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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 8
Nom de l'œuvre : Il s'appelait Nigel, Tome 3 Nom du chapitre : Dernier chapitre - Nouveau départ
Écrit par Orube Chapitre publié le : 21/5/2009 à 00:38
Œuvre lue 10099 fois Dernière édition le : 1/1/1970 à 01:00
Dernier chapitre - Nouveau départ






C´était comme plonger dans un bain glacé. A la fois pour la température intolérable et pour l´impression de ne plus pouvoir respirer.

Dès que je fus à leur portée, les détraqueurs foncèrent vers moi, affamés. Je sentis mon cœur bondir de surprise. Je ne m´attendais pas à ça.

« Spero patronum ! » m´exclamai-je.

Lâcher le balai pour tenir ma baguette n´était pas non plus une mince affaire. Je l´avais fait par pur réflexe, mais j´avais aussi manqué de tomber. Heureusement, le patronus avait éloigné les détraqueurs pour quelques instants. Mais c´était encore trop peu pour que je puisse m´habituer à cette posture précaire.

Ils paraissaient encore plus nombreux vus d´ici. En fait, c´était surtout parce qu´à part eux, on ne voyait pas grand-chose. Un morceau de ciel gris, juste après avoir fait apparaître notre patronus, si on avait de la chance.

« Spero patronum ! » lançai-je pour la septième fois consécutive.

Je me faufilai dans l´espace qui se libérait alors. Progresser parmi le nuage noir pour mieux le disperser, c´était ça, le plan. Pas très ingénieux, mais nous n´avions rien de mieux sous la main, et pas assez de temps pour réfléchir.

J´étais censée atteindre le lac. Ça m´avait paru simple de prime abord, mais ici, ça ne l´était plus tellement, parce que je ne voyais plus le sol. Pour parer à ce problème, je pointai ma baguette vers le bas. J´aperçus vaguement quelque chose, mais ma vue de resta pas dégagée assez longtemps pour que je puisse deviner quoi.

Faute de savoir où j´étais, je continuais d´avancer.

« Endoloris... »

Les voix étaient faibles, mais présentes. Si j´avais le malheur d´y faire attention, ma main glissait sur le manche de mon balai, trempé par la pluie.

Alors que les détraqueurs s´étaient plus approchés de moi que jamais, ma vue se brouilla. Les cris stridents retentissaient dans ma tête, ininterrompus.

Je crus vraiment, cette fois, que j´allais m´évanouir.

« Myra ! »

J´ouvris les yeux. Il me fallut une seconde pour comprendre que j´étais suspendue dans les airs. Je ne tenais plus mon balai que d´une main. De l´autre, je serrais ma baguette, ma seule chance de survie dans cet enfer.

Deux solutions : lâcher ma baguette, remonter sur le balai, en espérant que j´y parvienne, et m´enfuir le plus vite possible. Sinon, je pouvais me laisser tomber et prier pour ne pas mourir. En tout cas, les détraqueurs ne pourraient pas m´avoir dans ce cas là.

« Myra, attention ! »

Quelqu´un passa devant moi. Enfin, à proprement parler, c´était plutôt un balai qui venait de fràler mon nez.

« Dépêche de remonter sur ton balai, je te couvre ! »

Je venais de comprendre. La première fois que j´avais entendu crier mon nom, ça n´avait pas été une illusion.

« Vite ! s´énerva Esther. Je ne vais pas pouvoir rester comme ça longtemps ! »

Je fis de mon mieux, mais ma baguette m´encombrait. Et puis, je n´avais pas du tout l´habitude de monter sur un balai. C´était la première fois que je tombais, et devoir s´entraîner à remonter sur son balai en plein vol avec une centaine de détraqueurs autour de soi, ça n´était pas franchement très pratique.

Esther ne pouvait pas m´aider. Avec mes idioties, je ralentissais tout le monde.

Tant pis. Finalement, peut-être qu´ils se débrouilleraient mieux sans moi. Dans le pire des cas au moins.

Je lançai ma baguette vers le ciel. De toutes les forces. Puis j´attrapai le manche du balai de ma deuxième main.

« Esther ! Vers le bas ! »

Elle eut une seconde d´hésitation, mais elle se reprit et comprit que ce n´était pas le moment de tergiverser. Elle m´ouvrit un passage vers le sol, dans lequel je m´engouffrai plus vite que je n´avais jamais été en volant.

Ce n´était pas tellement du baratin, quand j´avais dit à Sean que je n´étais pas nulle au quidditch. Même si je n´aimais pas voler, quand je jouais quelque chose de gros, je me découvrais des capacités incroyables. Et comme ici, c´était ma vie que je pariais...

Je réussis à rattraper ma baguette au vol. Un vrai miracle. A l´instant où je pus la tenir dans ma main, un détraqueur se rua vers moi. Je n´eus pas le temps d´ouvrir la bouche. Heureusement, le cygne blanc jaillit derrière moi, repoussant mon agresseur. En sécurité, je fis volte-face.

« Est-ce que ça va ? » cria Nigel, un peu plus loin.

Je fis oui de la tête, avant de réaliser qu´un autre des monstres qui nous entouraient s´était discrètement faufilé derrière lui.

« Attention ! » hurlai-je.

Trop tard. Le détraqueur était sur lui. Avant que je n´aie pu réagir, Nigel avait glissé de son balai et tombait.

Je n´eus pas besoin de penser à ce que je faisais. Je plongeai en piqué, comme avait l´habitude de le faire Esther pendant les matches de quidditch pour épater la galerie. Sans quitter Nigel des yeux, je me mis à prier pour réussir à le sauver avant de m´écraser sur le sol.

J´appris à mes dépends que plonger en piqué n´était pas quelque chose de donné à tout le monde. Un bref mais violent coup de vent me déstabilisa, et je lâchai prise.






Je n´avais jamais pensé à la façon dont je mourrai, auparavant. Dans mon esprit, cela prenait toujours la forme d´une grande vieillesse ou d´une maladie, qui me clouait pour des mois avant de m´emporter. Je n´aurais jamais imaginé que tout serait fini en une poignée de secondes. Pourtant, quand j´avais pris la décision de me battre, je savais quels étaient les risques.

La mort en elle-même ne me faisait pas peur, en fait. C´était plutôt la douleur que je redoutais. J´attendis le choc avec appréhension. Les secondes s´écoulaient au ralenti, et comme j´avais les yeux fermés et que je ne pouvais pas voir le sol, cette attente était insupportable.






PLOUF !






L´eau noire du lac ne mit qu´un instant à m´engloutir. Dès que je fus remise de ma surprise, je battis des jambes de toutes mes forces pour remonter à l´air libre.

Je remplis mes poumons d´air, et je tournai frénétiquement la tête pour trouver Nigel. Il ne tarda pas lui non-plus à émerger. Je désignai la rive d´un signe de tête : il acquiesça et me suivit.

J´eus peur qu´une drôle de créature ne s´accroche à ma jambe pendant que je nageais, mais heureusement, je parvins à regagner sans encombre une eau où j´avais pieds.

Nigel était arrivé avant moi. Plié en deux, les mains sur les genoux, il peinait à reprendre son souffle.

« Est-ce que tu vas bien ? » m´enquis-je.

Il releva les yeux vers moi et me lança un regard assassin.

« Tu es folle ou tu le fais exprès ? » me hurla-t-il.

Pour je ne savais quelle raison, il était fâché.

« C´était du suicide, Myra ! Si on n´avait pas été au dessus du lac...

-Je n´allais pas te regarder tomber sans rien faire ! me récriai-je.

-Ça aurait fait un cadavre de moins », coupa-t-il, très terre à terre.

J´avais envie de crier. J´en étais presque à trépigner, quand je lui dis :

« Est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu ne penses jamais à ce que peuvent ressentir les autres ?! Egoïste ! Egoïste, égoïste, égo... »

Brusquement, son regard changea. Il s´avança. Tout en posant ses mains sur ma nuque, il se pencha vers moi et m´embrassa.






A cause de la surprise, ou parce que c´était mon premier baiser ? Je ne bougeai pas d´un pouce. Je me contentais de suivre le mouvement de ses lèvres sur les miennes. Même si j´étais trempée, même si mes chevilles baignaient dans l´eau et la vase, même si de surcroît j´étais encerclée de centaines de détraqueurs, je me sentais bien.






Il s´interrompit. Je vis une étincelle d´inquiétude au fond de ses yeux. En ce qui me concernait, je n´avais aucun doute quand à ce que je voulais à ce moment-là.

« Toi aussi, parfois, tu es égoïste », murmura-t-il.

Je l´attirai de nouveau contre moi.






Trop vite, beaucoup trop vite, nous dûmes nous séparer. Au dessus de nous, la voix d´Esther s´exclama, si fort que de l´intérieur du château on l´avait sûrement entendue :

« Nigel Malefoy, espèce de menteur invétéré ! »

Quelques secondes plus tard, le temps pour nous de sortir de l´eau, elle s´était posée et venait vers nous.

« Garde ta baguette pour quelque chose d´utile, lui rappela sèchement Nigel. Tu fais déjà bien assez de bruit sans. »

Elle l´ignora ostensiblement.

« Je me rongeais les sangs à propos de Myra, dit-elle. J´avais peur qu´elle n´ait pas réussi à récupérer sa baguette ou qu´elle soit tombée. Mais je vois qu´en fait, vous vous amusez bien, tous les deux, pendant que tout le monde est en train de se battre là-haut.

-Je n´ai plus de balai, balbutiai-je, à cours de bonnes excuses.

-Tu n´en as plus besoin. »

Pourquoi ça ?

Je levai la tête. Tous les détraqueurs venaient vers nous.

« Si on pouvait courir assez vite, on réussirait à les éloigner de Poudlard, commenta Nigel. Et en balai ?

-N´y pense même pas, répliquai-je. Il n´y a qu´un balai, ici, et tu ne t´en iras pas tout seul.

-Et si on ne bouge pas, ils finiront par nous avoir.

-Les secours ne sont plus très loin, marmonna Esther. A nous trois, on tiendra assez longtemps.

-Ce n´est pas sûr.

-Il faut savoir prendre des risques, dans la vie. »

Personnellement, ce n´était pas trop mon truc. J´avais déjà eu mon lot d´émotions pour un bon moment quand j´étais entrée dans la cabane Hurlante, à onze ans.

Les détraqueurs se rapprochaient. Au moins, cette fois, je n´avais aucun doute quant au souvenir auquel il fallait que je pense.

Nous étions dos à dos, en formant un triangle. Nous avions chacun adopté la position qu´on nous apprend en cours de défense contre les forces du mal : celle qui nous permet de lancer notre sort le plus vite.

« A trois. »

Je me crispai. Les détraqueurs n´étaient plus qu´à une vingtaine de mètres.

« Un... »

Il était étonnant de voir à quel point une baguette pouvait être résistante, même quand on la serrait à s´en faire mal.

« Deux... »

Est qu´on pouvait seulement briser une baguette par la force physique ? Je savais que c´était possible par un sort...

« Trois !

-Spero patronum ! »

Je ne pus voir le patronus de Nigel, mais en tout cas, mon hermine n´avait jamais été aussi opaque et brillante. Je vis les détraqueurs reculer bien plus que les premières fois.

C´était là ce qui faisait notre avantage. Les détraqueurs avaient faim, et puisqu´ils se nourrissent du bonheur, ils étaient venus vers nous. Mais plus le souvenir auquel on pense quand on crée un patronus est heureux, plus le patronus est puissant. J´avais toujours froid, mais je n´avais plus peur. Nous avions pris l´avantage.

« Ils arrivent ! rugit quelqu´un au dessus de nous. Tenez bon, ils ne sont plus très loin ! »

Enfin !

Il y eut un léger « boum » derrière moi.

« Esther ! appela Nigel. Esther, répond !

-Ne t´inquiète pas, tentai-je de le rassurer. Dès que tout ça sera terminé, on l´emmènera à l´infirmerie. Tout ira bien. »

Il ne dit plus rien. De toute façon, dans l´immédiat, on ne pouvait rien faire pour elle, sinon continuer de repousser les détraqueurs pour qu´ils ne l´approchent pas.

Même si c´était plus difficile à deux qu´à trois.

Je me sentis faiblir. En quelques secondes, je me repris, comprenant que c´était à cause de la proximité des détraqueurs que l´idée sournoise s´était insinuée en moi que sans Esther, nous n´y arriverions pas.

On ne peut pas échouer, me répétai-je.

« On va y arriver, reprit Nigel en chœur, même s´il ne m´avait pas entendue. On va y arriver. »

Son ton montrait que celui qu´il avait le plus besoin de convaincre, c´était lui-même.

« Spero patronum ! »

Je m´obstinai à attaquer toujours au même rythme, d´un bout à l´autre d´un demi-cercle. Nigel, dans mon dos, faisait de même.

J´entendis alors un murmure au dessus de nous. C´était très différent du râle inquiétant d´un détraqueur. Tellement plus rassurant.

Une formule que j´aurais été capable de dire même sans entendre ma voix.

Spero patronum.






Le spectacle qui suivit fut à la fois le plus étrange et le plus beau qu´il m´eût été donné de voir durant mes sept années de scolarité à Poudlard.

L´air était une immense étendue noire qui par endroits commençait à se tacher d´argent. Peu à peu, les taches grandissaient, comme le feraient des gouttes d´encre tombées sur une feuille blanche. En quelques minutes, la tendance s´était inversée : le ciel était devenu d´argent, et les taches d´encre sombre rapetissaient.

A côté de ça, notre défense me parut tout d´un coup bien maigre, et tous les risques que nous avions pris pour retenir les détraqueurs à la fois énormes et inutiles. La seule chose que nous avions réussi, grâce à la chance, c´était de les tenir à l´écart du château.

Tout comme nous, les aurors avaient attaqué du ciel, sur des balais. L´infime différence entre leur façon d´intervenir et la nôtre, c´était juste le nombre de personnes qui participaient : sans exagérer, il y avait sûrement un auror pour trois détraqueurs, sinon plus. D´ailleurs, en fin de compte, peut-être que tous n´étaient pas des aurors. Cela m´étonnait qu´ils puissent y en avoir tant. Peut-être que les habitants de Pré-au-Lard étaient eux aussi venus nous prêter main-forte ?






Je me tournai vers Nigel avec un sourire. Il avait déjà pris Esther sur son dos, prêt à partir dès que ce serait possible. Il répondit à mon sourire, l´air soulagé.

« On est vivant, dit-il.

-Oui. »

Et ça relevait du miracle.






J´agitai les bras avec force pour signaler notre présence à tout le monde, mais je crois qu´en fait, c´était un peu inutile.

Même si les détraqueurs n´avaient pas disparu, ils étaient à présent moins nombreux, et les aurors, les vrais, s´occupaient déjà de les éloigner, pour les conduire on ne savait où. Au centre de la Terre, si seulement ça avait été possible.

Les étudiants de Poudlard avaient formé un cercle autour de nous. Je m´en rendis compte en retard, semble-t-il. Cela faisait longtemps qu´ils observaient ce qui se passait. Des éclats de voix retentirent. La plupart me passèrent au-dessus, un résonna dans mes oreilles à m´en faire mal.

« Esther ! »

Nigel tourna la tête vers Sean, qui accourait. Il avait l´expression insupportable de celui qui croit avoir tout perdu.

« Elle va bien ! m´écriai-je. Elle va bien. Il faut juste qu´elle se repose un peu, et tout ira bien. »

Cela ressemblait un peu à ce que j´avais dit à Nigel plus tôt.

Sean ne parut pas vraiment rassuré pour autant.

« Je l´emmène à l´infirmerie, déclara Nigel. Toi, ajouta-t-il à l´adresse de Sean, tu m´accompagnes. Myra, on se retrouve plus tard ? »

Je fis oui de la tête. Il y avait encore tellement de questions que je voulais lui poser... De choses qui m´échappaient encore.

Les filles de mon dortoir, accompagnées d´Erin et Sacha, accoururent vers moi. Pendant le moment où je passai de bras en bras, j´eus l´impression d´être coupée de la réalité. Ensuite, je vis des journalistes de la Gazette s´approcher de moi, et je me cachai du mieux que je pus derrière d´autres élèves, qui semblaient tous assez fiers de raconter qu´ils étaient mes amis, même si bien sûr certains, quelques temps auparavant répugnaient à suivre mes consignes et considéraient Nigel comme celui qui avait amené les détraqueurs à Poudlard. Enfin, après tout, c´était leur problème. Il y a des choses, comme ça, auxquelles on ne peut rien faire. Il est plus simple de rire de la bêtise des gens que d´essayer de la corriger.






Dès que je pus m´échapper, je me précipitai à l´intérieur du château, vers l´infirmerie. J´y trouvai Esther, réveillée et plutôt en forme au vu de ce qu´elle venait de vivre. Sean était seul à son chevet. Madame Pomfresh sortit de son bureau, et lorsqu´elle me vit, elle insista pour me garder, ce qui me força à écourter ma visite. Avant qu´elle n´ait pu me mettre le grappin dessus, je m´esquivai dans le couloir.

Je montai à la salle commune : elle était déserte. Le calme et le silence régnaient, et j´eus l´idée de rester, pour souffler un peu. Même si la tentation était forte et que la tête me tournait, je me raisonnai : « Plus tard. J´aurais tout le temps plus tard. »

De nouveau, je m´attaquai aux escaliers, et ma course s´acheva au sommet de la tour d´astronomie. Je levai le visage vers le ciel : il était bleu et dégagé. Le soleil luisait doucement, le temps était doux.

Nigel m´attendait.

« Toi aussi, tu as pris l´habitude de venir ici ?

-Oui, répondit-il. Généralement, c´est l´endroit le plus calme du château. Avant, je l´évitais, parce que c´est là que mon père a... Enfin... Albus Dumbledore... Tu connais l´histoire ?

-Oui, le rassurai-je. Je sais. »

Je m´assis à côté de lui, en plein dans la lumière du soleil, profitant avec délice de la chaleur de ses rayons.

Nous devions apprendre plus tard que Macnair et Corrow n´étaient plus que de mauvais souvenirs. Erin, déjà dans les ennuis parce qu´elle avait utilisé l´Imperium pour faire parler Corrow, avait soufflé l´idée de les mettre à la porte du château, sans baguette, à la merci des détraqueurs. L´idée n´avait pas tardé à être reprise, et finalement, tous dans la grande salle s´étaient mis d´accord. Ces deux-là n´avaient pas eu droit à un procès.

Est-ce que je m´en offusquais ? Ç´aurait été hypocrite de répondre que oui. Seul comptait le soulagement que j´éprouvais en sachant qu´ils n´étaient plus à présent capable ne serait-ce que de bouger.

Une vie sans âme était pire que la mort. J´espérai qu´on les tuerait.

En attendant, nous étions tous les deux là, au sommet du château, au calme. Je décidai d´en profiter pour éclaircir ce que je ne comprenais toujours pas.

« Tu te souviens, quand Corrow a parlé du Serment Inviolable... Pourquoi est-ce que tu as fait ce serment avec Macnair ? Je veux dire... Pour lui, ç´aurait été tout aussi simple de te tuer, pas vrai ? »

Nigel ne me quitta pas des yeux. Il réfléchissait. En fait, il choisissait soigneusement ses mots, sans doute dans l´espoir illusoire de ne pas me choquer.

« A chaque fois que le ministère a retrouvé notre trace, c´était parce que quelqu´un était mort, finit-il par m´expliquer. Macnair voulait à tout prix éviter de faire empirer ça. En m´enfermant à Poudlard, il s´assurait du bon déroulement de son plan et il ne donnait pas non-plus de nouveaux indices au ministère.

-Et comment il a fait ça ? »

Nigel s´allongea par terre, les mains derrière la tête. Il inspira un grand coup, avant de dire, sans reprendre son souffle :

« Nigel, t´engages-tu à ne rien dire qui puisse empêcher les détraqueurs de s´emparer de Poudlard quand le moment sera venu ? »

Il ferma les yeux. Je m´allongeai à mon tour en posant ma tête sur sa poitrine. Son cœur battait à toute rompre.

C´est impressionnant qu´une simple phrase puisse réduire quelqu´un au silence pendant si longtemps.

Nous ne rompîmes pas tout de suite le silence. C´était agréable de se taire et de prendre le temps de penser juste à nous deux. Je n´écoutais que les battements de son cœur près de mon oreille, et pour la première fois depuis longtemps, j´étais apaisée.

Cela ne devait malheureusement pas durer longtemps.

« Je crois que je vais partir, dit Nigel, sur le ton de la conversation. Je vais quitter la Grande Bretagne.

-Pourquoi ?! » m´étonnai-je en me relevant.

Enfin, enfin je me sentais bien, et voilà qu´il voulait s´en aller !

« Pour aller où ? continuai-je, dépitée.

-Je ne sais pas encore tout à fait. Peut-être au Canada. Loin d´ici, en tout cas. J´en ai assez que tous les gens me regardent en murmurant mon nom, comme s´il s´agissait d´une malédiction ou autre chose du genre, ajouta-t-il comme pour s´excuser. C´est fou, je n´arriverai jamais à m´y habituer. »

Ma gorge se noua ; je ne trouvai rien à répondre. Pas un argument à opposer. Juste le désir violent de le garder près de moi. J´avais déjà passé trois ans sans lui, je savais quel effet cela me faisait.

Je sentis les larmes monter et j´essayai de les réprimer. Je n´allai quand même pas me mettre à pleurer comme une gamine maintenant ! Et pourtant, malgré toute ma volonté, je ne pus m´en empêcher. Je rougis, honteuse de l´envie de m´enfuir, si j´avais pu le faire sans qu´il ne le remarque.

Il ne mit pas longtemps à se rendre compte que quelque chose clochait. Se redressant à demi, il me regarda, et s´écria :

« Mais pourquoi tu pleures ?! »

Il avait l´air ébahi de quelqu´un qui ne comprenait rien à ce qui se passait autour de lui. Je trouvai cela vexant. Il s´inquiétait donc si peu de ce que je pensais pour être étonné par ma réaction ?

Je laissai couler mes larmes. Au pire, cela me soulagerait.

« Tu sais, bredouilla-t-il, ce n´est pas pour toute suite... Après avoir passé les ASPIC, au minimum. »

Génial. J´avais seulement un an devant moi.

« Arrête de pleurer, Myra, s´il te plaît... balbutia-t-il, embarrassé. Je suis désolé... Je comprendrais si tu ne voulais pas quitter ta mère et le reste de ta famille, mais...

-Qu´est-ce que tu as dis ? » coupai-je.

Un ange passa.

« Si tu ne veux pas partir, tant pis, reprit-il prudemment, mais je voudrais vraiment que tu y réfléchisses. C´est vraiment important pour moi.

-Attend, attend un peu... Tu voudrais que je t´accompagne ?

-Oui », confirma-t-il.

Une seconde plus tard, il comprit le malentendu.

« Hé, mais qu´est-ce que tu croyais, encore ? s´exclama-t-il. Je ne vais pas m´en aller comme ça tout seul du jour au lendemain ! »

Et mes sanglots reprirent, transformé en ce bruit étrange que l´on fait quand on rit et qu´on pleure en même temps.

Nigel ne savait pas vraiment quoi faire pour me calmer. Cela me prit du temps avant de parvenir à maîtriser mes tremblements.

« Ça va aller ? s´enquit-il. Tu es sûre ? »

Je hochai la tête avec vigueur.

« Il va falloir en parler à Esther, le prévins-je.

-Ce n´est pas sa réaction qui m´inquiète le plus, c´est celle de mon père et de mon grand-père.

-Je ne savais pas qu´il comptait tant à tes yeux. Je parle de ton grand-père, précisai-je.

-Même s´il déteste les sorciers d´origine moldue, il est quand même de ma famille. J´ai vu bien pire que lui, tu sais. »

Non, mais je n´imaginais que trop bien.

« Ma mère va me tuer, lâchai-je. Peut-être même pire. Elle est capable de m´attacher et de m´enfermer à la cave pour m´empêcher de partir.

-La mienne aussi, ceci dit... »

Je soupirai. La fatigue me gagnait. Le repos que j´avais refusé quand j´étais à l´infirmerie me semblait à présent indispensable.

« On a tout le temps, dis-je.

-Sans doute. Autant être crucifié le plus tard possible. »

Cette réflexion m´arracha un sourire.

« Pourvu qu´on n´en arrive pas jusque là ! »

Je fermai les yeux.

« Partir au Canada... Tu n´as jamais pensé à devenir raisonnable, au moins une fois dans ta vie, Nigel ?

-Non. J´aime bien prendre des risques. Ça rend la vie plus palpitante.

-Bon sang, est-ce que tu as vraiment besoin de ça, je te le demande... » râlai-je.

Il éclata de rire. Ce n´était pas vraiment le moment de me parler d´aventure ou de danger, je n´avais qu´une idée en tête : dormir. Et si possible, oublier un peu que plus tôt dans la journée, j´avais dû combattre des centaines de détraqueurs.

Nigel passa ses doigts dans mes cheveux. Je bougeai ; il crut que c´était pour me dégager et s´excusa.

« Non, non, ce n´est rien... »

Comme il s´était figé, je lui dis à mi-voix, plus rouge que jamais :

« Continue, c´est agréable... »

Impossible de savoir lequel de nous deux était le plus écarlate, néanmoins, Nigel ne se fit pas prier.

Quand la gêne retomba, je sentis de nouveau à quel point j´étais épuisée.

« Je t´aime. »

Voilà, c´était dit.

J´appréhendai de croiser son regard, si jamais il se relevait. Mais il ne bougea pas.

« Moi aussi. »

Je faillis me remettre à trembler. En essayant de me détendre, je pris la main qui avait posée sur ma tête et l´amenai devant moi sans la lâcher.






Il faisait beau, nous étions enfin tranquilles, en haut de la tour d´astronomie. Esther et tous les autres allaient bien, Nigel ne partirait pas sans moi. Je sentais sa main dans la mienne, j´entendais son cœur battre à côté de mon oreille. Je ne voulais rien d´autre.






Vaincue de fatigue, je m´endormis contre Nigel, sereine comme je n´aurais jamais cru l´être.
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