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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 25
Nom de l'œuvre : Passé - La fin d'un monde Nom du chapitre : XXIV - Deus Vult
Écrit par Tyranocif Rex Chapitre publié le : 27/12/2013 à 23:07
Œuvre lue 34666 fois Dernière édition le : 27/12/2013 à 23:07
26 Avril - 4 AM
Narrateur : Inconnu


La porte d'or semblait scellée à jamais. Cent vingt kilos de muscles et de métal avaient tenté en vain de l'ouvrir ou, à défaut, de la fracturer. Et pourtant, c'est en plaquant puissamment ses deux mains sur les deux parties du portail qu'Octave parvint à faire ce qu'aucun homme ni aucun pokémon n'avait jamais fait depuis l'origine du monde. Immédiatement après avoir apposé ses mains sur l'épaisse couche d'or, Octave se mit en effet à émettre une étrange énergie bleue. Cette énergie bleue entourait tout d'abord son corps d'un halo azuré, mais elle se concentra très vite sur ses mains pour ensuite se disperser en arc de cercle à la manière d'une onde de choc sur toute la surface du portail. Le souffle émis fut tel qu'il éteignit les deux torches de la pièce proches du portail. Dans un bruit d'engrenages, le portail finit par enfin s'ouvrir dans la pénombre. Les pouvoirs quasi-magiques d'Octave auraient pu étonner un néophyte. Et, pourtant, c'était tout à fait logique. C'était tout à fait logique parce que comme le disait lui-même mon mentor, il était un Destogoride. Et les Destogorides sont les gardiens des temples sacrés des Douze. Quel gardien pouvait être crédible s'il n'avait pas les clés de ce qu'il était chargé de protéger ?

L'ouverture du portail révéla un vortex d'énergie azuré dont l'apparition provoqua un puissant courant d'air dans toute la pièce. La brutalité de ce souffle était tel qu'il acheva d'éteindre les torches qui avaient encore l'outrecuidance d'être allumées. Comme tous les vortex, un souffle puissant cherchait à aspirer tout ce qui se trouvait à proximité. J'avais du mal à rester immobile sur mes pieds tellement sa puissance était grande. Même Skuld, malgré sa centaine de kilos bien assumée, subissait les effets de ce cyclone d'énergie. Oh, bien sûr, il tentait de résister. Mais cette initiative était vaine : il avançait inexorablement. Quant à moi, j'admirais non sans crainte la beauté de cet œil de cyclone qui me faisait face. Me dévorer, cet œil de Polyphème le désirait ardemment. S'exaspérant face à mon stoïcisme tant poétique qu'inapproprié, Octave me prit par la main et me dit quelques mots afin de me sortir de ma torpeur.

- Qu'attends-tu ? Nous n'avons pas de temps à perdre. Tu te trouves en présence du fameux portail dimensionnel dont je t'ai parlé. Il nous mènera directement là où se trouve Electhor : dans sa prison dimensionnelle, dans les limbes du Monde Distorsion. Accroche-toi, ça va secouer.

Aussitôt après il sauta dans le vortex avec moi. Skuld nous suivit également de près malgré ses réticences. Se trouver dans un vortex avait quelque chose d'hypnotique. Décrire cette sensation avec des mots était très difficile. Mais pour le dire simplement, nous étions en apesanteur dans un tunnel d'énergie, secoués comme un sac de patates par d'innombrables fluctuations dans l'air. Surtout, tenter de changer sa trajectoire était aussi vain que dangereux. En effet, en le faisant on courait le risque de se faire démembrer à tout moment sous l'effet de ces vents à la puissance incalculable. Même mon pokémon, malgré son poids, semblait plus léger qu'un granivol. Il nous posait d'ailleurs un gros problème, puisque ce vortex faisait de lui un véritable boulet de canon incontrôlable qui manquait de nous blesser mortellement à chaque fois qu'il passait devant nous. Fort heureusement, après quelques minutes de frayeur intense, la fin du tunnel jaillit devant nous sous la forme d'un éclat de lumière intense. Comment pouvais-je discerner de la lumière, moi qu'un fantaisiste pokémon oiseau avait rendu aveugle ? Je ne la discernais pas vraiment, en tout cas pas au sens strict. Ce halo luminescent, je le détectais par le biais d'un phénomène qui me surprit moi-même. Etrangement, j'avais senti qu'Octave et Skuld avaient fermé leurs yeux. Oui, pour le commun des mortels ce genre de dires passerait aisément pour de la folie. Et pourtant c'était la stricte vérité. Je venais en effet de redécouvrir une aptitude que j'avais fini par oublier : lorsque d'autres êtres vivants m'étaient proches, j'étais capable de ressentir tout ce qu'ils faisaient avec leur corps. C'était la première fois qu'un tel pouvoir s'exprimait depuis plus d'un an. Etait-ce donc là ce que voulait dire Xatu lorsque, jadis, il me dit ces mots emplis de mystère : « tu vois ce qu'ils ne verront jamais ». Depuis mon départ de mon foyer natal de la maintenant lointaine Johto, jamais plus ce pouvoir ne s'était exprimé. Etait-ce le début de ce qu'on appelle la télépathie ?

Après le halo de lumière argentée, le vortex s'ouvrit dans un espace gazeux, obscur et surtout indéterminé. C'est à ce moment précis qu'il nous expulsa définitivement. Nous tombâmes sur une surface probablement rocheuse si j'en croyais le mal de dos que je ressentis immédiatement après ma chute. Skuld, quant à lui, ne semblait aucunement désapprouver cette surface si familière aux pokémons roche. Il faut croire que le malheur des uns fait le bonheur des autres. Le seul à ne pas manquer sa chute fut Octave. Il avait en effet réussi à prendre exactement le bon angle à la sortie du vortex, ce qui lui permit de retomber sur ses pieds avec une grande classe. Nous voyant au sol et complètement hébétés, il ne put s'empêcher d'esquisser un de ces sourires agaçants dont il avait le secret. Mais cet agacement eut au moins le mérite de me pousser à me relever, tandis que je grommelais des mots que la morale réprouve dans le même temps. Ce n'est qu'une fois debout que je pus me rendre compte de la nature réelle de l'endroit où nous avions atterri.

Les cieux étaient plus noirs que le cœur de la Lune Noire. De çà et là, des éclairs venus de nulle part jaillissaient et éclairaient très brièvement notre environnement avant de disparaître. L'aspect sinistre de tout ce décorum gothique m'était hélas familier. Et cette familiarité ne fit que se renforcer lorsque je me mis à examiner le panorama. Nous nous trouvions sur une sorte de plate-forme en pierre qui flottait dans les airs en défiant les lois de la physique. Mais le plus comique se trouvait en face de nous. Un immense escalier montait en effet vers une autre plate-forme du même type, qui avait simplement pour particularité d'être beaucoup plus grande et d'être située en hauteur. L'escalier semblait être l'œuvre d'un recalé en école d'architecture, puisqu'il se tordait sur un axe horizontal dans tous les sens sous la forme d'une spirale qui faisait penser à un serpent. Cette spécificité posait un problème certain pour les éventuels piétons, puisque les dalles se trouvaient du même coup en violation totale de la gravité. Suivre l'unique chemin signifiait de facto marcher la tête en bas. Oui, il n'y avait aucun doute à avoir : nous étions dans le Monde Distorsion. Et cette fois, nulles âmes n'étaient là pour nous guider et aucun éclat oculaire rougeoyant n'illuminait le néant au loin afin de nous inviter à converser avec le maître des lieux.

Le fait que nous avions atterri ici, dans le royaume des morts, confirmait la théorie d'Octave selon laquelle la Lune Noire avait pris le contrôle des Colonnes Lances et emprisonné les Douze ici. Ce n'était donc pas bon signe. Pour autant, l'endroit ressemblait à tout sauf une prison. Intrigué, je fis part à mes interrogations à Octave.

- Heu, tu es sûr que c'est ici la fameuse prison spirituelle dont tu parlais ? Ça n'a pas l'air vraiment très différent du reste du Monde Distorsion.

Le Destogoride s'était avancé à une dizaine de mètres de moi, au pied de l'escalier distordu. Il fixait la plate-forme qui se trouvait au sommet, comme plongé lui aussi dans ses réflexions. Au bout d'un moment, il finit néanmoins par me répondre tout en s'amusant d'une question qu'il semblait trouver farfelue.

- Tu croyais trouver quoi dans le Monde Distorsion ? Des barreaux avec un geôlier ? Quoique, un geôlier nous attend peut-être là-haut. Mais pour ce qui concerne les barreaux, réfléchis un peu. Nul n'est besoin d'ériger des frontières pour signifier l'enfermement. Regarde autour de toi : vois-tu une sortie ? Ce lieu de perdition est en soi une prison où nul ne peut fuir sans en avoir les clés. J'ignore ce que nous rencontrerons en haut de cet escalier, mais tiens-toi sur tes gardes. Ici, le danger est partout.

C'est sur ces mots qu'il termina avant de commencer à gravir le fameux escalier. Je lui emboîtai le pas immédiatement sans oser lui répondre. Après tout, nous n'avions spécialement le temps de tenir un salon de thé alors qu'un dieu devait être libéré des griffes des sbires de la Lune Noire. Tout en marchant, je regardais l'horizon. Ce serpent de pierre était d'une longueur astronomique. C'est à peine si l'on pouvait apercevoir son terme, situé loin en hauteur. Pour autant, le plus perturbant pour moi était ailleurs. Je redoutais le moment où le cheminement de l'escalier allait nous conduire à faire fi de la gravité, et donc à nous retrouver la tête en bas. Qu'allait-il se passer à ce moment-là ? Allions-nous tomber dans le vide ? Lorsque le moment fatidique arriva et que les dalles commencèrent à progressivement basculer verticalement, je m'arrêtai net. J'étais comme figé par le vertige, paralysé par la peur de tomber. Je demeurai ainsi pendant plusieurs bonnes minutes, jusqu'à ce qu'Octave arrive et me force la main non sans une pointe d'agacement.

- Et bien, qu'attends-tu ? Ne me dis pas que tu n'as jamais expérimenté la gravité si particulière du Monde Distorsion. C'est pas vrai, mais qu'as-tu fait lorsque tu étais chez Giratina ? Tu bronzais ? Très bien, je vais passer devant toi pour te montrer qu'il n'y a absolument aucun danger. Mais tu as intérêt de me suivre de près !

Joignant le geste à la parole, Octave se remit ensuite à avancer. Et contrairement à ce que je craignais, ses pieds restaient solidement au contact des marches alors même que son corps se trouvait maintenant à l'horizontale par rapport à moi. Ses pieds se trouvaient à ma droite, au niveau de ma tête. C'était inconcevable, et pourtant il fallait bien que je me rende à cette évidence : les lois de la physique, le Monde Distorsion n'en avait cure. Dans cette dimension parallèle, la gravité s'exerçait à partir des entités solides qui flottaient dans le vide un peu partout. En quelque sorte, chaque escalier, chaque plate-forme constituaient autant de terres qui exerçaient chacune leur propre champ de gravité. Fort de cet enseignement, je m'engageai à mon tour dans la seconde partie de l'escalier. Très rapidement, la vision que j'avais du panorama changea du tout au tout. Le haut était devenu le bas. La droite était devenue la gauche. S'orienter était devenu impossible. C'est à peine si je pouvais distinguer le début de la fin de l'escalier, l'alpha de l'oméga, notre lieu de départ de notre destination. Heureusement, Octave était là pour me guider. Finalement, après bien des vertiges et hallucinations topographiques, nous atteignîmes le sommet de l'escalier.

Au sommet, l'escalier débouchait sur la plate-forme que nous avions repérée plus tôt. La plate-forme était assez grande et forme rectangulaire : il fallait donc en faire le tour pour essayer de trouver l'endroit où était emprisonné Electhor, et tenter de le délivrer. Sans le soutien d'un dieu, nous étions démunis pour lutter contre les forces innombrables de nos adversaires. Après être arrivés au milieu de cette île flottante, nous finîmes par découvrir quelque chose d'étrange. Au sol, on pouvait voir une immense dalle circulaire en obsidienne sur laquelle semblait être gravée un dessin. Octave, tout comme moi, inspectait attentivement la dalle tout en la longeant en prenant garde de ne pas marcher dessus. Qui sait, cela pouvait être un piège : on n'était jamais trop prudent. Finalement, Octave se résolut à rendre la conclusion à laquelle j'étais également parvenu.

- Un long bec, des ailes qui prennent la forme d'éclairs, un regard perçant : pas de doute, cela ne peut qu'être Electhor.

Cela tombait sous le sens : aucun pokémon ne ressemblait à Electhor. Je me souviens de ma rencontre avec cette déité. Ce qui m'avait frappé à l'époque, et qui m'est resté en mémoire jusqu'à aujourd'hui, c'est cette sévérité extrême dans le regard. Regarder Electhor dans les yeux, c'est exactement comme se retrouver face à un juge impitoyable qui ne pardonne jamais. Cette intransigeance se retrouvait dans le regard de l'Electhor qui était représenté sur la dalle. C'était comme s'il avait été pétrifié par une force occulte et que son dernier regard avait été gravé dans l'obsidienne. A mon tour, je finis par prendre la parole afin de faire part de mes interrogations à Octave.

- Tu penses que...c'est cela la prison spirituelle d'Electhor ? Tu penses que son âme et son corps ont été scellés là-dedans ?

Mon mentor s'apprêtait à répondre par l'affirmative au vu du hochement de tête d'approbation qu'il faisait. Mais il ne put me répondre. Soudainement, comme venue de nulle part, une musique surnaturelle se fit entendre. Le bruit était d'abord sourd, mais il devint très rapidement de plus en plus audible. On reconnaissait le son caractéristique de l'orgue. Le rythme était lent, la mélodie était triste. Tous deux surpris et pris de panique à l'idée d'avoir été repérés, nous regardions et courrions dans toutes les directions dans l'espoir de localiser l'origine de cette musique. Mais quelle que soit la zone vers laquelle nos sens se focalisaient, nous ne rencontrions qu'une chose : le néant, et cette mélodie lugubre. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes qu'un mystérieux musicien jaillit progressivement des cieux aux commandes d'un imposant orgue noir et doré. Le son qu'il émettait avec ses doigts noirs de pianiste empli de maestria était maintenant très puissant, emplissant le royaume des morts jusqu'en ses confins les plus oubliés. Dans une vision qui faisait penser à celle d'un ange descendant du paradis, il se dirigeait droit vers nous en réduisant lentement son altitude. C'est comme s'il voulait prendre son temps. Le mystérieux mélomane volant était difficile à décrire dans la pénombre. Et cette description était d'autant plus difficile à accomplir qu'il était positionné dos à nous, face à son instrument de musique qui vociférait aussi fort qu'un brouhabam en colère. Toutefois, au fur et à mesure qu'il se rapprochait de nous on pouvait voir que son corps semblait ceinturé d'anneaux dorés au niveau des bras et du milieu du dos. Quant à son ventre, il se révéla très vite fort corpulent.

L'être jailli du néant se trouvait à présent à une cinquantaine de mètres de nous alors même qu'Octave, moi et même Skuld étions tous trois pétrifiés par ce spectacle inattendu. Nous nous attendions à être attaqués à tout moment par je ne sais quel pokémon ténèbres ou spectre. A bien regarder le musicien, il pouvait en effet être rattaché à une espèce de pokémon accoutumé à l'empire des ombres. Mais comme cette entité se trouvait dos à nous, je n'étais pas encore sûr d'avoir bien cerné l'identité de cet étonnant personnage. Toujours est-il qu'au lieu de nous attaquer, il interprétait une symphonie avec nonchalance. N'était-ce pas absolument improbable en un lieu pareil ? La réponse à toutes ces interrogations vint lorsque, tout en continuant à jouer, il se mit à déclamer un poème en rythme avec la musique. Décidément, nous allions de surprises en surprises dans cette prison spirituelle qui ressemblait à tout sauf une prison.

Que fais-tu ici ?
Là où les vivants refluent
Ne sais-tu point que le Seigneur ne règne plus ?
Pourquoi viens-tu tourmenter l'âme vidée d'une déité du passé

Oui, je sais ce que tu crois
Tu crois que je suis l'émanation du Mal
Tu crois que je ne vis que pour le chaos
Tu crois que je suis l'esclave du nouveau maître des cieux
C'est ainsi que ma race est vue par le plan des vivants
Mais, par vos Douze et par ma Lune
Qu'il est triste que le manichéisme te rende lige

Lune, Ô Lune
Pourquoi moi, mélomane nocturne
Pourquoi moi, celui que tous vénèrent
Pourquoi dois-je administrer le Requiem
A ceux pour qui tu ne figures pas parmi les dieux
Comme je suis las de tout cela

Que fais-tu ici ?
Veux-tu finir comme l'oiseau doré
Noyé dans une éternité d'ombre
Ne me dis pas que tu veux ressusciter cette idole
Alors que partout le monothéisme triomphe de l'archaïsme
Marcherais-tu contre le temps ?

Mais si ton désir est de le rejoindre
Ainsi soit-il


La dernière note que le musicien-poète fit fut aussi le dernier vers qu'il déclama ainsi que le moment précis où son orgue atteignit le sol, juste devant nous et la dalle sur laquelle figurait la gravure d'Electhor. La maîtrise musicale et rythmique de cette créature à l'allure anthropomorphique était extraordinaire, et était le signe d'une très grande intelligence. Une fois que le silence était revenu dans le Monde Distorsion, il resta immobile quelques instants comme s'il était figé. Puis, il se leva brusquement de son orgue et nous fit pour la première fois face. Ce qu'il révéla de lui ne fit que je confirmer ce que je redoutais. Un œil unique, un ventre qui ressemblait à un visage et une substance gazeuse qui remplaçait des jambes inexistantes : ce musicien n'était autre qu'un noctunoir titanesque. Son œil unique nous fixait obsessionnellement tandis que son ventre souriait. J'étais pétrifié : le pokémon avait une allure si écrasante qu'il était impossible de ne pas se sentir dominé psychologiquement lorsqu'on lui faisait face. En revanche, Octave était comme d'habitude imperturbable. Plein d'aplomb, il s'adressa au pokémon spectre.

- Enfin nous t'avons trouvé, sbire de la Lune Noire. Joli concert, mais ne crois pas que la poésie nous a fait baisser notre garde. Je mettrais néanmoins à ton crédit que tu as probablement fait l'entrée la plus recherchée que j'ai vue depuis bien longtemps dans les rangs de tes amis. A présent, à moins que tu ais encore un concerto à nous jouer tu nous excuseras mais nous avons un dieu à réveiller. En garde, on va voir si tu maîtrise aussi bien l'art des armes que ton orgue.

Il faut croire que l'audace d'Octave n'avait aucune limite. J'avais bien essayé d'indiquer par signes interposés au Destogoride de se calmer et d'essayer de dialoguer avec un ennemi moins bourrin que la moyenne de ceux que j'avais rencontré jusqu'ici, mais il m'avait indiqué poliment de me taire. Quant au noctunoir, sa réponse me fit très clairement comprendre qu'il était dans le même état d'esprit que moi.

- C'est d'un ennui tous ces mortels qui se prennent pour des dieux. Et c'est d'autant plus ennuyeux que c'est l'homme censé être le plus sage qui l'est le moins. Tu devrais écouter ton petit camarade, étranger. Mais puisque tu sembles être complètement déconnecté des réalités, alors soit. Nous allons nous livrer au jeu futile du combat à mort. Après tout, c'est pour ça que mon maître m'a envoyé ici non ? Noctale va te faire payer jusqu'aux tréfonds de ton âme tes insultes.

Un rire dément plus tard, l'affrontement débuta enfin. Et cet affrontement, on ne pouvait pas vraiment dire qu'il commençait sous les meilleurs augures. Avant même qu'Octave n'ait pu se transformer en pokémon, le smiley cyclopéen sans pattes étendit sa main vers notre direction à une vitesse incroyable et envoya une onde télékinésique violacée qui nous repoussa puissamment en arrière. Chutant sur le ventre, Octave laissa échapper un juron.

- Merde, il est puissant ce crétin.

Hélas, à peine Octave avait-il pu dire cela que Noctale était déjà arrivé à son niveau et le souleva avec une nouvelle onde psychique avant de l'immobiliser et de le regarder droit dans les yeux. Il prit ensuite un malin plaisir à humilier mon mentor en monologuant devant lui alors même qu'Octave ne pouvait plus faire un geste.

- Dis-moi, qu'est-ce que vous avez tous à vouloir sauver le monde ? Je veux dire, à ce que je sache vous allez tous mourir un jour ou l'autre alors autant que ce soit le plus tard possible, non ?

Pendant tout ce temps qui pourrait paraître long mais qui s'étalait en fait sur une poignée de secondes, je n'avais eu le temps de rien faire. Vainement, je tentai de profiter du fait que Noctale était focalisé sur Octave pour tenter une première offensive en intimant l'ordre à Skuld de foncer sur le spectre. Mais une fois encore, le noctunoir était trop rapide. Ses réflexes étaient tels que sans même avoir à regarder mon pokémon, il parvint à l'immobiliser à l'aide de ses pouvoirs psychiques avec un des bras qui paralysait Octave. Malgré sa centaine de kilos, c'est sans difficulté qu'il parvint ensuite à le projeter violemment vers le fond de la plate-forme. Toutefois, l'échec de ma tentative était relatif puisque j'avais réussi à libérer le Destogoride des griffes de notre adversaire. Comme l'union fait la force, je lui demandai alors de me rejoindre. Il fit d'ailleurs cela bien volontiers au vu de la raclée que Noctale venait de nous infliger. Les deux camps se faisaient à présent face. Nous étions déjà épuisés alors que le spectre n'avait subi aucun dommage. Il nous fixait avec condescendance, tandis qu'il se remettait à palabrer.

- C'est d'un ennui, à quoi bon tout ça ? Je le redis, pourquoi vous battez-vous face à des forces qui nous dépassent ? Si vous persistez, je vais devoir vous anéantir. Dépenser son énergie c'est bien, mais le faire face au grand Noctale ne vous mènera qu'à une mort prématurée.

Octave rongeait son frein. Il avait envie de faire ravaler chacun de ses mots à l'arrogant pokémon, mais pour une fois je pris une initiative et je lui demandai de se taire pour prendre la parole à sa place. Je m'adressai donc à notre imposant adversaire avec un courage et une force de conviction dont je m'estimais incapable.

- Je vois que tu n'es pas le monstre que tu fais semblant d'être. Tu es plus puissant et plus rapide que nous, c'est certain. Mais toi, pourquoi te bats-tu pour un maître qui te considère tellement qu'il te laisse dépérir dans une sinistre partie du Monde Distorsion ? N'aspire-tu pas à autre chose ? Ton obsession à vouloir refuser le combat comme tes vers, tout montre que tu ne veux pas le mener ce combat. Alors pourquoi combats-tu pour la Lune Noire ?

Par un procédé rhétorique ingénieux que certains médisants pourraient qualifier de sophiste, j'étais parvenu à retourner la question de Noctale en le mettant face à ses contradictions. En m'écoutant, le noctunoir se mit dans un état étrange. Il se mit à mettre ses deux mains sur sa tête et à hurler comme un damné sans que je comprenne vraiment pourquoi, avant de devenir agressif et reprendre le combat sans prévenir.

- Sors de ma tête, esprit abject. Non, la Lune Noire est la seule qui t'aime et te comprenne. Tu dois anéantir ces ennemis de ton maître. Ce n'est qu'en faisant cela qu'il ne te punira pas pour tes hésitations. J'en ai assez entendu, mortel ! Je n'ai de leçons à recevoir de personne, je suis le grand Noctale ! Le plus puissant de tous les spectres. Je vais te briser.

L'état de rage profonde dans laquelle il venait de rentrer le conduisit à lancer des attaques psychiques désordonnées dans toutes les directions. Au début, il gardait la rapidité et la précision qu'il avait montrée au début de l'affrontement. Nous essuyions nombre de ses attaques sans pouvoir les esquiver. Chacune d'entre elle nous affaiblissait davantage. Mais progressivement, avec l'augmentation du rythme de ses attaques sa précision diminua jusqu'à nous permettre de l'esquiver. Puisant dans nos dernières forces, nous sautions, nous courrions dans toutes les directions. Il n'était pas question de lui porter des coups : c'était inutile. La colère de Noctale trahissait une faille que j'avais réussi à découvrir. Il fallait maintenant l'exploiter en épuisant ce spectre hors du commun. Sa dernière attaque fut aussi la plus puissante. Le dévoreur d'âmes ouvrit la bouche de son ventre et se mit à générer un puissant cyclone d'énergie psychique qui aspirait tout ce qui se trouvait aux alentours, nous y compris. Nous avions beau tenter de résister, nous avancions inexorablement. Dans l'œil du cyclone et alors que nous n'étions à présent qu'à quelques petits mètres du ventre béant du noctunoir, Octave s'inquiétait même si cela ne l'empêchait pas pour autant d'user de son ineffable ironie.

- Dis, je ne sais pas si tu es au courant mais il y a un avis de tempête. Je conçois que c'est fascinant de regarder la météorologie du Monde Distorsion se déchaîner, mais tu ne penses pas qu'il serait temps de faire quelque chose pour ne pas accroître le surpoids de ce pauvre Noctale ?

Il est vrai qu'Octave n'avait pas tort. Je cherchais des arguments pour que Noctale revienne à la raison, mais les mots me manquaient. C'est alors que je me mis à regarder Skuld, qui se faisait aspirer un peu moins rapidement que nous du fait de son poids. En le regardant, j'eus alors un éclair de génie que j'ordonnai aussitôt à mon pokémon d'accomplir.

- Skuld, vas-y : saute sur sa tête ! C'est la seule partie solide de son corps que tu peux toucher. Il ne pourra pas t'esquiver sans annuler son attaque.

La masse de métal s'exécuta aussitôt. Grâce à son poids supérieur, le char sur pattes réussit à s'extraire du rayon d'action de la bouche de Noctale. Il prit ensuite de l'élan, et sauta de toutes ses forces sur le spectre. La partie tranchante du crâne de Skuld était directement dirigée vers la tête du cyclope. En voyant ce boulet de canon qui arrivait sur lui à toute vitesse et se sachant pris au piège, l'œil unique de Noctale s'emplit pour la première fois de crainte. Le choc fut d'une violence extrême. En percutant le noctunoir, Skuld avait réussi à le repousser très loin derrière nous et parvint ainsi à mettre fin au cyclone. Dans sa rage de vaincre, le pokémon armurfer se mit ensuite à poursuivre Noctale afin de continuer à joyeusement lui fracasser le visage. Nous étions sauvés.

Loin devant nous, à proximité de la dalle où était emprisonné Electhor, un cyclope vaincu gémissait.

- Comment est-ce possible ? Aucun mortel n'a jamais vaincu le grand Noctale. Lune, Ô Lune, pourquoi m'as-tu abandonné ? Serait-il possible qu'ils aient eu raison ? Serait-il possible que tu te sois servi de moi ? Non, cela ne peut pas être possible...

Après nous être remis de nos émotions, Octave et moi étions prêts à récolter les fruits de cette victoire si durement acquise. Je regardais le visage de Skuld. Il me souriait et masquait la fatigue, mais la dureté de l'exosquelette de Noctale avait laissé des trous dans son blindage qui prendraient du temps à être comblées. Sans dire un mot à notre adversaire en lambeaux, Octave se dirigea vers la dalle d'obsidienne et commença à préparer le rituel de libération d'Electhor maintenant que nulle présence maléfique n'entravait plus notre chemin. Quant à moi, je ne pouvais m'empêcher de regarder avec pitié ce pauvre Noctale. L'antenne sur sa tâte était tordue, tout comme l'ensemble de son exosquelette. Son œil me cyclopéen me fixait à nouveau. Ce regard était toujours celui d'un noctunoir d'élite sûr de lui-même, mais il était désormais empreint de crainte. Il semblait s'attendre à se faire cogner par Skuld jusqu'à la fin des temps. Si Octave avait été à ma place, il aurait certainement dit que ce n'est que justice. Mais je n'étais pas comme lui. Contrairement à lui, je m'étais pris d'attachement pour ce sbire de la Lune Noire si différent des autres. Pour lui faire clairement comprendre qu'il n'avait pas à me craindre, je lui glissai quelques mots à la fois fermes et rassurants.

- Houla, Skuld y est allé un peu fort avec toi. Pardonne-le, tu arriveras à t'en remettre ? Je te l'avais dit : tu es allé contre ta nature profonde. Et c'est cette nature profonde qui t'a fait perdre ce combat alors que tu n'aurais jamais dû le perdre. Ta nature profonde, ce n'est pas de servir la Lune Noire. Ta nature profonde, c'est de servir Giratina et d'égayer le monde des vivants comme celui de tes morts de tes belles mélodies. Choisis le service de la Vie au lieu de servir celui de la Mort.

Noctale, malgré sa puissance incommensurable, me regardait sans trop y croire. En cet instant, son regard avait quelque chose de mignon. Puis, il se mit à soudainement éclater de rire avant de me répondre.

- Alors, que je sois une espèce d'imbécile tout juste bon à se faire manipuler par la première robe gothique volante venue, je veux bien. Mais se faire traiter de faiblard par un avorton, ça c'est impardonnable. Toi tu mérites une bonne correction.

Un brin inquiet par ce regain brutal d'agressivité, je reculai de quelques pas tout en lui répondant sévèrement. J'avais d'autant plus de raisons d'être inquiet que le spectre venait de se remettre à léviter et donc à me toiser dangereusement. A vrai dire, avec Noctale on n'était jamais trop prudent. Ce pokémon était tellement imprévisible.

- Ah non, ça ne va pas recommencer. Si tu veux te reprendre une raclée, Skuld est toujours là pour répondre à ton désir satané masochiste.

C'est alors que Noctale se remit à rire avant de répondre à nouveau.

- Apprends à écouter les grandes personnes lorsqu'elles parlent, petit. J'ai dit que tu méritais une bonne correction. Je n'ai pas précisé quelle était la nature de cette correction. Je parlais bien évidemment...d'une symphonie pour fêter le retour d'un de tes amis des Colonnes Lances !

J'étais sidéré. On pouvait dire qu'il m'avait eu comme un bleu celui-là en faisant mine de se montrer menaçant. A mon tour, je me mis à rire. Avec la célérité qui le caractérisait, Noctale rejoignit son orgue. Il se mit ensuite à jouer un morceau pesant et solennel au moment même où Octave déclenchait le rituel de libération d'Electhor. Tandis que le Destogoride prononçait des formules dans le langage des dieux, je regardais avec fascination l'effet du rituel sur la dalle d'obsidienne. Un rayon d'énergie doré aussi lumineux que le soleil commença tout d'abord par éclairer le tracé du dessin représentant Electhor. Puis, c'est tout le dessin qui finit par s'illuminer d'un halo doré. Mais le plus incroyable était encore à venir. De la dalle désormais dorée, jaillit en effet ce qui ressemblait à un bec. Sous ce bac, c'est progressivement tout le visage du dieu des orages qui sortit comme par enchantement du sol. Pour l'instant, ses yeux étaient fermés. Après le bec et le visage, ce furent le tour des ailes de sortir de terre. Ces ailes étaient gigantesques, fières et surtout elles commençaient à émettre un courant électrique qui était chaque seconde plus puissant. J'en finissais même par m'inquiéter pour la sécurité d'Octave tellement au stade le plus avancé du rituel il était entouré de décharges électriques qui le frôlait à chaque fois. Une fois les ailes complètement jaillies du sol, le corps émergea finalement. En l'espace de dix minutes, un des Douze dieux du Panthéon venait de sortir des limbes du Monde Distorsion. Pour autant, il n'avait pas encore ouvert les yeux : nous ne savions pas encore si le rituel avait réussi.

Comme Octave ne cessait de le dire, il fallait maintenant attendre. Nous étions arrivés à la phase la plus cruciale du rituel : celle où Electhor retrouvait le plein usage de ses pouvoirs et diffusait son électricité dans toutes les parties de son corps. Une quantité innombrable d'étincelles se propageaient à présent tout autour des ailes, du buste et de la tête du dieu ressuscité. Et, après tant d'efforts, nous vîmes enfin les yeux blancs d'Electhor s'ouvrir. L'être supérieur nous regarda et dit.

- Nous savions que l'émissaire d'Arceus viendrait rétablir la lumière dans l'empire des ombres. Nous le savions, parce que Dieu le veut.

A ces mots, le pokémon légendaire s'élança ensuite dans les cieux et se mit à tourner autour de nous tout en projetant de la foudre dans toutes les directions. En cet instant où les flashes illuminaient brièvement et fréquemment les ténèbres du Monde Distorsion, il valait mieux ne pas être épileptique. Après avoir paradé, le dieu fonça ensuite sur l'orgue de Noctale et atterrit au sommet de l'instrument, toisant avec un regard sévère celui qui l'avait maintenu emprisonné pendant si longtemps. Si au début le noctunoir ne le vit pas, il finit par l'aperçevoir en levant les yeux au ciel. C'est à ce moment-là que la musique s'arrêta et que, pris d'effroi, Noctale quitta son instrument pour reculer de quelques mètres. Les deux êtres opposés par essence se fixèrent ainsi pendant plusieurs minutes. L'atmosphère devenait de plus en plus pesante. Au sens propre comme au sens figuré, il y avait de l'électricité dans l'air. Finalement pourtant, le spectre consentit à baisser son œil et à déclarer stoïquement.

- Je savais que ça allait finir comme ça. Très bien, tu réclame vengeance je suppose ? Comme toute cette violence est futile, cela ne s'arrêtera donc jamais ? Je savais que je n'aurais jamais dû écouter la voix langoureuse des Xort'Udur. Et bien soit, fait ce que tu as à faire Ô déité.

L'oiseau électrique fronça les sourcils. Puis, dans un déchaînement de violence, il chargea un halo de lumière sur la surface de son corps avant de le concentrer au niveau de ses ailes. Il envoya ensuite très rapidement cette double charge d'énergie électrique sur Noctale tout en répétant ces quelques mots dans hurlement vociférant.

- Libère cette âme, vassal de l'Ombre !

Le noctunoir hurlait de douleur. Il se tordait sur son ventre qui ne souriait désormais plus. Ce sourire avait été remplacé par une grimace. On avait l'impression que Noctale se retenait de faire sortir quelque chose de son corps. Mais l'éclat de lumière redoublait de force à chaque seconde qui passait. Soudainement, la bouche ventrale du pokémon s'ouvrit largement et libéra une masse fantomatique indéterminée. Ce spectre qui avait trouvé refuge dans l'organisme de Noctale, gémissait à son tour et tentait de s'enfuir tout en hurlant lui aussi.

- Tu es si faible Noctale. Il faut que j'informe le Maître de ce qu'il se passe ici.

Mais la chose, qui faisait étrangement penser à un Xort'Udur, n'eut le temps de rien dire d'autre. Dans un simple mouvement d'aile d'Electhor, une vague d'électricité aussi précise que meurtrière jaillit et foudroya net cette entité spectrale. D'elle, il ne resta plus rien. L'oiseau doré laissa ensuite Noctale tout seul sans lui dire un mot et atterrit juste devant nous. C'est alors qu'il nous dit sur un ton autoritaire.

- Vite, nous n'avons pas de temps à perdre. Nous pressentons que quelque chose de terrible va se passer à Doublonville. L'Ombre va très bientôt se révéler. Montez sur notre auguste dos, les dieux connaissent les chemins qui permettent de quitter le monde des morts.

Peu rassurés, nous nous exécutâmes toutefois. La peau d'Electhor était piquante du fait de l'électricité statique mais il fallait faire avec. Le confort, il était clair qu'il fallait s'en passer. Etrangement, malgré la quantité quasiment infinie de rayons électriques qui se propageaient dans l'ensemble du corps de la déité, nous n'étions jamais touchés. Expliquer ce phénomène était impossible, mais c'était comme si Electhor contrôlait chacun de ces rayons à la manière de nerfs. Toujours est-il qu'une fois solidement accrochés sur le dos de notre avion improvisé, nous nous envolâmes vers une destination où semblait se lever un grand péril : Doublonville.
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