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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 20
Nom de l'œuvre : Passé - La fin d'un monde Nom du chapitre : XIX - L'Immortel
Écrit par Tyranocif Rex Chapitre publié le : 27/12/2013 à 23:04
Œuvre lue 34661 fois Dernière édition le : 27/12/2013 à 23:04
5 Avril – 4 AM
Narrateur : Inconnu


J'étais trempé. Depuis mon départ du laboratoire dévasté de Rudolph Estenia, niché au sommet du Plateau Indigo, il pleuvait continuellement. L'armure de mon pokémon dégoulinait littéralement d'eau. Le climat, à Kanto, était vraiment très différent de celui auquel j'avais été habitué à Kanto. Il faisait beaucoup plus humide et froid, et la pluie était monnaie courante. En météorologiste amateur, je m'imaginais que cela devait être dû aux hautes montagnes de l'Ouest de Kanto. Ces sommets avaient un nom : la Cordillère de Kanto. Constituée de deux massifs principaux, le Massif Indigo et le Massif Argenté, elle devait empêcher les vents de l'Est de déplacer les nuages d'orage vers Johto. A Johto, la sécheresse était monnaie courante. Pourtant, cela n'avait pas toujours été le cas. Jadis, m'avait appris un jour Xatu, le niveau du Lac Colère était beaucoup plus élevé qu'aujourd'hui. Mais tout finit par changer un jour, y compris la mécanique subtile du climat. A Kanto en revanche, c'était plutôt les épidémies et la culture du riz qui devaient être ravies de ces fortes précipitations.

Mais être trempé ne m'avait pas permis de décider où j'allais. A vrai dire, j'étais dans le même état d'esprit que quinze jours plus tôt : j'errais, sans but. J'étais perdu autant dans ma tête que géographiquement. Alors, faute de destination claire, j'essayais de rejoindre la vallée. Car c'est bien connu : qui dit vallée veut dire plaine ; et qui dit plaine veut dire civilisation. Rejoindre la civilisation me permettrait peut-être de faire le point. Et à vrai dire, que le Consortium soit présent ou non à Kanto, je n'en avais cure. Je voulais m'éloigner le plus possible du plateau Indigo. J'en faisais des cauchemars toutes les nuits, repassant en boucle les évènements depuis mon réveil. Qu'était cette créature qui avait réveillé Mewtwo, et m'avait indirectement réveillé ? Elle semblait mutilée au visage...Et quelque chose en mon for intérieur m'incitait à croire que la première ville dans laquelle j'arriverais m'apporterait les réponses qui me manquait. Ce n'était pas de la foi : j'étais résolu à renier ces fariboles dans lequel Xatu et ses amis m'avait bercé pendant si longtemps. Le monde courrait à sa perte, mais je n'y pouvais rien. Non, c'était plutôt un instinct qui me poussait à continuer d'avancer au lieu de me suicider en tombant dans un ravin. Après tout, la vie des hommes est si futile qu'il faut qu'ils trouvent toujours une raison pour la justifier. Et généralement, plus leur ennui est grand, plus grande est cette justification. En y repensant d'ailleurs, Rudolph Estenia devait souffrir d'un ennui astronomique.

Voilà donc quel était mon unique objectif. Il ne restait plus qu'à l'atteindre. Or, je n'avais pas la moindre d'idée d'où je me trouvais. Il faisait nuit, et ce n'était pas une de ces nuits dénaturées propres aux grandes villes. C'était une nuit noire, sans la moindre source de lumière : la Lune elle-même était voilée par un épais manteau de nuages noirs. C'était une de ces nuits qui étouffent les cris des victimes, condamnées à trépasser des mains de leurs bourreaux dans l'ignorance des gens de bien. Mon pokémon et moi, nous poursuivions notre descente interminable de la Cordillère de Kanto. Avions-nous dépassé la Route Victoire ? Je n'en savais rien. Cette chaîne de montagne semblait être d'une altitude infinie, et ce sentiment d'infinité était renforcé par le fait que la brume oblitérait le panorama. J'avais beau avoir la capacité de voir sans mes yeux, je n'avais pas encore atteint le stade de voir au-delà des obstacles. J'ignorais même si c'était vraiment possible pour un homme d'égaler le don de voyance des pokémons psychiques, fut-ce avec le Don d'Ho-Oh. L'élève pouvait-il dépasser le maître ?

A un moment pourtant, malgré la pluie et la brume, quelque chose me fit penser à autre chose que la fatigue et mes cauchemars. Ce quelque chose, c'était un cri. Un cri sauvage, bestial même, qui déchirait le néant. Il semblait venir du sud-est, par-delà les montagnes. Terrifiant, il l'était assurément puisqu'il nous força instinctivement, mon pokémon et moi, à stopper brusquement notre marche. Nous avions tourné la tête vers l'origine de ce son semblant être sorti tout droit des limbes des enfers. La voix tremblante, je dis quelques mots futiles mais nécessaires.

- Qu'est-ce que...Qu'est-ce que c'était galegon ?

A mes mots, le tank sur pattes se retourna et se mit d'abord à me regarder avec ses yeux bleus et froids comme le métal dont il était constitué. Son regard était neutre. Comme moi, il n'avait pas la réponse à cette question rhétorique. Un instant plus tard pourtant, son regard évolua. Sa pupille s'était déplacée sur la gauche. Il se mit ensuite à émettre un gémissement, strident bien sûr, mais surtout plaintif. Je ne compris pas sur le moment, essayant vainement de calmer mon pokémon. Que lui arrivait-il ? Un instant plus tard, un choc monumental nous frappa par l'arrière. Perdant l'équilibre sur l'étroit sentier montagneux sur lequel nous étions, moi comme mon fidèle ami tombâmes dans le ravin. C'est là que je finis par perdre connaissance.

Etais-je mort ? Etions-nous morts ? La dernière chose que j'avais vue avant de perdre connaissance était un ravin plongé dans la brume qui m'empêchait de voir le fond. Et puis, plus rien. La chute était sans nul doute mortelle. Et pourtant non, je n'étais pas mort. Au bout d'un moment, je commençai à m'entendre respirer de nouveau. Je n'étais pas le seul à respirer : j'entendais un bruit rauque de respiration aussi, tout près de moi. A mesure que je reprenais connaissance, les contours de mon environnement s'affinaient. Je me trouvais au pied d'une falaise, la même de laquelle j'avais dû tomber tantôt. Le sol était jonché de gravas, et en particulier deux gros blocs de roche attiraient mon attention. Ils se trouvaient à gauche et à droite de moi, coupés en deux. Mais ce n'était pas une coupure naturelle, elle était trop régulière pour ça. C'est la présence de galegon devant moi, quelques gravas plus haut, qui me donna l'explication manquante. On voyait bien que son armure avait été tailladée, mais elle était restée quasiment intacte. Dans notre chute, du fait de son poids plus élevé que le mien, il avait dû arriver en bas avant moi. C'est cette précocité qui devait lui avoir permis de se positionner de façon à briser et dévier cet énorme bloc rocheux afin qu'il ne m'écrase pas lors de mon atterrissage.

Les galekid, les galegon comme les galeking sont une espèce de pokémon dont l'endurance est réputée depuis la nuit des temps. Au même titre que les ailes d'airmure ont servi jadis à la fabrication des armes blanches des hommes des temps anciens, la nature a pourvu à cette espèce de pokémon des montagnes des aptitudes défensives extraordinaires. Ils ne font pas que vivre dans la montagne : elle est la base de leur alimentation. C'est cette ingestion continue de roche et de minerai qui leur confère cette fantastique armure. Et pendant ces longs mois où j'étais inconscient dans le module de stase du laboratoire de Rudolph Estenia, il avait absorbé des quantités immenses de métal. Bref, sans galegon j'aurais certainement trépassé. La nature fait bien les choses, et depuis mon départ du Plateau Indigo c'était bien la première fois que je recommençais à douter du défaitisme qui était le mien depuis les révélations de l'ancien Directeur Scientifique du Consortium. Une chance pareille n'était pas une chance : c'était littéralement un miracle ! Et les miracles ne frappent que les Elus.

Mais les miracles, il ne faut pas en abuser. Je me relevai donc du sol sablonneux qui avait encaissé le choc de ma chute. Cela me faisait d'ailleurs penser que cette chute ne devait pas avoir été si grande que ça. Une fois debout, je réveillai mon pokémon. Il avait mal à la tête, et cela n'avait rien d'étonnant vu le choc stratosphérique qu'il venait d'encaisser. Le rocher devait bien faire plusieurs tonnes. Affectivement, je lui dis quelques mots et surtout je décidai de faire quelque chose qui montrait bien ma gratitude.

- Allez, debout mon garde du corps favori et merci encore. Sans toi, j'y serais resté. Tu mérites bien que je te montre plus de considération maintenant. Tiens, j'ai une idée : je vais te donner un nom. Parce que nommer le pokémon qui t'a sauvé selon le nom de son espèce, c'est faire preuve d'une condescendance que je serais bien incapable de simuler après ce que tu as fait pour moi. Je vais t'appeler...hum, bonne question : comment je vais bien pouvoir t'appeler. Tu as une idée, char blindé sur pattes ?

En me regardant, le regard du pokémon acier habituellement si froid se mit à pétiller. Il se mit ensuite à révéler le nom qu'il souhaitait avoir désormais, ou tout du moins j'essayai de traduire son cri en langage humain compréhensible.

- Skryuld

Il avait dit Skryuld. C'était un nom un peu difficile à dire sans l'écorcher tout de même. Je lui proposai Skuld, j'aimais bien la sonorité de ce nom. C'était un nom froid, qui inspirait le respect sans être non plus caricatural. Il acquiesça de la tête. L'affaire était conclue.

- Skuld te va ? Magnifique ! Tu t'appelleras désormais Skuld. Maintenant, on a plus qu'à explorer les environs. Tu sais où nous sommes ?

Le pokémon hocha de la tête négativement. Je me retournai, dos à la montagne. La bonne nouvelle, c'était que nous avions enfin atteint les plaines de Kanto. Ce n'était pas trop tôt j'avais envie de dire : quinze jours dans la Cordillère de Kanto à manquer de se tuer à chaque virage, ça va un moment mais on a vite fait le tour. La mauvaise nouvelle...c'était que nous nous trouvions dans une ville en ruines. Partout, tout n'était que maisons en ruines et cadavres encore frais. L'ambiance de l'endroit était à glacer le sang. C'était comme si le feu nucléaire avait été déclenché ici. Seulement quelques heures plus tôt, on imaginait encore cette cité pleine d'animation. Enjambant les morts, nous atteignîmes bientôt ce qui semblait être la rue principale de la ville. C'est là qu'un panneau, effondré sur le sol et cassé en deux, nous terrifia encore plus.

Bienvenue à Jadielle


Jadielle ? Nous nous trouvions à Jadielle, la fameuse cité florissante de Kanto qui avait vécu pendant des siècles de sa situation géographique privilégiée entre le Plateau Indigo et le reste de la région ; mais aussi des échanges avec Johto. Et bien, cette cité était détruite. Cette cité, il n'en restait plus rien hormis la chape de plomb de la mort. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer ici. Cherchant de son côté des indices, Skuld brisa le silence morbide du lieu pour m'avertir. Il se trouvait devant un des cadavres, adossé à un des piliers de la façade d'un bar. Accourant à ses côtés, il me signala de regarder la tête de l'infortuné bonhomme. Une autre surprise de taille m'attendait : il avait un V rouge marqué sur son front, exactement comme si on le lui avait gravé au fer rouge au cours de je ne sais quelle macabre procédure de torture. En regardant les autres cadavres, je remarquai que toutes les victimes avaient le même symbole. Manquant de vomir, je m'assis sur un des bancs situés au milieu de la rue en indiquant à Skuld de me suivre. Le pokémon obtempéra, pas plus à l'aise que moi. Une fois assis avec mon pokémon juste devant moi, je me mis à lui parler afin de mettre de l'ordre dans mes idées.

- Alors Skuld, qu'avons-nous là ? D'un côté, on a Jadielle en ruines. Tous les bâtiments ont subi des dégâts matériels importants, et les habitants sont tous morts avec un V rouge marqué sur chacun de leur front. De l'autre, il y a cette vision apocalyptique que j'ai eue il y a un an dans les Ruines d'Alpha. Que disait cette vision ? D'abord, une ville paisible comme tant d'autres. Puis, des secousses sismiques et des éruptions volcaniques qui réduisent la cité en cendres. Enfin, trois V en lettre de feu pendant que cette œuvre de destruction s'accomplit. Il n'y a pas de volcans à Kanto, et je n'ai vu aucune faille sismique dans les environs. En revanche, le V sur la tête de ces pauvres gens est exactement le même que celui dans ma vision. J'ai le sentiment que les deux évènements sont liés, mais je n'arrive pas à comprendre comment...

Après avoir achevé mon monologue, complètement désespéré, je mis mes mains sur ma tête et resta prostré ainsi à la manière d'un philosophe dépressif pendant un bon moment. Je voulais comprendre, mais je n'avais pas les clés pour ça. Quelque chose devait m'échapper : peut-être le cri dément que j'avais entendu peu avant ma chute avait un lien avec cette hécatombe dans laquelle je me trouvais ? Ou peut-être n'en avait-il, je n'avais aucun moyen de vérifier ou infirmer cette hypothèse. Quant à Skuld, il resta longtemps muet comme un magicarpe. Jusqu'à ce que quelque chose n'attire son attention et ne le pousse à crier. Ce cri était d'abord faible. Puis, il se renforça progressivement jusqu'à devenir si aigu qu'il ne me force à sortir de l'état second dans lequel je me trouvais pour crier d'agacement sur mon pokémon.

- Tais-toi Skuld ! J'essaie de réfléchir.

C'est là que la terreur me frappa de nouveau. Devant nous, à cinq mètres, une substance blanche, liquide et apparemment gluante, se déplaçait vers notre direction. D'effroi, je m'étais voûté dans mon banc tout en susurrant quelques mots inutiles.

- Qu'est-ce que...Qu'est-ce que c'est que cette chose ? Skuld, protège-moi !

Discipliné comme un vrai soldat, mon char blindé favori fonça droit sur la substance blanche. Mais la discipline ne suffit pas apparemment pour remporter tous les combats. Arrivé au contact avec la substance gluante, Skuld se fit happer par elle. C'est à ce moment que la chose se dressa avec une flexibilité ahurissante à plus de deux mètres de haut, avant de lancer mon infortuné pokémon sur ce qui semblait avoir été dans une autre vie un magasin. La chose, restée dressée, continua ensuite à se rapprocher de moi. Elle n'était plus qu'à quatre mètres. Elle n'était plus qu'à trois mètres. Mon cœur battait la chamade : était-ce un pokémon ? Elle n'était plus qu'à deux mètres. Elle n'était plus qu'à un mètre. Dans un ultime sursaut dont je ne m'imaginais même pas capable, je bondis de mon banc et fit un saut arrière afin de me retrouver derrière le petit square dans lequel je me trouvais auparavant. La chose bondit à son tour. Je regardai sur ma gauche, dans le magasin : Skuld n'en jaillissait pas. Faisait-il la sieste, ce feignant ? Je ne pouvais compter que sur moi-même désormais.

- Qu'es-tu, entité ou quelle que soit ton nom ? C'est toi qui es responsable de ce carnage ?

En m'entendant, l'impossible se produisit. La substance blanche non identifiée arrêta d'avancer. Elle se mit ensuite à émettre une voix étrange.

- Allons, jeune homme. Tu me donne de bien mauvaises intentions alors que je ne fais que jouer avec toi. Ou peut-être devrais-je dire...Prophète ?

Je ne comprenais décidément rien de rien. Non seulement cette chose parlait le langage des hommes, mais en plus elle connaissait le nom que tous ceux qui m'avaient rencontré jusqu'à présent avaient utilisé pour me nommer. Une chose était sûre : ce n'était pas un pokémon, même s'il n'avait pas de forme humaine. C'est là qu'un éclair de génie me traversa, même s'il pouvait sembler insignifiant.

- Qui es-tu ?

La chose, qui s'était arrêté exactement deux mètres devant moi, se mit alors à éclater de rire. Puis, elle se rétracta de quelques centimètres avant de me répondre.

- Tu as enfin compris. Je suis celui que le Consortium a cru avoir détruit. Je suis celui qui a combattu le 22 Mars dernier au sommet du Sanctuaire de Destoros, sous une pluie battante et malgré l'orage, deux de leurs meilleurs agents. Je suis le seul survivant de l'Ancienne Race. Je suis Octave, et nul ne pourra jamais me tuer. Et pour te le prouver, observe ce que je vais accomplir sous tes yeux.

Instantanément après s'être tu, la chose se mit à se gondoler comme une anguille et à s'épaissir. Un bras jaillit de la partie supérieure gauche de son corps. Puis un autre, cette fois sur la droite. Plus bas, c'est deux jambes qui émergèrent de ce corps spongieux. Et enfin, une tête qui m'était familière. Le reste de la substance blanche soit dégoulina sur son corps jusqu'à se répandre sur le sol, soit se solidifia progressivement jusqu'à se transformer en vêtements. La chose s'était mutée en homme, et pas n'importe quel homme : il avait dit vrai, il s'agissait d'Octave. Le même Octave qui m'avait aidé à m'échapper le 22 Mars de l'année dernière. Littéralement halluciné, je m'effondrai sur le sol tout en le regardant. Je lui répondis, mais le choc était tel que je bégayais fortement.

- Mais...Mais c'est impossible ! Tu es mort, Rudolph Estenia m'a dit que c'était Antoine qui t'avait tué. Comment est-ce que cela peut être possible. Et pourquoi ce stratagème ? Tu aurais pu nous tuer, tu as vu ce que tu as fait avec Skuld ?

Après avoir définitivement repris forme humaine, Octave sourit et me répondit d'une voix douce. J'avais encore du mal à concevoir que c'était vraiment lui et non encore un des innombrables pièges que me tendait le destin depuis le début de mon aventure.

- Skuld ? Ah, ça doit être ton pokémon. Si tu as du mal à me croire, souviens-toi de ce que je t'ai dit : les Destogorides ont reçu des Douze la capacité de prendre la forme de n'importe quel pokémon. La forme que tu as vue de moi est celle d'un métamorph. Et les métamorph n'ont pas seulement la faculté de copier le patrimoine génétique de n'importe quel pokémon : cela vaut aussi pour les Destogorides, qui contiennent les mêmes gènes que les métamorph. Tu n'as pas tout à fait tort quand tu dis qu'Antoine m'a tué. C'est vrai, il m'a donné le coup de grâce. Et un être humain normal, où même un Destogoride comme les autres, aurait trépassé. Mais il y a quelque chose que je ne t'ai pas dit à mon propos.

Voit-tu, de tous mes semblables j'ai toujours été le plus érudit. Et c'est encore plus vrai pour ce qui concerne les sciences que les miens ont toujours méprisées, c'est-à-dire les sciences du monde terrestre. J'ai étudié, jadis, la génétique avec Rudolph Estenia. Sait-tu qu'il fut un temps où cet homme n'était pas le monstre qu'il est aujourd'hui ? Il m'a appris indirectement comment survivre à la mort, en copiant ses cellules dans le génotype d'un métamorph et en les rajeunissant avec celles d'un tentacool. Oh bien sûr, quand il m'a enseigné cela il parlait des pokémons. Un simple humain ne pourrait faire cela avec son propre génome. Mais moi, j'ai appris à le faire. Extérieurement, j'étais peut-être mort. Mais intérieurement, ma résurrection était déjà en cours. Et fort heureusement, sembler mort est amplement suffisant pour berner cette amphore creuse de Sardonis. Tant que mon ADN est intact, je peux renaître.


On se croirait dans un film de science-fiction. Pourtant, à bien y réfléchir son raisonnement était correct : Xatu m'avait appris un jour que les tentacool avaient une particularité. En mourant, leurs cellules retombent en enfance et ils redeviennent, en quelque sorte des bébés méduse...sans jamais mourir. C'est exactement ce qu'avait fait Octave. Et, pour le dire franchement, il était bien le seul que je connaisse à avoir été capable de faire une chose pareille. Mais si c'est Rudolph Estenia qui lui avait appris tout ça, alors j'étais rudement content qu'il ne soit pas lui aussi Destogoride. Un peu honteux d'avoir été sceptique à l'égard de cet esprit à l'intelligence rare, je repris la conversation avec lui.

- Bon, je te crois. Merci pour le cours de génétique, mais ce n'était pas une raison pour autant de nous faire une peur pareille. En tout cas, je suis rudement content de retrouver quelqu'un qui ne soit pas une des choses de Rudolph Estenia, peut-être que tu vas pouvoir nous aider à comprendre ce qu'il s'est passé ici ?

Je sentais qu'il savait quelque chose. Après tout, c'était un Destogoride et de surcroit le plus sage d'entre eux. Il devait savoir quelque chose. D'un air grave, il me répondit tandis que je l'écoutais avec attention.

- Ecoute : que sais-tu au sujet de la Lune Noire ?

Un peu intrigué, je lui répondis tout de même sans trop comprendre où est-ce qu'il voulait en venir.

- Heu si tu veux, mais je ne sais pas grand-chose. Tout ce que je sais, c'est que c'est le chef des Xort'Udur, qu'il fit jadis partie intégrante de Giratina et qu'on l'appelle communément Darkrai. Mais pourquoi cette question ? Tu crois que c'est lui qui est responsable de tout ça ?

En m'écoutant, Octave faisait les cent pas. Il semblait nerveux, et surtout pressé. Le Destogoride finit ensuite par répondre à son tour.

- Oui, mais il n'est pas le seul. Je sens qu'une autre force a été à l'œuvre ici. Elle a combattue la Lune Noire, mais elle n'est ni bonne ni mauvaise. Elle ne cherche qu'à se venger. Maintenant, il faut partir. Récupère ton pokémon et suis-moi, nous devons aller à Argenta.

Non seulement sa réponse ne faisait qu'accroitre les questions que je me posais au lieu de les réduire, mais en plus il voulait que nous partions. Oui, décidément je comprenais de moins en moins ce qui se tramait ici. Que faisait Octave ici d'ailleurs ? M'attendait-il...ou avait-il vu ce qui ressemblait à s'y méprendre à une bataille ? Si oui, il devait me cacher des choses. Malgré le respect qu'il m'inspirait, j'osai l'importuner une dernière fois.

- Mais pourquoi ? Tout est mort ici, de quoi as-tu peur ?

Pour toute réponse, j'eus un regard. Et ce regard autoritaire ne m'incitait pas à pousser plus loin mes investigations. Après m'être dirigé vers le magasin dans lequel avait atterri mon pauvre Skuld, j'entrai et le récupéra. Il s'était endormi. C'est vrai que briser un rocher de plusieurs tonnes avait dû le fatiguer, le pauvre. Je parvins néanmoins à le réveiller et à le persuader de me suivre. Je rejoignis ensuite Octave. Voyant pour la première fois mon pokémon, il le regarda avec intérêt en souriant. Les sourires du Destogoride étaient vraiment toujours aussi mystérieux. Ils voulaient à la fois tout dire et rien. Mais peu importait pour le moment : le temps venu, il répondrait à mes questions. J'en étais convaincu. Avant de partir pour de bon de cette Jadielle en ruines, je lui jetai un dernier regard empli de pitié. Puis, nous reprîmes la route avec mon mentor revenu d'entre les morts. La route au nord de Jadielle semblait hélas aussi dévastée que la ville qu'elle desservait. Etait-ce cela l'avenir du monde : des villes en ruine et la mort régnant en impératrice du néant partout ? Au sortir du laboratoire du Plateau Indigo, j'avais pris la résolution d'être indépendant et de laisser crever au profit de ma petite personne. Il faut croire que je m'étais fourvoyé une fois de plus. Nous sommes les esclaves du destin. Ceux qui veulent y échapper sont toujours rappelés à leur responsabilité. Quoi que l'on fasse, il est hautement probable que ce que l'on accomplira sera futile. Mais au moins, le jour du Jugement Dernier on pourra mourir l'âme en paix avec le sentiment d'avoir tout fait pour contrer un destin que l'on refuse. Il vaut mieux vivre éternellement par ses actes de son vivant plutôt que d'être, littéralement, un mort-vivant fataliste et mort dans l'inaction. Tout le reste n'a aucune importance et n'est que vanité.
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