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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 2
Nom de l'œuvre : Entre infini et au-delà Nom du chapitre : Abandoned
Écrit par Cyrlight Chapitre publié le : 6/2/2013 à 19:31
Œuvre lue 96770 fois Dernière édition le : 17/4/2019 à 12:13
Kathy releva le bas de sa robe et courut jusqu'à l'écurie, les traits défigurés par l'effroi. Elle regrettait d'avoir dessellé son Ponyta et prit juste le temps de lui remettre son filet. Attrapant le tissu onéreux de son vêtement entre ses petites mains, elle en déchira les coutures déjà mal en point avant de monter sur le poney de feu, à cru, alors qu'il se trouvait encore dans son box.

Ils sortirent du bâtiment au galop. Elle lui donna l'ordre de couper à travers champ, et ce fut en piétinant une partie des semences de son père que l'enfant s'éloigna de la scène qui lui avait causé un tel choc. D'un claquement de langue, elle encouragea sa monture à sauter par-dessus la barrière qui délimitait la propriété familiale. Elle dut se cramponner fermement à l'encolure pour ne pas tomber, car elle n'avait pas l'habitude de monter Ponyta sans selle.

Elle eut peur que le pokémon n'arrive pas à tenir la cadence jusqu'au village de Mérolia, à deux miles de là, mais il était moins fragile que pouvaient le laisser penser sa frêle apparence et son jeune âge. Il résista jusqu'à ce qu'elle lui demande de s'arrêter devant le commissariat de police, où elle mit pied à terre, échevelée.

Les portes coulissèrent pour lui permettre de pénétrer à l'intérieur. Quatre paires d'yeux la dévisagèrent aussitôt : deux adjoints en uniforme bleu, qui sirotaient une tasse de café devant le distributeur, une secrétaire à lunettes, assise derrière l'accueil, et l'agent Jenny elle-même, qui sortait juste de son bureau.

Kathy s'avança, tremblante, les nerfs à vif. La policière se précipita vers elle au moment où, submergée par ses émotions, elle tourna de l'œil. La femme la rattrapa avant qu'elle ne heurte le sol, puis ses collègues l'aidèrent à l'allonger sur la banquette la plus proche, en prenant grand soin de ne pas la cogner contre la table basse où étaient éparpillés plusieurs prospectus.

— Oh ! s'écria l'agent Jenny lorsqu’elle voulut mesurer son pouls. Regardez ses gants. Arceus Tout-Puissant, mais c'est du sang ! D'où vient cette fillette ? Margot, s'il vous plaît, allez vite chercher l'infirmière Joëlle, dites-lui qu'elle doit venir immédiatement ! Cette pauvre petite va avoir besoin de soins. Et vous, allez faire des compresses d'eau fraîche. Prenez ce que vous voulez, serviettes, mouchoirs, mais dépêchez-vous !

Les adjoints se précipitèrent vers l'arrière du commissariat, tandis que la secrétaire sortait en trombe dans la rue. Cette effervescence permit à Kathy de revenir progressivement à elle. Quand elle entrouvrit les yeux, après une minute qui avait semblé interminable à la représentante des forces de l'ordre qui lui avait porté secours, son regard était flou. Des larmes s’agglutinèrent dans ses cils lorsque ce qu'elle avait vu plus tôt lui revint en mémoire.

— Bonjour, dit simplement la policière d'une voix très douce pour ne pas l'effrayer, et encore moins la brusquer alors qu'elle reprenait à peine conscience. Je m'appelle Allison Jenny. Fais un geste si tu me comprends.

La fillette ne se sentait pas en état d’effectuer le moindre mouvement, aussi se contenta-t-elle de cligner fermement des paupières, pendant que des pleurs roulaient le long de ses joues jusqu'au creux de ses oreilles.

— Ne bouge pas, je reviens dans une seconde, d'accord ? Ne t'inquiète pas, et surtout ne t'agite pas.

La femme se redressa pour se diriger le distributeur adossé au mur derrière elle. Elle inséra quelques piécettes dans la fente prévue à cet effet et une bouteille d'eau fraîche tomba en émettant un bruit sourd. Elle l'ouvrit avant d'aller en verser un peu dans la bouche de l'enfant. Ce ne fut qu'au moment où le liquide toucha ses lèvres que Kathy se rendit compte à quel point elle avait soif.

L'agent Jenny l'aida à s’asseoir, car elle toussota plusieurs fois, ayant du mal à avaler en position allongée. Ses doigts se refermèrent autour de la bouteille et elle en but une longue gorgée qui lui fit le plus grand bien. Les adjoints revinrent au même instant dans la salle, un linge blanc détrempé entre les mains.

— Elle va mieux, à ce que je vois, constata le plus mince des deux en tendant tout de même le chiffon humide à sa supérieure.
— Je crois qu'elle est en état de choc. Messieurs, l'infirmière Joëlle va arriver d'un instant à l'autre pour ausculter cette enfant. Vous comprendrez que la décence m'oblige à vous demander de patienter dans votre bureau pendant que la petite reçoit des soins.
— Bien sûr, agent Jenny, acquiesça le second, plus trapu, en se mettant au garde-à-vous. Nous attendrons. Avertissez-nous quand vous en saurez plus.

Kathy posa la bouteille d'eau désormais vide sur la table basse, puis se recroquevilla en accolant ses cuisses contre son buste, avant de les encercler de ses bras. La policière acheta une autre boisson, plus sucrée, qu'elle lui donna. L'enfant s'en empara entre ses gants ensanglantés.

— Tu ne veux pas me dire ce qui t'est arrivé ?

Kathy aurait aimé parler, mais sa gorge nouée l'empêchait de prononcer ne serait-ce qu'un mot. Elle secoua la tête en signe de dénégation. Comme son regard s'embuait de nouveau, la femme l'invita à prendre une gorgée de soda.

— Et ton nom, tu peux me le donner ?
— K-Katharina, bredouilla l'intéressée en tremblant nerveusement. Katharina Granet.
— Tu es très jeune, Katharina. Quel âge as-tu ? Treize ans ? Douze ?

Elle répondit par l'affirmative d'un couinement apeuré. L'agent Jenny aurait voulu faire quelque chose pour elle, mais cette enfant venait visiblement de subir un traumatisme psychologique, et l'infirmière Joëlle serait mieux à même de l'aider. Elle se contenta donc de prendre ses petites mains entre les siennes pour ôter ses gants.

Son instinct de policière lui soufflait que le sang n’était pas celui de la fillette. Elle étudia ses paumes, avant de les comparer aux taches qui parsemaient la dentelle. Elle ne souffrait que d'une légère égratignure au niveau de l'index, qui semblait avoir déjà coagulé depuis un moment. Hormis cela, il n'y avait aucune blessure qui justifiait une telle abondance d'hémoglobine sur le tissu.

— Qu'est-ce que tu t'es fait ? s'enquit l'agent Jenny en lui montrant la plaie au bout de son doigt.
— J-Je... C-C’est un rosier qui m-m'a piquée. J-Je me suis p-perdue dans la f-forêt.
— C'est pour ça que tu es dans cet état ?

Kathy acquiesça pendant les portes coulissantes s'ouvraient sur l'infirmière Joëlle qui arrivait enfin, escortée par la secrétaire. Sa trousse sous le bras, son stéthoscope autour du cou, elle accourut vers sa jeune patiente.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle tout bas à la policière avant de procéder à l’examen.
— Je ne sais pas. Elle a fait irruption ici avec une allure de sauvageonne et elle s'est presque aussitôt évanouie.
— Elle est venue à dos de Ponyta, je suppose. Margot et moi en avons vu un juste le commissariat. Il a un filet, preuve qu'il appartient à quelqu'un. Si vous voulez mon avis, vous feriez bien de l'attacher avant qu'il ne s'échappe.

Tandis que l'agent Jenny s'exécutait, l'infirmière sortit ce dont elle avait besoin de sa trousse, tout en priant Kathy d'ôter sa robe. Quand elle ne fut plus qu'en sous-vêtements, la femme remarqua les éraflures sur ses membres.

— Où as-tu eu toutes ces blessures ?
— J-Je... C-Ce sont les buissons.

La soignante comprit qu'elle n'arriverait à rien avec la fillette tant que celle-ci n'aurait pas recouvré toute sa lucidité. Dans un verre d'eau qu'elle alla chercher au robinet, elle dilua un calmant. C'était un médicament pour adulte, aussi ne lui en donna-t-elle qu'une faible dose, qui serait utile pour apaiser les nerfs de Kathy.

Il fit bientôt effet. L'infirmière Joëlle, alors qu'elle appliquait une épaisse couche d'Anti-Brûle sur les jambes frêles de sa patiente qui avaient souffert du contact avec la robe ardente de Ponyta, constata avec soulagement que ses tremblements commençaient à s'atténuer.

— Tu n'aurais pas dû monter à cru, c'est très dangereux. Heureusement qu'il ne s'agissait pas d'un Galopa, sans quoi les dégâts auraient été plus importants. Il faut impérativement placer un élément protecteur entre le corps de ces pokémon et ta peau. Un simple pantalon tout ce qu'il y a de plus banal aurait suffi.
— Je sais, murmura Kathy d'une voix plus reposée, mais toujours hésitante. Je n'avais pas le temps de... Je devais venir ici.
— Comment ça, pas le temps ? Ah, Allison ! Vous revenez au bon moment. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me couper un morceau de bande stérilisée pendant que je désinfecte ces égratignures ?
— Avez-vous eu l'occasion de voir ses gants ? s'enquit la policière, les sourcils froncés, tout en tendant à la femme ce qu'elle lui avait réclamé.
— Non, qu'est-ce qu'ils ont ? Oh !

L'infirmière ouvrit des yeux ronds et manqua de lâcher le coton alcoolisé avec lequel elle nettoyait les griffures que les ronces avaient infligées à Kathy. Elle avait suivi le regard de son interlocutrice jusqu'aux accessoires en question.

— Par Arceus, tes blessures sont toutes superficielles ! Comment se fait-il que tes gants soient couverts de tout ce sang alors que tu n'as qu'une minuscule entaille au doigt ?
— Ce n'est pas le mien, articula lentement l'enfant. C'est ma faute.
— Qu'est-ce qui est ta faute ? insista l'agent Jenny en s'agenouillant face à elle.
— Je ne devais pas m'absenter aussi longtemps, mais j'ai voulu suivre un Cerfrousse qui m'a éloignée du chemin. Je suis arrivée à la maison avec plus de deux heures de retard et je... je... Si seulement je ne m'étais pas perdue !
— Où habites-tu ?
— À environ deux miles après la sortie du village. Au milieu des champs, il y a une ferme qui appartient à mes parents.
— Je vais immédiatement envoyer mes adjoints sur place, mais il faut que tu me donnes plus de détails au sujet de ce que tu as découvert, afin qu'ils sachent quoi chercher.
— Il n'y a rien, révéla Kathy contre toute attente. Juste du sang, beaucoup de sang, mais rien d'autre. Les murs et les meubles du salon ont été éclaboussés. Si j'en ai par mes gants, c'est parce que je me suis appuyée contre le battant de la porte, qui lui aussi en était plein.
— Tu n'as rien à te reprocher, Katharina, assura l'agent Jenny. Au contraire, tu as été très courageuse de venir jusqu'ici nous avertir. Quant à ce qui s'est passé dans la forêt, je crois plutôt que ça t'a été bénéfique. Si tu étais rentrée à l'heure prévue, je doute que tu aurais pu faire quoi que ce soit pour aider ta famille, et tu aurais peut-être disparu en même temps qu'eux. Là, grâce à ton intervention, nous avons une chance de les retrouver. Est-ce que tu as d'autres proches ? Des amis que je pourrais appeler pour s'occuper de toi en attendant ?
— Non, je n'ai que mon frère et mes parents, et là... Là, je suis toute seule, sanglota Kathy en enfouissant son visage entre ses mains.
— Allison, vous devez y aller, vous aussi, conseilla l'infirmière Joëlle. Vos adjoints ne suffiront pas et vous êtes personne la plus qualifiée de ce bureau. Ne vous tracassez pas pour la petite, je vais m'en occuper.

Tout en prononçant ces mots, elle tendit un mouchoir à Kathy, qui tapota ses joues humides sans cesser de pleurer. La policière opina, puis pressa doucement l'épaule de la fillette. Quand celle-ci leva la tête, elle plongea ses yeux dans les siens, noyés par les larmes.

— Je te promets que je vais faire mon possible pour te ramener ta famille, s'engagea l'agent Jenny. Tu es en sécurité, ici, et l'infirmière Joëlle va te tenir compagnie jusqu'à mon retour, d'accord ?

Kathy acquiesça, sans conviction. Y avait-il une chance pour que ses parents et son frère soient sains et saufs, en dépit du carnage qui semblait avoir eu lieu dans le salon ? Pouvaient-ils être quelque part, en train d'implorer Arceus pour que l'on vienne à leur secours ? Elle avait envie d'y croire, mais elle avait peur. Peur qu'il soit déjà trop tard et que cela ne soit qu'un vain espoir.
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