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Lecture du chapitre 5 | |
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Nom de l'œuvre : Mélancolie [Recueil d'OS] | Nom du chapitre : Le miroir |
Écrit par Cyrlight | Chapitre publié le : 24/5/2013 à 15:43 |
Œuvre lue 6308 fois | Dernière édition le : 24/5/2013 à 15:44 |
Les lumières de la villa scintillaient à des lieues alentours. Les spots colorés, qui avaient été pour l'occasion installés sur la façade blanche rendue grise par la lueur douceâtre de la Lune, se réfléchissaient sur la surface calme de la mer. Seules quelques vagues bordées d'écume venaient lécher le sable clair du rivage. Beaucoup de monde se trouvait sur la terrasse en bois. J'espérais seulement que je n'étais pas la dernière. La vitre de la voiture me renvoya mon reflet. Pour une fois, mes cheveux acajou étaient remontés contre ma nuque et restaient fixés ainsi grâce à l'épaisse couche de laque dont je les avais assaillis. J'adressai un sourire timide à cet autre moi qui m'observait par-dessous son masque blanc orné de plumes d'oie et d'un zirconium rond. Quand j'arrivai enfin à hauteur de la luxueuse habitation, un portier vint aussitôt m'aider à descendre de la voiture. Je m'efforçais de ne pas froisser ma tenue achetée spécialement pour l'occasion. Elle avait requis toutes mes économies, mais je la jugeais à la hauteur de l'investissement. Entièrement blanche, elle était constituée d'un jupon de taffetas qui descendait jusqu'à mi-mollet et recouvert par-dessus d'une étoffe soyeuse parée de dentelle. Le haut, resserré par des lacets au niveau de la poitrine, affinait ma taille comme jamais. Une paire d'ailes duveteuse s'agitait dans mon dos au même rythme que celles de Tylton qui volait à côté de moi. Je fus conduite à l'intérieur par un majordome en livrée sitôt qu'il eut vérifié mon invitation. A l'instar de toutes les personnes présentes à la fête, il portait un masque taillé dans de la porcelaine vénitienne qui dissimulait une grande partie de son visage. Je le remerciai tandis qu'il m'annonçait : - Mademoiselle Elisabeth Tastère. Je me sentis un peu gênée de voir tous les regards tournés vers moi : je n'en avais pas l'habitude. Cependant, comme je me trouvais pour une fois à peu près jolie, je m'efforçai de faire comme si de rien était. Avec une nonchalance mesurée, je m'approchai du buffet où un jeune homme se servait déjà une coupe de champagne. - Mademoiselle Tastère, me salua-t-il en baisant ma main gantée. Je suis ravi de voir que vous avez accepté de vous joindre à nous pour cette petite fête. - Et moi, je vous remercie encore de m'y avoir conviée, monsieur Van Dorth. Il me tendit galamment sa propre flûte avant d'en prendre une nouvelle pour lui, puis nous trinquâmes ensemble à la réussite de ce carnaval. L'air béat, je trempai à peine mes lèvres dans la boisson alcoolisée tout en détaillant son costume. Ses yeux charbonneux étaient dissimulés derrière un masque noir, parfaitement assorti à son ensemble de cuir. Il arborait également une longue cape de même couleur en velours et une paire de bottes rutilantes, apparemment faites pour monter à Galopa. - Si vous voulez bien m'excuser, je dois aller m'occuper de mes autres invités. - Bien sûr, répondis-je dans un bégaiement tout en m'arrachant à sa contemplation. J'en profitai pour observer un peu les environs. De riches étoffes avaient été suspendues par les murs du grand salon pour lui donner une teinte colorée, sur lesquelles les cristaux du lustre miroitaient en centaines d'étoiles. Je me figeai cependant lorsque l'une de ces tentures s'écarta pour laisser passer quelqu'un. J'eus pendant un instant l'impression de me retrouver à nouveau dans la voiture, face à mon propre reflet. Un miroir. Cependant, quelque chose différait avec celui-ci. Les mêmes yeux, la même bouche, le même menton un peu carré... Tout y était semblable, et pourtant en opposition. Je faisais face à une beauté sauvage, obscure. Le miroir ne me renvoyait pas mon image, mais celle d'un double plus maléfique. Contrairement à mon costume angélique, celle que je détaillais minutieusement portait une tenue sombre. Sa jupe était beaucoup plus courte que la mienne, son décolleté plus profond. Un rouge à lèvres sanglant fardait ses lèvres, tandis que ses paupières recouvertes de khôl disparaissaient sous un masque de velours noir alambiqué, décoré par des milliers de paillettes semblables à de minuscules diamants. - Eléonore... soufflai-je, surprise. - Elisabeth, la salua poliment sa jumelle avec un sourire narquois. Je ne pensais pas que Viktor te convierait également à son carnaval. - Pourtant, il l'a fait. - Tu as déjà eu l'occasion de le voir, depuis que tu es ici ? Attends une seconde... Viktor ! Je la regardai agiter la main avec une impatience non dissimulée en direction de notre hôte. Il abandonna le couple en compagnie duquel il se trouvait pour venir nous rejoindre. Eléonore lui offrit l'une des deux coupes de champagne qu'elle gardait à la main. - Avez-vous parlé à ma soeur ? Elle se réjouit d'être parmi nous. Votre soirée est si réussie. Vous savez, je crois que cela mérite une petite récompense. Aguicheuse, elle approcha sa bouche de celle de monsieur Van Dorth tandis que je sentais des larmes poindre aux commissures de mes cils. Elle savait. Elle avait toujours su ce que je ressentais à son égard, et jusqu'à aujourd'hui j'ignorais encore à quel point elle pouvait être cruelle. - Trop tard, Viktor, plaisanta-t-elle en se reculant au moment où celui-ci s'apprêtait à l'embrasser. Et si vous me conviez plutôt à danser ? Elisabeth, tu ferais bien d'en prendre de la graine. Ma pauvre soeur se trémousse aussi bien qu'un Ludicolo, ce qui n'est pas peu dire ! Je baissai les yeux sur mes souliers vernis tandis que mon aînée, de quelques minutes seulement, s'éloignait en entrainant avec elle l'homme que j'aimais. Complètement abattue, je me laissai tomber sur une chaise. Je ne pouvais pas lutter contre elle quand elle possédait la beauté, l'assurance et la séduction qui me manquaient. De nous deux, il était évident qu'elle plaisait le plus. Tylton vint se poser sur mon épaule dans un couinement réconfortant. Je le remerciai d'un sourire triste avant de terminer mon verre. L'alcool me fit du bien, il réchauffa mon coeur brisé. J'avais beau faire tout mon possible pour ne pas poser mon regard sur Eléonore et son cavalier, il était inexorablement attiré par eux à l'instar d'un aimant. Elle n'avait pas menti, j'étais une piètre danseuse, alors qu'elle se mouvait à la perfection, les sinuosités de son corps aussi envoutantes que l'allure d'un Arbok prêt à refermer ses crocs sur sa proie. C'était d'ailleurs ce qu'elle faisait, même si j'ignorais quelle cible elle visait. S'agissait-il de moi, ou simplement de monsieur Van Dorth, inconsciemment impliqué dans le conflit qui m'opposait à ma soeur depuis notre naissance ? Quand la musique s'interrompit, Eléonore revint vers moi, attrapant au passage une nouvelle flûte sur le plateau d'un serveur qui passait devant elle. A son tour, elle s'assit sur le siège avoisinant le mien. Ses joues mates étaient rosées par la chaleur environnante, ainsi que par l'excitation. - Bah, finit-elle par déclarer, je te le laisse, ton Viktor. Pas assez intéressant, si tu vois ce que je veux dire. C'est un saint. Elle éclata d'un rire à demi hystérique et je me tournai vers elle, inquiète. Je fus réellement frappée par le contraste qui s'interposait entre nous. J'étais blanche et douce, elle était noire et mauvaise. Ma pudeur se lisait dans mon apparence, la sienne trahissait sa dépravation. Pourtant, en dépit de tout cela, nul n'aurait pu nous différencier tant nous étions identiques. Il y avait véritablement deux mondes, un de chaque côté du miroir, totalement inversé par rapport à son reflet. - Tu devrais t'amuser davantage ! s'exclama Eléonore en vidant un autre verre qu'elle avait dû prendre pendant que j'étais perdue dans mes réflexions. - Et toi moins boire, sans quoi tu ne seras même pas en mesure de rentrer à la maison. - Allez, je sais bien que ce soir, c'est carnaval, mais que dirais-tu de laisser un peu tomber ton masque ? Instinctivement, je portai la main à mes plumes sans comprendre ce qu'elle entendait par là . A nouveau, j'eus droit à un éclat de rire qui me fit froid dans le dos. Ma soeur m'avait toujours effrayée, mais jamais à ce point. - Je parle de ton masque de vertu. Je sais bien que dans le fond, tu n'es pas du tout comme cela. Il se cache une part d'ombre en chacun d'entre nous. Laisse-la donc jaillir, et même Viktor Van Dorth ne pourra pas te résister. - Tu es complètement ivre, ma pauvre Eléonore, et je te serais reconnaissante de me laisser en dehors de ta beuverie. Je m'apprêtais à me lever quand sa main se referma sur mon poignet mince. Ses ongles qui s'enfonçaient dans ma peau me faisaient mal, toutefois je ne me plaignis pas : cela l'aurait bien trop réjouie. - Viens, Tylton, appelai-je en me dégageant de son étreinte. Un peu d'air ne nous fera pas de mal. Et si tu avais une once de bon sens, Eléonore, tu poserais ton verre et tu nous suivrais afin de te remettre les idées à l'endroit. - Je te remercie de te préoccuper de mon sort, petite soeur. Comme elle se contenta de me jeter un regard foudroyant, je préférai laisser tomber. Mon pokémon me suivit en voletant dans mon sillage jusqu'à la terrasse, où quelques personnes dansaient encore. La Lune était pleine, la nuit claire et tiède. Je m'approchai de la mer, grisée par la lumière de l'astre qui venait se déposer à sa surface. Alors que je jetais mélancoliquement dans l'eau les coquillages apportés sur la rive par le ressac, j'entendis Tylton pousser un cri derrière moi. Je bondis sur mes pieds et manquai de tomber en faisant demi-tour, pour apercevoir un Grahyena qui refermait ses crocs sur mon compagnon. Je lus sa souffrance dans ses yeux. - Alors ? Qu'attends-tu pour réagir ? Eléonore suivait le petit chemin de bambou qui conduisait à la plage, un air de triomphe sur le visage. Serrant les poings jusqu'à m'en entailler les paumes, je hochai la tête. En dépit de tout, elle était ma soeur, et je ne tenais pas à l'affronter, même au travers d'un match pokémon. - Je ne veux pas me battre contre toi. S'il te plaît, relâche-le. - Grahyena, tu as entendu ce qu'a dit la dame ? Crache. Le chien-loup s'exécuta et projeta Tylton hors de sa gueule. Ce dernier atterrit mollement dans le sable blanc, l'une de ses ailes formant un angle étrange par rapport à son corps. Il s'agita doucement, signe qu'il était toujours en vie. Je poussai un soupir de soulagement avant de le rappeler dans sa pokéball. - Tu es complètement folle ! m'exclamai-je en me retournant vers ma soeur dont l'expression se fendait toujours d'un large sourire. - Ah oui, viens donc me dire cela de plus près. Mais avant... Il faudrait peut-être déjà que tu parviennes à m'attraper. Son rire brisa le silence nocturne tandis qu'elle s'élançait en titubant. Je la regardai s'approcher du ponton d'une démarche mal assurée. A plusieurs reprises, elle manqua de tomber. Je remarquai alors l'humidité du bois sur lequel elle venait de s'engager. - Ne va pas par là ! m'écriai-je avant de me précipiter à sa suite. C'est glissant ! - Que c'est mignon ! Ma petite soeur croit qu'elle est en droit de me donner des ordres. - Je ne plaisante pas. Eléonore, tu n'es pas dans un état normal. Ecoute, s'il te plaît, retourne au moins sur la plage. Faisant fi de mes avertissements, elle se mit à danser à l'extrémité même du promontoire que les vagues venaient heurter. Quand elle en eut assez, elle s'interrompit. Nous restâmes longtemps face à face, à nous scruter sans mot dire. Nous étions les mêmes, nous étions opposées. Nous étions les deux côtés d'un même miroir. - Reviens sur le rivage avec moi, dis-je simplement en étendant mon bras dans sa direction. Cependant, au lieu de prendre ma main comme je m'y attendais, elle recula d'un pas. Le dernier. Elle était au bout du ponton. Elle se retrouva malencontreusement précipitée dans la mer, sans pouvoir se retenir à la bordure en bois à cause de ses réflexes que l'alcool avaient cruellement ralentis. Désespérée, je m'agenouillai pour tenter de la rattraper, tâtonner aveuglément l'eau dans l'espoir de sentir sa peau contre la mienne. Quelques minutes plus tard, les vagues ramenaient un corps sur la rive. Etait-ce vraiment le sien, ou le mien ? Qui étions-nous réellement, si ce n'était deux mêmes êtres qui portaient des masques en guise de personnalité. J'étais elle, elle était moi, nous étions jumelles. Nous vivions à deux, nous mourrions à deux, puisqu'au fond nous n'existions qu'à une. Finalement, qui se trouvait là , étendue sur cette plage ? Qui aurait pu nous différencier véritablement ? Personne, pas même nous, car le reflet d'un miroir, pour un peu qu'il se taise, reste toujours identique. Je regagnai la villa, trempée, suivie de près par mon pokémon. Ce n'était pas des larmes qui mouillaient mes joues, seulement l'eau salée de la mer. Viktor se trouvait sur le seuil de la double-porte vitrée qui conduisait à l'intérieur où le carnaval battait toujours de son plein. Il m'adressa un sourire lorsqu'il me vit. Il dût cependant se rendre compte que j'étais distante, l'esprit ailleurs, car il m'appela : - Eléonore ? Je lui répondis par un sourire tandis que Grahyena aboyait derrière moi. La seule chose dont il ne s'aperçut pas, c'était le corps blanc, inconscient sur la plage, que les vagues venaient caresser dans une gerbe d'éclaboussures. |
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