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Lecture du chapitre 2 | |
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Nom de l'œuvre : Les Racines Magnétiques | Nom du chapitre : L'équipage |
Écrit par Kailianna | Chapitre publié le : 25/6/2010 à 00:21 |
Œuvre lue 17001 fois | Dernière édition le : 1/9/2012 à 18:41 |
Accoudé sur la balustrade de mon petit balcon miteux, je contemplais la ville, que je m'étais appliqué à haïr depuis des années. Je parcourus les rues du regard, ces longues rues droites, sévères, que j'avais arpenté durant vingt-deux ans, puis je levai les yeux vers l'immense dôme au-dessus de nos têtes, qui donnait au ciel cette couleur grisée caractéristique. Cette couleur me révulsait, cette ville me révulsait. Je m'appelle Jinko, et j'ai grandi à Arrakas, l'une des cinq plus importantes cité-bulles de ce monde. Plus de deux millions d'habitants s'éveillaient tous les matins dans cette forteresse sous cloche. Sur ces deux millions, il était établi statistiquement que vingt-huit seulement auraient l'occasion d'aller dans le Dehors. Vingt-huit. Et le plus monumental était que j'en faisais partie. Là , du haut de mon balcon, trônant sur la ville, j'avais envie de hurler au monde entier que j'allais sortir. J'allais quitter cet appartement de merde, cette ville de merde, cette vie de merde. J'allais voir du pays, goûter au monde, là , juste derrière le dôme, si proche et si inaccessible à la fois. Je relus une énième fois la missive envoyée par le Ministère, quelques mois plus tôt. Le message en lui-même était très succinct, mais réveillait en moi en enthousiasme débordant à chaque relecture. On m'informait, avec ce langage soutenu et alambiqué qu'ont les gens sérieux, qu'« une semaine de préparation serait nécessaire avant le départ du vaisseau », et l'on m'indiquait donc la date, l'heure et le lieu où je devais me rendre. La lettre était signée Pietro Rasgutt, le plus éminent homme politique de ce monde, qui s'était toujours intéressé de très près aux équipages de Corsaires. Je n'en revenais pas de faire partie de ce monde à présent. Devenir Corsaire était un rêve d'enfance. Comme tous les gosses du monde, je m'étais imaginé pilote, manipulant un de ces incroyables vaisseaux aux allures de navires pirates, magnéticien, devinant les flux des champs magnétiques et anticipant les orages, ou encore chasseur, m'aventurant dans ce vaste monde inconnu afin de traquer quelques animaux extraordinaires aux chairs délicieuses. Tous ces postes, aussi prestigieux soient-ils, nécessitaient une très longue formation, de la petite enfance à l'âge adulte. Je n'avais pas fait partie de la poignée d'élus, arrachés très tôt à leurs familles pour aller se mettre au service du Ministère et suivre un apprentissage intensif. Ce n'était que l'année dernière que j'avais réussi à obtenir de justesse un poste au sein de l'équipage, en tant que simple mousse. Peu m'importait d'être ceci ou cela. Je n'avais alors qu'une seule envie : partir. Il m'aurait alors été impossible d'expliquer pourquoi, mais cela m'apparaissait comme un besoin vital. Lorsqu'on me demandait pourquoi, je répondais systématiquement « parce que j'étouffe ». Sans doute y avait-il un peu de cela. Aujourd'hui, du haut de mon balcon, je hurlai toute la libération que m'inspirait le jour de mon départ, je hurlai jusqu'à ce que l'air vienne à me manquer, jusqu'à ce que je suffoque. Puis je tournai les talons, jetai mon sac sur mon épaule, fermai à clé mon appartement et partis. Naturellement, je pris grand soin au passage de jeter la clé le plus loin possible. [Hakks] Le lieu de rendez-vous se trouvait dans un coin de la ville où je n'avais jamais eu l'occasion d'aller fouiner. Pourtant, on en avait fait des vertes et des pas mûres dans cette ville, avec Tokus ! Personne ne connaissait Arrakas mieux que nous, voilà qui était sûr. L'entrepôt d'où aurait lieu le lancement du vaisseau était immense. Un grand type à la peau basanée nous avait accueilli en arrivant, avait vérifié nos identités ( il n'avait rien dit, mais je suis persuadé qu'il nous trouvait un air louche ! Ce ne serait pas le premier ) et nous avait conduit dans la salle de réunion, où plusieurs personnes étaient déjà là , assises, ruminant leurs humeurs, dans un silence des plus profonds. - Hé, je sens qu'on va rigoler avec ces gens-là ! murmurai-je à Tokus, avant de m'assoir à mon tour. Nous étions tous deux des trouble-fêtes qui avaient fait leurs preuves, mais au vu de cette atmosphère saturée de silence dans l'attente des derniers retardataires, je jugeai qu'il aurait été malavisé de se faire remarquer. Tok' sembla arriver à la même conclusion que moi, puisqu'il croisa les bras et se mit à son tour dans une posture d'attente. Quant à moi, je profitai de ces quelques minutes de battement pour observer l'assistance. Tout à gauche était assise une jeune femme aux airs timides, jetant des regards autour d'elle comme si elle avait peur d'être épiée. A côté d'elle, un homme peut-être un peu plus vieux que les autres, avec une barbe bien fournie. Puis, un gars, au visage proéminent et au nez téméraire, qui regardait autour de lui d'un œil sévère. Lui, y'avait tout à parier qu'il avait un poste à responsabilités ! Je misais sur le capitaine ou sur le second. La fille suivante avait une bonne tête, et étant donné son accoutrement, il était aisé de deviner son poste : sa salopette d'un vert délavé, tâchée de cambouis, ne laissait aucun doute. Mécanicienne, ça ouais. Singulier, pour une femme, et elle avait l'air d'avoir un sacré caractère ! Je continuai ainsi le repérage des visages. Tout de même, c'était complètement dingue. La plupart des ces types avaient, tout comme Tokus et moi, été recrutés à pas plus de six ou sept ans. Ils avaient vécu à quelques dizaines de mètres de nous, dans une section différente sans doute. Ils avaient suivi là -bas une formation intensive pendant plus de quinze ans. Et tous ces visages m'étaient inconnus ! Il allait falloir remédier à cela dans les plus brefs délais. Pietro Rasgutt entra à son tour dans la pièce. On commençait à le connaître, Tok' et moi. C'est qu'il s'intéressait d'assez près à nous, le Rasgutt. « Vous êtes précieux, vous êtes l'avenir », c'est comme ça qu'il disait. Et faut dire qu'ils nous rendait souvent visite. On l'avait rencontré à sept ans, encore au tout début de notre formation, et il venait régulièrement aux nouvelles, nous parlant parfois de ceux qui formeraient notre futur équipage. « La petite qui est actuellement en formation pour être pilote est formidable ! Elle progresse à une vitesse folle. Cet équipage va être l'un des plus fructueux que ce monde ait jamais connu ». Tok' n'aimait pas trop Rasgutt, moi ça m'importait peu. Du moment que j'embarquais sur le vaisseau, ça me convenait ! Le politicien s'éclaircit la gorge, indiquant qu'il allait prendre la parole ( précaution inutile, puisqu'un parfait silence régnait dans toute la pièce ). - Bonjour à tous. Il marqua un temps d'arrêt, avec cette façon qu'ont les gens importants de se taire pour créer des moments forts dans leur discours. - Je connais beaucoup d'entre vous. Je vous ai vu grandir, je vous ai vu progresser, je vous ai vu avancer lentement, mais inexorablement, vers ce moment. Aujourd'hui est l'accomplissement des nombreuses années de formation qui sont derrière vous. Aujourd'hui, vous allez devenir quelqu'un. Silence, de nouveau. Il s'appliqua à regarder chacun droit dans les yeux, comme pour légitimer sa présence. - Cette semaine de préparation avant le départ est d'une importance cruciale. Plusieurs envoyés du Ministère, dont moi-même, seront là pour vous apprendre les dernières choses qu'il est nécessaire de savoir. Le capitaine de l'ancien équipage du Tesaurus viendra également s'entretenir avec vous. Il a beaucoup d'expérience et cette discussion vous sera utile pour savoir à quoi vous attendre. Prenez tout cela au sérieux. Dans une semaine, vous serez seuls, et ce pour les vingt prochaines années si tout se passe bien. Chacun d'entre vous possède d'énormes talents dans le domaine qui lui est propre, c'est pourquoi vous devez apprendre à agir en équipe afin d'assurer une rentabilité maximale. Être Corsaire n'est pas une croisière. Vous avez des objectifs à remplir. Ce sera dangereux, vous le savez tous, et c'est pour cela que vous êtes des héros pour ce monde. Il aimait bien mettre l'accent là -dessus, le Rasgutt. Vous êtes l'avenir, vous êtes des héros, vous êtes l'espoir, à croire qu'il avait peur qu'on change d'avis et qu'on le laisse seul dans son vaisseau. - A présent, si personne n'y voit d'objections, je propose que nous nous rendions au vaisseau. Capitaine ? Je vis un large sourire se dessiner sur le visage de Tokus lorsque ledit capitaine se leva. Et pour cause : le malheureux ne dépassait pas le mètre soixante ! - Tiens tiens, je sens que je vais m'en donner à cœur joie ! me glissa Tok' avec un air espiègle. Un capitaine nain, ça risque de faire du commérage au sein de l'équipage. Le capitaine se tourna vers nous. Il devait avoir la trentaine, guère plus, et semblait vouloir compenser sa petite taille par un regard des plus sérieux. Pauvre gars, ça n'allait pas être facile d'affirmer son autorité avec un tel handicap ! Mais j'avoue qu'il m'inspirait d'ores et déjà une certaine sympathie. Je me résolus à me moquer, mais gentiment. - Je m'appelle Nabion Némésis, fit-il d'une voix qui se voulait puissante et assurée. Je vais vous conduire à notre vaisseau... A sa façon de laisser sa phrase en suspens, je devinais que le vaisseau valait la peine d'être vu ! [Elke] On m'avait pourtant dit que le vaisseau était un véritable bijou de technologie, ce que j'avais cru volontiers : je n'avais pas passé dix-huit ans de ma vie en formation pour un moteur de pacotille, tout de même ! Je pâlis toutefois à la vue de l'engin. - Chers Corsaires, fit Nabion, voisi la Nébuleuse. C'est chez vous, à partir de maintenant. La Nébuleuse avait tout des navires pirates qui ornaient les livres pour enfants. Elle était coiffée d'immenses voiles blanches ( j'étais la mieux placée pour savoir qu'il s'agissait en fait d'un tissu conçu avec des fibres spéciales qui permettaient de recueillir l'énergie solaire pour alimenter les quelques machines présentes à bord de l'appareil, mais tout de même, il fallait reconnaître que ça avait de l'allure ). La coque était faite d'un assemblage de plaques d'un métal inconnu, couleur bois, sur lesquelles étaient gravés des symboles étranges, qui semblaient répondre d'une langue que je ne connaissais pas. Ça et là , de façon régulière, étaient disposés des hublots ronds, qui semblaient des dizaines d'yeux ouverts sur le monde, et me permirent de jeter un coup d'œil à l'intérieur, que je devinai richement aménagé. Je constatai également que le concepteur du vaisseau avait pris l'initiative d'ajouter une imposante figure de proue, représentant une sirène, parfaitement bien proportionnée et taillée avec une précision des plus remarquables. Cette dernière coquetterie finissait de donner à l'appareil une allure épique, et je me réjouissais d'avance de visiter l'intérieur, qui devait être tout aussi fantastique, sans parler des moteurs que j'allais me faire une joie de réparer par la suite. Le vaisseau dans son ensemble était immense, majestueux, tout à fait incroyable. - La coque de la Nébuleuse est construite à partir d'un métal très léger, mais très résistant, afin de nous éviter au maximum les désagréments qui pourraient nous êtres causés en cours de route, reprit Nabion. Pour ce qui est de son fonctionnement... Hum, je ne voudrais pas m'avancer sur ce terrain, je m'y connais mal en magnétisme, mais pour faire simple, la Nébuleuse est conçue de façon à pouvoir adopter la même charge électromagnétique que le champ qu'elle sera en train de traverser, puisque nous serons continuellement soumis à de puissants champs magnétiques une fois que nous serons dans le Dehors. En d'autres termes, c'est exactement le même processus que deux aimants qui se repoussent. C'est grâce à ce phénomène physique que le vaisseau flotte quelques mètres au-dessus du sol, nous pourrons donc progresser sans encombres. Il y a un moteur à minerai à l'arrière pour faire avancer l'appareil, nous devrons nous réapprovisionner en minerai tous les mois environ. Je tiquai à la mention du mot « moteur ». Un moteur à minerai en plus ! Je raffolai de ces mécanismes, simples mais subtils. Il faudrait que j'aille demander à Nabion la permission d'aller farfouiller un peu là -dedans dès qu'on aurait un moment de libre... Je me sentais déjà autant d'affection pour ce vaisseau que pour un ami. Quel pied de voyager à bord d'un appareil comme celui-là ! [Jinko] Moi qui pensais que je serais laissé à l'arrière de par mon statut de mousse, je me trompais. Mis à part deux types aux airs farceurs que j'avais repérés, personne ne semblait se connaître ici, et aucune présentation n'avait encore été faite. Le capitaine Nabion nous fit monter à bord de la Nébuleuse – quel vaisseau incroyable ! – afin de nous faire visiter. Contrairement à la coque, le pont était en bois, un bois riche qui, à notre passage, ne laissa pas échapper un seul couinement. Répartis sur l'ensemble du vaisseau, trois immenses mâts semblaient défier les lois du dôme, se dressant fièrement vers le ciel et exhibant leurs nombreuses voiles, de toutes formes et de toutes tailles. Je constatai avec plaisir la présence de multiples cordages, qui nous permettraient de grimper tout en haut des mâts pour admirer ce monde que nous ne connaissions pas encore. Nabion nous entraîna par la suite à l'intérieur du vaisseau. Je profitai de cette occasion pour faire connaissance avec l'homme qui marchait à côté de moi. Il avait un physique assez singulier, mais qui avait tout de suite attiré ma sympathie : une petite moustache d'un noir de jais, soigneusement entretenue, une carrure imposante agrémentée d'un certain embonpoint, et un air rieur figé sur le visage. N'ayant pas de prétexte à la rencontre, je me contentai de lui tendre la main. - Jinko, et toi ? Il me semblait que j'avais vu juste, ce gars-là avait l'air très sympathique. Il m'offrit un large sourire et empoigna ma main qu'il serra vigoureusement. - Moi c'est Beo, enchanté l'ami ! Alors, à qui ai-je l'honneur ? - Oh, un simple mousse à vrai dire. Ça fait à peine un an que je me prépare à ce départ. - « Simple mousse » ! T'inquiète pas mon gars. Moi je suis cuisinier. Tu vois, nous deux, on n'a pas le prestige des belles fonctions, mais sans nous, ils sont sacrément dans la merde, tu peux me croire. Je souris, d'autant plus que Beo avait raison. Nous étions tous tout à fait indispensables dans ce périple. - Voici les cabines ! annonça Nabion lorsque nous arrivâmes dans un petit couloir bordé de tapis aux tons ocres et oranges. Quatre cabines de trois, une cabine de deux. On s'arrangera plus tard pour la répartition. Suivez-moi. Nabion nous fit visiter la totalité du vaisseau, qu'il semblait déjà connaître par cœur, des cuisines jusqu'aux salles de contrôle. L'appareil était si grand que je me demandai comment il allait être possible de gérer tant d'espace à seulement quatorze. Beo s'exclama en plaisantant qu'en tant que mousse, j'allais certainement être reconverti en femme de ménage à un moment ou à l'autre ( il allait d'ailleurs s'avérer quelques temps plus tard qu'il avait raison ). Toute cette nouveauté en un rien de temps était étourdissante. Tout m'était encore inconnu, toutes les pièces, tous les visages, toutes les tâches. Et pourtant, d'ici peu, la Nébuleuse serait un lieu commun, et tous ces gens des camarades, des Corsaires, comme moi. J'appréhendais beaucoup l'entente au sein de l'équipe. Il semblait y avoir plusieurs forts caractères parmi nous, et les mésententes étaient si vite arrivées. On pouvait réparer un moteur, on pouvait colmater une brèche, en revanche il était beaucoup plus difficile de ressouder une équipe défragmentée. Après la visite, Pietro Rasgutt, qui avait marché sur les talons de Nabion durant de longues minutes sans rien dire, suggéra que nous nous rendions dans le réfectoire, qui en dehors des heures de repas ferait office de pièce de vie commune, afin de faire un rapide tour de présentations. Nous nous assîmes en cercle, et ce fut à un type en face de moi de commencer. - Jilal Arcadia, 27 ans, je suis mousse. Je prêtai particulièrement attention à ce Jilal, puisque je serais sans doute amené à collaborer souvent avec lui. Il semblait taillé dans du roc, et dégageait une impression de puissance hors du commun. Son regard était fier, altier. « C'ui-là , c'est un dur à cuire » entendis-je chuchoter du côté des deux hommes que j'avais repéré tout à l'heure. Ce type ne m'inspirait aucune sympathie. - Je m'appelle Lao Kedaran ! J'ai 21 ans et je suis magnéticien. Celui-ci était enthousiaste, et semblait un homme simple et tranquille. Son regard était vif et pétillant, on le devinait d'une intelligence hors du commun. Devenir magnéticien n'était pas à la portée du premier venu. Il fallait des connaissances redoutables pour en arriver là . - Neith Cormwalle, j'ai 23 ans et je suis émetteur. Il se tourna vers sa voisine, l'invitant à prendre la parole. - Lazuli Lacemonde, 22 ans, mousse. Une nouvelle coéquipière ! La jeune fille avait l'air tout ce qu'il y avait de plus délicat. Un brin de timidité, sans doute. Elle fuyait les regards et s'était exprimée en mangeant ses mots. Cependant, si elle avait été prise comme mousse, elle devait avoir du courage à revendre. - Beo Globunds, 31 ans, je suis votre cuisinier ! A cette annonce, il y eut quelques « Aaaah » enthousiastes, comme si le but de la séance avait été de trouver qui aurait l'honneur de remplir toutes ces panses. Après quelques rires, ce fut à la jeune fille assise à la droite de Beo de prendre la parole. - Täher Inksley. 18 ans, pilote de la Nébuleuse. Je regardai plus attentivement la dénommée Täher. Elle était sans doute la plus jeune de tout l'équipage, mais aussi l'une des plus à l'aise. Une lueur de malice éclairait son visage, elle avait confiance. Elle était par ailleurs très jolie. - Drizzt Foelang, 28 ans, je suis le second. Il était volontairement figé dans une posture sérieuse, grave. Sans doute ne mettrait-il pas bien longtemps à sortir de son personnage. C'était à mon tour de me présenter, ce que je fis rapidement et sans détours, puis ma voisine prit le relai - Elke Kiel, 25 ans, mécanicienne. ____Nous avions là ce qui semblait une femme de caractère. Un peu ronde, les cheveux bouclés aux reflets roux, habillée d'une salopette pleine de cambouis, elle me fit une bonne impression. - Dink Mezethal, 24 ans, mousse. La voix de Dink atteignait des graves que je n'avais encore jamais entendus dans une téciture humaine. Il avait l'air grognon, presque agacé par cette petite séance. - Sirus Merubo, 28 ans, routier. J'ignorais totalement ce que pouvait être un routier, mais cet homme faisait une forte impression sur son entourage. Il s'enveloppait volontairement d'un mystère qui le rendait insaisissable. - Je suis Hakks Fulendef, et lui c'est Tokus Farbs, on a 26 ans, on est chasseurs, fit l'un des deux, un sourire aux lèvres. Quelque chose me disait que ces deux-là allaient être turbulents. Le tour revint enfin vers Nabion, qui acheva les présentations sans rien ajouter de plus. Quelques personnes m'avaient marqué, et si plusieurs ne m'inspiraient pas de bons sentiments, j'aurais volontiers fait plus amplement connaissance avec la plupart d'entre eux. [Täher] Je les ai bien vus, ces regards désapprobateurs que certains ont posé sur moi. Oh, je sais déjà ce qu'ils pensent. Trop jeune, pas assez d'expérience, encore une gamine. Moi aussi, ça fait plus de dix ans que je suis en formation. Moi aussi, j'ai oublié le visage de mes parents, de mes frères, de mes sœurs. Moi-même, ai-je encore un visage, ou est-ce que le Ministère s'est emparé de ça aussi ? Ici, sur la Nébuleuse, personne n'a d'âge. On est tous les mêmes, on est tous embarqués dans la même aventure, et ça va être quelque chose d'incroyable. J'ai tout quitté pour vivre ça, et je sais que je n'en reviendrai jamais. Il y a trop longtemps que le Dehors m'appelle. Ce Dehors qu'on ne connaît pas, qu'on nous a promis dangereux, plein de vie, d'animaux, de verdure, de tempêtes magnétiques ! Ce Dehors auquel l'humanité toute entière a renoncé, par confort. Les hommes doivent s'adapter au monde, pas l'inverse. Et s'ils ne le font pas, je le ferai à leur place. |
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