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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 5
Nom de l'œuvre : Calli Nom du chapitre : N'oublie pas de vivre
Écrit par Silver_Altaria Chapitre publié le : 3/6/2009 à 18:27
Œuvre lue 5973 fois Dernière édition le : 1/1/1970 à 01:00
Bip...
Bip...
Bip.

As-tu oublié? Moi, même au plus profond de mon sommeil, je n'ai pas réussi à effacer cette partie de mon être qui continuait à t'attendre. Même lorsque mon corps était déjà mort, mon esprit errait, totalement perdu, dans l'espoir, plus fou encore que de survivre à cet accident, de discerner ta présence dans les ténèbres qui m'envahissaient. J'avais soif de ta vue, de ton odeur, de ta voix, et rien, surtout pas la mort, n'aurait pu me persuader de rebrousser chemin et de partir en sachant que je laissais derrière moi ma raison de vivre. Tant que je vivais encore, cela aurait été un crime que de ne pas me battre.

Ce qui m'inquiétait le plus était de savoir si toi, tu survivrais.

Après tout, tu n'es pas responsable de ce que les médias font de notre histoire! Je suis "simplement" tombé dans le coma suite à une collision, mais ils ont tout monté en épingle et ont fait croire à l'opinion que c'était comme si j'étais déjà mort! Ils auraient pu orchestrer leur morceau autrement et faire en sorte que la population comprenne ce qui s'était réellement passé : là, jour après jour, boîte aux lettres remplie après boîte aux lettres remplie, les machines d'impression remplissaient elles aussi leur ràle de leur faire voir ce qu'ils voulaient entendre, à tel point qu'ils ont fini par l'assimiler comme une vérité.

A force de regarder s'accumuler les journaux, toi aussi, tu as fait comme les autres...

Cependant, je n'avais pas encore tiré ma révérence. Je persistais, dans ma faiblesse d'être humain, à penser que cet état inerte dans lequel je me trouvais, pourtant à des millénaires du tien, ne durait aussi longtemps que pour que je puisse mieux me réveiller. Je n'étais plus nourri que par des procédés médicaux, à peine maintenu en vie par je ne sais quelle opération divine, mais je vivais quand même. Malgré tout ce que les infirmiers pouvaient dire sur ma santé qui déclinait à la vitesse des chevaux d'Apollon alors contràlés par son fils, je ne pouvais me résoudre à devenir de la fumée dans un corps.

Peut-être que, au terme de ce voyage, je n'aurais plus été qu'un souvenir.

Au fond, tout au long de ces longues semaines, chacun de nous est resté inexorablement seul. Toi, dans l'appartement devenu d'un vide sordide à tes yeux innocents et moi, dans cette chambre d'une banalité tellement affligeante que personne n'y aurait jamais habité. Bien que nous subissions des visites aussi impromptues qu'indésirables, nous faisions semblant de les accepter et de les supporter, mais le cœur n'y était plus. Nous les haïssions tout en sachant que, sans elles, nous ne pouvions pas survivre. Ces irruptions détestées étaient notre seul exutoire, bien que trop factices.

Car même s'ils venaient, ils ne comprenaient pas ce qu'ils faisaient là.

Je me suis battu, tu sais. Dans l'indifférence perpétuelle que m'imposait ce monde, j'en suis venu à comprendre que nous n'existions que pour nous-mêmes. Ces relations que le modèle social nous obligeait à tisser n'étaient qu'une sordide mascarade, destinée avant tout à satisfaire notre propre orgueil plutôt que celui des autres. Au fil des années, l'égoïsme de la race humaine a pris le pas sur tout le reste : vivre pour nous, se servir des autres pour notre intérêt, voilà ce qu'est à présent la nature des hommes. Je ne voulais pas être comme ça. Je voulais continuer à vivre uniquement pour toi et pour trouver, au bout du compte, un sens véritable à mon existence.

Puis, je me suis réveillé.

Personne ne s'en est rendu compte. Quand on a remarqué que je bougeais, on m'a laissé là, à me débrouiller seul. Que m'était-il passé par la tête pour que je croie à leur affection plutôt qu'à la tienne? Quelle erreur j'avais commise! J'étais tellement impatient de revenir à la maison, heureux de pouvoir exister à nouveau aux yeux de quelqu'un, que j'en avais oublié de téléphoner. Car si moi, j'étincelais à l'idée de te revoir, toi, tu croyais que je n'étais plus là. Tu avais déjà pris la résolution de replonger dans le vide de l'inexistence. Sans savoir que j'arrivais. Sans savoir que je gravissais les marches jusqu'au toit, ayant senti ce que tu t'apprêtais à faire. Et soudain, ton cœur s'est apaisé, en entendant ma voix de l'autre bout de ce qui était devenu ton monde. Tu m'as aperçu, enfin revenu à toi, avec la promesse de te faire goûter à nouveau à la quintessence d'une perle écarlate.

Et là, enfin, tu es venue me rejoindre...
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