement sec se fit entendre. Les deux Désians firent aussitôt volte-face, la main crispée sur la détente de leurs arbalètes. Un homme enveloppé dans un cape noire se dirigeait vers eux à pas feutrés. Sous le coup de la surprise, Gus pressa la détente. Par inadvertance. Le trait fusa dans la direction de l´homme. Droit sur son cÅ“ur. Ce fut très bref. Trop bref pour que l´œil de Gus puisse enregistrer le mouvement. D´un geste vif, l´homme dégagea sa main des replis de sa cape et arrêta la flèche en plein vol. Celle-ci était à deux centimètres de sa poitrine. Il écarta ses doigts. La flèche tomba sur le sol. Jo déglutit péniblement. L´homme fit un pas en avant et repoussa la capuche qui dissimulait les traits de son visage. Les deux soldats étouffèrent un cri. Ce n´était pas un homme, ni même un jeune garçon. C´était une jeune fille. Gus eut l´impression d´avoir reçu un uppercut en pleine poitrine. Une jeune fille, traînant dans les bois à cette heure… Armée d´une épée rangée dans son fourreau, accrochée à sa ceinture… Et l´emblème Désian agrafé sur sa cape… Ça ne pouvait être que… â€" La Grande Inspectrice des Cardinaux Désians, souffla Jo à voix très basse. Elle ne ressemblait pas du tut à l´image qu´il s´en était faite. Jo avait imaginé une femme toute en muscles, avec un air sévère et une massue à la main. Mais la Grande Inspectrice, crainte par tous les Cardinaux Désians, avait en réalité l´apparence d´une adolescente fragile. Elle était plutôt jolie, avec son visage très pâle dissimulé sous ses cheveux longs, bruns rouges, et décoiffés. Elle avait un air froid et distant qui soulignait sa beauté ténébreuse. Elle était très grande, fine et élancée. Elle avait peu de poitrine mais elle était plutôt bien faite. « Bandante », avait dit Lord Magnius. Ce qui, paradoxalement, était complètement faux. Jo, lui, ne la trouvait pas « bandante » du tout. Au contraire, en la voyant, il avait une furieuse envie de prendre ses jambes à son cou et de ne plus jamais s´approcher de l´espèce féminine. C´était ses yeux qui la rendaient inquiétante. Ils étaient très beaux pourtant : grands, verts, fendus en amande, ourlés de cils noirs interminables. Mais l´expression de son regard était tout simplement effrayante. On aurait dit que ses yeux brûlaient de haine viscérale pour l´humanité toute entière. Qu´à cet instant précis, elle n´avait qu´une envie : dégainer son épée de son fourreau et tuer tout ce qui se trouvait sur son passage, des deux soldats Désians paumés jusqu´à la jeune fille endormie qui ronflait toujours. Puis prendre son épée une dernière fois et la plonger dans sa poitrine. Car ses yeux ne brûlaient pas que de haine : ils brûlaient aussi de désespoir. En croisant le regard de l´Inspectrice, les deux soldats comprirent pourquoi même les Cardinaux Désians rampaient à genoux devant elle. La jeune fille se tourna lentement vers Gus dont la main gantée était toujours crispée sur son arbalète. Gus blêmit et posa précipitamment son arme à terre. â€" Je préfère croire qu´il ne s´agissait que d´un simple accident, lança-t-elle d´un ton glacial. Gus ne répondit pas. Il sentait ses dents s´entrechoquer furieusement dans sa bouche. La jeune fille s´approcha vivement des deux soldats. â€" Lady Lyune A. Virgin, annonça-t-elle sans préambule, Grande Inspectrice des Cardinaux Désians, membre du Conseil de Discipline Consistoriale et de L´Ordre de Maintenance des fermes humaines. Elle sortit une carte plastifiée d´une des poches de sa cape et la tendit aux deux hommes. L´emblème Désian était tracé sur la carte faite à son nom. Lady Lyune A. Virgin. Bien évidemment, elle aurait pu faire un faux, mais les deux soldats se doutaient que cette fille ne mentait pas. â€" Vous êtes affectés à la ferme de Lord Magnius, non ? Ce n´était pas une question. Jo hocha maladroitement la tête, bien qu´à cet instant, il aurait tout donné pour être affecté ailleurs. Lady Lyune regarda autour d´elle, dévisagea les deux soldats, leur mine déconfite, leurs traits tirés par la fatigue. Ses yeux se posèrent sur la fille qui dormait toujours, roulée en boule au pied de l´arbre, ronflant bruyamment. Elle se tourna à nouveau vers les soldats Désians. â€" Vous aviez des projets concernant cette fille ? demanda-t-elle d´une voix remplie de mépris. Jo secoua vivement la tête. â€" N… Non, bien sûr que non ! bafouilla-t-il, agitant frénétiquement les mains en signe de dénégation. Nous ne voulions pas… Nous n´aurions jamais… Gus lui donna un coup de coude dans les côtes pour le faire taire. Lady Lyune leur jeta un regard méfiant, puis haussa les épaules. â€" Si vous voulez bien m´excusez, dit-elle d´une voix lasse, mais j´ai fait un long voyage et je vous serai reconnaissante de m´accompagner à la ferme pour que je puisse prendre un peu de repos. Ainsi, je pourrai commencer les inspections dès demain… Au plus tard. Gus sentit sa peau frissonner sous le tissu rêche de son uniforme. La voix était doucereuse, le ton lourd de sous-entendus. Jo lui jeta un coup d´œil nerveux. Gus ramassa son arbalète et, sans un mot, s´engagea sur le sentier qui menait à la ferme humaine. Jo et Lady Lyune lui emboîtèrent le pas. Les deux soldats Désians et la Grande Inspectrice s´enfoncèrent dans les bois, sans un regard pour la Demi-Elfe endormie. Cinq minutes après leur départ, Lysa dormait encore. |
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