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Lecture du chapitre 43 | |
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Nom de l'œuvre : Entre infini et au-delà | Nom du chapitre : Because of you |
Écrit par Cyrlight | Chapitre publié le : 26/3/2014 à 13:52 |
Œuvre lue 96847 fois | Dernière édition le : 20/1/2017 à 21:41 |
Lorsque Cassy se réveilla, il était près de neuf heures et le soleil brillait déjà avec intensité derrière les rideaux pourtant épais de la chambre. Elle étouffa un bâillement dans le creux de sa main, se frotta les yeux et s'étira. Cela fait, elle se redressa en battant mollement des paupières. Une délicieuse odeur de viennoiseries fraîchement sorties du four emplissait la pièce. Cassy la balaya du regard pour remarquer un plateau posé sur la table, et qui croulait sous le poids d'un copieux petit-déjeuner pour deux personnes. Elle s'aperçut aussi que le lit de Cynthia était vide, et que seul un papier se trouvait sur la couverture pliée. C'était une note de sa main, très brève, qui leur indiquait qu'elle était partie rendre les livres empruntés la veille à la bibliothèque, mais qu'elle reviendrait les saluer avant de regagner l'Île du Lys, où son poste de Maître l'attendait. Cassy dédaigna la nourriture, car elle n'avait pas d'appétit. Le moral était loin de lui être revenu, aussi décida-t-elle de sortir faire un tour. Elle escomptait aller à la rencontre de Cynthia, mais elle ignorait où se trouvait la bibliothèque et elle n'avait pas envie de demander son chemin. Elle décida d'emprunter des rues au hasard, en mémorisant l'itinéraire pour pouvoir l'effectuer en sens inverse. Au moins, cela lui faisait prendre l'air. Tandis qu'elle errait dans Vestigion, elle recommença à se perdre dans ses pensées, comme la veille, à ceci près qu'elles étaient de plus en plus sombres. Tout ce que Cassy désirait, à l'origine, c'était venger sa famille, et accessoirement comprendre pourquoi ils avaient subi un tel sort. Au final, ceci n'était plus que la partie émergée de l'iceberg. Elle commençait d'ailleurs à éprouver de la colère envers ses parents. Éric savait des choses qu'il n'était pas censé connaître. De qui pouvait-il les tenir, si ce n'était d'eux ? Et, dans ce cas, pourquoi l'avaient-ils mis dans quelque confidence que ce soit, tout en laissant leur fille dans l'ignorance ? Était-ce parce qu'il était plus intelligent qu'elle ? Son frère était un génie, certes, mais Cassy était loin d'être une idiote. Elle songea à la façon dont ils l'avaient élevée, hors du monde et hors du temps, à son étonnement la première fois qu'elle avait été confrontée à la technologie... Elle avait dû apprendre à survivre seule dans l'inconnu, ce à quoi elle ne serait sans doute jamais parvenue sans un peu de chance, et sans ses amis. Quant à son identité... Elle évitait généralement d'y penser, mais elle ne put faire autrement. Elle se rappela sa stupeur lorsque Régis avait mentionné l'âge que lui donnaient ses radios. Tout était faux, même sa propre vie. Elle était aussi peu Kathy que Cassy, finalement. Mais, dans ce cas, qui était-elle vraiment ? L'adolescente serra les poings. Tout n'était que mensonges, chimères, illusions. De quoi ses parents avaient-ils peur pour devoir se résoudre à se cacher derrière un écran de fumée ? Elle ne savait rien et elle payait désormais le prix de leurs secrets, en passant sa vie à courir après une vérité qu'elle n'était même plus certaine de vouloir connaître. Cette histoire qu'elle tentait de démêler, quelle qu'elle soit, avait ruiné son existence entière. Cela valait-il la peine de s'accrocher à une volonté de comprendre qui l'abandonnait peu à peu, pour laisser place à de l'indifférence ? Cassy pouvait compter sur ses amis, qui lui avaient promis leur assistance, mais ses parents méritaient-ils qu'elle se donne tant de mal pour eux ? Elle songea à Léa, que son glyphe rattachait malgré elle à toute cette affaire. Cassy n'était plus seulement confrontée au meurtre de sa famille, mais à une légende mystique à laquelle ils étaient incapables de donner un sens. S'ils n'avaient rien trouvé, rien déduit jusqu'à présent, comment y arriveraient-ils mieux à l'avenir ? Ils avaient exploré toutes les pistes. S'il en restait, ils ne les connaissaient pas, et la jeune fille n'avait pas l'intention d'en inventer pour sa propre satisfaction. Cassy n'avait plus envie de courir partout, en quête de réponses à ses questions qui ne faisaient que se multiplier. Elle avait quitté sa ferme pour un monde qu'elle avait d'abord jugé hostile et dangereux, et quand elle avait enfin cru trouver un havre, au Bourg-Palette, il lui avait fallu s'arracher à lui pour reprendre le fil de ses investigations. Elle voulait se reposer. N'en avait-elle pas le droit ? Était-il criminel d'éprouver le besoin de se sentir à nouveau chez soi quelque part, auprès d'un garçon qu'elle considérait presque comme un autre frère ? De désirer vivre sans s'interroger, sans passer son temps à réfléchir à des problèmes qu'elle ne résoudrait peut-être jamais ? Certes, ce souhait n'était pas très honnête à l'égard de Léa, mais était-ce vraiment la faute de Cassy si elle était impliquée dans cette situation ? Elle n'avait jamais voulu que la fillette possède un glyphe, et encore moins que sa vie soit potentiellement en danger à cause de cela. Elle n'était responsable de rien. Elle subissait, simplement, en tentant de comprendre, et elle échouait. Elle s'immobilisa. Elle avait atteint la sortie de la ville, située à l'orée de la forêt. Elle faisait face au panneau d'entrée, sur lequel était inscrit : « Vestigion. Là où le passé et le présent s'entremêlent. » Et l'avenir ? Personne n'en parlait. Quel était celui de Cassy ? De poursuivre son passé, de gâcher son présent et, par conséquent, de se priver de futur ? Tout ce qu'elle voyait, quand elle se demandait où elle serait dans un mois, voire dans trois, n'était qu'un épais rideau de brume. Elle donna un coup de pied rageur à un caillou, qui vola sur plusieurs mètres avant d'atterrir sur un carré herbeux qui amortit sa chute en silence. Cassy avait l'impression de n'être plus que colère et rancœur. Les mains dans les poches de son pantalon, elle décida de faire demi-tour. Elle avait quitté l'hôtel depuis un long moment, désormais, et Cynthia devait probablement avoir regagné la chambre. Elle avait espéré que l'air frais l'aiderait à mettre de l'ordre dans ses pensées, mais elles étaient encore plus confuses qu'auparavant. Elle n'était qu'un grain de sable dans l'engrenage, une pièce de puzzle qui ne s'imbriquait pas avec les autres. Elle n'était pas comme Éric, inclus dans la confidence du mystère familial. Elle était comme ce bâtiment devant lequel elle se tenait. Gigantesque, il devait compter plus d'une douzaine d'étages. Sa forme rigide, ses fenêtres carrées et son architecture moderne contrastaient avec le reste de la ville, qui présentait une certaine homogénéité. Tout paraissait ancien, comme sorti d'une autre époque, à l'exception de cet immeuble. Un homme, qui était sur le point de pénétrer à l'intérieur, attira l'attention de Cassy, à cause de son accoutrement saugrenu. Il portait une combinaison noire et blanche en latex, qui se terminait au niveau du cou par un col montant. Des bottes en caoutchouc venaient compléter la tenue, qui était marquée d'un logotype semblable à un « G » jaune. Cassy cligna des yeux, car ce symbole lui semblait familier. Elle avait le sentiment de l'avoir croisé quelque part, mais elle était incapable de se le remémorer. Était-ce à l'école, dans un livre ? Au Bourg-Palette ? Elle finit par secouer la tête, tandis que l'individu disparaissait dans le bâtiment, en songeant qu'il s'agissait sans doute d'une simple impression de déjà -vu. Quand l'adolescente regagna l'hôtel, Cynthia était revenue depuis un moment, comme elle s'y attendait. Léa n'était pas la chambre, mais dans la salle de bain, où elle prenait une douche, pendant que la Championne sirotait une tasse de café en lisant les nouvelles du jour. - Je commençais à me demander où tu étais passée, sourit-elle lorsque Cassy eut refermé la porte dans son dos. - Je voulais vous rejoindre à la bibliothèque, mais j'ai été incapable de trouver mon chemin jusque là -bas. Finalement, j'ai choisi de marcher. - Tout va bien ? Si Cynthia posait la question, c'était sûrement parce qu'elle avait perçu que ce n'était pas le cas. La peine qu'éprouvait Cassy se lisait sur ses traits, ainsi que dans ses prunelles voilées par la mélancolie. Luttant contre les larmes qu'elle brûlait de verser, elle répondit dans un murmure : - Non. Je ne crois pas. Sur ces mots, elle éclata en sanglots. Cynthia se mit debout et invita Cassy à la suivre dans le couloir, où leur conversation ne risquerait ni d'être surprise ni d'être interrompue par Léa. Quand elles furent seules, la Championne caressa ses cheveux d'un geste maternelle, pendant que l'adolescente continuait à larmoyer. - Je me sens terriblement mal, expliqua Cassy dès qu'elle s'en sentit le courage. J'éprouve un vide immense. J'ai ressenti la même chose après la perte de ma famille, mais cette fois, c'est encore pire. J'ai l'impression que je ne trouverai jamais les réponses à toutes les questions que je me pose. Il manque un élément-clé que mes parents avaient, qu'Éric avait, et moi... Moi, je n'ai rien du tout. J'ai juste une nouvelle vie que je gâche à tenter de comprendre la précédente, par leur faute. Ils ont tissé des ombres autour de moi, et aujourd'hui, je ne sais même pas comment retrouver la lumière. Au début, j'étais déterminée et je pensais que rien ne me détournerait de mon objectif, mais à présent... À présent, je ne suis plus certaine de vouloir continuer à me battre pour percer un secret dans la confidence duquel j'étais la seule à ne pas me trouver. J'ai conscience que c'est lâche de ma part de songer à baisser les bras, surtout maintenant que Léa est aussi impliquée que moi, mais... La voix de Cassy se brisa. Cynthia plongea son regard argenté dans le sien, couleur saphir, et l'observa longuement. La jeune fille craignait qu'elle soit en train de la juger, après ses révélations. Quelques secondes s'écoulèrent, qui lui semblèrent durer une éternité. Finalement, le Maître de Sinnoh raffermit son étreinte autour d'elle. - Ne t'inquiète pas pour Léa. Elle est très attachée à toi et tu lui manqueras, c'est certain, mais elle s'en remettra. Ce ne sera pas plus dur à vivre pour elle que le jour où tu as quitté l'École des dresseurs. Et puis, elle ne sera pas seule, je continuerai à garder un œil sur elle. - Vous avez d'autres préoccupations, Cynthia. L'Élite, Sinnoh... Vous ne pourrez pas jouer indéfiniment les gardes du corps. - Je peux au moins m'acquitter de cette tâche jusqu'au Grand Festival. Dès que le tournoi sera terminé, je m'efforcerai de la convaincre de se rendre dans une autre région, où j'ose croire qu'elle sera plus en sécurité qu'ici. - Que ferais-je sans vous ? demanda Cassy dans un murmure. Vous avez été ma première amie, et vous avez été pendant longtemps la seule personne à qui j'ai réellement accepté de faire confiance. Je vous regretterai. - As-tu une idée de ce que tu vas faire, désormais ? Retourner au Bourg-Palette ? - Il n'y a que là -bas que je me sente encore un peu... chez moi. Je vais m'efforcer de tirer un trait sur tout ça, reprendre mon poste là où je l'avais laissé et surtout retrouver Régis. Même si je ne peux pas oublier toute cette histoire, surtout pas avec ce glyphe qui sera toujours là pour me la rappeler, j'espère parvenir un jour à la reléguer au rang de simple souvenir. Cassy baissa les yeux, mais Cynthia la contraignit à relever la tête en prenant son visage entre ses mains. Elle déposa un baiser sur son front, puis lui adressa une expression bienveillante : - Sache que tu n'es pas lâche, Cassy. Personne ne pourra jamais te blâmer de chercher un peu de bonheur, c'est pourquoi je te souhaite de tout mon cœur d'en trouver. Tu le mérites. - Je doute que Léa accepte la nouvelle de mon départ avec la même sérénité que vous. - Je t'aiderai à trouver les mots pour lui parler, si tu le désires. Après ça, je te conduirai jusqu'à Rivamar, où tu pourras embarquer à bord du premier ferry pour Kanto. C'est sur ma route. - Merci, Cynthia. Merci beaucoup. Elles échangèrent une dernière étreinte, puis regagnèrent la chambre où Cassy ferait ses adieux à Léa. Elle s'attendait à de la peine, à des larmes, mais elle ne pouvait pas partir sans dire au revoir à sa jeune amie. Elle lui devait au moins cela. |
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