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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 1
Nom de l'œuvre : Le silence des Wattouat Nom du chapitre : Comme Miaouss et Caninos
Écrit par Cyrlight Chapitre publié le : 8/12/2013 à 13:17
Œuvre lue 6856 fois Dernière édition le : 8/12/2013 à 13:23
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Clarice Chaglam, agent de la FIAP -Fédération Internationale des Affaires Pokémon- se présenta devant la porte de l'asile à onze heures précises. Elle patienta un court instant dans le hall d'entrée, le temps pour elle de s'observer dans le large miroir qui était suspendu au mur.

Plutôt grande pour son espèce, mince, et la queue enroulée sur elle-même avec sensualité, elle n'avait pas à rosir de son apparence. Elle se savait belle, au point telle qu'elle s'était déjà servie auparavant de cet atout au cours de missions spéciales. Cette qualité se voyait cependant contrebalancée par sa vanité, de loin son principal défaut.

Un Scarabrute passa devant elle en la faisant sursauter. Par réflexe, elle porta la patte au Mouchoir Choix qu'elle portait toujours autour du cou afin d'optimaliser ses conditions physiques. L'autre se contenta cependant de crier "Noadkoko" avant de poursuivre sa route sans même la regarder. Clarice s'en voulut d'avoir perdu si rapidement son sang-froid.

- Agent Chaglam ! Le bureau de la FIAP de Jadielle m'a prévenu de votre arrivée. C'est un véritable plaisir pour moi de vous rencontrer.

La pokémon regarda une porte coulissante se refermer dans le dos d'un Cradopaud. Elle le salua d'un bref signe de tête tandis qu'il approchait en coassant jusqu'à elle. Une odeur de poison nauséabond vint frapper ses narines raffinées, ce qui fit se dresser ses babines en une grimace.

- Vous devez être le docteur...
- Dr Chilton Cradopaud, pour vous servir. Vous a-t-on mis au parfum des conditions de sécurité que vous aurez à respecter pour approcher le... patient ?

Il avait prononcé le dernier mot avec un mépris non dissimulé, comme si à ses yeux, ce n'était pas le terme adéquat à une telle situation. Clarice fouailla de la queue avant de plisser ses grands yeux perçants.

- Non, monsieur, on ne m'a rien dit du tout. Je ne sais même pas pourquoi je suis ici. Mon patron m'a juste demandé de soumettre un questionnaire au dénommé Channibal Persian dans le but d'établir son profil psychologique.
- Dans ce cas, vous ne savez pas à qui vous avez affaire.
- Non, m'sieur.

En dépit de son apparence bien mise, Clarice Chaglam avait souvent tendance à oublier de modérer son parler provincial qui trahissait les origines modestes qu'elle s'efforçait pourtant de cacher. Elle se contenta d'adresser un regard enjôleur au pokémon qui lui faisait face avant que celui-ci ne se propose pour l'escorter jusqu'à un interminable couloir obscur.

- La créature que vous allez rencontrer est un monstre comme on en voit peu, agent Chaglam. Il est condamné à une vie entière de détention, mais il suffit d'une simple mégarde pour que ces grilles ne le retiennent pas longtemps. Tenez, pas plus tard que l'an passé, alors qu'il souffrait d'un étrange cas de maladie, une Leuphorie s'est un peu trop approchée de lui. La pauvre, depuis elle évite toute sorte de lumière pour dissimuler les cicatrices qui parcourent son visage,
- Pourquoi ne pas en venir aux faits, Dr Cradopaud ? Pourquoi me dire tout cela avant ?
- Je tiens simplement à vous mettre en garde. Ce pokémon n'est pas comme les autres. Une seule erreur de votre part et vous pourriez finir... dans son estomac.

Clarice déglutit à grand-peine. Avait-elle bien entendu ou son interlocuteur cherchait-il juste à se jouer d'elle ?

- Qu'entendez-vous par là ?
- Channibal le Cannibale, voilà son surnom. Je suis surpris que vous n'ayez jamais entendu parler de ses... exploits.

Une fois encore, le dernier mot fut accentué. Apparemment, Chilton Cradopaud se délectait de la frayeur qu'il cherchait à faire naître en elle. Pour l'instant, cela ne fonctionnait guère, mais qui aurait pu dire combien de temps encore elle demeurerait aussi stoïque.

- La seule chose que je sais, c'est qu'il a été arrêté avant ma naissance. Je crois qu'il a commis des crimes horribles, mais je ne suis au courant de rien de plus.
- Allons bon, comme s'il était possible d'ignorer ce genre de chose. Le docteur Persian a dévoré vingt-quatre pokémon avant d'être arrêté pour pokémonophagie.
- Docteur ?
- C'est l'une de ses fantaisies. Il tient absolument à ce que l'on continue à l'appeler par son titre. Voyez-vous, agent Chaglam, il a été longtemps considéré comme l'un des plus grands esprits de notre siècle. Il est roublard, fourbe, et doté d'une intelligence peu commune, raison pour laquelle je ne vous recommanderai jamais assez d'être prudente. Un seul regard sur vous et il sera en mesure de découvrir vos secrets les plus intimes.

Ils continuèrent d'avancer sur quelques mètres avant que Chilton Cradopaud ne reprenne la parole pour lui mentionner quantité de règles de sécurité à respecter en présence de Channibal Persian.

- En théorie, il ne peut se déplacer que dans un rayon limité grâce à la chaîne qu'il porte autour du coup, cependant vous ne devrez en aucun cas vous approcher des barreaux de la porte. Le reste de la cellule est en plastique donc il n'y a rien à craindre de ce côté, mais il aurait tôt fait de passer sa mâchoire par là pour vous croquer une patte... ou autre chose. Un si beau visage, ce serait triste. Vous ne trouvez pas, agent Chaglam ?

Clarice ne répondit pas. Elle sentait les poils de sa queue se hérisser. Bientôt, le Dr Cradopaud le remarquerait et s'en délecterait, sans parler de ce Persian qu'elle s'apprêtait à rencontrer.

- Je ne vous accompagne pas jusqu'au bout. Voyez-vous, il ne m'apprécie guère et n'a pas prononcé un mot en ma présence depuis près de trois ans. Barney va vous escorter. Je serai dans mon bureau si vous avez besoin de moi. Vous n'aurez qu'à lui demander le chemin à emprunter.

La pokémon le remercia d'un signe de tête tandis qu'un grand colosse faisait son apparition dans le corridor. Il s'agissait d'un Machopeur à la carrure impressionnante, qui lui fit signe de le suivre avec l'une de ses énormes mains. Elle avança sur ses talons sans broncher, jusqu'à ce qu'il s'immobilise devant une cellule obscure.

- Bonjour, bonjour... fit une voix lente, mais suave.

Deux yeux rougeâtres la fixaient dans la pénombre. Leur couleur était impressionnante, quoiqu'un peu moins lorsque le gardien eut éclairé la cage en actionnant un interrupteur situé sur le mur, beaucoup trop haut néanmoins pour qu'elle songe à l'atteindre par elle-même.

Le Dr Persian était désormais parfaitement visible dans sa cage. Plutôt petit pour son espèce, il avait une démarche empli de grâce, un corps svelte et des crocs blancs acérés. Il lui adressa un signe de tête poli, avant d'interroger de son ton doucereux :

- Savez-vous combien d'agents de la FIAP se sont présentés ici avant vous ? Et combien sont repartis bredouilles, voire... pire ?
- Clarice Chaglam, enchantée de faire votre connaissance.
- Enchantée, dîtes-vous ? Alors pourquoi votre voix semble faussement ferme ? Pourquoi vos poils sont-ils dressés par endroit ? Vous n'êtes qu'un Skitty effrayé et vous préfériez être à des lieues d'ici.
- Effectivement, vous êtes très fort, répliqua-t-elle en constatant que la réputation de son interlocuteur était à la hauteur du personnage. Ne croyez cependant pas que je vais me laisser démonter aussi facilement par deux trois phrases bien tournées.
- Etes-vous jalouse, Clarice ?
- De quoi ?
- Mais de cette capacité à m'exprimer convenablement quand vous n'arrivez toujours pas à vous détacher de ce parler provincial. Pourquoi tenter de cacher le fait que vous n'êtes qu'une péquenaude derrière un Mouchoir Choix hors de prix qui a dû demander toutes les économies d'une vie ? En apparence, vous tromperez peut-être votre monde, Clarice, mais il suffit de creuser un peu plus profondément pour voir ce que vous êtes en réalité. Une moins que rien.
- Je me suis présentée, mais pas vous. La politesse est-elle le dernier de vos préceptes ?
- Le premier au contraire. Vous vous êtes présentée, Clarice ? Le croyez-vous vraiment ? Pourtant que sais-je de vous en dehors de votre nom que vous avez bien daigné me donner ?
- Déjà beaucoup trop de choses, que vous avez su lire sur mon visage.
- Je ne suis pas convaincu, mais soit : Channibal Persian. Cependant, comme vous êtes étonnement jeune, je vous prierai de m'appeler Dr Persian, en signe de respect, ce dont votre génération n'a plus l'air de se préoccuper.

Clarice Chaglam ne releva pas. Apparemment, son interlocuteur semblait tout particulièrement apprécier l'attention qu'on lui portait. Elle ne lui donnerait pas ce plaisir. Afin de redevenir entièrement maîtresse de la situation, elle annonça d'un ton professionnel la raison de sa visite.

- Dr Persian, je suis ici pour vous soumettre à une nouvelle forme de test psychologique afin de mieux cerner votre profil.
- Mon profil ? Croyez-vous en être capable ?
- J'ai fait de nombreuses études à ce sujet.
- Et je suis l'un des psychiatres les plus réputés du monde pokémon, or même pour moi, certains esprits demeurent encore impossibles à lire. Ne trouvez-vous pas cela ironique, Clarice ?
- Quoi donc ?
- Venir ici dans l'intention d'apprendre à me découvrir quand vous êtes incapable de vous connaître vraiment. C'est triste, non ?
- Je sais tout ce qu'il y a à savoir sur moi-même, je vous remercie, Dr Persian.
- Vraiment ? Dans ce cas, quelle est cette peur secrète qui vous dévore de l'intérieur et qui vous réveille parfois en pleine nuit, tremblante d'épouvante ?
- Passons aux questions, je vous prie.
- Dîtes-moi, Clarice. Connaissez-vous Will Mangriff ?

Elle tressaillit à la mention de ce nom. Bien qu'il soit parti à la retraite longtemps avant qu'elle intègre le bureau de Jack Sablaireau, tout le service le connaissait, elle comprise. Il s'agissait de l'un des plus brillants profilers que la FIAP ait jamais connu, jusqu'à ce qu'une mission le meurtrisse profondément, autant psychologiquement que physiquement.

- Vous ne répondez pas ? J'en conclus que vous avez déjà eu l'occasion d'admirer mon chef-d'oeuvre.
- Oui, même si j'ignorais jusqu'à présent que c'était vous.

Clarice revit en pensée le visage défiguré de Will, suite à la morsure d'un criminel pokémonophage qu'il se devait d'arrêter. Quand toutes ses cicatrices, monstrueuses pour la plupart, lui revinrent en mémoire, elle frissonna. Elle n'arrivait pas à se faire à l'idée que de telles séquelles aient pu être laissées par le pokémon qui se trouvait en face d'elle.

- Vous savez, je crois que je n'ai pas parlé aussi longuement à une personne depuis... depuis mon arrestation, il me semble. Votre présence parait avoir un effet bénéfique sur moi, Clarice.
- Vous m'en voyez fort aise. Maintenant, si vous le voulez bien, nous...
- La lassitude commence cependant à me gagner. Je serais ravi si vous acceptiez de revenie me voir à l'avenir. Peut-être à ce moment là envisagerai-je sérieusement de répondre à vos interrogations.
- Pourquoi pas maintenant ?
- Parce que je n'en ai pas envie. Lundi prochain, serez-vous libre ? Parfait, venez donc ici à quatorze heures, juste après le repas.

Furieuse d'avoir échoué dans la mission confiée par Sablaireau, Clarice Chaglam se redressa sur ses pattes longilignes et, dans dans un mouvement gracieux, s'éloigna le long du couloir. La haute silhouette du Machopeur se découpait à son extrémité. Elle n'eut cependant pas l'occasion de parcourir plus de la moitié du chemin avant que Channibal Persian ne la rappelle.

- Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle en s'immobilisant, mais sans pour autant revenir sur ses pas.
- Tenez-vous vraiment à ce que je réponde à votre questionnaire ou cela n'a d'importance que pour votre chef ?
- Eh bien, je dirais que...

Elle était prise de court : elle désirait par-dessus tout faire bonne impression à Sablaireau, mais de là à dire que l'interrogatoire qu'elle avait à mener l'intéressait réellement, il y avait une mare à franchir. En fait, son ambition la poussait plus à le faire que l'envie véritable d'accomplir son travail.

- Vous vous en moquez éperdument, n'est-ce pas ? Et même si vous réussissez à m'extorquer toutes les informations que convoite ce brave Sablaireau, rien ne prouve que vous obtiendrez l'augmentation que vous souhaitez tellement, ai-je tort ? Que diriez-vous plutôt si je vous l'offrais moi-même, cette augmentation ?
- Je répondrais "bonne journée, Dr Persian".

Clarice reprit sa progression, cependant une dernière phrase parvint à son ouïe fine de féline. Dans son dos, d'un ton légèrement hautain, Channibal Persian venait de lui annoncer :

- Vous reviendrez bientôt me voir par vous-même, agent Chaglam, dès que Monsieur Peau aura encore sévi à Kanto.
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