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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 71
Nom de l'œuvre : Entre infini et au-delà Nom du chapitre : Une moitié du chemin
Écrit par Cyrlight Chapitre publié le : 12/3/2015 à 11:56
Œuvre lue 96791 fois Dernière édition le : 14/8/2017 à 16:14
L'ambiance qui régnait à l'Arène ne s'arrangea pas au cours des jours qui suivirent. L'impétuosité de Sandra avait laissé place à une profonde morosité, et elle ne parlait presque plus, pas même pour sermonner les deux adolescents qui vivaient sous son toit.

Cassy, en plus de compatir avec la Championne, passait le plus clair de son temps à éviter consciencieusement Sylvain. Ce n'était pas simple, car il passait la majeure partie de son temps dans la bibliothèque, où elle-même devait se rendre pour effectuer les recherches que Sandra lui imposait.

Elle lui en voulait d'avoir ouvert la bouche. N'aurait-il pas pu se taire ? Se contenter de cette amitié qu'ils avaient tissée, tous les deux, depuis l'arrivée de la jeune fille à Ébènelle ? Elle appréciait beaucoup Sylvain, mais quoi qu'elle ressente, elle ne pouvait l'encourager à s'attacher à elle de la sorte.

Une relation entre eux n'était pas possible. Cassy passerait son temps à lui mentir pour préserver son secret et elle n'était pas à l'abri d'être retrouvée par ses poursuivants, ce qui la condamnerait à quitter Ébènelle dans les plus brefs délais, sans se retourner. Elle ne pouvait impliquer Sylvain dans sa vie plus qu'il ne l'était, car c'était déjà bien trop.

Elle savait que cette distance qu'elle imposait au Topdresseur le blessait, malgré quoi il la respectait. Il n'avait pas essayé d'insister, et avait même renoncé à discuter avec elle quand il avait compris qu'elle éludait ses tentatives de conversation. Seule la peine que tout ceci lui inspirait se lisait sur son visage.

Moins d'une semaine après la nouvelle année, un visiteur se présenta à l'Arène. Ils étaient tous les deux en train d'étudier, chacun installé dans un angle de la bibliothèque, le nez plongé dans un livre, quand quelqu'un pressa la sonnette de l'entrée. Comme Sylvain était le plus près du hall, ce fut lui qui alla ouvrir. Cassy demeura seule, l'oreille tendue pour mieux entendre. Était-ce Peter qui revenait se faire pardonner ? Quelle serait la réaction de Sandra, si tel était le cas ?

Elle se trompait, cependant. La voix qui parvint jusqu'à elle n'était pas celle du Maître du Plateau Indigo, mais un timbre féminin, à la douceur mélodieuse et surtout familière. L'adolescente blêmit.

- Oh non... murmura-t-elle dans un souffle, les yeux écarquillés. Cynthia !

Pour quelle raison la Championne de Sinnoh se trouvait-elle à Ébènelle ? Avait-elle réussi à localiser Cassy ? Comment ? Si elle y était parvenue, cela voulait dire que n'importe qui le pouvait également. Les assassins de sa famille étaient peut-être déjà là, à rôder dans les environs, guettant le moment opportun pour frapper.

- Attendez un instant, s'il vous plaît, déclara Sylvain. Je vais prévenir Sandra. Si vous voulez bien patienter dans le salon, je n'en aurai pas pour longtemps.

Une porte s'ouvrit, puis celle de la bibliothèque ne tarda pas à en faire de même. Le Topdresseur s'engouffra à l'intérieur, tout émoustillé. Oubliant la retenue dont il avait fait preuve récemment, en réponse à celle de Cassy, il lui adressa un sourire éclatant en dévoilant :

- Tu ne devineras jamais qui est ici ! Cynthia ! LA Cynthia de l'Élite des Quatre, de Sinnoh. Elle est encore plus belle en vrai qu'à la télévision.
- Ah oui... C'est... super. Vraiment super.

Sylvain interpréta le manque d'enthousiasme de Cassy comme une pointe de jalousie, mais elle fut incapable de se rattraper, hagarde comme elle l'était. L'adolescent quitta la pièce pour se lancer à la recherche de Sandra, qui était certainement dans ses appartements, tandis que la jeune fille se mettait à arpenter la pièce de long en large, à l'instar d'un pokémon en cage.

Elle n'en revenait pas. Dire que Cynthia était là, à quelques mètres d'elle, et qu'elle ne pouvait pas lui parler, au cas où quelqu'un soit en train de les épier. La Championne aurait pourtant pu lui communiquer des nouvelles de Régis et de son grand-père, ainsi que de Léa.

Des bruits de pas résonnèrent dans les escaliers, ceux de Sandra. Ils étaient beaucoup plus légers que ceux de Sylvain. Cassy accola son oreille à la porte de la bibliothèque, dans l'espoir d'entendre quelque chose. Comme la dracologue laissa le battant du salon ouvert, des bribes de leur conversation lui parvinrent.

- Bonjour, Cynthia, et meilleurs vœux pour cette nouvelle année. Quel bon vent vous amène à Ébènelle ?
- Merci, Sandra. Une excellente année à vous aussi. Pour ne rien vous cacher, je suis venue voir Peter. Comme les fêtes sont à peine terminées, j'ai songé qu'il serait probablement encore ici, et non au Plateau Indigo.
- Vous avez eu tort. Mon cousin passe sa vie dans tous les lieux qui ne sont pas cette ville. Sa véritable maison, c'est la Ligue. C'est donc là-bas que vous le trouverez. Puis-je tout de même vous demander ce que vous lui voulez ?
- Rien qui soit d'une importance majeure. La Conférence du Lys déroulera au mois de février et, comme j'étais de passage dans la région, j'ai songé que je lui remettrai son invitation en mains propres. J'en ai également une pour vous, d'ailleurs.
- Vous êtes bien aimable. Est-il possible de venir accompagnée ? Le jeune homme qui vous a ouvert est un stagiaire Topdresseur, et j'ai aussi une apprentie.
- Une apprentie ? Envisagez-vous déjà de céder votre place ? interrogea Cynthia.
- En aucune façon. Elle a débarqué du jour au lendemain et elle a littéralement exigé de moi que je la prenne pour élève. Je ne le regrette pas. De vous à moi, elle a un immense potentiel. Si elle continue dans cette voie, je ne serais pas surprise de la voir tôt ou tard surpasser Peter lui-même.
- Je ne vous connaissais pas si prompte à faire des éloges, Sandra.
- N'allez surtout pas le lui répéter. Je me montre aussi dure que je peux l'être avec elle, dans l'unique but de la pousser au-delà de ses limites. Jusqu'à présent, ça a plutôt bien fonctionné. Souhaiteriez-vous la rencontrer ? Elle est juste à côté.

Le sang de Cassy ne fit qu'un tour, mais elle s'efforça de garder son calme. Elle ne devait pas paniquer si elle voulait trouver une solution en urgence. Elle balaya la pièce des yeux. Cernée par les étagères et les tables de travail, elle ne repéra aucune cachette digne de ce nom. À défaut d'avoir une autre idée, elle ouvrit la fenêtre et sauta de l'autre côté au moment où Sandra ouvrait la porte. Le froid la glaça jusqu'aux os, car elle ne portait rien d'autre qu'un pull.

La dracologue poussa une exclamation de surprise en découvrant la pièce vide et s'approcha du châssis, tandis que Cassy s'éloignait en claquant des dents pour se tapir derrière le flanc de l'Arène. À deux reprises, Sandra cria son nom, jusqu'à être interrompue par Cynthia.

- Votre apprentie, elle se nomme Cassy ? demanda-t-elle d'une voix qui se voulait paisible et mesurée.
- Oui, pourquoi ?
- Pour rien, c'était une question en l'air. Depuis combien de temps est-elle chez vous ?
- Presque trois mois. Elle est arrivée à la mi-octobre.
- Je vois... J'aurais été très heureuse de faire sa connaissance, mais visiblement, elle a éprouvé le besoin de... Eh bien... Sortir par la fenêtre. Ce n'est pas grave. Si elle vous accompagne à la Conférence du Lys, je l'apercevrai sûrement là-bas.
- Sûrement, répéta Sandra d'un ton qui manquait de conviction.

Les voix s'affaiblirent tandis que les deux Championnes s'éloignaient de Cassy. Celle-ci patienta, le dos calé contre le mur, sans cesser de grelotter. Quelques minutes plus tard, Cynthia quitta l'Arène, accompagnée jusque sur le seuil par la propriétaire des lieux. Elles échangèrent encore quelques politesses, puis le Maître de Sinnoh prit congé. Alors qu'elle avait déjà fait quelques pas, laissant des traces dans la neige, elle se retourna une dernière fois pour lancer à Sandra :

- J'ai été ravie de constater que tout le monde allait bien.

La dracologue se demandait sans doute pourquoi Cynthia lui disait cela, au contraire de Cassy qui comprit aussitôt. C'était à elle que le message s'adressait, non à Sandra. La Championne lui signifiait ainsi que ses amis étaient sains et saufs. Avec un soupir de soulagement, elle s'autorisa un sourire.

Ce fut néanmoins avec un pincement au cœur que Cassy vit, à distance, Cynthia s'engager sur le chemin pentu qui menait à Ébènelle. Elle prit sur elle et, lorsque la jeune femme fut hors de vue, regagna la bibliothèque par la fenêtre restée ouverte. Elle s'apprêtait à la refermer quand Sandra fit irruption dans la pièce, furieuse. Elle dévisagea l'adolescente, les bras croisés sur sa poitrine, son pied martelant le sol à un rythme régulier.

- J'exige des explications.
- Je... Euh... bafouilla Cassy.
- Je me suis ridiculisée devant Cynthia ! Qu'est-ce qui t'a pris de te sauver comme ça ? Ne me dis pas que tu es soudain devenue timide, je ne te croirai pas !
- Je ne voulais pas vous mettre dans l'embarras. Je... J'étais simplement sortie faire un tour.
- Par la fenêtre ? Tu te moques de moi ?
- Vous m'avez ordonné d'être assidue et je ne voulais pas que vous me surpreniez, car je sais que vous m'auriez reproché mon oisiveté. Quand Sylvain m'a avertie pour l'arrivée de Cynthia, j'ai pensé que vous seriez en si bonne compagnie que vous ne remarqueriez pas mon absence.

Sandra observa Cassy durant un instant encore, avant de tourner les talons et de quitter la pièce sans un mot, se contentant de secouer la tête. L'adolescente fut soulagée de s'en tirer aussi facilement. Elle ramena son attention sur le châssis pour refermer les deux panneaux quand un frisson lui parcourut l'échine.

Elle avait la désagréable sensation d'être épiée. Prudemment, elle scruta les environs de l'Arène, tâchant d'ignorer la peur qu'elle ressentait à l'idée de ce qu'elle risquait d'apercevoir. Au début, elle ne remarqua rien d'anormal, mais elle finit par distinguer une forme tapie dans la neige, si claire qu'elle se confondait presque avec la pellicule blanche.

C'était un Givrali, qui la fixait de ses grands yeux bleus. Il n'était pas là par hasard, Cassy le savait. Cynthia possédait un pokémon de cette espèce et elle aurait mis sa main au feu qu'il s'agissait de celui-ci. Il tenait quelque chose dans sa gueule, qui ressemblait à un morceau de papier plié. Il l'abandonna à quelques mètres de l'Arène, puis s'enfuit en courant.

Cassy s'empressa de récupérer ce qu'il avait déposé à son attention. Elle ne s'était pas trompée, c'était bien une lettre. Elle était légèrement humide, mais pas assez pour que l'encre ait été altérée. Après avoir pris une profonde inspiration, elle entama sa lecture.

Très chère Cassy,

J'aurais tant aimé te parler de vive voix, mais ne t'inquiète pas, je comprends ton attitude, plus que légitime après les événements survenus à Kanto. Régis et son grand-père s'en sont tous les deux sortis indemnes. Le plan que tu as élaboré cette nuit-là a fonctionné à la perfection.

Afin de maintenir le professeur Chen à l'écart de toute cette histoire, Régis a décidé de quitter un temps le Bourg-Palette. Il travaille désormais à Littorella, auprès du professeur Sorbier. Il a choisi Sinnoh parce qu'il pensait que ce serait là-bas que tu ferais ta réapparition. Il en a également profité pour me contacter en toute discrétion et m'informer de ta fuite. J'ai aussitôt songé à me lancer à ta recherche, mais il a su m'en dissuader, avançant que je risquerais de mettre tes ennemis sur ta piste s'ils soupçonnaient nos liens.

Il s'est passé beaucoup de choses depuis ton départ. Léa a été rejointe par votre amie Tina sitôt son premier pokémon reçu, un Pikachu. Tout ne s'est pas déroulé comme prévu. Un peu trop vif, son partenaire l'a électrisée par inadvertance au cours d'un entraînement, et un glyphe est apparu sur sa cheville, celui du type électrique.

Je n'ai jamais cessé de chercher à démêler ce mystère, mais je ne te cacherai pas que je n'ai fait aucun progrès. En tout cas, à défaut de trouver des explications, tu peux compter sur moi pour garder un œil sur tout ce petit monde. Pour le moment, nous n'avons encore encouru aucun danger. Ou bien tes poursuivants ignorent tout de nous, ou bien ils ne nous considèrent pas comme des cibles, contrairement à toi.

Prends bien soin de toi, Cassy. Tu nous manques beaucoup, en particulier à Régis, et nous t'embrassons tous, dans l'espoir de te revoir lorsque tu t'en sentiras libre. Bonne chance pour ton apprentissage auprès de Sandra.

Cynthia
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