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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 2
Nom de l'œuvre : Au bord de la mer [concours] Nom du chapitre : Chapitre 2
Écrit par CaliKen Chapitre publié le : 8/8/2012 à 23:51
Œuvre lue 4331 fois Dernière édition le : 22/8/2012 à 13:51
Quand je repense à toute cette histoire, je ne peux m'empêcher de me dire que la vie est parfois cruelle. Elle enlève des gens à certaines personnes, et semble bien trop clémente envers d'autres. Pinky n'est pas revenue. Laetitia, si. Peut-être que dans ma haine, il y avait de la jalousie. Peut-être que dans ma rage, je voulais simplement qu'il souffre, tout comme moi. Et puis... Le retour de Laetitia... c'était il y a combien de temps déjà ? Dix ans presque, non ? Oui, bien sûr, oui, j'ai pardonné à Maxime. On avance pas avec la haine, même si je peux dire que j'ai cultivé la mienne pendant des années. J'ai été au devant de ma rage, au devant de ce que je ressentais envers... ou plutôt contre lui. Peut-être parce que je me reconnais en lui, en cette énergie qu'il met dans les combats, et dans cet amour qu'il porte à l'être aimé. Peut-être aussi que, plutôt que de vouloir qu'il vive dans la douleur, comme moi, j'essaye moi, de vivre dans sa joie. Finalement, il m'a tiré vers le haut. J'ai recommencé à combattre à ses côtés, pour finalement devenir une des pièces maîtresses de son équipe Pokémon. Me voilà Nidoking, me voilà puissant et fort, imposant et inébranlable. Mon corps a évolué lorsque mon esprit s'est apaisé, et la rage que j'utilise dans mes combats n'est plus liée à ma souffrance, mais juste à mon envie de gagner.

Je regarde l'horizon, profitant de ce courant d'air tiède qui caresse mon museau. La mer est calme, à peine troublée par les jeux des enfants dans l'eau, les entourant de son corps d'une attitude bienveillante. Ma queue bat machinalement le sable et je soupire longuement. Un sentiment d'aise mêlée à une nostalgie douloureuse qui, je le sais, ne partira jamais. Le reflet de Pinky est dans chaque nuage, dans chaque vague. Je sens une main sur mon épaule. Une main solide, puissante. Maxime est à côté de moi. Parfois, vue sa carrure, je me dis qu'il est peut-être aussi fort qu'un Nidoking. Il y a encore quelques temps, il n'aurait rien dit. Il aurait regardé l'horizon quelques temps avec moi et serait parti. Mais la carapace s'est dissipée, l'armure est tombée depuis des années et, même s'il reste dur parfois, je suis surpris par ce changement.


-Tout va bien Pinko ?

Je réponds par un simple souffle. Maxime enlève sa main et se dirige d'un pas lent vers la mer. Laetitia en sort. Ses longs cheveux noirs, détrempés, contrastent avec la blancheur de sa peau et de son maillot de bain. De longues mèches tombent sur ses épaules, sa poitrine et son dos. Elle le regarde arriver avec un sourire et se colle contre lui. Elle paraît minuscule à ses côtés.

Ces vacances en bord de mer, ils en profitent tous les deux, ça se voit. Les autres Pokémons de Maxime aussi. Je les côtoies, je discute avec eux, mais pourtant, j'ai besoin de solitude. Max le sait et voilà pourquoi il me laisse sortir le long du parc jouxtant la résidence dans laquelle ils séjournent cet été. Généralement, les gros Pokémons ne doivent pas se promener seuls le soir, pour des questions de sécurité. Parfois, j'aimerais être de nouveau un Nidoran et me promener dans les hautes herbes, en toute discrétion, loin des regards. Difficile de trimbaler ma grosse carcasse sans attirer l'attention. Mais quelques petites discussions avec le propriétaire des lieux ont permis à Maxime d'avoir l'autorisation de me laisser libre quelques heures le soir.

Me voilà à déambuler doucement, alors que les derniers rayons de soleil se cachent à l'horizon. Le parc est grand, même pour un Pokémon de ma taille. Alors j'avance, doucement, mais tout droit, sans me retourner et sans réfléchir. Chaque pas semble m'éloigner de quelque chose, me tirailler. Cette peur d'oublier celle que j'ai aimée et de ne plus la voir dans mes souvenirs. Mais ne pas avancer me ferait encore plus peur. Alors finalement, je me laisse guider, non pas par le hasard, mais par cette ligne directrice qui me conduit je ne sais où. Qui pourrait croire qu'un simple Pokémon puisse autant réfléchir, hein ? La nostalgie et le passé ne sont pas l’apanage des humains. Mon chemin ne semble pas avoir de fin, si ce n'est cette grande haie qui m'arrête soudainement. Un peu dépité, et pensant pouvoir marcher plus, je reviens sur mes pas, et repasse devant l'entrée de la résidence. Des cris m'interpellent alors. Des cris aigus, dont un que je connais. Il s'agit de celui de Laetitia. L'autre est celui d'un enfant. Une petite fille d'environ 6 ans, aux longs cheveux noirs, semblables à ceux de Laetitia, lui a sauté dans les bras. J'entends quelques phrases, de loin. C'est Laura, la fille de la cousine germaine de Laetitia.. Le couple est d'ailleurs en train de saluer Maxime et Laetitia, et ce beau monde rigole, devant l'entrée de ce grand hôtel. J'essaie de m'éclipser discrètement, mais mon poids me trahit : je fais trop de bruit pour passer inaperçu. Immédiatement, la petite fille se tourne vers moi.

-Oh c'est qui ? Demande-t-elle d'une voix pleine d'énergie.
-C'est Pinko, notre Nidoking ! Répond Maxime en souriant.
-Tu combats toujours un peu ? Demande le père de Laura.
-Avec le boulot, j'ai moins de temps, mais je continue de m'entraîner, ouais.
-Pinko, Pinko ! Tu es beau et gros PINKO !

Je regarde avec une certaine appréhension cette toute petite humaine courir vers moi, les bras grands ouverts. Ses parents courent derrière elle, mais Maxime et Laetitia les rassurent tout de suite.

-Il ne lui fera aucun mal, il est extrêmement bien dressé, affirme Laetitia.

Je rigole intérieurement. Il suffirait que je me retourne un peu violemment pour que ma queue la renverse par terre. Pourtant, l'enfant me saute dessus et commence dès lors à me donner des grandes tapes en rigolant. Je sens à peine ses petits coups, protégé par ma peau épaisse.

-C'est pour votre Pokémon que je m'inquiète ! Laura est assez brutale parfois !
-Mon dieu, elle est en train de lui grimper dessus !
-Pinko fera attention, rassure Maxime.
-Ce n'est pas un Pokémon Poison ? Si elle touche sa corne !
-Aucun souci, le poison ne sort qu'en combat et il est loin d'être mortel, renchérit Laetitia, qui me connait bien.

Je me débats faiblement, très mal à l'aise avec cette petite fille qui essaye de me grimper sur la tête. Ma gaucherie fait rire les deux couples.

-Pinko ne semble pas dans son assiette avec Laura !
-On dirait un film de Miyazaki ! Tu sais, celui avec la petite fille et l'espèce de gros ours ! Quel lourdaud !

Au bout de quelques instants, la fille me lâche enfin et retourne vers ses parents. Ceux-ci décident de passer la soirée avec Maxime et Laetitia et de manger un bout avec eux. Je fais signe à mon dresseur que j'ai largement pu me dégourdir les jambes. Un énorme mensonge, bien entendu, mais je ne compte pas faire office de baby-sitter une seconde de plus. Max a compris et me rappelle dans sa Pokéball. Une fois à l'intérieur, je réfléchis un peu, plutôt en colère. Comment peut on laisser un enfant faire n'importe quoi sans intervenir ? Je ne suis pas éduqué pour m'occuper d'une fille de 6 ans ni pour jouer avec elle. Si elle s'était blessée, j'aurais été le premier responsable, et cette réflexion a le don de m'agacer. Pire, je continue mes réflexions et celles-ci m'amènent à un terrible constat : lorsque Maxime et Laetitia auront un enfant... Il est hors de question que je devienne son doudou ! Les autres Pokémon de Max feront bien mieux l'affaire. Pyroli a une fourrure très douce, il sera parfait. Peut-être même que Roucarnage la portera sur son dos et la fera voler. Soudain, je suis extirpé de ma réflexion : Maxime m'a rappelé. Nous sommes sur la plage, et la soirée s'est prolongée. Tout le monde a l'air assez guilleret, et j'imagine que ce que les humains appellent « alcool » et consomment parfois a du faire son effet. Même Maxime part dans quelques éclats de rire dont je ne le savais pas capable. Pyroli et Qulbutoke, deux autres Pokémons de Maxime, sont étendus sur le sable, éreintés.

-Qu'est-ce qu'il se passe les mecs ?
-Maxime vient de t'appeler, tu vas souffrir toi aussi, répond Pyroli. Cette petite fille est insupportable avec les Pokémons !
-Elle nous a tapé et n'arrête pas de rigoler très fort. Elle ne se fatigue jamais, ajoute Qulbutoké.
-Pourquoi Max m'appelle ?
-C'est à ton tour de souffrir mec ! Réponds Pyroli.
-Non ! J'ai déjà donné.
-La petite t'a réclamé ! « Pinko, Pinkoooo, Pinkoooo ! »
-Je ne suis pas une nounou !

Pendant ce temps, les deux couples humains, assis sur des serviettes autour d'un petit feu, certainement concocté par Pyroli, discutent gaiement.

-Hey Pinko, Laura voulait absolument te revoir !
-Pinkooooo ! Fait la petite fille en courant vers moi.

Je m'énerve déjà à l'idée de me faire pincer et taper par cette petite chose. Pyroli et Qulbutoké me regardent en souriant puis disparaissent dans leurs Pokéballs. Avec une sorte d'effroi, je vois la petite terreur courir vers moi et, de nouveau, me grimper dessus et m'attaquer de toute part.

-Ils ont l'air de bien s'entendre.
-Laura sera certainement plus facile à garder pour vous si elle a un ami comme Pinko, ajoute la cousine de Laetitia.
-Oui, Pinko la gardera.

PARDON ? GARDER CETTE PILE ELECTRIQUE ? J'écoute la suite de la conversation et blêmit. Tout était prévu de longue date : Laetitia et Maxime vont garder, pour les quelques jours de vacances qui leur reste, la fille de la cousine de Laetitia.

-Comme ça, vous serez fins prêts lorsque ce sera votre tour !
-Je ne m'inquiète pas pour ça, Maxime sera un très bon papa.
-Ahaha... ça me gêne un peu d'en parler, ricane Maxime en se frottant la nuque nerveusement.

Pendant ce temps, Laura continue de tenter de me démolir. Je commence à sentir poindre un véritable énervement en moi et décide de la reposer de force sur le sable, histoire de montrer à tout le monde que je ne suis pas un petit chien-chien et que j'ai ma fierté. Personne ne fait attention à mon geste, et seule Laura se retrouve devant moi, au sol, un peu vexée. Je m'éloigne et me dirige vers la mer, d'un pas décidé.

-Pinko !
-Je crois qu'il ne veut plus jouer avec toi chéri. Je t'avais dit d'être douce avec les Pokémons !
-Mais Pinko est très costaud, sa peau est toute dure !
-Ca ne doit pas être agréable d'être tapé sans arrêt, même avec la peau dure !
-Pinko est un solitaire, ajoute Maxime. On ne peut pas trop lui en demander.

Enfin des paroles sensées. De toute façon, je n'entends pas le reste de la conversation, et me contente de sentir l'air frais du large contre mon museau. Mes grosses pattes s'enfoncent dans le sable visqueux, jusqu'à rejoindre enfin l'eau. On ne voit presque rien sur la plage. Seul le littoral est éclairé, ainsi que le minuscule feu de camps. Je respire fortement, laisse l'air iodé emplir mes poumons, et souffle doucement. La colère part rapidement. Voilà des années que j'ai appris à la canaliser. Et puis, cette petite fille est loin d'être le plus grand soucis que j'ai eu. Apprendre à relativiser, voilà quelque chose que je sais, désormais. Jamais je ne pourrais connaître de sentiment plus dur que la perte de Pinky. Le reste n'est qu'accessoire. J'entends la voix de la petite Laura crier mon prénom, et ce, de plus en plus distinctement. Je sens qu'elle court vers moi et, sans me retourner, je soupire, l'air désespéré. Mais les pas de la petite fille sont trop rapides pour elle, et la fatigue de cette longue soirée l'a tout de même bien entamée. La voilà qui trébuche sur un gros coquillage et tombe à toute vitesse dans un petit trou, certainement creusé quelques heures plus tôt par des enfants. Mes réflexes ne m'ont pas trahis, avant même que Laura ne tombe et ne s'écorche les genoux, ma queue s'est enroulée autour de sa petite taille. La voilà suspendue à quelques centimètres du sol, sans une seule égratignure. Je crois bien qu'elle n'a pas vraiment compris ce qui lui arrivait, mais peut-être a-t-elle eu peur, car je sens qu'elle est soudain toute calme. Apaisé moi aussi, je la mets sur mon épaule et la fait s'assoir. Elle se laisser déposer et ne dit rien. Seules ses petites jambes battent dans les airs.

-Pinko, fait-elle enfin, tu m'as sauvé la vie !
-Nidoooo... Nidokiiing. (Rien que ça!)
-A partir de maintenant, tu es mon meilleur ami !
-... Nido... do... (et Bah voyons).

La petite fille se penche vers mon oreille et y colle un bisous baveux. Je lève les yeux au ciel. Au moins, elle est calme. Le plus doucement possible, je m'assoie. Nous regardons l'horizon, tentant tous deux de discerner la limite entre la mer et le ciel, tous deux d'un noir de jais. Seul le clapotis des vagues trouble le silence qui s'est installé en ces lieux, puis, soudain, une petite respiration, à peine perceptible. Laura s'est endormie.
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