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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 7
Nom de l'œuvre : Sentaï Scoop Nom du chapitre : Comme un arrière-goût de sentaï
Écrit par Tracy Chapitre publié le : 7/10/2015 à 19:19
Œuvre lue 11107 fois Dernière édition le : 7/10/2015 à 19:36
Chapitre 7

Comme un arrière-goût de sentaï

[Journal de Tôa, 7 décembre]
[Le sucre pullule dans les rues, inondant les cours de récré et la cantine scolaire. Les caniveaux vomissent les papiers d’emballage de Wilka. Chaque jour il étend un peu plus son emprise sur la Sentaï-school et sur la ville. Les consommateurs frénétiques hurlent comme dans une foire au boudin, se roulant dans la confiture bon marché et abusant des chocolats suisses bas de gammes. Et lorsque les égouts déborderont de bâtons de sucettes mâchouillés, tous reviendront vers moi désespérés. La bouche pleine de caries et les ventres meurtris par les crises de foie, ils me supplieront : sauvez nous… Et dans un murmure je dirai : Non.]
« Eh Tôa ! Qu’est-ce que tu fais ? Demanda Keiji de très bonne humeur. Sympa ton chapeau ! »
Assis sur un dossier de banc, Tôa referma son journal intime relié en cuir dans un claquement sec. Il pleuvait ce matin-là, Tôa avait dû enfiler son trench-coat brun par-dessus sa veste de la Sentaï-School et des gouttes de pluies ruisselaient sur son chapeau en feutre sombre. Keiji avait opté pour un look plus kawaï avec un parapluie rose décoré de smourbiffs. Bibi en imperméable vert l’accompagnait, serrée contre son frère sous le parapluie.
« Rien d’intéressant… » Répondit Tôa d’une voix roque.
Après une nuit sans sommeil, Olys la tête dans le derrière et l’esprit embrumé, se traina péniblement jusqu’à l’école. Devant la grille, Bibi, rouge comme une pivoine, et son frère Keiji discutaient avec Tôa et Hongo qui venait d’arriver de l’autre bout de la rue, vêtu d’une longue veste de pluie noire à la matrix. En la voyant arriver complètement HS, des cernes énormes sous les yeux, les autres ne manquèrent pas de lui lancer quelques boutades.
« Tiens voilà Olys ! Lança joyeusement Keiji. C’était chouette ta sortie avec Ken ? »
Olys somnolait toujours à moitié, la joue collée sur son manche de parapluie imprimé aux couleurs du drapeau américain, elle mit donc un certain temps à comprendre ce que le jeune Jasper lui avait demandé.
« Gwé ? Comment tu sais ça d’abord ?
- Bah c’est Bibi qui me l’a dit. »
Olys loucha en essayant de lancer à Shinobi un regard de travers.
(Sympa la copine… Je m’en souviendrai d’ça, ou pas d’ailleurs, j’ai tellement sommeil…)
« ….pas l’air….bien dormi ? Tenta Bibi pour essayer de se faire pardonner.
- Vous êtes rentrés tard ? Renchérit Tôa. Vous avez mangé où ?
- Pourquoi ça vous intéresse ? Râla Olys
- Fais pas ta mauvaise tête, on parle tous de nos week-ends. Moi je suis allé au musée de la gastronomie, pour essayer de trouver l’inspiration pour de nouveaux plats.
- T’en as trouvé ? Demanda gentiment Keiji.
Le visage de Tôa s’assombrit brusquement, Hongo et Bibi reculèrent de quelques pas, au cas où.
- Je ne savais pas que l’exposition temporaire était dédiée à Wallace Wilka… »
Tôa resserra son poing autour du stylo avec lequel il écrivait dans son journal et le broya. Keiji estima plus prudent de changer de sujet et de revenir sur le cas d’Olys.
« Et toi alors : racontes nous ta journée avec Ken !
- C’était une journée avec Ken… Fit Olys désabusée. Il a fait des trucs bizarres du matin jusqu’au soir.
- Tu t’attendais à quoi ? » Répliqua Hongo.
En voyant les mines circonspectes des trois autres elle finit par admettre :
« Mais c’était sympa… Il est euh... Gentil. »
(C’est pas vraiment le mot que je cherchais mais qu’importe, du moment qu’ils me lâchent la grappe.)
Keiji rayonnait, Olys se douta qu’elle avait fait pire que mieux en mettant des pièces dans la machine.
« Alors tu vas sortir avec lui pour de bon ? Demanda une voix derrière elle, c’était Duke qui s’approchait le pas nonchalant et les cheveux trempés.
- Ce serait trop bien ! S’exclama Keiji. Ce serait un peu comme Bibi et Hongo mais en mieux parce qu’Olys n’est pas ma sœur ! »
Le couple lui jeta un regard assassin, pour eux, dans la bouche de Keiji, c’était une véritable déclaration de guerre.
- Qu’est-ce qui serait trop bien ? Lança Vipère. Elle venait d’arriver, sa capuche blanche relevée sur la tête pour la protéger de la pluie.
-….retard, lui reprocha Shinobi.
- J’ai perdu du temps ce matin pour saboter le parapluie de Duke.
- Merci du cadeau… Marmonna Duke trempé jusqu’à l’os en se rappelant du parapluie gruyère qu’il avait ouvert en sortant de chez lui.
- On disait qu’Olys et Ken sortaient ensemble maintenant ! Brailla Keiji. C’est trop cool hein ?
- Eh, ce n’est pas vrai ! On a juste passé une journée ensemble ! » Protesta Olys.
(Il faut que j’arrive à garder mon calme cette fois. Ce n’est pas le moment de craquer…)
« Aaah c’est beau l’Amour… » Dit Vipère avec son piètre don d’actrice et son regard malicieux.
Elle se pencha alors vers Tôa :
« Et moi qui suis toujours célibataire, quel drâââme ! Il me manque un homme beau, intelligent, habillé en rouge, doué en cuisine et, si j’ai de la chance mais ce n’est pas vraiment important, très très riche. Qu’en penses-tu Tôa ? Connais-tu un garçon capable d’être ce prince charmant de mes nuits solitaires ?
- ……fais trop. » Souffla Bibi en haussant un sourcil.
Tôa avait envie de se pendre avec un chapelet de saucisses.
« Ma vie est nulle… Marmonna le garçon joufflu.
- Au fait, il est où Ken ? Lança Hongo. Les cours vont bientôt commencer et il n’est toujours pas là. Il va nous mettre en retard !
- Pourquoi tu m’demandes ça à moi ? J’en sais rien, rétorqua Olys.
- T’es sa petite amie non ?
- Mais non je vous dis !
- Roh, fais pas ta timide ! On a bien vu comment tu le dévorais des yeux tous les jours, piailla Keiji.
- Quoi ?!? S’exclama Olys. Mais… Mais pas du tout !
(Crotte, comment je peux leur expliquer ça ?)
- Ken aussi avait l’air content que tu l’invites, avoua Duke.
- Si ça se trouve lui non plus n’a pas beaucoup dormi… » Keiji avait un air plutôt coquin.
(Mais arrêtez, c’est ridicule… Ken n’est pas… Il est…)
« Je pensais que ça lui ferait du bien de sortir avec une fille, dit Duke avec un sourire. Et au final je trouve que vous allez bien ensemble tous les deux.
"Dans le genre barjot…" ajouta-t-il intérieurement.
- ….vrai, confirma Bibi.
- Ah tu vois que j’ai fait une bonne action pour une fois ? » Fit remarquer Vipère à son cousin.
(Hein ? Ils me charrient là ?)
« En y repensant, reprit Keiji, pensif : je crois que c’est la première fois que Ken est amoureux de quelqu’un… C’est trop mignon ! »
Et là, le vase intérieur d’Olys déborda.
« Arrêtez !!! Ken ne peut pas être amoureux de moi : c’est un robot ! » Cria Olys.
Un silence pesant lui répondit. Elle sentit une sueur froide couler le long de sa tempe.
(J’ai dit quoi là ? Oh non… Non, non, non, je n’ai pas fait ça, c’est impossible. Déballer un scoop aussi important verbalement, sans l’avoir publié quelque part ? J’ai même supprimé mon article hier soir ! Je déraille complètement ma parole ! Qu’est-ce qu’y m’a pris ?!?)
« Quoi ? » Finit par demander Hongo en haussant un sourcil.
Les autres restaient interdits. Olys tenta de se rattraper aux branches.
« Euh, je voulais dire que parfois Ken est tellement froid qu’on dirait un robot. Alors ce n’est pas facile de… De comprendre ses sentiments tout ça… C’est de votre faute aussi, vos questions me gênent ! Respectez ma vie privée.
- C’est toi qui nous dis ça ? Rétorqua Vipère en pointant du doigt l’appareil photo au cou d’Olys. C’est la Vilain-School qui se fout de la méchanceté !
- Maintenant que tu le dis… Prononça lentement Tôa, une main posée sur le menton en pleine réflexion. C’est vrai que Ken a fait des tas de trucs étranges depuis qu’on le connait. Je me suis déjà demandé s’il était vraiment humain.
- Oubliez ce que j’ai dit ! Le coupa Olys, paniquée. J’ai dit ça comme ça, c’est une métaphore, il ne faut pas le prendre au sens littéral.
- C'est-à-dire que quand tu l’as hurlé dans l’oreille de Keiji ça semblait littéral… Commenta Duke.
- Mais non enfin, réfléchissez : un robot humain aussi réel ce serait complètement absurde, on n’est pas dans un manga ! Bluffa Olys.
(Deux années de parties de poker illégales sous le préau du collège de Saint-Richard, je devrais être convaincante bon sang !)
- Vous avez remarqué qu’il ne bouge jamais les lèvres quand il parle ? Continua Tôa sans accorder la moindre attention à la remarque d’Olys.
- Et son regard reste toujours fixe, presque inexpressif, ajouta Keiji.
-….destruction….école….force….vitesse….principal….robot ? Se rappela Bibi.
- Arrêtez un peu ! Les interrompit Hongo. Olys a raison : c’est du grand délire, Ken ne peut pas être un robot.
(Merci Hongo ! God bless your stupidity !)
- On a vu des trucs plus bizarres se passer à la Sentaï School, répondit Duke avec son chibi goldo aux papattes mouillées dans les bras.
- Fougni fougni gni ! »
(Ok j’ai compris… Bluff level 2 enclenché.)
« Ecoutez-moi… Dit Olys d’une voix terriblement grave et sérieuse. Oui c’est vrai, vous avez raison…
- Quoi Ken est vraiment un robot ?!? S’exclama Keiji.
- NON ! Grogna Olys. Ken et moi on sort ensemble ! Je n’voulais pas vous le dire mais puisque vous insistez je n’ai pas le choix ! C’est vrai que c’est compliqué, parce qu’il est froid, qu’il a un regard inexpressif et qu’il détruit l’école tous les mois, mais ce n’est pas un robot pour autant !
- Qui n’est pas un robot ? »
Un frisson glacial parcourut l’échine d’Olys, elle aurait reconnu cette voix calme aux légers accents métalliques entre mille.
« Ben toi Ken, répondit Keiji au tac au tac.
- Tôa ? Non Tôa n’est pas un robot, moi non plus d’ailleurs. Je ne connais pas de robot, je suis un humain ordinaire, tout ce qu’il y a de plus ordinaire. »
(Arrêtes de répéter ça c’est pire que mieux ! J’ai eu assez de mal comme ça à les convaincre !)
« Ken t’as vu l’heure qu’il est ? Tu faisais quoi encore ? Râla Hongo.
- Je suis passé chez Olys, répondit Ken en se tournant vers la jeune fille. J’ai eu du mal à trouver et tu étais déjà partie. Tu as oublié ça hier. »
Il lui tendit la jardinière fleurie et ses joyeux cloportes. Olys, abasourdie, s’en saisit en tremblant.
« Ah oui, désolée… Merci beaucoup. »
La sonnerie retentit et tout le petit groupe dû se mettre à courir pour arriver à peu près à l’heure dans leurs salles respectives. Olys avait de nouveau son bac à fleurs sous le bras. Dans la classe de Spectreman-senseï elle le posa au sol à côté de son bureau.
« Mademoiselle Allen, pourquoi avez-vous amené ce truc ? Vous mettez de la terre partout.
- Si je vous dis que ça concerne Ken Eraclor, je suppose que vous ne souhaitez pas en savoir d’avantage ? » Répliqua la jeune fille avec mauvaise humeur.
Georges Spectreman leva les yeux au ciel puis reporta son attention sur d’autres élèves, plus courtois et avec de meilleures fréquentations.
« Alors comme ça tu as découvert le secret de Ken ? Chuchota Vipère en direction de sa voisine de table.
- Non je n’ai rien trouvé, je laisse tomber.
- Tu mens très mal et c’est une professionnelle du mensonge qui te le dit. »
Olys soupira et attendit quelques instants que le prof se retourne avant de répondre à Vipère.
« Son secret n’a pas grand intérêt…
- Au point que tu le protèges en renonçant à ton scoop de la mort-qui-tue ? Insista Vipère en haussant un sourcil. Les autres ont peut-être raison finalement : t’es vraiment amoureuse de lui…
- Tu veux que je te fasse des devoirs supplémentaires ? Proposa sèchement Olys.
- Si tu insistes, je ne vais pas refuser ! » Chantonna joyeusement Vipère.
(Comme si je ne t’avais pas vu venir à des kilomètres ! Bourreau !)
« Un peu de silence au fond mademoiselle Stratéquerre !
- Mais il va falloir que je trouve un autre sujet pour mon article, murmura Olys.
- Je n’sais pas moi…
- Demain c’est le jour de la sortie scolaire de fin de trimestre annonça Georges Spectreman. Le confiseur Wallace Wilka a gentiment proposé de nous accueillir au sein de son atelier-boutique. Vous avez une question monsieur Naruzo ?
L’apprenti ninja avait très vite levé la main.
- Ca a quoi d’héroïque un magasin de bonbons ?
- Excellente remarque. Le budget de l’école étant très limité ces derniers temps et la boutique de monsieur Wilka étant situé sur le trottoir d’en face, ce choix nous a semblé être le plus judicieux. Mais je compte sur vous pour me rendre une dissertation la semaine prochaine, sur le thème des "héros ordinaires", où vous consignerez la liste des aspects bénéfiques de la marque Wilka sur notre société.
- C’est vraiment de pire en pire cette école… Soupira Olys affligée.
- Bah le voilà ton scoop : t’as qu’à interviewer Wallace Wilka et découvrir son secret de fabrication.
- Eh ouais… Souffla Olys dans une illumination. C’est une idée brillante !
- Je t’en prie, ça fera une dissert’ de plus. »
Le lendemain, après une nuit ponctuée de rêves où Ken dansait avec Wilka sur l’air de la chanson "Candy Shop", Olys, Vipère et Shinobi se regroupèrent avec leurs camarades de classe dans la cour de l’école. La sonnerie avait déjà retenti pour les autres mais Keiji en pleine crise névrotique refusait de lâcher le bras de sa sœur.
« Y aura même une distribution de bonbons gratis à la fin ! S’excita Keiji. Vous avez trop de la chance les filles ! Tu m’en ramèneras plein, hein Bibi ? Tu me le promets ?!? Et toi aussi Olys puisque tu n’en mange pas !
- Mais lâches moi à la fin ! S’énerva Bibi. Va en cours ! Je sens l’aura négative de Tôa jusqu’ici ! Aller dégages ! »
Shinobi fut obligée de taper sur son frère pour qu’il se décide enfin à la relâcher et à rentrer dans l’école.
« Bon tout le monde est prêt ? Allons-y ! » Lança un Georges Spectreman très solennel comme s’ils partaient tous à l’aventure au bout du monde… La classe traversa la route en regardant à droite, puis à gauche, sécurité routière oblige (ah ah, la bonne blague) et arriva à bon port.
- Waouh, trop fun le voyage scolaire j’ai fait plein de selfy… » Se moqua Vipère sous le regard critique de Spectreman.
Wallace Wilka dans une nouvelle tenue ultra colorée abandonnée par le bon goût depuis un certain temps les attendait sur le seuil de la boutique et les accueillit à bras ouverts.
« Soyez les bienvenus jeunes gens curieux et gourmands dans mon humble usine ! Puisse- t’elle vous apporter bonheur et réconfort, dans vos bouches comme dans vos vies !
- Il a bouffé un poète ce matin ou quoi ? Lança Vipère.
- Non il est toujours comme ça. » Répondit Olys en dégainant son appareil photo, son carnet de notes et son crayon. L’agilité d’Olys était assez impressionnante, un être humain aurait eu besoin d’une troisième main mais pas Olys.
Wilka mena la classe jusqu’au portail de livraison. Il leva les bras tel Moïse devant la mer rouge et la grande porte en aluminium s’ouvrit comme par magie.
Un parfum de sucre affamant s’échappa aussitôt de l’usine par l’ouverture et assaillit les narines des élèves. Même le triplet d’adolescentes qui ne consommaient pas de bonbons en temps normal eut l’appétit aiguisé.
« Je vous en prie, suivez-moi. » Leur demanda Wallace Wilka, toujours très gentleman.
Le groupe grimpa l’escalier à la file indienne pour rejoindre une plate-forme. Elle permettait aux visiteurs divers de circuler de salle en salle sans gêner les ouvriers en plein travail au rez-de-chaussée.
Wilka souhaitait débuter la visite par l’histoire de son usine. Tout le long du corridor qui menait au bureau de Wallace Wilka, le patron avait fait aménager une frise chronologique, composée d’une série de panneaux de type scénettes avec des légendes, sensée illustrer l’histoire de la marque, donc en gros la biographie de Wallace Wilka lui-même.
Sur les premiers clichés en noir et blanc, le confiseur était enfant. Sur chaque image il était en train de jouer avec des bonbons : au lieu de les manger, il se fabriquait des masques et des costumes de monstre. Par exemple, sur la première photo du couloir Wallace avait l’air très jeune, peut-être trois ou quatre ans maximum. Il s’était enfoncé deux sucre d’orge taillés en pointe sous la lèvre et présentaient au photographe ses mains crochues en mode vampire. Sur la deuxième photo, il s’était collé des berlingos sur la figure et de la confiture de fraise dans les cheveux pour imiter un zombie.
« Comme vous pouvez le voir, j’ai toujours été fasciné par les confiseries en tout genre et les possibilités qu’elles offraient : chaque petite crotte en chocolat était une source d’inspiration infinie, un appel au jeu et à la création. »
Olys s’arrêta devant une photo vraisemblablement prise le jour d’Halloween. On y voyait le petit Wallace, à dix ou onze ans, en train de poursuivre ses camarades dans la rue avec un long masque en réglisse sur la figure et un couteau en sucre dans la main. Il avait l’air de s’amuser, les autres moins…
« Bientôt, ma personnalité artistique ne pouvait plus se satisfaire d’utiliser les bonbons pour la sculpture, le déguisement ou la décoration d’intérieure, je devais créer mes propres confiseries ! »
La classe arriva au bureau de Wilka, il était équipé de deux vitrines, la première donnait sur la chaîne de fabrication et l’autre sur le couloir, si bien que les élèves pouvaient voir l’intérieur. Wilka avait un siège en chamallow et un bureau pain d’épice.
« Ca ne pourrie pas ? Se demandait Olys, très terre à terre.
- Je crois que quelqu’un a commencé à rogner l’accoudoir… Remarqua Bibi à travers la fenêtre.
- J’ai donc décidé de quitter l’école publique pour m’inscrire à la Gourmet-School, un collège privé pour les meilleurs apprentis-pâtissiers du monde situé en Suisse allemande. Malheureusement, même là-bas, mes œuvres restaient incomprises… »
Vipère, Olys et Bibi regardèrent attentivement la photo que Wilka montrait du doigt à l’entrée de son bureau. C’était le jour de la remise des diplômes de fin d’étude, chaque étudiant devait présenter un projet pâtissier.
Au centre de la photo trônait le major de promo avec sa pièce montée en choux à la crème caramélisés, elle avait la forme de la statue de la liberté. A ses côtés, une jeune fille présentait un papillon géant en trois dimensions de chocolat, nappé de pattes d’amandes aux couleurs chatoyantes. Tous les gâteaux au premier plan étaient non seulement très appétissants mais semblaient également sortis d’un univers féérique… Sauf celui de Wallace. Assis dans un coin de la photo, l’air renfrogné terriblement déçu, le jeune homme avait sur les genoux un gâteau terriblement technique à confectionner mais qui n’avait pas eu les faveurs du jury : il représentait le globe terrestre en pudding recouvert de champignons atomiques meringués.
« C’est moi où il y a un truc qui ne va pas bien dans sa tête ? Lança Vipère en haussant un sourcil.
- Je suppose que tout le monde traverse un jour ou l’autre une période, hum… Difficile ? Suggéra Olys.
- Un peu comme mon frère en mode so-dark, précisa Bibi.
- Mais alors que je quittais l’école secondaire en proie au doute, j’eus enfin une révélation en arrivant à l’université et un an plus tard j’ouvrais ma toute première confiserie sur le campus ! »
La boutique en question était en photo sur le mur, elle ressemblait beaucoup à celle-ci mais en beaucoup plus petit, les clients en revanche étaient nombreux.
« Vingt ans plus tard, avec le succès commercial de mes bonbons et mon entrée en bourse, j’ai saisi l’occasion pour m’exporter à l’étranger et me voici devant vous jeunes gens pour partager les douceurs sucrées avec le monde entier !
- Mais pourquoi vous êtes-vous installé en face de notre école ? Demanda alors Olys.
- Les jeunes de moins de dix-huit ans sont les plus gros consommateurs de sucreries, toutes catégories confondues, et plus les élèves sont dynamiques et sportifs, plus ils consomment de sucre. L’emplacement de ma boutique n’était pas logique : il était évident. »
Wilka poursuivit la visite et les fit marcher sur une passerelle métallique qui passait par-dessus les installations de la salle de production principale.
La fabrique Wilka était une usine assez classique, avec ses tapis roulants noirs, ses cuves gigantesque remplies de mélasses et ses murs en béton. En revanche les nombreux employés de la firme Wilka étaient tous anormalement velus et en bichromie noire et blanche, ce qui contrastait avec les sirops multicolores qui coulaient dans les moules. Bibi, Olys et Vipère se penchèrent par-dessus la balustrade pour mieux voir les ouvriers s’afférer en contre-bas.
« Les filles, ce sont bien des marmottes en bas ? Demanda Bibi, prise d’un doute affreux.
- Non, des moufettes (Mephitis mephitis) je dirais, répondit Olys en grimaçant.
- Ca explique le parfum si particulier des bonbons Wilka… Ironisa Vipère.
- Ces moufettes viennent du Yamato, précisa Wallace Wilka. La crise économique est rude là-bas et je manquais d’ouvriers qualifiés. Je leur ai donc obtenu des permis de travail pour venir chez nous. »
Deux moufettes qui surveillaient l’ébullition d’une grande cuve de caramel relevèrent la tête dans leur direction.
« Xde zafr ga fucfe Wilka fre frfergztegze ? (traduction : Ce ne sont pas les enfants à qui Wilka vend ses cochonneries ?)
- Dana. Froja ga jfharahf zfiazfh zfoi, zfkihazeo hzef ahzefhaz fzeiohf ! (traduction : "Si. Ces gamins sont complètement débiles, on les empoisonne et ils viennent encore nous voir !")
- Elles ne parlent pas français, expliqua Wilka, mais elles sont délicieusement efficaces et intelligentes avec ça.
- Monsieur Wilka, je peux prendre des photos ? Demanda poliment Olys.
- Mais bien sûr délicieuse enfant ! Prenez toutes les photos que vous voulez et faites savoir au monde entier à quel point mon usine est merveilleusement saine et respecte le droit du travail comme celui des animaux. »
Olys bombarda l’usine de clichés tout en prenant des notes par intermittence de ce que disait Wilka. Il les emmena ensuite dans la salle réservée au chocolat, le parfum de l’air mit les élèves en transe, puis il les conduisit dans la salle voisine où des moufettes triaient les confiseries ratées et malformées avant l’emballage final.
« Monsieur Wilka, quel est le secret de vos bonbons ? Pourquoi les gens se les arrachent ? Tout le monde dit que vous avez un ingrédient secret.
- Mon secret ? Le sucre, toujours plus de sucre ! Je rêve de barque en sucre avec des voiles de chocolat naviguant sur des rivières de miel !
- Ses rêves doivent être super-collants. » Commenta Vipère.
Les élèves arrivèrent enfin au bout de la chaîne opératoire.
« Et ici vous pouvez voir les moufettes qui emballent le chocolat dans le papier d’alu…
- Mais bien sûr… » Soupira Vipère.
Olys qui photographiait toujours les lieux remarqua une porte blindée au fond de la salle. Un écriteau rouge accroché dessus indiquait "privé", typiquement le genre de détail qui attirait Olys comme un moustique sur une lampe de camping.
« Monsieur Wilka, qu’y a-t-il derrière cette porte ?
- Oh celle-ci vous voulez dire ? Elle donne sur le service recherche et développement, c’est une zone ultra confidentielle vous le comprendrez : je n’ai pas envie qu’on me vole mes extraordinaires recettes. »
(Juste du sucre hein ?)
Le regard d’Olys pétillait, sa curiosité d’apprentie-journaliste était piquée à vif.
« Eh bien jeunes gens, il me semble que la visite est terminée. Je vous invite à rejoindre la boutique pour déguster quelques douceurs… Gratuitement.
- Ouais !!!
- Dès qu’on leur parle de friandises ils se comportent comme des enfants de cinq ans… Se lamenta Georges Spectreman. J’ai l’impression de diriger une maternelle, je ne comprends pas.
Wallace Wilka lui fit un clin d’œil.
- C’est la magie de Wilka. »
(Magie de mes fesses oui ! Tu mets un truc dans tes bonbons, j’en suis sûre.)
Olys s’éclipsa tandis que Bibi remplissait son sac de bonbons pour Keiji et que Spectreman-senseï était occupé à contrôler ses élèves affamés.
« Vipère, je vais avoir besoin de quinze minutes le temps de faire un saut jusqu’à l’école et de revenir, tu peux retarder le départ de la classe d’ici là ?
- La facture sera salée, dit Vipère avec un sourire de sorcière.
- Ta dissert sur Wilka sera sur ton bureau demain matin.
- T’es vraiment une copine en or tu sais ? »
(Toi aussi vu combien tu coûtes à Tôa...)
Olys galopa de l’autre côté de la rue et s’introduisit discrètement dans les coulisses du théâtre de madame Sainte Calèche pendant qu’elle dispensait son cours d’art dramatique aux deuxièmes années.
« Non ça ne va pas ! Il faut plus de puissance dans la voix ! Plus de passion et de rage ! Ordonna la professeure.
- A….Adrienne ! Je t’aime !!! » Cria Tenshirock junior dit "le Boa" sur le devant de la scène.
Dans l’obscurité, Olys farfouilla parmi les costumes et trouva ce qu’elle cherchait avec un sourire satisfait. Elle retourna en quatrième vitesse du côté de l’usine wilka avec le gros paquet sous le bras. Quand elle entra dans la boutique, Vipère était en train de faire son numéro à Wilka lui-même.
« Et ça ça coûte combien ?
- Dix…
- Ouh là c’est cheeeer ! Le coupa Vipère.
- Souhaitez-vous un autre échantillon gratuit ma jeune et intransigeante amie ?
- Oh oui ! »
Vipère avait déjà un sac énorme d’échantillons gratuits, cinq fois plus gros que ceux des autres élèves. Spectreman derrière elle s’impatientait.
« Bon Vipère on ne va pas y passer la journée… Vous avez cours cet après-midi je vous rappelle, et vous n’allez tout de même pas manger tout ça toute seule ? »
Olys devina les pensées de Vipère simplement en regardant ses prunelles sournoises. Non, elle n’allait pas les manger elle allait les revendre sous le manteau à l’école. Olys sourit.
« …envie… ...petit-coin ? Demanda-t’elle d’une toute petite voix dans le dos de Spectreman.
- Oui oui allez y mademoiselle Jasper mais ne trainez pas. » Répondit Georges sans même se retourner.
Olys était ravie que sa feinte fonctionne et elle fila aux toilettes de l’arrière-boutique. Bibi en entendant son nom de loin regarda Spectreman d’un air circonspect mais ne fit aucune remarque.
Dans une cabine, Olys enfila un costume de blaireau extrêmement chaud et un petit peu trop grand pour elle. Ce n’était pourtant pas un mal car ainsi elle pouvait dissimuler son appareil photo sous la fourrure. Par contre, elle fut contrainte d’abandonner sa veste d’hiver de la sentaï-school sur le porte manteau des toilettes. Elle pourrait prétexter l’avoir oublié lors de la visite pour la récupérer le lendemain.
Au lieu de retourner dans la boutique, elle se faufila dans l’usine à la recherche d’une bonne planque. Même si son costume lui permettait de passer plus ou moins incognito, elle ne pouvait pas se mettre au travail sans risquer de se faire griller par Wilka ou une de ses employées mal odorantes. Olys passa à nouveau par la passerelle métallique.
« Cse faez ba ffessd fzefzea cd ? Demanda une moufette à sa collègue en levant les yeux vers Olys qui traversait la passerelle. (traduction : "Elle n’est pas un peu bizarre cette moufette ?")
- Faez fzefzea, faez afeazgfez. (traduction : C’est pas une moufette, c’est un blaireau.)
- Ksss… Wilka fhertre fefhyio fefrz fefe. Ich fojohiofez caassocouillos ! » (traduction : Puff… Wilka embauche vraiment n’importe qui. Je me plaindrai au syndicat !)
Olys finit par trouver les vestiaires des ouvrières. Pendant un instant elle se demanda pourquoi des moufettes avaient besoin de douches, mais tout ce qui lui importait vraiment c’était de trouver une cachette. Elle s’enferma dans un casier vide et attendit le changement d’équipe.
Pendant ce temps dans la boutique, Spectreman était à bout de patience, Wallace Wilka aussi même s’il ne le montrait pas.
« Maintenant ça suffit Vipère, vous avez assez de bonbons pour un régiment ! On y va ! »
Enervé, Spectreman se retourna brusquement et bouscula Shinobi.
« Oups, pardon… Ah vous êtes revenue mademoiselle Jasper, parfait nous pouvons retourner à l’école !
- Revenue ? »
Bibi haussa un sourcil tandis que Spectreman poussait littéralement ses élèves dehors à la manière d’un chien de berger encombré de moutons têtus. Shinobi se tourna vers Vipère qui trainait derrière elle son monstrueux sac sucré. Il était beaucoup trop lourd pour qu’elle le porte, elle était obligée de le faire glisser sur le sol.
« Vivi, elle est où Olys ?
- T’inquiète pas pour elle, elle pense qu’elle sait ce qu’elle fait. »
Olys passa toute la pause déjeuner et son après-midi cachée dans le casier. Les heures lui paraissaient interminables et elle était consciente de sécher les cours mais c’était pour la bonne cause. Elle pourrait prétendre avoir eu une violente indigestion après avoir mangé trop de bonbons Wilka, comme elle savait falsifier les documents et imiter la signature de sa mère ce n’était pas un problème pour elle d’obtenir un mot d’excuse.
A dix-sept heures, la sonnerie annonça la fin du travail du service de jour. Lors de la visite, Wilka avait annoncé que l’usine fonctionnait aussi la nuit mais au ralenti. Olys profita de la cohue dans les vestiaires pour sortir discrètement du casier.
Malgré la foule, plusieurs moufettes racistes la regardaient de travers, le noir et le blanc ne faisaient pas tout dans la vie : il manquait la queue voluptueuse et le museau court, mais Olys ne s’en rendait pas compte.
Elle examina le plan d’évacuation d’urgence affiché à l’entrée des vestiaires pour repérer l’emplacement du service recherche et développement. Heureusement l’usine n’était pas trop grande. En dehors de la porte métallique qu’elle avait vue au cours de la visite, elle remarqua un autre passage accessible depuis le hangar des livraisons.
Dans son costume de blaireau, Olys trottina jusqu’au hangar. La porte n’était pas verrouillée, une chance inouïe pour Olys. Elle passa prudemment sa tête à l’intérieur, elle entendait la voix de Wilka dans le laboratoire, c’était sans doute lui qui avait ouvert la porte, il discutait avec quelqu’un.
Olys fronça les sourcils.
(Je connais cette voix…)
Olys repéra un alignement serré de blouses blanches accrochées sur un long porte manteau à roulettes plaqué contre le mur. Elle se glissa derrière en espérant que les poils noirs de la peau de blaireau ne se remarqueraient pas de trop, puis elle avança jusqu’à avoir une vue sur l’ensemble du laboratoire et surtout trouvé un petit interstice pour sortir son appareil photo.
Dans le laboratoire, autour de multiples fioles et bec-benzène s’afférait une demi-douzaine de jeunes employés en blouse qui n’étaient pas des moufettes. Ces employés avaient drôle d’air et ils étaient vraiment très jeunes, Olys fronça les sourcils en réalisant qu’il s’agissait d’adolescents. Elle reconnut même certains visages.
(Mais, ce sont…)
« C’est très gentil à toi de prendre mes étudiants en stage Wallace… » Dit la voix qu’Olys avait cru reconnaître. La silhouette maléfique avait les mains croisées dans le dos et se tenait au milieu des paillasses carrelées en compagnie de Wilka. Les deux hommes regardaient avec satisfaction les apprentis laborantins autour d’eux. Olys aurait reconnu ces oreilles pointues et cette barbe blanche entre mille.
(Stratéquerre !)
« Encore une preuve que tu n’as rien retenu des enseignements à l’Université de Méchanceté de Lausanne ! Lança le directeur de la Vilain School à l’adresse de Wilka.
- Il faut bien se serrer les coudes entre méchants, répondit Wilka avec son grand sourire habituel, même si aux yeux d’Olys il paraissait beaucoup plus fourbe et machiavélique désormais.
- Alors, comment s’en sortent mes petits vilains ? Demanda un Stratéquerre très paternel.
- Ils sont doués… Si nous étions gentils nous pourrions les féliciter
- Oh merci monsieur Wilka… Dit un étudiant plein de gratitude avant que Stratéquerre ne lui donne une claque derrière la tête.
- On ne dit pas merci quand on est malpoli jeune homme ! C’est pas possible de faire encore des erreurs pareilles en dernière année !
- Aïe ! Je le ferai plus m’sieur Stratéquerre.
- J’espère bien !
- La formule qu’ils ont trouvée est excellente Johnny, reprit Wilka. Bromure de potassium, histamine et doxylamine. Nous empoisonnons les bonbons depuis le début de l’année scolaire et nous avons pu évaluer les effets sur les cobayes de la Sentaï School : baisse de l’attention, diminution des réflexes moteurs, troubles du comportement, amorphisme … Et pourtant ces petits gloutons en redemandent encore et toujours ! La dépendance au super-sucre wilka est totale. »
Stratéquerre éclata d’un rire démoniaque.
« Ah ah ah ! Je suis sûr que ce pauvre Ricky* ne se doute pas un seul instant que la baisse des résultats scolaires de ses élèves est un effet secondaire de tes bonbons Wallace. »
* Surnom d’Erick Sama, alias Ultra Sama, lorsque lui et "Johnny" Stratéquerre étaient au lycée.
La formule donnée par Wilka rappelait vaguement quelque chose à Olys, soudain une lumière s’éclaira dans son esprit. Elle se plaqua une main contre le front, abasourdie par sa propre bêtise et son aveuglement.
(Les poubelles de Ken !)
Wilka s’arrêta devant une autre table de préparation.
« Quant au deuxième groupe : le somnifère qu’ils ont injecté aux sucettes du pilote de la Sentaï-School le jour de la course a eu l’effet escompté. Dommage que la fille n’ait pas touché à ses chewing-gums.
(Moi non mais Keiji si ! Bon sang, Tôa avait raison !)
- Ce n’est pas grave, nous allons bientôt pouvoir passer à la dernière phase de mon plan pour détruire la Sentaï-School. Tu en as fait du chemin depuis ta première confiserie à Genève Wallace.
- Mon premier palmarès, dit Wilka sur un ton rêveur : 156 rages de dents, 233 crises de foie, 762 carries, 15 opérations après avoir couru avec une sucette dans la bouche et 1 œil crevé avec un sucre d’orge. La cerise sur le gâteau en quelques sortes même si ma boutique a dû fermée après ça.
- Crois-moi mon vieux Wallace, cette affaire sera la plus juteuse de ta carrière !
- La plus sucrée surtout.
- Ah ah ah ! »
(J’hallucine… Wallace Wilka est de mèche avec la Vilain School. Alors ça c’est un scoop qui va faire trembler l’école, non la ville, non le monde !!! Je le tiens mon passeport pour le Daily Univers !)
Olys avait assez de photos et d’infos pour lancer une bombe médiatique. Elle rangea son matériel dans son costume et fila à l’anglaise avant que quelqu’un ne s’aperçoive de sa présence. Elle s’éclipsa sans bruit du laboratoire de recherches et développement maléfiques et s’éloigna rapidement en direction de la sortie la plus proche. Elle espérait pouvoir partir par la zone de livraison mais par malchance les portes du garage étaient bien verrouillées, sans doute pour éviter les intrusions et les vols de marchandises.
Olys retourna alors dans l’usine à la recherche d’une autre issue en se dandinant dans son costume de blaireau. Dans une salle, elle tomba nez à nez avec la moufette chef de l’équipe de nuit chargée des caramels mous.
« Flac flic afeazgfez, qufez pjus daz nek ? Tij zeffr rize. Fzefze juvfef erur evfver. » (traduction : "Dis donc le blaireau, qu’est-ce que tu fiches ici ? Tu n’es pas dans mon équipe. Fais voir ton badge.")
(Crotte… Ca fait un bail que je n’ai pas étudié le yamatoin. J’espère que je ne suis pas trop rouillée.)
« Euh… Sfvergzer dzeze fefgr dcezdfez dicjpo. » (traduction : Euh… Je viens détruire la machine à concombres.)
(Réparer, ça se dit bien " sfvergzer" ou c’est "svorrzlurp" ?)
« Cse feqqe dicjpo grogz ! » Rétorqua la moufette. (traduction : "Il n’y a pas de concombre ici !")
(Mince, je croyais que "dicjpo" voulait dire chocolat…)
« Arg, dazzej dghfiz bubdbzd, frdze boboss di fcezfez, euh… Kapsut ? Kapsut. (traduction : "Arg, désolée je dois rentrer, sinon mon patron va me chatouiller, euh... Tuer ? Tuer.)
La moufette, méfiante, regarda Olys s’éloigner au pas de course, elle prenait vraisemblablement la fuite. Elle se tourna vivement vers une de ses collègues.
« Cse got frefergfer Wilka, fsi pitch otuger fufufaeda xi. (traduction : "Il faut prévenir Wilka, ça pue l’espionnage industriel ici.")
- Its pitch ? Flu fraafgz motthe… (traduction : "Ca pue ? J’ai pourtant pris ma douche…")
- Slakch ! ferf dzdzeé boboss ! (traduction : "Idiote ! Vas chercher le patron !")
(Il faut que je me débarrasser de ce costume, je ne peux pas courir avec et ça commence à craindre vraiment dans le coin…)
Olys s’arrêta au local-poubelle, elle espérait y trouver une sortie vers l’extérieur mais toutes les portes étaient fermées, les moufettes avaient peut-être déjà donné l’alerte. Elle retira vite fait son costume de blaireau et le balança dans un container plein de déchets.
(Madame Sainte Calèche va me tuer.)
Olys, en pantacourt et en débardeur noirs avait désormais la dégaine parfaite d’une cambrioleuse ou à la rigueur d’une élève de la Vilain-School, elle fourra son carnet de notes et son crayon dans sa poche arrière et vérifia que la lanière de son appareil photo était toujours bien accrochée. Elle ne devait pas trainer d’avantage dans les parages.
Si la zone de livraison et le local-poubelle étaient fermés, il ne restait plus que deux issues possibles : l’entrée de service des ouvriers et la boutique. Malheureusement pour Olys, l’entrée de service était non seulement surveillée par un gardien qui vérifiait les badges des employés, mais les membres de l’équipe de nuit arrivaient également les uns après les autres par ce passage. Il y avait trop de témoins et même avec le costume de blaireau, sans badge, ils ne la laisseraient pas sortir aussi facilement. Quant à la boutique, elle était fermée pour la nuit par une grille et les vitres étaient sous alarmes. Impossible d’en casser une sans alerter le service de sécurité de la Wilka-compagnie et la police. Elle se décida malgré tout pour cette deuxième option, parce que si elle se faisait attraper par la police elle pourrait toujours montrer les preuves du complot entre Wilka et Stratéquerre.
Cependant, pour rejoindre la boutique, elle devait retraverser toute l’usine, par la passerelle métallique ou par les bureaux. A l’heure qu’il était, la partie administrative était forcément vide, donc Olys décida de passer par là.
Tandis qu’elle se glissait à pas feutrés dans le couloir sombre des bureaux éteints, une voix roque et inquiétante s’éleva dans son dos.
« Personne ne vous a jamais dit que la curiosité était un très vilain défaut mademoiselle Allen ? »
Olys déglutit avec difficulté et se retourna lentement. Derrière elle se tenait Wilka, le regard très sombre et à côté de lui, le diabolique Stratéquerre. Elles ne les avaient pas remarqués dans l’obscurité de la boutique.
« Très vilain en effet, renchérit Stratéquerre avec un sourire sournois. Vous devriez vous inscrire dans mon école, vous y feriez des prouesses. »
Olys, terrifiée, hurla.
« Kyaaaah ! »

A suivre...
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