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Lecture du chapitre 14 | |
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Nom de l'œuvre : Chroniques | Nom du chapitre : TITANS-I-1 Rapports et arènes |
Écrit par RAIDEMO | Chapitre publié le : 26/4/2007 à 22:40 |
Œuvre lue 21055 fois | Dernière édition le : 2/4/2008 à 19:37 |
CHRONIQUES TITANS Un lien du ciel à la terre Partie I : La querelle des titans Chapitre 1 : Rapports et arènes (1/2) Les nuages s´épaississaient, dissimulant le soleil pâle derrière un voile aux teintes acier. Le printemps, marquant bientôt son retour, avait adoucis l´air lourd et piquant qui stagnait depuis quelques mois sur la grande ville. Mais l´astre du jour hésitait toujours à se montrer. A l´instar de Céladopole, grand Centre culturel où se développaient de plus en plus les industries non polluantes, Doublonville était et restait un pà le d´échanges important, baignant dans ses bâtiments immenses, gris métallique ou totalement vitrés, reflétant inlassablement la teinte terne et maussade du ciel d´hiver, et dans ses rues larges, bondées d´une foule écrasante et de véhicules bruyants. La population déjà fort importante de la ville ne faisait que s´accroître d´années en années, et de nouvelles routes avaient dû être construites, des routes aériennes étendant leurs câbles et leur béton au sommet des plus hauts buildings. Une voie spécialisée portait les railles du train rapide permettant de traverser la ville sans s´y arrêter, la survolant néanmoins pour offrir à ses passagers une vue vertigineuse lorsqu´il passait au-dessus des gouffres immenses et obscurcis par le manque de soleil, s´enfonçant entre les grands immeubles de la vieille ville, dans les quartiers les plus pauvres. D´autres parcours multiples, souterrains ou aériens s´étendaient comme une toile, déployant leurs tentacules depuis la gare du Centre Commercial pour soutenir le métro, toujours bondé même aux heures les plus tardives. Les nombreuses usines rattachées à la ville s´étaient déplacées aux abords de celle-ci, débordants parfois sur les lacs qu´elle côtoyait et repoussant au fil du temps les grandes plaines verdoyantes qui venaient autrefois frà ler le pied des premières habitations. Le tourisme avait lui aussi pris de l´importance, et Doublonville, vue du ciel, pouvait parfois ressembler à l´un de ces parcs à thème ; les derniers coins de verdures avaient été déplacés au sommet des grands hôtels, et sur plusieurs toits se dressaient piscines, Centres d´attractions, et parcs abondamment fournis. De loin, la cité apparaissait comme une ville mécanique, nappée de reflets se formants dans l´acier et le verre de ses bâtiments, étendant son corps tentaculaire sur plusieurs kilomètres ; la plus grande ville de Johto, plus imposante encore que la capitale de Kanto. La masse sombre des nuages creva enfin, libérant une pluie diluvienne qui s´abattit avec fracas sur la cité industrielle. Rapidement les innombrables passants s´abritèrent sous les toiles tendues des petits commerces, d´autres courants sous les eaux en s´abritant avec ce qu´ils pouvaient, parapluies, sacs, journaux. Le tintamarre des klaxons redoubla d´intensité, bientôt accompagné des babillements aigus de quelques Chuchmurs effrayés que leurs maîtres ne parvenaient pas à clamer. Quelques centaines de mètres plus haut, le président du Conseil de la Ligue, monsieur Brunner, posa une main sur la surface gelée d´une des grandes vitres du bureau. L´eau s´écoulait à l´extérieur comme de lourdes vagues paresseuses, formant des courbes envoûtantes. Un homme entra soudain, ignorant les appels du vieux surveillant qui demandait grâce pour les tapis richement décorés du bureau de son directeur. La porte se referma sur lui. Le président décolla sa main du verre, laissant derrière lui une marque translucide sur la buée apparente. Le jeune homme qui venait d´entrer s´ébroua, chassant de ses cheveux les dernières perles humides qui s´accrochaient aussi à son long manteau de cuir sombre. « Peter, sourit Brunner avant même de s´être retourné. Quelle joie de vous voir ici. Cependant je vous ai connu plus ponctuel, c´est pourtant vous qui avez demandé ce rendez-vous. Qu´est-ce qui a pu vous retenir si longtemps ? » Le jeune homme sourit, et quitta son manteau pour venir le placer sur l´un des sièges au métal noir qui se tenaient devant le large bureau d´ébène. Le maître du Conseil des Quatre toussota, repoussa ses mèches pourpres d´une main vers l´arrière, puis fixa enfin le président en affichant son accablement. « Pardonnez-moi Président, j´ai dû m´attarder sur le chantier de la nouvelle arène. Les travaux ont bien avancé mais j´ai l´impression que Blanche n´est pas entièrement satisfaite. - L´impression ? questionna le président amusé, connaissant parfaitement le caractère extraverti de la jeune championne. Nous avons pourtant fait l´impossible pour déplacer l´arène loin du Centre Ville, aux abords des derniers bureaux. - Pas assez loin, apparemment » soupira le maître des dragons sans perdre son sourire, en venant se laisser tomber dans un fauteuil au cuir chaud et duveteux qui se dressait près des radiateurs. Brunner le rejoignit, passa derrière lui pour prendre deux verres dans un meuble au bois odorant, puis une bouteille au contenu couleur rouille qu´il vint déposer sur la table basse entre les deux fauteuils. Peter accepta le breuvage avec contentement, et commença à boire dans le plus grand silence. Le président le fixait de ses yeux d´un bleu profond, abyssal, attendant patiemment que le jeune homme se décide à parler. Un bruit de pas léger se fit entendre mais aucun d´eux ne tourna la tête vers le magnifique Persian au pelage fauve, bien différent de la couleur habituelle de ceux de son espèce. Le félin fixa un instant les deux hommes, comme pour s´assurer que le plus jeune n´était pas un danger potentiel pour son maître, puis il entreprit de faire sa toilette en tendant l´oreille, ne voulant perdre aucune bribe de la conversation. Peter reposa enfin son verre totalement vidé. Il dévisagea insolemment l´homme d´âge mûr qui lui faisait face ; ses cheveux autrefois d´un noir cornèbre grisonnaient aujourd´hui sur ses tempes fournies. Raide et courte sur le dessus, sa chevelure se muait jusqu´à son menton en petites touches d´un gris sombre, renforçant la dureté de ses mâchoires carrées. Ses yeux couleur océan s´affinaient au fil du temps, laissant ressortir ses origines orientales qui faisaient de lui un homme apprécié de bien des femmes. Son teint cuivré et les formes d´éphèbe que son corps avait gardées malgré ses cinquante années renforçaient encore son charme et son charisme auxquels s´ajoutait une voix grave et autoritaire. « Je suis venu vous parler de la prochaine réunion, commença enfin le jeune homme, brisant la tension silencieuse qui avait posé son aile sur la pièce. Vous comptez aborder le problème Kao ? » Brunner le fixa à son tour durant quelques instants. Il semblait apparemment peu enclin à s´engager sur le terrain miné de cette conversation. « Ce n´est plus un problème d´après les trois agents envoyés sur ses traces, dit-il finalement en faisant jouer ses mains graciles autour de son verre. Mais le manque de preuves m´oblige à présenter le projet d´abandon au reste des membres... ... Il faut que vous compreniez... (le président s´enfonça dans son fauteuil et croisa les doigts devant son menton, dévoilant une alliance en or) ... les temps s´avèrent difficiles, Peter. Les politiques commencent à se mêler de ce qui ne les regarde pas. De plus en plus de représentants tentent de s´infiltrer dans nos affaires, de les rendre publiques. L´affaire Kao ne fait pas exception, bien au contraire : les proportions qu´a pris cette mission sont parvenues à certaines oreilles haut placées. La bavure du ranch d´Asana, particulièrement... Nous sommes en proie à un déclin juridique flagrant. Le peuple ne nous juge plus dignes de servir à leur protection. Depuis que la Team Rocket se tient tranquille, notre rà le semble avoir été lentement étouffé. Aujourd´hui, c´est en suffocant que le Conseil de la Ligue se bat pour obtenir encore suffisamment de souffle. » Son expression changea pour laisser place à un sourire dur. « Au final, nous en viendrions presque à souhaiter le retour de Giovanni, ironisa Brunner. - Je ne pense pas qu´il soit nécessaire de s´inquiéter pour lui, objecta Peter d´un ton sec. Sa disparition n´est certainement que temporaire : il reviendra lorsque les rats auront consolidé leur nid. Quoi qu´il se passe aujourd´hui, quand le moment viendra, les politiques les plus vaillants préfèreront ramper devant le Conseil plutôt que de faire face à une nouvelle crise financière due à la hausse de criminalité. » Le président fut comme toujours amusé par la fierté solennelle du maître des Quatre, identique à l´orgueil princier de la plupart des champions. « Mon problème n´est pas là , continua Peter. J´ai pris contact avec l´un des trois... agents, peu de temps après le début de l´enquête. Je ne vois pas pour quelles raisons ils auraient menti. Et surtout, il semble qu´il y ait maintenant un danger plus grave à anticiper. - Cette histoire de Gardien agressif ? - Tout à fait. » Un nouveau silence plana sur eux. Le félin avait lui aussi stoppé tout mouvement pour poser sur les deux hommes son regard aux pupilles rétractées. Brunner expira lentement, sans bouger les lèvres, puis il se leva et alla fouiller dans l´un des tiroirs de son bureau. Il revint en soutenant un lourd dossier duquel dépassaient d´innombrables feuilles noircies par l´encre. Il s´assit, posa son butin sur la table et sortit de la poche de sa veste sombre de petites lunettes ovales aux bords noirs et fins qu´il plaça sur son nez. Il ouvrit le dossier qu´il parcourut de ses doigts habiles avant de tendre au maître du Conseil une liasse de feuilles marquées du logo du centre de soins de l´armée régulière de Kanto. « Les médecins ont jugé qu´il n´était pas nécessaire de prêter attention à ces élucubrations. - Ils les considèrent comme mentalement instables, continua Peter en lisant les résultats des analyses. Leur suivie psychologique indique qu´ils ont subi un choc émotionnel - dû très certainement à l´accumulation de fatigue et des évènements encore inexpliqués des Iles Ecumes - et qu´ils doivent par conséquent... » Le maître des dragons se tut et fronça les sourcils. Il relut à nouveau les dernières lignes avant de relever ses yeux noirs sur le président. « Je ne pense pas qu´il ait été nécessaire de les relever de leurs fonctions, reprit-il d´une voix accusatrice. Ce sont des Champions avant d´être de vos agents, je ne vois pas pourquoi ils n´auraient plus l´autorisation d´exercer ! - Ce n´est que provisoire, répondit Brunner, imperturbable. - Je ne crois pas à cette histoire d´illusion partagée ou de faiblesse psychologique ! continua Peter en repoussant le document qui glissa sur la table. S´ils considèrent qu´un danger potentiel est à craindre vous feriez mieux d´en tenir compte ! » Brunner ne le contredit pas, se contentant de fixer le jeune homme avec un intérêt flagrant qui aurait mis mal à l´aise son interlocuteur, si ce dernier n´avait pas été aussi énervé. Assis aux pieds de son maître, sa queue fouettant l´air derrière lui, le Persian au pelage roux semblait gagné par une excitation inexplicable, comme s´il s´apprêtait à disputer sa première rencontre depuis bien des années. « Nous en déciderons lors de la réunion, conclut finalement le président en se penchant pour récupérer tous les dossiers. D´ici là l´enquête est suspendue. Cela laissera aussi le temps aux trois agents de se remettre. » Peter n´ajouta rien ; le débat était clos. Le jeune homme remercia le président qui lui répondit d´un sourire et d´un hochement de tête. Le maître agrippa son manteau et se dirigea vers la porte, ignorant la pluie qui tombait encore avec fracas derrière les vitres épaisses, se perdant dans les rues grisâtres au pied du grand bâtiment. Il s´arrêta néanmoins avant d´avoir atteint la porte du bureau. « Il y avait deux autres personnes avec eux, un guide engagé par les chercheurs de Céladopole, et un homme envoyé par la Ligue... Que sont-ils devenus ? » Brunner tourna la tête vers le maître en tassant un bloc de feuilles, un sourire au coin des lèvres. « J´avais oublié que vous n´aviez pas accès à ces informations. » Peter tiqua, mais attendit la suite. « Le guide a subi un choc plus important, continua Brunner en se levant pour se diriger vers son bureau. Il est en ce moment interné dans l´hôpital d´un des camps de Kanto. Nous l´avons récupéré dans un état de coma avancé, mais nos médecins s´occupent de tout. - Et Keiji Ikeda ? » Le président marqua un nouveau silence. Son sourire avait disparu. Sans se détourner des grandes baies vitrées qui se dressaient derrière son siège, il reprit d´une voix plus lente : « Je vous tiens en grande estime, Peter. C´est pourquoi je vous conseillerais de ne pas vous mêler des affaires qui dépassent vos fonctions. Néanmoins... , coupa-t-il aussitôt, devançant une réplique incisive de la part du maître, ... je me permets de vous donner ces informations en espérant que vous tiendrez compte de mon avertissement : un hélicoptère a été envoyé sur place. L´équipe de recherche a retrouvé les restes du corps d´Ikeda grâce au cadavre de son Noctali. Sa sœur aînée faisait partie du groupe et a participé à l´identification. Ses pokéballs étaient congelées, et ses occupants ne l´ont pas supporté. Les trois agents n´ont pas su nous expliquer ce qui a pu se passer. - Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir accès à ces informations ? demanda le jeune homme aux cheveux roux en repensant à la colère d´Aldo et surtout d´Agatha lorsqu´ils avaient appris qu´ils ne seraient pas mis dans la confidence. - A cause des circonstances, tout simplement, répondit Brunner après une brève hésitation. Le corps d´Ikeda a été retrouvé... dans un état étrange. » Peter n´ajouta rien, comprenant que le président ne lui en dirait pas plus. Il franchit la porte, bien décidé à s´informer d´une façon ou d´une autre sur ce qui se tramait au sein du Conseil. D´un certain côté, Brunner avait raison : l´Union Principale des trois continents les plus importants était entrée dans une ère nouvelle. Une ère de remise en cause, de révoltes, voir de guerres civiles pour certaines régions. S´embourber dans une politique révolutionnaire ne leur apporterait rien de bon : la seule arme des maîtres et des dresseurs, à présent, c´était l´audace et l´esprit de justice qui les avaient poussés jusqu´ici... Un soleil digne de l´été futur déposait sa chaleur sur les pontons du port. Plusieurs bateaux paressaient paisiblement sur l´eau claire et chantante, mêlant ses clapotis sur les basses marches au son de ses vagues légères. L´air soulevé d´une faible brise était chargé d´une odeur de sel et de bois humide qui s´élevait des vieux ponts, accompagnée de celle, plus forte, des orangers et citronniers qui poussaient près de la ville, dans des jardins ouverts au soleil. Les marins et pêcheurs s´attroupaient joyeusement sur les remparts de pierre, se saluant de leurs voix fortes, demandant des nouvelles impatientes. Il régnait dans cette ville, comme toujours, une prospérité délicieuse qui fit reconnaître à Morgane que son compagnon puisse y être autant attaché. En quittant le port pour s´enfoncer dans les quartiers aux habitations anciennes, faites de pierres apparentes surmontées de larges poutres de bois encadrant portes et fenêtres, et formant des frises grossières mais chaleureuses, l´animation des marchés gagnait rapidement en couleur, et une foule non agressive vagabondait dans les rues pavées, accueillie par les senteurs d´épices venues de tous horizons. On y retrouvait des marchands venus des différentes régions, ramenant avec eux les derniers produits du continent. En s´enfonçant plus encore dans les allées étroites mais nombreuses, la ville se modernisait légèrement, mais ses bâtiments restaient d´une taille appréciable, loin de tout fantasque gratte-ciel ou bureaux qui jonchaient les grandes cités. Quelques canaux s´enfonçaient jusqu´au centre, moins actif que les quartiers longeant la mer, mais n´allaient pas plus loin. Depuis la colline qui surplombait Carmin, la ville, surmontée de ses toits d´une tuile vermillon qui lui avait value son nom, s´allongeait comme un champ écarlate, dévoilant l´ambiance riante et vive qui slalomait entre ses murs. La jeune femme se laissa rapidement entraîner par l´afflux d´odeurs exquises et de promesses envoûtantes, se surprenant plus d´une fois à rougir en se prêtant aux essais des marchands. Elle n´était pas là pour ça bien sûr, mais il y avait tellement longtemps qu´elle ne s´était pas perdue volontairement dans les dédales alléchants d´un grand marché. On la disait casanière, beaucoup de gens devaient même penser qu´elle n´aimait rien de tout ça, qu´elle considérait toutes ces choses comme futiles, « sans importance ». Elle était effectivement loin d´être matérialiste, mais cette vision que les autres se faisaient d´elle et qui creusait un peu plus le fossé qui la séparait de l´idée qu´on se faisait des filles de son âge la blessait encore et toujours. Mentali sautillait joyeusement d´étalage en étalage, devançant sa dresseuse pour venir humer tout ce qui lui semblait digne d´intérêt. La championne et sa féline quittèrent le marché en fin d´après-midi, cherchant tant bien que mal à retrouver l´arène parmi ces ruelles aux bordures hautes, cachant à demi les restes d´un soleil qui finissait de décroitre. La partie Ouest de la ville était plus calme, ses rues presque vides où l´on croisait simplement quelquefois un groupe d´enfants bien occupés par leurs jeux. Morgane et Mentali débouchèrent sur une place éclairée d´un ciel orangé, au milieu de laquelle se rassemblaient quelques Goélises et Roucools pour s´ébattre dans la grande fontaine de pierre. La jeune femme ne put s´empêcher de repenser à Erika chez qui elle venait de passer deux semaines de repos plus arasantes qu´elle ne l´aurait cru. La championne de Céladopole était certes charmante, mais un brin envahissante. Malgré tout, elle était l´une des premières personnes avec qui la jeune femme aux longs cheveux noirs avait pu s´entendre. Quoi qu´elle en dise, elle appréciait le caractère fort et autoritaire de celle qu´on appelait « la princesse aux mille senteurs », à cause de son goût démesuré pour la recherche de nouveaux parfums qui faisaient folie dans tout Kanto. Après les quelques jours durant lesquels la championne et ses deux compagnons avaient été gardés sous observation, ils étaient rentrés, épuisés, dans leurs arènes respectives, avec pour priorité de se trouver un remplaçant pour le temps de leur suspension. Morgane avait pu demander à Tyron, son plus proche ami qui travaillait à l´arène pour développer ses pouvoirs mentaux déjà impressionnants, de garder celle-ci le temps pour elle de reprendre ses fonctions. Puis elle avait accepté l´invitation de sa consœur de Céladopole qui avait appris, on ne sait comment, qu´elle ne pouvait plus exercer pendant un temps. Elle s´était en réalité éloignée du calme de Safrania, de ses bureaux et universités, pour accéder à l´ambiance vive et bruyante de la capitale. Elle avait espéré y retrouver Daman pour obtenir peut-être de nouvelles informations, mais le jeune chercheur avait été mandé ailleurs. Depuis cet instant, elle n´avait plus reçu une seule nouvelle de ses deux compagnons d´infortune, ni de Léon, malgré les menaces et insultes qu´elle avait proférées à l´intention d´un soldat imperturbable qui avait, finalement, refusé de lui dévoiler quoi que ce soit sur sa condition. « Secret défense, peux rien dire, devoir de l´armée » avait-il dit. La championne s´était retenue de lui faire foi de ce qu´elle pensait de son devoir et de son armée. Elle s´était contentée de raccrocher brusquement sous les cris hystériques des filles de l´arène d´Erika qui avaient manqué défaillir à la vue du téléphone ainsi maltraité. Durant tout son séjour dans la capitale de Kanto, Morgane avait tenté d´oublier. D´oublier tout ce qui s´était passé sur les îles enneigées. Elle avait profité de son « congé » forcé pour faire de nouvelles recherches sur les anciens peuples d´Ihien. La disparition de Peter ne l´avait pas inquiétée outre mesure, après tout il était un homme astucieux et puissant dans monde du dressage ; il avait lui aussi été embarqué dans cette histoire sans avoir rien demandé, et la Ligue ne semblait pas avoir apprécié que le maître dévoile des informations dans son dos. Quoi qu´il advienne, le dresseur de dragons saurait toujours se sortir des mauvaises passes, la championne n´en doutait pas. Elle s´arrêta soudain à la sortie d´une rue et cligna des yeux avec insistance face aux rayons agressifs d´un soleil couchant. Une nouvelle place couverte d´une pierre blanche s´offrait à elle, plus grande que la précédente, surplombant une mer calme et s´étalant devant l´arène aux murs bas et étendus. A l´horizon, l´astre du jour avait commencé à disparaître, voilant le ciel de pourpre. La jeune femme soupira et reprit sa route, attendant que Mentali cesse de donner la chasse aux Ptitard pour la rejoindre. Elle frappa fermement contre les lourdes portes, jetant un coup d´œil rapide à la pancarte qui indiquait que l´arène était fermée. Au bout d´un court instant celles-ci s´ouvrirent dans un mécanisme silencieux. Un homme imposant - tant par sa stature que par son pas lourd - apparu devant elle. Il écarquilla les yeux en reconnaissant la championne et celle-ci lui sourit. « Ça alors ! Tu sais ça m´fait plaisir de t´revoir, petite ! - Bonsoir Nobuo, répondit la jeune femme avec un demi-sourire, toujours surprise par la promptitude des gens de cette ville à tutoyer tous ceux qu´ils rencontraient. Désolée, j´arrive tard mais... - Non non, aucun problème, tout baigne, entre ma grande t´es toujours la bienvenue ! » La championne acquiesça, connaissant maintenant parfaitement le personnage et n´osant pas se faire prier d´avantage. Elle l´observa tandis qu´il refermait les portes ; Nobuo était un ancien marin, convoyeur à bord du Saint Anne, le vaisseau de transport le plus connu et le plus apprécié de Carmin sur Mer, grâce à ses étages supérieurs aménagés pour un transport de passagers de première classe. L´homme était grand, mais pas autant que le champion en titre dans cette ville, et légèrement enveloppé comme il se plaisait à le dire. Ses cheveux bruns étaient rasés et ses yeux couleur lavande semblaient toujours rieurs. Il portait inlassablement le même genre de haut simple à manches courtes, aussi blanc que sa casquette d´ancien matelot qu´il passait son temps à soulever pour se gratter la tête lorsqu´il réfléchissait à quelque chose. Son énorme Colosinge le suivait toujours de près, perpétuellement méprisant et colérique ; il avait comme façon bien singulière d´exprimer son désarrois d´envoyer valdinguer tout être ou objet susceptible de pouvoir être soulevé par ses bras robustes. Morgane demanda des nouvelles du Major. A cette question Nobuo perdit son sourire. Il lui apprit que leur champion n´allait pas fort, et la jeune femme n´en doutait pas... « Pourquoi l´arène est-elle fermée ? La Ligue a pourtant demandé à ce que l´on choisisse des remplaçants pour éviter une trop longue fermeture. » Nobuo souleva sa casquette et se gratta la nuque d´un air gêné, baissant les yeux. « En fait c´est bien simple, personne ici n´a voulu reprendre le flambeau... Y a aucune raison ! Et puis, on voit bien que Bobby s´fait du mal à supporter tout c´bazar ! Lui ? Pas apte à diriger son arène ? Alors qui le serait ? » La championne hocha la tête, ayant pris soin de ne pas aller au-delà du haussement de sourcil lorsque le marin avait appelé l´ex-militaire par son prénom ; Nobuo était sans doute le dernier à le faire à ce jour... à part... « Mais p´t-être que toi tu pourras nous le réconforter ? T´vois, lui donner un peu d´punch quoi ! - Hum... je vais faire de mon mieux... » Cette simple phrase rassura Nobuo qui afficha un sourire triomphant et reconnaissant, tandis que son Colosinge croisait les bras en reniflant d´un air hautain. Il allait proposer à la jeune femme de l´amener jusqu´au Major, ou tout du moins de quitter le grand hall qui commençait à se rafraîchir, lorsque deux silhouettes apparurent devant eux, venant des couloirs de l´aile habitable : un homme marqué par l´âge au visage austère et habillé d´un costume noir, et une jeune fille aux cheveux verts et hirsutes, habillée d´un jean et d´un débardeur, et dont le regard bas et cerné était obscurcis plus encore par une moue dédaigneuse et un mouvement perpétuel de mâchoires sur un chewing gum sans goût. L´homme en noir était accompagné d´un Magnéton qui suivait son sillage, et la gamine d´un Elektek qui semblait aussi vif et réveillé que sa dresseuse. « Mon cher Nobuo, ceci doit cesser, fit durement remarquer le vieillard, articulant lentement et ignorant totalement la championne. - Exact... marre... , ajouta la fille d´une voix sans timbre. - Vous devez vous occuper de ce problème. Immédiatement. » Nobuo sembla paniqué. « Mais... j´ai aucun droit de... - Suffit ! le coupa le vieil homme. Nous n´allons pas imposer cette épreuve à notre pauvre champion ! En son absence c´est vous qui êtes chargé du maintien de l´arène, prenez vos responsabilités, que diable ! - Ouais, c´est toi qui dirige... , confirma la fille aux cheveux raides, retombant sur ses yeux sombres. - Hmm... » répondit le marin pour s´avouer vaincu. Il s´excusa auprès de Morgane et se tourna vers sa cadette. « Ryoko, emmène notre invitée au salon. Bobby t´y rejoindra » ajouta-t-il en souriant à la championne qui se contenta de lancer un regard sceptique à sa guide. Devait-elle fuir tout de suite ? Mentali la persuada du contraire en poussant de sa tête contre les jambes de sa dresseuse pour la faire suivre la fille et son Elektek qui s´étaient déjà retournés et partaient sans dire un mot. Morgane les suivit avec le même silence, se demandant pourquoi tous les membres de cette arène étaient si bizarres. La dénommée Ryoko l´emmena dans une grande salle aux couleurs chaudes, couverte du sol au plafond de tapisseries et de rideaux épais qui impressionnèrent la championne. Deux canapés et quelques fauteuils s´y tenaient, la jeune femme aux cheveux noirs s´assit sur l´un d´entre eux. La fille à l´air endormi la fixa un instant, sans qu´aucun sentiment passe dans son regard, faisant frissonner Morgane qui manqua de détourner le sien, elle qui avait pourtant l´habitude des êtres paranormaux... Cette fille lui faisait clairement penser aux exorcistes folles de la Tour de Lavanville, ce qui n´était pas pour la rassurer. « Euh... Ryoko ? Tu es élève ici donc ? » commença Morgane d´une voix hésitante, pour entamer la conversation et faire ainsi diminuer la tension omniprésente dans la pièce. Pour réponse première, la championne n´eut droit qu´au souffle d´une bulle de cheming gum qui éclata bruyamment. La fille aux cheveux verts mastiqua encore un moment avant de prendre la parole d´une voix sobre : « Ouais... Je suis élève... - Il me semblait pourtant que le règlement interdisait à un champion d´avoir plus d´un élève, fit remarquer Morgane. Et je croyais que le Major s´occupait déjà de Kazuo... - C´est vrai, mais il m´entraîne aussi. » La gamine ajouta à ses paroles un hochement de tête que son Elektek imita avec une synchronisation parfaite. Morgane tenta de sourire le plus naturellement possible. Moui, après tout je serais plus étonnée si j´apprenais que cet imbécile se pliait au règlement... , songea la championne. Par chance pour elle, la porte ne tarda pas à s´ouvrir sur un visage plus familier : Kazuo entra, respirant rapidement comme s´il avait couru sur une longue distance. Il salua la jeune femme en s´abaissant et remercia Ryoko qui ne lui répondit pas et quitta la pièce d´un pas nonchalant. « Désolé... notre champion est très occupé... , bégaya le jeune asiatique encore essoufflé. Mais je peux vous conduire à lui si vous le voulez. - J´aimerais bien, acquiesça la jeune femme avec un sourire cette fois non feint. Oh, et toutes mes félicitations » ajouta-t-elle en désignant le superbe Elecsprint qui marchait fièrement derrière Kazuo. Le jeune homme rougit et remercia la championne, ajoutant que ce n´était pas toujours simple et que son pokémon, même évolué, continuait à faire des siennes et à prévaloir son narcissisme sans bornes. Elecsprint ne réagit pas à la remarque et se contenta de s´asseoir en dressant la tête, la déviant sur le côté dans la position gracieuse d´un prince oriental. « Au fait, lança soudainement Morgane alors que Kazuo s´apprêtait à repartir. Vous avez un problème avec l´arène ? » Le jeune homme parut intrigué à cette question. « Euh... pas que je sache. - Pourtant un vieillard est venu se plaindre à Nobuo en compagnie de la gam... de Ryoko. - Ah, le vieil Anatole ? Il est dresseur ici, mais... » Morgane attendit la suite de sa phrase en se demandant ce qui avait poussé le champion, si impétueux, à engager cet homme austère. Kazuo rougit à nouveau légèrement lorsqu´il comprit à quoi la jeune femme faisait allusion. « Oh... c´est... Un Migalos s´est introduit dans les caves de l´arène. Apparemment c´est une femelle et nous craignons qu´elle y ponde ses œufs... - Pourquoi ne pas la capturer pour la relâcher en dehors de la ville ? - C´est exactement ce qu´on essaye de faire » répondit le jeune homme avec un petit rire gêné. Morgane préféra ne rien ajouter et Kazuo la conduisit finalement jusqu´au bureau du champion, au fond des couloirs qui longeaient chambres, cuisines et salles de bain. Il ouvrit une belle porte au bois ancien et invita la jeune femme à entrer dans la pièce étroite qu´elle cachait. Celle-ci s´exécuta, Mentali sur les talons, et se figea face au spectacle qui s´offrait à elle. Jamais... jamais dans toute sa carrière elle n´avait vu dossiers et paperasses en si grande quantité, emplissant un large bureau et s´empilant maladroitement dans tous les coins de la pièce. Plusieurs piles étaient tombées et jonchaient à présent le sol de leurs feuilles diverses. La porte se referma derrière la championne mais elle n´y prit pas garde, car la tête de son confrère venait d´apparaître de derrière un carton plein. « Morgane ? s´étonna ce dernier. Qu´est-ce que tu fais là ? » La jeune femme ne lui répondit pas tout de suite, constatant le début de barbe claire qui mangeait le bas de son visage et la lueur éteinte qu´avaient pris ses yeux bleus. Elle avait toujours eu un mal fou à imaginer l´ex-militaire dans son rà le « clandestin » de champion, derrière un bureau, à compléter ses rapports. Mais cette scène allait au-delà de tout ce qu´elle avait pu se représenter. « Tu sais, la plupart des gens utilisent des ordinateurs aujourd´hui » lui fit-elle remarquer ironiquement en s´avançant parmi les montagnes de dossiers. Le grand homme grogna en se redressant complètement, et Raichu apparut à son tour en sortant difficilement de l´imposant carton. « Je n´aime pas les ordinateurs, maugréa le Major en époussetant ses vêtements légers et kakis. Kazuo et Nobuo s´occupent de tous les dossiers informatiques. - Et toi ? Qu´est-ce que tu fais ici ? - Je range les archives des vingt dernières années, geignit le champion, perdant enfin son air dur, ce qui soulagea Morgane dont le visage se détendit. Le gouvernement lance une nouvelle politique, celle de : « soyez tous à jour dans vos impà ts ou c´est la fusillade ! » T´as vu les flics dans les rues ? (Morgane secoua la tête) Eh bien ils sont partout ! Je reçois des relances vieilles de plusieurs mois et je dois vérifier tous les comptes ici. Tu peux pas savoir tout ce qu´on peut retrouver là -dedans ! Tiens ! (il brandit fièrement une feuille) Une facture vieille de huit ans ! On avait déclenché une coupure de courant dans toute la ville ! » Le large sourire qui était apparu sur le visage du champion à l´évocation de cet incident laissa la jeune femme perplexe, lui arrachant un soupir. Elle laissa glisser son regard sur les innombrables papiers qui s´étalaient sous ses pieds, n´écoutant que d´une oreille le grand homme qui se demandait s´il ne devait pas encadrer cette facture pour l´accrocher dans le hall. Ses yeux noirs s´attardèrent sur un ensemble de lettres officielles venant de l´arène de Rivamar, de la région de Sinnoh. Morgane fronça les sourcils à l´idée que le militaire puisse converser avec le champion de cette ville ; après tout, outre le fait que les Conseils de leurs deux régions respectives soient en froid, ... la jeune femme croyait savoir que Tanguy avait toujours refusé toute proximité avec son confrère de Carmin sur Mer. Une proximité qui devait s´étendre sur un maximum de deux kilomètres si la championne se souvenait bien. Elle décida finalement d´oublier cette découverte. Les affaires de familles et de succession n´étaient vraiment pas une chose desquelles on pouvait facilement se mêler. Elle retourna son attention vers l´homme qui continuait à parler tout seul, tandis que son rongeur s´échinait à repousser le carton vers le bureau. « A part ça, comment vas-tu ? » demanda-t-elle enfin. Le champion, coupé dans son monologue, la fixa d´abord sans comprendre, puis lui sourit sincèrement. « Ça peut aller. On a pu mettre presque tous les comptes à jour, et ce congé forcé m´a permis de m´occuper de mes élèves. - Kazuo et Ryoko. Tu sais que les lois de la Ligue stipulent qu´un champion ne peut pas avoir plusieurs élèves à la fois ? - Euh... oui... Mais Ryoko a quasiment l´âge d´être engagée comme dresseuse dans l´arène, se défendit le Militaire. Et Kazuo a presque fini son entraînement. - Il ne semble pas en être si sûr... - Il manque de confiance en lui, continua le champion d´un ton professoral. Et c´est dommage, Elecsprint lui obéirait plus facilement. » Morgane sourit. Ils continuèrent à discuter pendant près d´une heure, abordant différents sujets et évitant ceux qui les ramèneraient à ce qu´ils avaient vécu un mois plus tôt. La jeune femme sentit néanmoins une certaine réticence chez son compagnon, et elle n´en eu l´explication que lorsqu´elle lui demanda des nouvelles de Kangourex. A cette question le militaire baissa les yeux. Il lui apprit que la jeune femelle avait développé un comportement étrange envers lui, et qu´elle refusait tout contact. Il avait finalement dû se résigner à l´envoyer à la pension d´Azuria pour quelques temps. Morgane sentit sa gorge se serrer au souvenir de ce qu´avait du affronter le dinosaure en la personne de Kao, mais elle ne dit rien. Pendant ce temps, Raichu avait abandonné son classement pour venir saluer théâtralement Mentali, et s´asseoir près d´elle afin d´observer leurs deux dresseurs. « Menta... (tu pues la sueur...) - Rai ! rai raichu ! (ouais ! Le parfum des vrais mâles !) - Mais au fait, où as-tu prévu de dormir ? questionna soudain le Major après avoir jeté un coup d´œil à l´horloge. - En fait... j´étais certaine d´être partie avant la nuit tombée. - Reste ici, répliqua aussitôt le champion avec un grand sourire. Y a bien assez de chambres ! - Hum... Pourquoi pas... » reprit la championne en tachant de ne pas aborder le problème de la présence d´un Migalos dans ces murs, puisque Kazuo et les autres semblaient vouloir à tout prix le cacher à leur champion. Le militaire parut satisfait de cette réponse et hocha la tête, en ajoutant aussitôt qu´il allait prévenir Anatole d´ajouter un autre couvert. Puis il disparut par la porte du bureau. Morgane resta un instant sans bouger, curieuse de voir si le champion reviendrait sur ses pas en se rendant compte à quel point sa réaction manquait de politesse... mais ce ne fut pas le cas. Un nouveau soupir lui échappa. Elle baissa enfin les yeux lorsqu´elle sentit quelque chose tirer sur son pantalon, et aperçut Raichu qui lui souriait gentiment. « Raichu, rairaichu. - Mentali men (il dit qu´il va nous conduire à la chambre) » |
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