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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 5
Nom de l'œuvre : L'ombre d'une soeur [Horreur] Nom du chapitre : La pokémon de Morgause
Écrit par Cyrlight Chapitre publié le : 31/10/2014 à 00:24
Œuvre lue 6652 fois Dernière édition le : 31/10/2014 à 00:24
De retour dans la forêt qui s'étendait sur tout le sud de Safrania, Morgane n'hésita plus à utiliser ses pouvoirs pour sonder les alentours. Alakazam, bien qu'en aussi mauvais état qu'elle, la soutenait par un bras afin qu'elle ne s'effondre pas, car ses maux de tête la malmenaient réellement.

- Je crois... murmura-t-elle avant de s'interrompre. Je crois que je sens quelque chose.

Elle lâcha une nouvelle salve d'énergie psychique dans les environs et un point noir se matérialisa dans son esprit, pareil à la cible d'un radar. Elle détectait grâce à ses dons la présence d'une aura négative à proximité. Sans perdre une seconde, elle se mit à suivre le chemin qui lui apparaissait clairement dans sa tête.

Elle avançait lentement, laborieusement. A plusieurs reprises, elle songea à s'arrêter derrière un taillis pour vomir, mais les nausées qu'elle éprouvait étaient simplement dues à son malaise. De toute manière, elle n'avait rien mangé au cours des dernières heures et son estomac ne pouvait donc rendre rien d'autre qu'une bile acide.

Alakazam progressait péniblement à ses côtés. S'ils étaient au mieux de leur forme, l'un comme l'autre, ils auraient déjà capturé Morgause, cependant plus le temps passait et plus Morgane avait des craintes : elle n'arriverait jamais à vaincre sa soeur, du moins pas ainsi.

- Si seulement je pouvais méditer... Je parviendrais à contenir les effets de cet enchantement pour être suffisamment lucide le moment venu.

Elle fronça les sourcils : elle avait l'impression qu'un Donphan lui piétinait la boîte crânienne. Son esprit était son arme secrète, c'était de là qu'elle tirait sa puissance. Morgause avait pensé à tout en la rendant vulnérable sur ce point.

- Allons, avançons... Je trouverai bien une ruse quand il le faudra. Enfin, je l'espère...

Elle fit un pas en avant, mais Alakazam, lui, ne bougea pas. Elle lui adressa un regard par-dessus son épaule et le seul fait de tourner la nuque l'élança davantage. Le pokémon venait de s'entourer d'un halo doré.

- Non, ne fais pas ça ! Tu as gaspillé assez de forces en nous téléportant jusqu'ici. Ne vas pas...

Elle n'eut pas le loisir d'achever sa phrase qu'il lui frappait le front avec l'une de ses cuillères. L'attaque Soin se diffusa dans tout le corps de la Championne, qui se sentit regagner en lucidité. La douleur était toujours bien présente, mais elle devenait à présent supportable.

- Je te remercie, déclara-t-elle, mais je ne veux pas que tu te fatigues de la sorte. Je risque d'avoir besoin de toi plus tard et blessé comme tu l'es, tu risques de manquer d'endurance. Le mieux, pour l'instant, c'est que tu retournes dans ta pokéball.

La créature afficha une moue colérique qu'elle feignit d'ignorer alors qu'il disparaissait dans un éclat rougeâtre, absorbé par la sphère de métal. Morgane ne pouvait lui en vouloir de son intervention : grâce à cela, elle avait l'impression de recouvrer toutes ses forces.

Elle ferma les paupières. Elle n'avait pas besoin de voir pour savoir où elle allait. L'aura sombre qu'elle percevait l'attirer comme un aimant. Elle n'avait qu'à laisser ses pouvoirs la guider jusqu'à Morgause, ainsi elle pouvait s'appliquer à elle-même durant ce laps de temps l'attaque Plénitude qu'elle avait mis des années à maîtriser.

Le signal dans sa tête s'accrut après de longues minutes de marche. Elle était pratiquement rendue, aussi rouvrit-elle les yeux. Ses pas à l'aveugle l'avaient conduite devant l'entrée d'une caverne obscure. Des stalactites pendaient du plafond de ce qui ressemblait à une gueule béante. C'était exactement le genre d'endroit dans lequel elle imaginait sa jumelle se tapir.

Elle n'avait pas peur, elle ne tremblait pas. Sa souffrance s'était atténuée et, même si cela ne devait être que temporaire, elle se sentait de taille à affronter une nouvelle fois Morgause. Toutes leurs joutes passées ne comptaient plus : seule celle-ci importait. Elle avait perdu trop de combats au cours de ces derniers jours. Il était hors de question qu'elle échoue lors du plus important.

Elle ne s'était pas trompée de lieu : elle pouvait percevoir les effluves de magie noire qui s'échappait de l'intérieur de la grotte. Tout ici paraissait inhospitalier, exactement comme sa cadette. Elle fit un pas vers sa cachette, mais s'immobilisa aussitôt.

Morgause sortit de l'ombre, flanquée de sa Magirêve. Les oreilles de Morgane se remirent immédiatement à siffler, mais c'était supportable. Durant sa brève méditation, elle était parvenue à établir dans son esprit un semblant de protection mentale afin de ne pas se laisser atteindre par les mauvais sorts de sa soeur.

- Je savais que tu reviendrais. Tu ne peux pas résister : depuis le début, tu as toujours cherché à te mettre en travers de ma route.
- Cette fois-ci sera la dernière, répliqua la Championne, car je compte bien t'arrêter.
- Non. J'obtiendrais ma vengeance, quelqu'en soit le prix.
- Ta vengeance ? A propos de quoi ?
- Rappelle-toi, Morgane... susurra Morgause, l'oeil illuminé par la folie. Rappelle-toi ce que tu m'as fait. Tu m'as volée ma vie !

L'aînée des deux jumelles poussa un hurlement avant de tomber à genoux. Ses barrières de protection mentales volèrent en éclat. Elle avait l'impression qu'un étau lui broyait le crâne depuis l'intérieur. Cette souffrance ne faisait que s'accentuer au fur et à mesure que sa cadette se rapprochait d'elle.

- Mieux vaut en finir là où tout a commencé, tu ne crois pas ? lui souffla-t-elle une fois parvenue à sa hauteur.

Elle lui asséna un puissant coup dans le ventre et Morgane se plia en deux, le visage à quelques centimètres seulement de l'herbe humide qui recouvrait le sol, la respiration saccadée. Elle se tenait les côtes tandis qu'un petit gémissement jaillissait de ses lèvres. Morgause la fit taire en la frappant au visage.

Son nez saignait, à présent. Elle cracha un filet de sang, toussota un instant, puis s'efforça de se redresser. Sa vision était trouble. Elle sentait ses dernières forces l'abandonner, pourtant il n'était pas question que cela se termine ainsi. Il n'était pas question que Morgause la batte pour la dernière fois de sa vie.

- Non !

Une onde psychique se dégagea d'elle pour aller heurter sa soeur. Celle-ci, qui poussait un rire démoniaque, s'interrompit aussitôt, surprise par l'attaque qu'elle n'avait pu anticiper. Elle reporta aussitôt son attention sur Morgane, toujours à ses pieds. Elle n'arrivait pas à se remettre debout.

- Regarde-toi... Tu es pathétique ! Traine-toi devant moi, rampe, parce que tu ne mérites pas autre chose. C'est moi qui devrais être à ta place. Toi, tu ne mérites pas ton existence, lâche que tu es.
- Je ne suis pas lâche !

La Championne gronda et sauta sur les jambes de Morgause afin de la plaquer au sol, ce qui fonctionna. Elle perdit l'équilibre et elles se retrouvèrent toutes les deux entre les racines des arbres, à lutter l'une contre l'autre.

Bien vite, la cadette eut le dessus. Ses mains se serrèrent autour de la gorge de Morgane, qui commençait à suffoquer. Des points noirs dansaient devant ses yeux. Elle était au bord de l'évanouissement.

- Je pourrais te tuer ici, comme ça... Mais ce serait trop facile, ajouta précipitamment Morgause en relâchant son étreinte. Tu dois payer pour tes crimes. Tu es une meurtrière, grande soeur.
- Tu mens ! C'est toi qui a tué ce garçon. Depuis ta naissance, tu sèmes la mort sur ton passage. Tu n'étais même pas censée survivre à ta naissance. Si tu as réussi, c'est parce que tu baignes dans la magie noire depuis que tu es venue au monde !

Dans un élan d'adrénaline, Morgane réussit à se dégager de sous sa jumelle. Elle roula sur le côté de façon à mettre un peu de distance entre elles et sauta sur ses pieds. Son équilibre était précaire, toutefois elle ne retomba pas.

- Maman ne m'a pas tenu rigueur de cet accouchement difficile, il semblerait. J'ai toujours été sa favorite et tu le sais parfaitement. Toi... Toi, tu n'es rien qu'un faire-valoir à côté de moi. Je suis la plus puissante, la plus intelligente... Tu ne m'aurais jamais vaincue il y a quinze ans sans cet extraordinaire coup de chance qui a servi tes desseins.

Vaincue ? Etait-ce cela qui s'était produit lorsqu'elles n'avaient encore que huit ans ? Morgane était-elle parvenue à défaire sa soeur et celle-ci, ne l'ayant pas accepté, aurait-elle choisi de quitter le domicile familiale alors qu'il ne s'agissait encore que d'une enfant ?

- Papa et maman ne te pardonneront jamais. C'est à cause de toi qu'ils m'ont perdue. Tu en as conscience, n'est-ce pas ?
- Notre famille vit dans le silence et la rancoeur depuis une décennie et demi. Il est tant que ça cesse, non ?
- Non ! hurla Morgause, les traits déformés par la rage. Pas tant que je ne t'aurais pas pris ce que tu m'as volé !

Sur ces paroles auxquelles la Championne avait du mal à donner un sens, elle s'éloigna en courant dans la forêt, sa Magirêve dans son sillage. Morgane se lança aussitôt à sa poursuite, bien décidée à ne pas laisser sa jumelle lui filer une fois encore entre les doigts. Cette histoire devait prendre fin pour de bon.

Sa tête la brûlait et elle avait l'impression que son corps allait se consumer sous l'effort, pourtant elle n'arrêta pas de courir. Elle puisait de l'énergie dans la réserve de ses pouvoirs, tout en veillant à en conserver assez pour l'ultime face à face qui l'attendait visiblement avec Morgause.

Elle était beaucoup plus lente que sa soeur, qui la sema sans peine. Elle n'eut cependant même pas besoin de la magie pour suivre le chemin que celle-ci avait emprunté. En fait, elle lui avait fait part en personne de sa destination : "Mieux vaut en finir là où tout a commencé..."

Morgane s'immobilisa au détour d'un groupe d'arbres. Une vieille maison en bois se tenait devant elle. Bien que robuste, le temps ne l'avait pas épargnée. Sa couleur était décolorée et un volet pendait sur ses gonds. Sans les rideaux aux fenêtres, on aurait tout aussi bien pu la croire à l'abandon.

La porte, elle, était entrebâillée. Elle s'avança prudemment vers le perron, gravissant les trois marches qui la séparaient de lui. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle revenait ici, encore moins pour y combattre Morgause.

Une odeur de thé flottait dans la salle à manger sur laquelle donnait l'entrée. Une femme aux cheveux grisonnants était assise à table, une tasse fumante posée devant elle, une élégante théière à portée de sa main. Elle se leva en la voyant faire irruption dans la pièce. Morgause se tenait juste derrière elle, un sourire mauvais sur le visage.

- Morgane ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Il est temps de jouer cartes sur table, maman, répliqua-t-elle sans émotion face à sa génitrice qu'elle n'avait pourtant pas vue depuis de longs mois. Pourquoi ne m'as-tu pas dit qu'elle était de retour ?

D'un mouvement sec du menton, elle désigna sa jumelle qui feignit une parfaite indifférence. Sa mère ne se retourna même pas pour observer sa seconde fille : elle ne quittait pas la Championne des yeux. Elle la regardait même avec une once d'inquiétude dans l'expression de son visage.

- De quoi parles-tu ?
- Ne me prends pour une imbécile, je n'ai plus huit ans ! Morgause. Tu savais qu'elle était revenue. Tu aurais pu me prévenir, mais tu ne l'as pas fait. Pourquoi ? Pour la protéger ? Ca suffit, maman. L'heure est peut-être venue d'ouvrir les yeux. Elle est complètement folle, elle a besoin de se faire soigner.
- Morgane, je... Tu me fais peur. Je crois que c'est toi qui ferais bien de... de consulter. Assis-toi un moment, si tu veux. Je vais... Je vais aller te préparer une infusion, d'accord ?
- Arrête ça ! Je refuse que tu me traites encore comme une gamine. Quinze ans se sont écoulés, quinze ans qu'elle est partie ! Elle n'est même pas revenue pour la mort de papa et toi, tu la couvres encore ! Pourquoi ?

Sa mère tremblait en face d'elle. Un sentiment de crainte transparaissait désormais sur ses traits. Elle recula d'un pas, ce qui la rapprocha de Morgause. Celle-ci plaça aussitôt ses mains sur chacune de ses épaules.

- C'est fini, grande soeur, siffla-t-elle, pareille à un Séviper. Tu as perdu.
- Non ! Je m'avouerai pas vaincue. Pas encore !

La jeune femme renversa la théière qui bascula sur le côté et renversa son contenu en cascade sur le plancher tandis que sa main fondait sur le petit plateau de biscuits juste devant. Un couteau se trouvait dessus, sur lequel elle referma ses doigts.

- Morgane... Morgane, qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ? demanda sa génitrice d'une voix mal assurée. Morgane... Tu me fais peur... Repose ça immédiatement.
- Tu crois vraiment que je vais t'écouter ? Ça ne risque pas. Tu n'as jamais pu t'y résoudre, mais moi si. Morgause doit disparaître.

Elle contourna la table et se rua vers l'extrémité de la pièce, où se tenaient les deux autres. Le rocking-chair, qui la gênait dans sa progression, fut propulsé par le mur grâce à une vague télékinésique. L'un de ses pieds courbés se brisa sous le choc.

- Morgane, je t'en prie, calme-toi ! tenta de s'interposer sa mère. Respire profondément et discutons de ce qui ne va pas.
- Ce qui ne va pas ? Rien ne va ! Ma demeurée de jumelle cherche à m'accuser des meurtres qu'elle a commis. Elle a suffisamment essayé de détruire mes rêves quand nous étions enfants. Aujourd'hui, elle ne ruinera pas ma vie.
- Tu plaisantes, j'espère ? C'est moi qui aurais dû être Championne d'Arène. Je suis plus forte que toi. Tu as mis des années à maîtriser tes pouvoirs, alors que j'ai toujours contrôlé les miens.

Morgause hurlait autant qu'elle à présent. Jamais elles n'avaient été aussi semblables qu'en cet instant, alors qu'elles se jaugeaient mutuellement, le regard fou, les traits déformés par la rage.

- Morgane, non !

Sa mère s'interposa au moment où elle fondit sur sa rivale, l'arme levée. Il n'était pas question qu'un nouvel écueil se mette en travers de sa route alors qu'elle s'apprêtait à en finir avec sa soeur. Sans réfléchir, elle repoussa sa génitrice, qui alla heurter la table. Elle se redressa néanmoins assez vite, malgré le choc, lorsqu'elle voulut abattre la lame sur Morgause.

Elle attrapa son bras et retint le bras de sa fille. Elle lui résista, en dépit de la vigueur dont Morgane faisait preuve pour s'arracher à sa poigne. Des vagues noires dansaient devant les yeux de celle-ci, au fur et à mesure que sa souffrance lui faisait perdre le contact avec la réalité. Tout ceci devait s'achever.

- Tu l'as protégée une fois de trop, maman !

Elle se tourna violemment sur elle-même. La femme, qui ne s'attendait pas à une telle manoeuvre, fut déstabilisée. Morgane en profita pour la poignarder au flanc avec le couteau qu'elle était parvenue à ne pas lâcher.

Sa mère laissa échapper un râle, la main posée sur ses côtes, alors qu'une tâche écarlate s'étendait progressivement sur le pull en laine fine qu'elle portait. La Championne se dégagea de son étreinte, la poussant à la renverse. Elle voulut se rattraper à la nappe, mais elle glissa par terre avec elle, emportant dans sa chute toute la vaisselle restée dessus.

- C'est entre toi et moi, à présent ! s'écria-t-elle.

Morgause éclata d'un rire rauque. Ses yeux s'illuminèrent d'un éclat diabolique, avant de virer au rouge. Cette couleur était étrangement familière à Morgane. Elle l'avait déjà vue quelque part. La pièce se mit cependant à tourner autour d'elle avant qu'elle n'ait eu l'occasion d'y réfléchir.

- Regarde... Regarde ce que je t'ai poussée à faire. Tu es redevenue la meurtrière que tu étais autrefois. Je tiens enfin ma vengeance !

Cette voix ? Où l'avait-elle déjà entendue ? Tout devenait sombre. Elle ne distinguait plus les murs, le papier peint clair de la salle à manger... Même l'odeur musquée du thé avait disparu. Elle était prisonnière des ténèbres et du silence, pourtant elle se fit mal en tombant à genoux.

-Tu es folle ! s'époumona Morgane, les larmes aux yeux à cause du choc que lui causait la scène et la vision du rongeur sauvagement assassiné. Tu es complètement malade ! Je vais le dire à nos parents.
- Ils ne te croiront jamais. Ils préfèreront se fier à ma parole plutôt qu'à la tienne, comme à chaque fois. Et moi, j'aurai tout le loisir de recommencer.

Morgause s'apprêtait à jeter à nouveau le Rattata déjà mort contre la pierre, mais son aînée poussa un cri. Elle bondit sur elle dans l'espoir de parvenir à lui arracher le cadavre suffisamment souiller des mains. Sous son poids, sa soeur perdit l'équilibre. Elle bascula vers l'arrière, entrainant Morgane dans sa chute.

Elle fut la première à se redresser. Elle venait de finir d'écraser le pauvre rongeur et son chemisier était désormais couvert de sang. A sa vue, elle réprima une nausée. Elle avait envie de pleurer en plus de vomir.

- C'est de ta faute ! hurla-t-elle à l'intention de sa cadette, toujours étendue dans l'herbe.

Elle lui donna un coup de pied dans le tibia, mais Morgause ne réagit pas. Elle restait simplement allongée sur le dos, les paupières mi-closes. D'ordinaire, pourtant, elle se serait empressée de répliquer à une quelconque agression.

- Ce n'est pas drôle. Relève-toi et rentrons à la maison. Tout ce sang me rend malade. Ecoute... On inventera un mensonge, mais viens. S'il te plaît.

Elle se pencha pour tirer sa jumelle par la main, cependant le bras de celle-ci retomba mollement le long de son corps lorsqu'elle le relâcha. Morgane lui infligea une gifle légère sur sa joue blafarde, sans plus de résultat. Accroupie à hauteur de son visage, elle remarqua alors la flaque écarlate qui recouvrait le rocher. Cela ne pouvait pas provenir uniquement du Rattata.

- Morgause ! Morgause !

Elle la secoua violemment. Des larmes ruisselèrent le long de son visage pour venir se mêler au sang de sa soeur qui se répandait dans l'herbe. Elle ne bougeait pas. Elle ne bougerait plus. Le temps d'aller chercher du secours, il serait trop tard. Elle ne voulait pas la laisser seule.


Morgane pleurait. C'était un accident. Elle n'avait jamais voulu tuer sa jumelle. Elle n'était pas responsable : elle ne pouvait pas savoir qu'elle allait se cogner la tête contre le rocher en tombant. Comment aurait-elle pu prévoir cela alors qu'elle n'était encore qu'une enfant ?

- Je ne l'ai pas fait exprès... Je n'avais pas l'intention de...
- Il est trop tard pour émettre de regrets. Je suis revenue pour la venger. Je suis revenue pour prendre ta vie comme tu as volé la sienne.


La Championne réussit à relever la tête. Les sinistres yeux jaunes de Magirêve brillait sous son chapeau alors qu'elle raffermissait son emprise sur son esprit. Depuis le début, tout ceci n'était qu'illusion. Morgause n'avait pas pu réapparaître, puisqu'elle était morte quinze ans auparavant. La pokémon avait manipulé ses sens afin de le lui faire croire et d'assouvir sa vendetta.

Un chant s'éleva dans la pièce. Il était à la fois beau et lugubre, sombre et attirant. Morgane avait envie de fermer les paupières, de se laisser porter par la musique, d'autant que ses céphalées cessaient enfin. Elle se boucha néanmoins les oreilles lorsque la mélodie devint si stridente qu'elle lui fit mal aux tympas.

Les fenêtres de la salle à manger explosèrent sous l'influence de notes aussi aiguës. La jeune femme reçut des éclats de verre par les bras, qui lui lacérèrent la peau. Elle se redressa péniblement, chancelante, pour faire face à la créature fantomatique.

- Un Requiem ? C'est comme ça que tu comptes en finir ? la brava-t-elle. Tu mourras avec moi.
- Tel est mon dessein. Mon existence perdra son sens lorsque je t'aurais prise la tienne. Je serai ainsi libre de rejoindre ma maîtresse.
- Tu me fais bien rire ! Elle faisait souffrir les pokémon. Tu aurais fini par subir le même sort que ce Rattata, ce jour-là, dans la forêt.
- Tu mens !


Une Vague Psy s'échappa des iris éclatantes de Magirêve pour se diriger vers Morgane. Celle-ci éleva une barrière d'énergie devant elle afin de se protéger, mais recula tout de même d'un bon mètre afin d'encaisser le contrecoup.

- Un.

L'être spectral comptait, tel un métronome, le temps qu'il leur restait à survivre avant que le Requiem n'arrive à son terme. Morgane savait qu'elle devait la vaincre au plus vite, en un nombre d'attaque restreint, si elle voulait survivre. Il fallait qu'elle meure pour que l'incantation cesse : elle n'avait pas d'autre choix que celui de la tuer.

- Alakazam, l'heure est venue pour toi de triompher de ta rivale !
- Kazam !
- Pitoyable. Est-ce avec lui que tu comptes me battre ? Combien de fois l'ai-je réduit à l'agonie ? Je suis au summum de mon art, contrairement à vous deux !
- Puissance Cachée !

Des sphères noirâtres s'élevèrent autour du corps d'Alakazam pour fondre sur la Magirêve. Celle-ci, distraite par sa mégalomanie, ne les vit pas surgir à temps pour les esquiver. Lorsqu'elle répliqua par une attaque Aéropiqué, il se téléporta. Malheureusement, il ne faisait plus écran à Morgane, dont l'épaule fut lacérée par la pointe du chapeau de Magirêve.

Elle porta une main à son vêtement ensanglanté, mais elle ne cria pas. En fait, elle ressentait à peine la douleur. Ses pouvoirs l'entouraient d'un halo ténébreux qui la protégeait de toute souffrance physique. Elle décida de puiser dans ses dernières ressources afin de propulser son adversaire contre le mur.

Magirêve se désincarna, traversa la paroi en bois, puis réapparut quelques instants plus tard, en parfaite santé. Elle cligna de ses paupières fantomatiques avant de lâcher, à l'instar d'un couperet :

- Deux.

C'était le moment où jamais. Morgane devait agir, vite. N'y avait-il pas d'autre moyen, pour arrêter le Requiem, que de tuer celle qui en était à l'origine ? Elle n'y parviendrait jamais, elle n'en avait plus le temps.

- Morg...

L'intéressée sursauta en écoutant une voix soufflée son nom. Sa mère, effondrée sur le sol, n'était pas morte, malgré la quantité de sang qui s'écoulait de son ventre. Elle était étendue à plein ventre. Seule sa main s'agita lorsque la Championne posa son regard sur elle.

Elle tenait fermement serrée entre ses doigts une cuillère à café, celle dont elle s'était servie pour tourner son thé. Il n'en fallut pas davantage pour comprendre à la jeune femme où elle voulait en venir.

Elle se jeta à terre juste à temps pour échapper à la pokémon violette qui fondait sur elle et arracher l'objet de la poigne de sa mère. Elle roula sur le côté, sa blessure laissant une énième tâche écarlate sur le sol, puis se redressa d'un bond pour faire face à son ennemie.

- C'est vrai. Morgause était meilleure que moi pour tout.
- Pourtant tu l'as vaincue.
- Non, ça, c'était un accident. Je n'y serais jamais parvenue autrement.
- Tu reconnais ta faiblesse.
- Evidemment. En revanche, il y a une chose où elle n'a jamais pu rivaliser avec moi. C'est sur le lien que j'ai réussis à tisser avec mes pokémon. Elle ne t'a jamais suffisamment aimée pour y parvenir. Si tel avait été le cas, elle aurait maîtrisé l'ultime magie, celle qui vient du coeur, et non des ténèbres.


Morgane leva sa cuillère. Dans une parfaite synchronisation, Alakazam répéta son geste à l'identique. Magirêve ne bougea pas. Elle les jaugeait d'un air méprisant. Apparemment, elle les pensait indigne de la battre.

- J'ai grandi ici. J'ai reçu mon premier pokémon ici. J'ai perdu ma soeur ici. Tous les événements marquants de ma vie, c'est ici qu'ils ont eu lieu. Force Cachée !

Le sol se mit à trembler en même temps que les deux partenaires abaissaient leur couvert argenté. Une fissure s'étendit sur toute la longueur de la pièce, puis s'élargit progressivement. Cette attaque, qu'elle avait mis des années à enseigner à Alakazam, dépendait du lieu où elle était lancée. Là, dans la maison de son enfance, elle exprimait le sentiment que Morgane avait éprouvé à la mort de sa soeur : celui de sentir le sol s'écrouler sous ses pieds. Elle se transformait en Abîme.

Le plancher se scinda en deux. Ses bordures s'éloignaient l'une de l'autre et, tandis que la Championne épaississait l'air de ses pouvoirs afin d'accroître la gravité, un vent funèbre se mit à jaillir du gouffre béant pour y attirer la Magirêve, dont les profondeurs se perdaient dans les ténèbres. Il était cependant si puissant qu'il ne se cantonna pas à sa cible : le lustre fut arraché du plafond, les chaises volèrent jusqu'à la faille... Tout dans la maison allait être aspiré.

Les murs ne résisteraient pas longtemps non plus. Morgane s'éloigna bien vite de celui qui se trouvait juste dans son dos par crainte qu'il ne s'effondre sur elle. Grâce à ses pouvoirs, elle s'efforçait d'ancrer ses pieds sur le sol, mais il vibrait tellement que la tâche lui était ardu. Quand Alakazam manqua d'être aspiré à son tour, elle l'entoura d'une aura sombre afin de le retenir à l'aide de ses pouvoirs télékinésiques.

- Maman ! s'écria-t-elle soudain.

Elle était désormais séparée de celle-ci par l'abîme, or sa mère se rapprochait dangereusement du vide. Elle ferma les yeux un instant, frissonna, puis se jeta par-dessus la large fente sans réfléchir. Elle atterrit violemment sur l'autre bordure, où sa cuisse s'enfonça sur une latte de plancher brisée.

Elle étouffa un cri en se mordant le poing, puis agrippa sa génitrice par le poignet à temps, avant qu'elle ne bascule dans les ténèbres. Alakazam les rejoignit en lévitant par-dessus le gouffre. Il les entoura d'une Protection magique afin de limiter les effets du vent puissant et accentua la gravité de façon à les rendre moins vulnérable.

Morgane encercla le corps de sa mère de ses bras. Le sang qui coulait de sa jambe blessée se mêler au sien et elle sentait encore son coeur battre faiblement sous ses doigts, mais plus pour longtemps.

- Pardon... murmura-t-elle à son oreille. Pardon... J'espère que tu comprendras, maman. Je n'ai pas voulu ça. C'est pour ça que je vais réparer mon erreur. Je vais te sauver.

Alakazam projetait ses dernières forces dans la sécurité qu'il offrait aux deux femmes et la Championne, elle, utilisa les siennes pour se servir une dernière fois de ses pouvoirs, eux qui lui avaient causé plus de tort que de bien. Elle plaqua une paume tremblante sur la plaie de sa mère. Sa peau devint chaude, puis elle s'illumina, de plus en plus fort. Son éclat gagnait en intensité au fur et à mesure qu'elle lui transmettait son énergie de manière à la guérir.

Une larme coula le long de ses joues. Elle était fatiguée. Elle avait déjà puisé dans ses ressources pour combattre Magirêve, à présent vaincue, et les sortilèges de régénération nécessitait encore plus de puissance que tous les autres. Alakazam lui lança un regard inquiet, mais elle se contenta de secouer la tête. Elle devait le faire.

Les chairs se refermaient progressivement à son contact. Son épiderme était désormais écarlate, maculé de sang comme presque chaque partie de son corps. Sa vision se troublait, elle peinait à respirer. Elle sentit sa mère glisser d'entre ses bras, crut entendre un cri, mais elle aurait tout aussi bien pu l'avoir rêvé car elle plongeait dans les limbes du néant.
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