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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 16
Nom de l'œuvre : Chroniques Nom du chapitre : TITANS-I-2 La réunion du Conseil
Écrit par RAIDEMO Chapitre publié le : 3/5/2007 à 21:10
Œuvre lue 21040 fois Dernière édition le : 2/4/2008 à 19:32
Chapitre 2 : La réunion du Conseil


La pluie s'était arrêtée depuis quelques heures, mais le ciel de Doublonville restait désespérément couvert. Cela faisait plusieurs jours déjà que le climat semblait s'être détérioré sur toute la région de Johto, enfermant ses habitants dans une incertitude constante. On ne pouvait plus dire précisément s'il faisait jour ou nuit, et les lueurs citadines restaient constamment allumées. Une tension palpable s'était emparée de tous ceux qui vivaient dans cette région, en particulier dans les huit grandes villes principales, victimes de plusieurs coupures de courant et autres désagréments. Le ciel était lourd de nuages noirs et bas. Parfois, cependant, une faible et courte éclaircie parvenait à percer pour faire briller un instant le métal froid des bâtiments.
Bientôt le métro se mit en marche. Quatrième moyen de transport de la journée pour les trois champions de Kanto qui commençaient à ressentir douloureusement la fatigue de ce voyage sans fin. Quand il fût sorti de la gare, remontant à l'air libre en survolant la ville immense, le soleil ruissela à travers le verre sale des vitres. Il tomba sur le rebord de fenêtre délabré à côté duquel Morgane était assise, et se déversa sur ses genoux, faisant ressortir les plis de son jeans sombre dont les ombres semblaient former un véritable dédale montagneux. Des particules poussiéreuses dansaient paresseusement sur la lueur essoufflée et pourtant si vive et aveuglante. La jeune femme tourna son regard las vers la vieille ville, sans faire l'effort de plisser les yeux bien assez pour percevoir clairement les bâtiments attendant la mort. Elle devinait les contours d'acier de chaque pont, de chaque immeuble, des vitres neuves, posées pendant la nuit, où se reflétait la lumière blanche, parfois rosée du soleil couchant, et qui n'offraient à ses yeux que des taches agressives et incolores. Si son regard s'était perdu un peu plus bas, sous les railles grésillantes et sifflantes du wagon, ce fût les câbles rongés, les parois granuleuses au métal fatigué, les encadrements oxydés où quelques morceaux de verre noir et coupant s'accrochaient encore désespérément qui lui auraient offert un spectacle non moins affligeant.
Puis l'éclaircie prit fin. Le soleil disparut à nouveau, voilé par les remparts brumeux, et la demi obscurité reprit ses droits dans le compartiment beaucoup moins bondé qu'à l'accoutumé. Ils entrèrent enfin dans les quartiers du centre dont les néons multicolores ne parvinrent pas à les tirer de leurs pensées moroses. Morgane tourna la tête vers ses compagnons ; le Major était assis en face d'elle, les bras sagement croisés devant son ventre, soutenant son rongeur, comme un petit garçon. Leurs regards étaient songeurs, perdus dans l'étendue grise qui se dressait derrière les vitres. Un paysage qu'aucun d'eux n'appréciaient. Pour une fois le militaire avait pris soin de se vêtir d'une veste grise qui protégeait ses bras jusqu'à ses mains gantées de mitaines noires, et la championne se dit qu'elle aurait tout aussi bien fait d'emporter au moins un anorak. Tant pis... son blouson bleu sombre suffirait. A sa gauche, le bras posé sur l'accoudoir et le menton enfoncé dans sa main, somnolait Koga, habillé d'un blouson noir, d'un jeans, et de bottes larges et montantes dans un style que Morgane ne lui connaissait pas. Elle soupira en caressant Mentali, endormie sur ses genoux. Cette réunion promettait d'être un vrai calvaire. Peter devait les rejoindre directement à l'immeuble de la JCC (Johto's Council Compagny), mais à part le maître et le président Brunner, les trois champions ignoraient qui serait présent. Certainement quelques représentants des autres régions...
Morgane fronça les sourcils en repensant aux paroles du dresseur de dragons, lorsqu'il était venu s'entretenir avec eux à Parmanie ; ainsi il se passait des événements étranges au sein du Conseil de la Ligue, des événements qui risquaient avec le temps d'échapper au contràle des maîtres et des dresseurs, les premiers concernés. Et comme si ce n'était pas suffisant, les hommes politiques commençaient à s'en mêler publiquement, et la crainte grandissante des habitants de Johto, liée à ces changements inexpliqués dans le climat, ne faisait que leur donner raison. De plus, les recherches de Morgane sur la région d´Ihien l'avaient plongée dans une profonde incertitude. Elle commençait à entrevoir un lien entre ces terres anciennes et l'apparition de Loki.
Si ces pensées tourmentaient la jeune femme, celles qui rendaient le ninja si soucieux étaient toutes autres : les recherches de Morgane avaient aussi abouties en ce qui concernait Jeannine Bachmann. La fillette se trouvait aujourd'hui dans la région du Kansai, à l'extrême Ouest du continent, là où les guerres civiles sévissaient depuis plusieurs mois déjà. Aucun moyen de savoir dans quelle région précise elle se trouvait : les informations ne filtraient que par bribes éparses et parfois mensongères dans cette partie du pays.
Une voix fatiguée les sortit de leurs pensées en grésillant dans le haut-parleur pour leur annoncer le dernier arrêt. Les trois champions soupirèrent en se relevant et attrapèrent les maigres affaires qu'ils transportaient. Le métro s'était arrêté dans l'immense station du Centre Commercial, aussi leur fallut-il traverser les différentes allées des magasins et s'infiltrer à travers les foules pour rejoindre la sortie. L'immeuble de la JCC se dressait à quelques pas du Centre, moins impressionnant par sa hauteur, mais tout de même imposant. Les champions y entrèrent et furent ravis de découvrirent un grand hall dans lequel il était possible de se déplacer. Quelques groupes de personnes discutaient, disséminés dans la grande pièce. Certains étaient accompagnés d'équipes de télévision, l'objectif rivé sur des costumes-cravates. Koga réagit plus rapidement que ses partenaires et plaça un doigt sur sa bouche en fixant ses compagnons d'un air menaçant. Ceux-ci acquiescèrent : ils n'avaient pas la moindre envie de se faire repérer par les caméras. Par chance, les journalistes étaient fermement accrochés à leurs proies, qui semblaient elles-mêmes bien satisfaites de leur position, et les trois champions purent rejoindre l'accueil, au fond du hall, près de l'ascenseur, sans accrochage. Une jeune femme en uniforme les salua et leur demanda de montrer une carte d'identité. Tous trois sortirent leurs cartes de dresseur en glissant un œil plus ou moins discret à celles des deux autres.
« Tu avais des favoris ? s'étonna Morgane en jetant un coup d'œil à la carte du militaire qui présentait un jeune homme tout sourire dont les pattes descendaient presque jusqu'au menton.
- C'est une vieille photo ! » se défendit l'homme en rougissant et glissant l'objet dans sa poche intérieure.
Ni la jeune femme, ni le Major n'eurent néanmoins le temps de lorgner sur la carte de leur collègue. Ce dernier la rangea aussitôt sans même leur prêter un regard. Ils s'engouffrèrent dans l'ascenseur, soulagés de pouvoir enfin respirer normalement, mais sans pouvoir cacher leur appréhension pour la soirée qui allait suivre. Les portes s'ouvrirent sur un large couloir tapissé de rouge. Le président Brunner les accueillit avec un sourire, et leur demanda s'ils avaient fait bon voyage. « Boarf... », « Très mauvais. » et « Très bon, merci. » furent ses seules réponses. L'homme hocha la tête, les fixant de son regard intimidant, puis les dirigea vers le grand salon, ajoutant qu'il les rejoindrait plus tard, lorsque tous les membres seraient arrivés. Les trois dresseurs apprécièrent la délicatesse de leur hàte qui n'avait pas abordé le sujet de leur mise à pied, et traversèrent les grandes portes aux vitres granuleuses.
Un froid glacial envahit la pièce lorsque les regards des champions de Carmin sur Mer et Rosalia se croisèrent, électrisant l'atmosphère auparavant détendue. Le militaire afficha une grimace exaspérée, reniflant bruyamment en croisant les bras. Le jeune homme, dresseur de spectres, se contenta de stopper son mouvement qui consistait à porter sa coupe de champagne à ses lèvres pour fixer tout aussi agressivement son confrère. Ils restèrent ainsi, sans bouger, se lorgnant mutuellement, tandis que Raichu s'éloignait tranquillement vers la table des apéritifs, trouvant cette scène répétitive et ennuyeuse. Pourquoi fallait-il que ces deux là se mènent une guerre sans merci ? Tout le monde ignorait la raison qui poussait Mortimer et le militaire à se combattre indéfiniment, se lançant un nouveau défi à chaque fois qu'ils se voyaient. Chacun des deux possédait plusieurs dizaines d'exemplaires du badge de l'autre qui attestaient du nombre de leurs victoires. On ne comprenait pas comment le réfléchi Mortimer avait pu se retrouvé un jour confronté à l'audacieux Major Bob pour que tout finisse dans ce conflit enfantin. Les présents s'éloignèrent tous du duo belliciste avec un coup d'œil effrayé, n'ayant aucune envie d'être pris dans la « bataille ».
Le grand salon était de style ancien. Des fenêtres de la hauteur des murs étaient cachées par des rideaux épais, et la lumière vive qui emplissait la pièce venait de lustres dorés qui étendaient leurs bras lourds au plafond. La moitié du salon avait été aménagée comme pour une réception, et une grande table chargée d'apéritifs en tous genres se dressait le long du mur, à gauche de l'entrée. Du côté opposé se trouvait une table identique, entourée d'une quinzaine de sièges, mais vierge de toute nourriture.
Lorsque les champions se furent suffisamment éloignés des deux adversaires, ils purent enfin exprimer ce que leur inspiraient ces retrouvailles :
« MORGANE !!
- Blanche...
- C'est génial que tu sois là ! Il faut absolument que je te raconte ! L'arène a été déménagée ! Je vais inviter Mortimer à dîner ! Chuck a perdu du poids ! Ah ! Je t'ai pas parlé de... »
Tandis que les deux jeunes femmes devisaient avec plus ou moins d'intérêt, Albert s'approcha de Koga pour le saluer dignement, affichant le profond respect qu'il ressentait envers son aîné. Le ninja l'avait combattu un an plus tôt, avec une aisance et un charisme qui avaient impressionné le jeune champion de Mauville. L'homme en noir lui rendit son salut, appréciant, quant à lui, la présence sereine et silencieuse du dresseur d'oiseaux : il n'avait entendu le son de sa voix qu'à deux reprises. Albert se démarquait de son rang de Champion par une droiture et un sens de l'honneur respectable, contrairement à la plupart de ses collègues qui avaient tendance à se montrer trop sûrs d'eux, voire même à développer un orgueil parfois hypocrite. C'était entre autre le cas de Mortimer, apprécié des foules, évité par son entourage devant lequel sa façade de patience se transformait en accès de colère arrogante. Ce mépris qu'arborait le jeune homme, seul Auguste de Cramois'Ile prenait la peine de le surmonter, lui permettant de supporter sa compagnie ; il était parvenu à lui imposer une certaine maîtrise de soi, et plusieurs mauvaises langues sifflaient que l'ancien scientifique de la Team Rocket cherchait à amadouer le dresseur de spectres afin de se servir de lui. Auguste ignorait ces messes basses, Mortimer n'en devenait que plus amer. L'autre personne qui tentait de distraire le champion de Rosalia et de le rendre plus sociable était Blanche, même si la plupart de ses approches se voyaient froidement repoussée. Mais la jeune fille ne comptait pas abandonner.
L'atmosphère commençait à se détendre, baignée du flot de paroles incessantes de Blanche, lorsque les portes s'ouvrirent sur un nouveau groupe de champions qui imposa le silence et des visages décomposés. Le « trio infernal de Hoenn » venait de faire son entrée, à la consternation de tous les présents qui croyaient à une réunion de la plus haute importance.
« Je croyais que Brunner avait compris que « réunion » ne voulait pas dire « cour de récré », grogna Koga entre ses dents.
- Salut tout le monde ! »
L'entrain de Bastien ne parvint pas à dérider tous les regards, et il n'eut droit qu'à quelques sourires forcés. Le jeune homme était suivi d'Adrianne et de son regard fier, et de Roxanne dont l'ordinateur reposait comme toujours contre son bassin, dans une sacoche grise. Comme leurs confrères commencèrent, obligeamment, à demander quelques explications, Roxanne leur apprit avec politesse que les trois champions initialement demandés n'avaient pas pu venir (ou plutôt, s'étaient débinés), et avaient appelé chacun d'eux pour les remplacer. Un hasard pareil ne pouvait être possible, aussi fut-il décidé que Norman, Marc, et Alizée paieraient chèrement leur traîtrise.
Plusieurs minutes passèrent encore, et ce fut au tour de Damien, du Conseil des Quatre de Hoenn, d'entrer en grondant dans un anglais texan. Comme ses confrères de la région du Nord, il avait dû remplacer Aragon, le vieux maître des Quatre qui avait eu le culot de feinter (piètrement) une grippe avancée. Derrière lui marchait un Cacturne femelle qui tentait de calmer son dresseur avec de faibles tapotements sur l'épaule. Les champions évitèrent avec diplomatie de lui faire remarquer son accoutrement : en effet, le costume-cravate sombre aurait pu paraître moins choquant si le jeune homme n'avait pas été coiffé de son inlassable crête rousse et de lunettes de soleil noires qui le faisaient paraître loin, très loin de son élément.
Peter arriva enfin, et Brunner entra à sa suite, accompagné d'un homme joufflu que personne ne connaissait. D'un geste, le président invita les présents à rejoindre la table de réunion. Les champions déposèrent leurs coupes de champagne, le militaire rappela son rongeur qui avait englouti la moitié des apéritifs, et Damien en fit de même avec son Cacturne, profitant du fait qu'on ne s'occupait plus de lui pour se débarrasser de sa veste noire qui cachait une élégante chemise blanche (que le dresseur n'aurait certainement jamais achetée si Spectra ne l'avait pas emmené précipitamment faire son shopping pour la réunion). Brunner s'assit en bout de table. A sa droite se plaça l'homme inconnu ; il avait un petit regard porcin et pétillant, et un sourire rendu moins amical par une légère cicatrice à la lèvre supérieure. Son crâne presque entièrement dégarni laissait apparaître quelques marques brunes. Ses vêtements dévoilaient cependant un rang important, et personne ne souffla mot en attendant les présentations. Peter vint à la gauche du président, Damien à ses côtés, les bras croisés derrière la nuque et les jambes allongées sous la table, et la réunion put enfin commencer.
« Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre à cet appel » commença Brunner.
Les champions saluèrent.
« Bien. Pour commencer je tiens à vous présenter Mr Murrow qui nous vient directement du bureau du Président. Il est prévu qu'il accompagne cette réunion pour informer nos dirigeants des choix qui seront faits tout au long de cette soirée. »
L'ensemble des dresseurs se figèrent, affichant clairement leur surprise. Morgane serra les dents : bien sûr, elle avait déjà entendu le nom de Murrow, mais elle n'avait pas fait le rapprochement avec le premier ministre de l'UP (1). Un murmure de protestations prit naissance entre les dresseurs. Peter lui-même semblait dérouté. Le ministre s'attendait à cette réaction, aussi afficha-t-il un sourire satisfait avant de se lever et d'imposer le silence en levant une main. Tous se turent et se tournèrent vers l'homme.
« Je sais que, jusqu'à ce jour, dresseurs et politiques n'ont jamais fait bonne entente, entama Murrow d'un ton de meeting. Eh bien messieurs, tout cela va changer. (les jeunes femmes ne dirent rien mais n'en montrèrent pas moins leur froissement d´être ainsi ignorées) Le Président, et moi-même, avons décidé, avec l'accord de Mr Brunner, qu'il était temps de réunir nos deux administrations. A partir de maintenant, toute réunion au sein de la Ligue devra se faire en présence du ministre de la Défense ou de moi-même. »
Les champions restèrent tétanisés. Murrow continua ainsi son discours tandis que les dresseurs s'échangeaient quelques regards ahuris et murmures révoltés. Comment la Ligue avait-elle pu accepter une pareille décision ? Les maîtres, aussi charismatiques soient-ils, n'avaient jamais eut l'affront de se mêler à la politique. Par ailleurs, ces derniers ne considéraient les dresseurs que comme des fonctionnaires : aucun d'eux n'avait sa place dans leurs partis. Les hommes d'Etat étaient des hommes d'Etat, nés de familles nobles et se développant entre eux. Alors pour quelles raisons auraient-ils le droit de venir s'immiscer dans les affaires de la Ligue ? Les affaires militaires, les affaires juridiques, invoqua Murrow. L'Etat voulait, et devait savoir.
Absolument consternée, Morgane observa Brunner qui gardait comme toujours son calme légendaire. Plus question, maintenant, de faire part de ses découvertes en ce qui concernait Loki. Puis son regard dévia sur Peter qui avait les yeux rivés sur les dossiers que venait de leur distribuer le ministre, serrant les poings, posés de chaque côté des feuilles qu'il observait d'un regard dur. Damien ne disait rien, restait bouche bée en jetant des regards à droite et à gauche, attendant qu'on lui fournisse une explication « satisfaisante ». La jeune femme observa enfin ses deux compagnons, assis en face d'elle. Koga avait les bras croisés et les yeux fermés, ses dossiers posés sagement devant lui ; il avait sans doute cessé d'écouter dès qu'il avait appris que Murrow n'était là qu'en tant que gêneur, ou peut-être cherchait-il une nouvelle approche du problème Loki maintenant que les médias risquaient d'avoir vent de tout ce qui serait dit ici. Le Major souleva quelques feuilles avec un air embêté, puis les relâcha mollement avant de s'enfoncer dans son siège en soupirant. Roxanne prenait des notes sur un petit bloc pendant qu'Adrianne déversait, de façon à peine dissimulée, toute sa colère sur un Bastien qui tentait de lire les feuilles que lui arrachait au fur et à mesure la fille aux cheveux rouges. Albert fronçait les sourcils et plissait les yeux en parcourant les dossiers, Blanche chouinnait en les feuilletant, et Mortimer grimaçait férocement en survolant les papiers.
Lorsque Murrow eut fini son discours, en ajoutant que les autres champions et maîtres seraient mis au courant des nouvelles réformes avant la fin de la semaine, Brunner reprit la parole.
« Nous pouvons maintenant passer au premier point de cette réunion, autrement dit l'affaire Kao. »
Tous se tournèrent vers les trois champions de Kanto. Ceux-ci se lancèrent quelques coups d'œil, puis Morgane toussota et commença.
« Je pense que vous avez tous été mis au courant ; Kao est mort, mais nous n'avons pas eu la possibilité de rapporter de preuves. Son corps a disparu aussitôt...
- Il doit s'agir d'une expérience d'un Etat ennemi, enchaîna Murrow en secouant sa main devant son visage, coupant la parole à la jeune femme. Son corps a disparu pour ne laisser aucune piste. Vous auriez dû le ramener vivant.
- Euh...
- Nous avons eu beaucoup de problèmes de ce genre avec la Romh (2). En effet... »
L'homme repartit dans un discours qui décontenança un peu plus les dresseurs. Morgane clignait des yeux en essayant de comprendre ce à quoi l'homme faisait allusion, mais elle n'arrivait pas à trouver un rapport réel avec Kao. Peu à peu, elle sentit le sang affluer jusqu'à son crâne, et la colère monter en elle. Ce type n'avait RIEN à faire ICI ! Son monologue fut soudain interrompu par un bruit sourd qui fit sursauter toute l'assemblée. A la plus grande surprise de ses compagnons, Koga venait de se lever en abattant ses deux mains sur la table, seul moyen pour lui de faire taire le ministre. Son regard était dur, mais son expression indifférente était tout à fait habituelle. Lorsqu'il fut certain d'avoir l'attention de tout le monde, il se redressa complètement et s'adressa à Murrow :
« Vous avez certainement raison, il s'agit sans nul doute d'une expérience ratée, mais échappée d'un laboratoire de l'armée de notre Etat, et non d'une arme biologique.
- Etes-vous en mesure de le prouver ? questionna sèchement le ministre qui avait perdu son sourire et était maintenant couvert de sueur à l'idée que quelqu'un ait pu l'interrompre.
- La marque qu'il portait sur son front était un pentacle renversé, mais si l'on prend en compte le cercle qui y était raccordé, elle ressemble étrangement au symbole des laboratoires de notre armée. »
Murrow se tut. Si le ninja disait vrai, alors il valait mieux ne pas laisser retomber la faute sur la milice, l'Etat comptait énormément sur elle en ce moment. Et tout semblait affirmer que l'homme en noir avait raison. Les champions hochèrent la tête, intérieurement soulagés que leur confrère de Parmanie ait si rapidement trouvé un moyen d'éviter une guerre basée sur des faits totalement absurdes. A présent, chacun était d'accord : cet homme était dangereux, et il leur fallait modérer leurs propos. Lorsque Brunner aborda le problème du gardien fou, Koga s'interposa à nouveau pour faire dévier la conversation ; Loki n'était certainement que le fruit de leur imagination, né des pouvoirs de Kao. Le reste de la réunion aborda des problèmes de moindre importance. Murrow n'intervint qu'à quelques reprises, prudemment, et observant du coin de l'œil le ninja dont il craignait une nouvelle remarque. La séance prit fin peu avant minuit. Les dresseurs se levèrent et se dirigèrent vers la sortie tandis que Brunner saluait le ministre. A peine fut-il sorti de la pièce que Peter disparut dans les couloirs. Adrianne continuait à malmener Bastien pendant que Roxanne lisait à voix haute le contenu de ses notes. Albert et Blanche vinrent à la rencontre du trio de Kanto.
« Nous sommes vraiment désolés, s'excusa le dresseur d'oiseaux en baissant les yeux. Cet homme n'avait pas sa place ici.
- On ne savait pas qu'il y aurait un ministre ! geignit la jeune fille aux cheveux roses.
- Personne n'était au courant à part Brunner, murmura Morgane d'une voix amère.
- Ce choix a du être fait contre sa volonté, proposa le militaire.
- Tss, tu crois vraiment tout et n'importe quoi, ricana le ninja, s'attirant un regard foudroyant de la part du champion de Carmin. Les temps changent, et on ne pouvait pas rester éternellement peinard dans notre coin. »
Les autres champions n'insistèrent pas. Koga avait raison. Ils déambulèrent tous les cinq pendant un moment, en silence, traversant les couloirs murés de fenêtres offrant une vue vertigineuse. Albert les sortit soudain de leurs pensées en demandant aux trois champions où ils comptaient dormir.
« On a réussi à se réserver une place au Centre Pokémon, l'informa Morgane. J'espère simplement que les journalistes ont déguerpi parce...
- Oh la la ! C'est pas vrai ! »
Les quatre champions se retournèrent vers Blanche dont le visage était collé à l'une des grandes vitres.
« Regardez-moi ça ! Encore un de ces satanés gangs qui vont nous polluer les rues et réveiller tout le voisinage ! »
En effet, une importante troupe de motards s'était regroupé au pied du bâtiment, laissant échapper cris et coups de klaxons mécontents de la part des véhicules qui peinaient à slalomer entre les engins. Koga blêmit et recula alors que le Major semblait pris d'une illumination.
« Ça alors, Koga, c'est pas des potes à toi ?
- Qu'est-ce que tu racontes » soupira Morgane, agacée.
Le militaire la regarda d'un air étonné.
« Quoi, tu ne savais pas qu'il avait longtemps fait partie d'un gang ? Comment tu crois qu'il a connu Léon ? »
La jeune femme, le dresseur d'oiseau et Blanche tournèrent un même regard ébahi vers le ninja qui avait déjà tourné les talons en grognant qu'il allait passer par le toit, et qu'ils se retrouveraient au Centre. Les trois autres insistèrent pour que le grand homme leur en dise plus, mais celui-ci, ravi d'être ainsi pressé, affirma qu'il ne dirait rien si Morgane n'acceptait pas de dîner avec lui.

Le restaurant du Centre était presque totalement vide, mais quelques dresseurs s'y trouvaient encore. La plupart étaient de jeunes gens expérimentés qui mangeaient lentement, perdus dans leurs pensées, réfléchissant sans doute à de nombreuses tactiques pour battre un quelconque adversaire. Morgane entama à peine sa salade de tomates, préférant questionner le militaire qui tentait d'avaler son steak entre deux paroles.
« Mais puisque je te le dis ! répétait-il. Quand je l'ai connu j'entrais à peine dans l'armée. J'avais dix-sept ans, donc il devait en avoir à peu près quinze. Il était déjà à la tête d'un groupe de mômes, aux alentours de Céladopole.
- Koga... un de ces truands... , soupirait la jeune femme en secouant la tête. Et je l'imagine mal en tant que leader, égoïste comme il est...
- C'est pour ça qu'il a changé de voie j'imagine, continua le Major en buvant une gorgée de bière. La vie de champion devait certainement mieux lui convenir. Et puis, (il afficha un sourire amusé) d'après ce que m'a dit Léon, il avait bien besoin de changer d'air. »
A peine avait-il prononcé ces dernières paroles que l'ex-militaire tenta de les noyer derrière ses mains. Raichu, assis à ses côtés et jusqu'à maintenant occupé à dépecer un épi de maïs, lui lança un regard accusateur. Morgane et Mentali se jetèrent un coup d'œil. La jeune femme se pencha lentement au-dessus de la table.
« Léon ? Il connaissait donc Koga... et il t'a raconté quelque chose ?
- Euh... , marmonna le champion de Carmin. Des histoires de gang... Léon a fait partie de celui de Koga pendant quelques mois...
- Il t´a dit pourquoi il avait choisi de devenir champion ? »
Le militaire grogna, avala une nouvelle gorgée, mâcha mécaniquement un morceau de viande, grogna à nouveau, puis répondit :
« Ça ne nous regarde pas je crois... »
Morgane soupira. Elle décida finalement de ne pas insister et observa le champion finir son assiette avec des gestes hésitants, craignant apparemment que sa consœur insiste. Elle prit le temps de réfléchir : ils avaient tous les trois compté sur l'appui de la Ligue pour mener à bien l'enquête concernant Loki, mais il paraissait maintenant impossible de leur accorder la moindre once de confiance. Les taupes avaient déjà dû commencer à s'infiltrer parmi le personnel. Cependant, la jeune femme ne pouvait pas oublier le gardien si facilement, et elle mourrait d'envie de se rendre à Ihien en réponse à ses découvertes sur le peuple qui dominait autrefois cette région. Le Major avait ressenti son trouble mais ne disait rien, et seuls les grignotements de Raichu flottait autour d'eux. Mentali observait sa dresseuse, devinant ses pensées, et lui souffla finalement de tenter d'oublier ses craintes :
« Menta, mentali... (vous êtes équipiers, la confiance doit savoir s'imposer dans une équipe...) »
Morgane lui sourit et hocha la tête. Elle se retourna vers son confrère qui lui offrait déjà toute son attention.
« Je dois te parler de quelque chose, lui dit-elle enfin. As-tu déjà entendu parler d´Ihien ? »

~ & ~


(1) UP : Union des Principaux, c'est-à-dire la nation la plus importante du continent central, et qui regroupe les régions de Kanto (à l'est), de Johto (au centre, région la plus développée), du Kansai (à l'extrême ouest), et de Hoenn (au nord-ouest).
(2) Romh : Etat situé au sud de l'UP. Ihien est une région de cet Etat.
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