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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 8
Nom de l'œuvre : Les Racines Magnétiques Nom du chapitre : La Chose 2/2
Écrit par Kailianna Chapitre publié le : 13/10/2011 à 18:00
Œuvre lue 17003 fois Dernière édition le : 13/10/2011 à 18:00
[Jinko] La passerelle craqua sous mes pieds tandis que je descendais vers la terre ferme. Elle ployait sous le poids des quatorze personnes qui la piétinaient, hâtives de connaître l’odeur de la terre, de sentir la caresse de l’eau courante sur leurs pieds et des herbes folles qui s’agrippent à vous sur votre passage, comme si elles voulaient vous retenir.

- Bouse ! Ce que c’est bon d’être là, s’exclama Beo en riant après avoir fait quelques pas entre les herbes.
- Je ne l’aurais pas mieux exprimé, répondis-je avec un sourire.

Beo ferma les yeux, écarta les bras et prit une longue et profonde inspiration. Après avoir été enfermé dans ses cuisines toute la journée, ce bol d’air devait lui sembler délectable.

- Tiens, regarde-moi ça… lui dis-je en indiquant l’avant du vaisseau du doigt.

Hakks et Tokus semblaient avoir décidé que, non, décidément, descendre par la passerelle pour aller effectuer leur première promenade dans le Dehors, ce n’était pas assez aventureux pour eux. Ils étaient en effet en tain de descendre par la figure de proue, la jolie sirène qui ornait l’avant de notre vaisseau. Malgré la difficulté de l’opération, ils semblaient très bien s’en sortir et la scène était des plus comiques. Tokus commençait à peine la désescalade, s’agrippant à la chevelure de la jolie créature et appuyant ses pieds sur son nez, tandis que Hakks en était déjà au niveau de la poitrine (il ne manqua d’ailleurs pas de lui lancer un « pardonnez-moi de vous importuner, mam’zelle » lorsqu’il prit appui sur son sein droit).

En voyant la scène, Beo partit dans un de ses énormes rires de gorge comme lui seul en avait le secret. Cela fit moins rire Nabion, qui ne tarda pas à rappliquer en vociférant.

- Descendez ! ordonna-t-il.

- C’est ce qu’on fait, mon cap’taine, c’est ce qu’on fait ! lança Tokus.

- Pauvre Nabion, s’esclaffa Beo lorsque nous nous fûmes éloignés un peu. Ces deux-là vont lui en faire voir de toutes les couleurs.

Passées ces quelques péripéties, tout le monde s’installa à peu près de la même façon : sur les bords de la rivière, les pieds dans l’eau. Sur tous les visages se lisait la même joie, pure et simple, celle d’être là à goûter au monde pour la première fois.

Le paysage autour de nous était resplendissant de beauté et sublimé par le soleil couchant qui diffusait d’étranges lumières, chaudes et scintillantes. Jamais je n’aurais pu imaginer qu’une telle chose fût possible. Comment se pouvait-il que des millions de personnes naissent et meurent sous des Dômes sans jamais avoir ne serait-ce qu’une infime idée de ce spectacle naturel qui se reproduisait chaque jour ? Plus jamais je ne pourrais retourner m’entasser avec deux millions d’inconnus sous un Dôme. Je ne savais pas le moins du monde ce qui allait m’arriver durant ce long périple à bord de la Nébuleuse, mais une chose était sûre : j’étais à ma place.



[Nabion] CARNET DE ROUTE : Jour 3

En fin de journée, nous avons arrêté le vaisseau pendant deux heures et nous sommes descendus dans le Dehors. Je crois que tout le monde à bord attendait ce moment avec impatience. L’escale, de courte durée, n’a souffert d’aucun incident notable. Nos deux chasseurs ont même réussi à pêcher deux poissons aux dimensions tout à fait respectables que Beo nous a préparés pour le repas du soir en les accompagnant d’une sauce délicieuse.

Sirus calcule que si nous continuons à ce rythme nous devrions voir les montagnes d’ici trois jours. Nous n’avons pour l’instant pris aucun retard, ce qui est bon signe. Jusqu’à présent, l’équipage tient ses promesses.




[Lazuli] Toc, toc, toc.

Trois petits coups secs, frappés à la porte de ma cabine, qui suffirent à me tirer du sommeil profond dans lequel j’étais plongée. J’ouvris péniblement les yeux et constatai que Täger n’était plus là. Elle avait certainement dû se lever aux aurores pour aller prendre les commandes du vaisseau et le mettre en route. Elke, quant à elle, avait visiblement était réveillée elle aussi par les coups toqués à la porte.

Toc, toc, toc. Encore une fois.

- Quéquiya ? marmonna Elke, encore à moitié endormie.

La porte s’ouvrit doucement, et j’eus la surprise de voir entrer Hakks et Tokus.

- Non mais vous êtes malades ! grogna Elke. Vous savez quelle heure il est ?

- Tellement tôt que ça me ferait mal de te le dire, fit Hakks.

- Calme ta colère, mécanicienne vénérée. En fait on vient chercher Lazuli.

J’ouvris grands les yeux (du moins, aussi grands que le permettait mon état de fatigue).

- Hein, moi ? … Mais pourquoi ? m’enquéris-je.

- On t’avait fait une proposition, tu te rappelles ? répondit Hakks. Venir faire une partir de chasse avec nous ! Aujourd’hui c’est déjà le sixième jour de navigation et on va bientôt quitter les plaines alors si on veut ravitailler un peu le garde-manger, c’est maintenant ou jamais.

- Tu es partante ? me demanda Tokus.

- Oui, … oui bien sûr, attendez.

Je fis un effort surhumain pour m’arracher à mon lit, et me hâtai d’aller enfiler quelque chose par-dessus la tenue que j’utilisais pour dormir. Hakks et Tokus se retournèrent poliment pendant que je me changeais.

- C’est bon, je suis prête, annonçai-je.

- Bien… A plus tard, mécanicienne de mon cœur ! lança Tokus avant de tourner les talons.

- … Bande de crétins, maugréa Elke avant de se rendormir aussi sec.

Nous quittâmes la cabine en faisant le moins de bruit possible. J’emboîtai le pas aux deux chasseurs qui se dirigeaient vers les cales. J’avais déjà entraperçu l’engin dont ils se servaient pour sortir chasser lorsque j’avais chargé les marchandises avant le départ de la Nébuleuse, mais jamais encore je n’avais eu l’occasion de l’observer d’aussi près. Le véhicule devait faire la taille de ma cabine. Il était évidemment bien plus petit que la Nébuleuse mais il y avait dans la soute l’espace suffisant pour transporter quelques bestioles de bonne taille. Il avait une forme ovale et semblait conçu pour allier puissance et légèreté. Je sus tout de suite que j’allais m’y sentir à mon aise.

- Bien, Lazuli, je te présente notre navette de chasse : la Coquille.

- Que l’on affectueusement renommée Raoul parce que c’est plus sympathique.

- Prends place je t’en prie !

Tokus m’ouvrit la porte de la navette. La petite cabine de pilotage disposait d’une banquette matelassée tout juste assez grande pour s’y asseoir à trois, et au milieu se trouvaient deux manettes qui servaient visiblement à piloter l’appareil. Tout autour du cadran de bord étaient parsemés quelques boutons aux fonctions obscures. Etrangement, de par son aspect, la Coquille semblait résulter d’une technologie plus avancée que celle de la Nébuleuse. Je m’installai dans le véhicule, aussitôt suivie par Hakks.

- Bon, aujourd’hui, c’est moi qui pilote ! annonça-t-il en prenant place. Tokus, tu m’ouvres s’il te plaît ?

- Oui m’sieur !

Tokus, qui était resté à l’extérieur du véhicule, retira quelques verrous et commença à tirer de toutes ses forces sur une poignée de métal. Je connaissais bien cette porte, c’était celle qui permettait d’accéder aux cales depuis l’extérieur du vaisseau. La porte se mit à coulisser, révélant petit à petit le paysage extérieur qui défilait rapidement puisque la Nébuleuse était déjà en marche. Une fois que la porte fut totalement ouverte, Tokus se hâta de venir nous rejoindre.

- C’est parti, s’exclama-t-il.

Hakks abaissa un levier et le vombrissement des moteurs se fit entendre. Une seconde plus tard, nous avions franchi la porte sans même que j’aie eu le temps de réaliser.

- Attendez, mais… la porte ! Il faut la fermer ! scandai-je.

- Ne t’inquiète pas, me rassura Tokus. Avant de venir te chercher on a demandé à Beo de la fermer derrière nous ! Il le fera d’une minute à l’autre. Maintenant, regarde et profite !

Sur ces mots, Hakks accéléra brusquement et descendit si bas que la navette frôlait les herbes sur son passage. Mon cœur se serra, je n’avais jamais été très rassurée par ces engins à grande vitesse, mais se trouver à l’intérieur, c’était encore autre chose ! Hakks semblait savoir conduire l’appareil à la perfection, et il fonçait à une vitesse peu croyable.

Au bout de quelques minutes, je réussis à calmer les battements de mon cœur et décidai de me concentrer sur le paysage. Je me penchai donc vers la fenêtre jusqu’à avoir le nez écrasé contre la vitre. Quel spectacle ! Nous n’étions qu’à quelques mètres du sol, et le paysage défilait à une allure folle. La mer d’herbes n’était plus qu’un immense tapis verdoyant que la Coquille semblait narguer en prenant de la vitesse, en montant, redescendant, virevoltant sans limites. Être là, dans cette petite navette de rien du tout, procurait des sensations incroyables. Je me félicitai mentalement d’avoir été choisie par les deux chasseurs pour partager avec eux ce moment incroyable. A chaque redescente effectuée par la Coquille, je ressentais quelque chose d’indescriptible au niveau de mon ventre. Comme si mon corps lui aussi ne demandait qu’à s’envoler et à se rendre maître du ciel et de la terre. Libre, tout simplement. C’est ce que nous étions tous les trois en cet instant. Libres.

Je jetai un coup d’œil à Tokus, qui s’était mis à farfouiller dans un grand coffre disposé derrière la banquette.
- Qu’est-ce que tu fais ? demandai-je.

Il en sortit un étrange appareil, long comme un bras humain.

- On ne peut pas se contenter de profiter de la balade, tu sais. On est là pour chasser. Ceci est une perforeuse, comme on l’appelle dans le métier.

Je dus en cet instant lui jeter un regard des plus incrédules, car il rit et poursuivit son explication
.
- C’est l’arme qu’on préfère utiliser, Hakks et moi. Elle est assez légère et pratique à utiliser. Regarde, je vais te montrer. D’abord, il faut la charger avec ceci. On appelle ça une pointe – nom très original, je sais.

Il introduisit un petit objet dans l’embouchure prévue à cet effet, lequel ressemble à une pierre à la pointe extrêmement pointue.

- Ensuite, lorsque l’on repère un gibier intéressant, on le vise. Le mieux c’est de s’approcher au maximum de la bestiole pour pouvoir être plus précis et de lui tirer juste là, entre les deux yeux.

Tokus accompagna ses paroles par le mouvement équivalent, et posa délicatement son doigt sur mon front.
- De cette façon la bête ne souffre pas. Certains chasseurs prennent plaisir à courser l’animal, à la faire courir en tous sens et à l’épuiser pour le tuer à petit feu.

- Nous, on n’est pas trop axés là-dessus, précisa Hakks.

- Il n’y a rien de plus triste à voir qu’une proie avec une pointe fichée dans le flanc courir à en perdre haleine pour essayer de sauver sa vie. C’est pour ça que c’est mieux d’être rapide et précis. Une fois que tu as bien ciblé ta proie, tu appuies là.

Il m’indiqua une gâchette.

- Cela propulse la pointe, et le tour est joué !

Je n’étais pas sûre d’être tout à fait enthousiasmée par la perspective d’assister au massacre de pauvres bêtes, à vrai dire, mais je savais bien que c’était essentiel. En revanche j’avais hâte de découvrir la faune du Dehors, que je m’imaginais excentrique et vivace. Il ne m’avait été donné que très peu de fois de voir des animaux. Certaines familles arrakanes possédaient bien quelques créatures pour leur tenir compagnie, mais celles-ci semblaient des éléments du décor plus qu’autre chose, et passaient leur temps à dormir et à regarder passer le temps, comme si quelque chose avait aspiré leur vie. De ce que racontaient Hakks et Tokus, dans le Dehors, ça n’avait rien à voir ! Quel beau spectacle ce devait être que de voir des animaux dans leur habitat naturel.

Quelques virevoltements plus tard (le temps pour moi de m’habituer un peu à la vitesse de la navette) Tokus poussa un « oh ! » qui indiquait clairement qu’il avait repéré quelque chose. Je me précipitai à la fenêtre, curieuse de voir ce que ça pouvait bien être, et m’émerveillai en apercevant un petit troupeau en contrebas. C’étaient de gros animaux qui m’apparurent comme les magnifiques que j’eus jamais vu, bien qu’ils manquaient clairement de grâce. Ils se tenaient à quatre pattes, lesquels semblaient puissantes. J’aurais été prête à parier qu’un coup dans les côtes aurait suffi à briser quelques os à n’importe qui. Leur ventre était rebondi, et les muscles de leurs flancs étaient saillants. Ces bêtes dégageaient une puissance et une bestialité fantastiques.

- Woaw… m’émerveillai-je.

- Allons Laz, tu ne vas quand même pas croire que toutes les bestioles du Dehors sont comme ça ! se lamenta Tokus. Non, restons sérieux. Ce sont des kondis, les mammifères les plus communs et les plus stupides que l’on puisse trouver. Par contre, ils ont une bonne chair et ce sont de vrais garde-mangers sur pattes. Je vais en abattre un ou deux.

Laz. Il m’avait appelé Laz. Sans que je fus capable de dire pourquoi, ce petit surnom me toucha, comme s’il marquait le début d’une nouvelle proximité entre les deux chasseurs et moi, comme s’ils me connaissaient, comme s’ils m’acceptaient.

Il lança un regard espiègle à Hakks.

- A l’attaque, camarade ! lança-t-il.

- A vos ordres cap’taine, répondit l’intéressé.

Il appuya sur l’un des boutons du cadran et la grande vitre qui protégeait tout le cockpit se rétracta lentement pour finalement disparaître complètement, comme avalée par la navette. Nous nous retrouvâmes à l’air libre en un rien de temps. C’en était presque effrayant. Ramenée à la réalité par le vent qui fouettait mon visage, j’avais la sensation que je pouvais tomber à n’importe quel moment et me faire engloutir par la mer d’herbes folles en contrebas. Hakks commença à amorcer la descente, non pas brusquement comme je m’y étais attendue, mais tout en douceur, en tournoyant, en gardant une certaine distance.

- On essaye d’effrayer les bêtes le moins possible, m’expliqua Tokus, mais elles ne sont pas idiotes. Regarde-les, les voilà qui se mettent à courir.

En effet, le troupeau de kondis qui montrait déjà des signes de nervosité quelques instants plus tôt avait jugé plus sage d’abandonner sa pâture et de décamper au plus vite.

- Avec Raoul, ils n’ont aucune chance de fuir, fit Hakks. Sauf quand c’est Tokus qui pilote, évidemment. Il fait ça tellement mal que…

- Rapproche-toi ! ordonna Tokus, qui avait déjà commencé à viser une bête.

Hakks s’exécuta et effectua une brusque accélération tout en continuant sa descente. Les bêtes accélérèrent le pas mais ce ne fut pas suffisant. En un éclair, la Coquille rasait les herbes et était là, à quelques mètres d’eux, comme si elle était des leurs, comme si elle aussi était une créature qui courrait dans les plaines. Tokus prit position, se concentra pendant quelques secondes afin de calculer son angle de tir, et appuya sur la gâchette. L’un de kondis s’écroula, et le reste du troupeau continua sa course effrénée.

- Ne t’arrête pas ! scanda Tokus. Suis le troupeau, j’aimerais en abattre un autre, après on reviendra chercher celui-là. Ils vont nous échapper sinon.

Hakks eut tôt fait de rattraper les autres, et Tokus en tua un autre avec la même facilité que le précédent. Ce mortel spectacle ne me plaisait qu’à moitié, mais je devais reconnaître tout de même que les garçons étaient très professionnels.

- Deux tirs, deux kondis ! Alors, qu’est-ce que tu dis de ça ? s’exclama Tokus, victorieux.

- Un pur coup de chance, mon vieux. D’ailleurs je tiens à te rappeler que la dernière fois tu as du t’y reprendre à trois fois avant que la pauvre bête ne s’arrête enfin de cavaler ! se moqua Hakks.

Sur ces mots, il fit atterrir la navette tout près de l’endroit où le second kondi était tombé. Tokus sauta en dehors de l’appareil et atterrit avec souplesse à côté du cadavre, tandis que Hakks s’occupait des préparatifs visiblement nécessaires pour charger l’animal à bord. Il abaissa le petit levier qui commandait l’ouverture de la porte de la soute.

- A ce stade-là, on n’a plus grand-chose à faire, m’expliqua-t-il. Ces bestioles sont un peu massives pour les pauvres humains chétifs que nous sommes, il y a donc un câble rattaché à la soute donc on se sert pour les charger à bord. Je le dirige depuis le cockpit. Tokus doit l’attacher autour de la bête, puis je fais les commandes nécessaires et le câble se rétracte et porte le kondi à notre place.

Une fois la bête chargée dans la soute, Tokus remonta à bord et la navette redécolla pour se poser près de l’autre kondi afin d’effectuer la même manœuvre.

- Et en retournant à la Nébuleuse, on aura du boulot, tu peux me croire ! s’exclama Hakks. Une fois que les proies sont tuées, il faut aller assez vite si l’on ne veut pas que la chair pourrisse. Il faut dépecer les animaux et stocker la viande au frais, sans oublier d’en donner une partie au cuistot pour qu’il nous le prépare pour le repas du soir, bien entendu.

- Ah, ça, c’est sûr, c’est pas pour les gringalets ! ajouta Tokus tout en enroulant le câble autour du corps du kondi. C’est pas très agréable comme boulot, mieux vaut ne pas avoir peur du sang.

A l’instant même où Tokus faisait cette déclaration commença à se produire un phénomène étrange. La terre se mit à trembler. Tout doucement, d’abord, c’était à peine perceptible, comme un léger frisson. Puis de plus en plus fort, de plus en plus intense. La terre semblait crier sa rage et le chant de colère qu’elle poussait nous secouait et nous ébranlait de la tête aux pieds.

- Hakks, Tokus ! fit la voix grésillante de Neith dans la petite radio de la navette. Rentrez vite à la Nébuleuse, il se passe un truc pas normal ! Dépêchez-vous bordel !

Je sentis une peur panique s’emparer de moi. La Nébuleuse se trouvait quelques centaines de mètres derrière nous et sa petite silhouette se distinguait à peine au loin. Notre grand et majestueux vaisseau n’avait plus l’air de rien et semblait si dérisoire face à la fureur qui avait éclaté partout autour de nous. Je jetai un rapide coup d’œil à Hakks. L’air hilare qu’il affichait constamment s’était effacé de son visage. On n’y lisait à présent plus qu’une chose : l’inquiétude.

- Tokus, dépêche-toi bordel ! cria-t-il à son acolyte.

- Une seconde, répondit celui-ci, j’ai presque fini…

Tokus, comme s’il n’avait que faire de ce qui se passait autour de lui, était toujours en train d’accrocher le câble tant bien que mal autour du kondi. Le cadavre de l’animal semblait être revenu brusquement à la vie et était victime de violents soubresauts, animé par la féroce énergie de la terre qui tremblait.

- Laisse tomber pour la bestiole et dépêche-toi de monter crétin !

Mais Tokus ne semblait pas de cet avis. Il s’évertua tant bien que mal à finir ce qu’il avait commencé, puis sauta agilement dans la navette tandis que le câble commençait à se rétracter, entraînant avec lui le corps de l’animal. Hakks n’attendit pas une seconde de plus pour remettre les moteurs en marche et s’envoler en direction de la Nébuleuse. Je pensais que nous étions tirés d’affaire, mais étrangement, la Coquille semblait continuer à être sujette à des tremblements même au vol. Je vis Hakks grimacer tout en tentant de prendre les commandes du véhicule, sans réellement y parvenir. La petite navette de chasse semblait être devenue folle, et n’obéissait plus à son pilote. Les vibrations qui parcouraient la coque étaient si puissantes qu’elles pénétraient dans mon corps et me faisaient claquer des dents. Je poussai un hurlement, terrorisée, m’imaginant déjà la navette s’écraser au sol et nous avec.

- Calme-toi Laz, ça va aller, me lança Hakks tout en restant concentré sur ses manettes.

Bien que le ton de sa réponse ne m’eût absolument pas convaincu, je tentai de prendre sur moi et m’agrippai à la banquette du plus fort que je le pouvais, comme si cela eût pu me sauver. La Nébuleuse n’était plus qu’à quelques dizaines de mètres, et l’on distinguait déjà la porte des cales, que quelqu’un avait ouverte pour nous. Pendant un instant je fus persuadée que nous allions nous écraser contre la coque du vaisseau, mais Hakks, contre toute attente, réussit tant bien que mal à faire atterrir la Coquille.

Une fois qu’il eût coupé les moteurs, nous nous hâtâmes de descendre. Tous mes membres tremblaient et je ne pus empêcher quelques larmes de rouler sur mes joues, que j’essuyai aussitôt avec rage du revers de ma manche. J’avais été prise d’une peur indicible, et en sentais encore les échos déchirants dans mon corps. Les deux chasseurs semblaient eux aussi interloqués. Hakks posa sa main sur mon épaule et sembla sur le point de dire quelque chose, mais une violente secousse secoua la Nébuleuse, nous déséquilibrant momentanément.
- Venez, fermons la porte et allons rejoindre les autres là-haut, proposa Hakks. Bordel, qu’est-ce qu’il se passe !




[Täher] Dès la première secousse, j’avais senti quelque chose d’anormal .La Nébuleuse était devenue folle et ne m’obéissait qu’à moitié, comme si une autre énergie bien plus puissante voulait la guider vers d’autres horizons. Je parvenais momentanément à reprendre le contrôle du vaisseau et le perdais dans la minute qui suivait. Rien n’avait pourtant laissé transparaître ce changement brutal. La matinée s’était écoulée, calme et tranquille, et la Nébuleuse avait filé sur les vents sans qu’aucun incident ne se produisît. Ce qui était en train de se produire m’échappait totalement.

La terre ne se contentait pas seulement de trembler. Elle poussait d’effroyables gémissements, comme si elle était vivante, d’une voix grave et caverneuse. Jamais encore je n’avais entendu parler d’un tel phénomène.



[Drizzt] Les secousses avaient mis quelques minutes à se calmer. Tout l’équipage s’était réfugié à l’intérieur du vaisseau, de peur de passer par-dessus-bord, et personne n’était à même de témoigner exactement de ce qui s’était passé. L’épisode avait, en tout cas, marqué la plupart des esprits et en avaient terrorisé certains. J’avais eu à tranquilliser la petite Lazuli et Beo, qui avaient été pris d’une profonde angoisse. Pour ma part, bien que je fus resté stoïque lors de l’incident, ma curiosité avait été piquée.

Nous avions eu par la suite une conversation dans la cabine de Nabion, avec le magnéticien, le routier et la pilote, et en étions arrivés à la conclusion qu’il s’agissait d’une manifestation magnétique des plus attendus. Lao avait exprimé ses doutes à ce sujet, en raison de la totale anormalité de la chose. Nous étions en pleine saison creuse et de tels évènements n’avaient aucune raison de se produire, surtout de cette façon. Il n’y avait cependant pas d’autre explication possible, et Lao avait déclaré qu’il se pencherait plus en détails sur la question.

Par mesure de sécurité, nous nous étions également mis d’accord pour dévier de notre trajectoire. Personne ne savait exactement ce qu’il s’était passé, mais il était clair que si nous suivions la direction choisie au départ – c’est-à-dire contourner les montagnes – nous risquions d’être confrontés une nouvelle fois à cet étrange phénomène, qui, s’il avait cessé de sévir aux alentours du vaisseau, avaient semblé s’éloigner dans la direction que nous nous apprêtions à prendre. Certains avaient vu ça comme un avertissement, d’autres comme un simple phénomène physique, mais afin de ne pas prendre de risques nous avions décidé de passer par le col d’Echinée. La traversée nous prendrait deux jours, peut-être trois, contre douze si nous contournions les montagnes. Cela représenterait en plus un gain de temps, et l’assurance de ne pas se retrouver embarqué dans cette étrange tempête aux caractéristiques improbables.

Nous n’en étions qu’au sixième jour de navigation, et les premiers imprévus avaient déjà point.




[Tokus] Personne n’a vu. Ou personne n’a voulu voir.

Ils se sont entêtés à déclarer que l’étrange phénomène duquel nous avions été victimes était dû à une manifestation magnétique inattendue. Foutaises. N’avaient-ils pourtant pas entendu les gémissements, les étranges sonorités qui semblaient sortir des entrailles mêmes de la terre ? N’avait-ils pas senti cet étrange chant résonner jusqu’à l’intérieur de leurs os ?

J’ai vu. Lorsque nous étions à bord du pauvre Raoul secoué de tremblements, en train de revenir vers la Nébuleuse, j’ai vu. Hakks était trop concentré sur sa conduite, et Lazuli bien trop paniquée pour pouvoir percevoir quoi que ce soit. Mais moi je l’ai vue. La chose. Car ce n’était pas un phénomène magnétique, oh ça non. J’ai vu une forme immense émerger de la terre, une silhouette sombre et claire à la fois, aux couleurs changeantes et irisées, une forme indéfinie qui semblait mêlée à la terre et distincte à la fois. La terre ne tremblait pas. Elle bougeait, elle se remodelait au contact de cette chose, elle ondulait en harmonie avec ses mouvements. Et surtout, j’ai vu un œil. Un œil immense, cristallin, profond, d'une couleur indéfinissable et troublante. Un œil qui, l’espace d’un bref instant, m’a regardé, et a fait fondre tout mon corps de l’intérieur. C’est comme ça que je l’ai ressenti.

Ce n’était pas une simple créature. Je les connais sur le bout des doigts, moi, les bestioles qui errent dans le Dehors. Celle-ci était différente. Sa silhouette dégageait une aura de puissance presque intolérable, son regard perçait mon corps. Il y avait comme une magie, un secret ancestral caché au creux de cette chose. Elle est glaçante, terrifiante et rassurante à la fois, elle semblait reine et maîtresse absolue.
Il y a quelque chose d’étrange sur cette terre. Il y a une présence dont on a omis de nous parler, ou peut-être les autres n’en ont-ils même pas conscience. Il y a quelque chose qu’aucun de nous ne soupçonnait et que personne à bord n’acceptera de croire si je ne divulgue ne serait-ce qu’un seul mot à ce sujet. Mais elle est là, je sais ce que j’ai vu. Elle a beau s’en être allée plus loin, je sais qu’elle est là et qu’un jour ou l’autre nous aurons à recroiser son chemin.
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