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Lecture d'un chapitre



Lecture du chapitre 8
Nom de l'œuvre : Sentaï Scoop Nom du chapitre : JE SUIS SENTAI
Écrit par Tracy Chapitre publié le : 7/10/2015 à 19:20
Œuvre lue 11119 fois Dernière édition le : 4/2/2016 à 19:25
Chapitre 8

JE SUIS SENTAI

Au petit matin, essoufflée, les vêtements crasseux, sans veste, ni costume de blaireau, ni appareil photo, Olys titubait dans la rue qui menait à l’école. Elle cherchait désespérément ses amis. Lorsqu’elle les aperçut marchant en colonne en direction de la grande porte de la Sentaï, elle se précipita vers eux.
« C’est marrant, mes résultats sont en chute libre mais en fait je m’en fiche complètement ! S’exclama joyeusement Keiji.
- Et ça te mets de bonne humeur ? Rétorqua Hongo en haussant un sourcil.
- …trouve…inquiétant. Renchérit Bibi.
- C’est sans doute à cause de tout le sucre que tu ingurgites, ajouta Duke.
- Depuis le temps que vous le dit que les produits Wilka sont mauvais, ronchonna Tôa les mains dans les poches.
- Eh ! Eh attendez ! Cria Olys dans la rue.
- Qu’est ce qui lui arrive encore ? » Soupira Vipère en apercevant la jeune femme en panique.
Olys les rejoignit enfin, elle était à bout de souffle. Hongo plaqua une main contre son visage.
« Pouah ! C’est quoi cette odeur ignoble ?
- C’est vrai que tu fouettes un peu là Olys… » Fit remarquer Duke, incommodé.
- Alors t’as ma dissert ? Demanda Vipère en se pinçant le nez.
Olys s’arrêta devant Ken qui se désigna du doigt.
« Tôa faut que je te parle !
- Me parler à moi ?
- Non à Tôa, enfin si, à toi aussi…
- C’est incompréhensible, commenta Duke.
- Tôa et toi aviez raison ! Déclara Olys face à Ken.
- Il me paraît normal que je sois en accord avec moi-même… Répondit Ken.
(Bon sang Ken c’est pas le moment !)
- A propos de Wallace Wilka : il est de mèche avec Stratéquerre, il drogue ses bonbons pour nous affaiblir ! » Hurla Olys en pointant du doigt Keiji qui avalait une autre sucrerie. Pris d’une angoisse soudaine, il la recracha.
« C’est pour ça que tous tes clients viennent de la Vilain School Tôa, ils savent que les produits Wilka sont dangereux !
- Mon raisonnement était bel et bien sans faille ! Déclara Ken triomphal.
- Mon roupillon pendant la course de kart c’était à cause d’eux ? Comprit alors Hongo en fronçant les sourcils.
- Je savais qu’un homme qui mettait autant de sucre dans ses produits ne pouvait pas être innocent ! Renchérit Tôa. Mais comment tu l’as su ?
- Je me suis infiltrée dans le labo secret de Wilka cette nuit, j’ai senti qu’il y avait un truc pas net quand on a visité l’usine hier et là je les ai vu : Stratéquerre et Wilka qui complotaient ensemble !
- ….vas bien ? Demanda Bibi en examinant Olys de la tête aux pieds. Tu … …. vêtements ?
- C’est vrai ça, t’as l’air mal en point. Comment tu t’en es sortie ? Demanda Duke.
- Ah, ça ? Lorsqu’ils ont voulu m’attraper j’ai mordu la main de Stratéquerre, ensuite j’ai fait une clef de bras à Wilka. Stratéquerre a alors agrippé mon appareil photo pour me retenir et j’ai dû sectionner la lanière avec les dents.
- A… Avec les dents ?!? Brailla Keiji.
- J’ai une très bonne dentition, répliqua Olys. Ils ont lancé les moufettes de garde à ma poursuite, alors je me suis engouffrée dans le circuit d’évacuation des eaux usées dans la salle des jus de fruits, mais ces sales bêtes m’ont poursuivi. J’ai dû pénétrer dans les égouts pour les piéger : je suis allée chercher le nid d’alligators géants qui les ont attaqués, j’ai failli y laisser un mollet d’ailleurs. J’ai ensuite cherché à sortir mais c’est un vrai labyrinthe là-dessous ! Heureusement ce matin j’uis tombée sur Peter Naraignée, il s’entraînait avec un reptile bizarre, enfin bref il m’a indiqué le chemin le plus rapide pour rejoindre la Sentaï School. »
(Quand j’y pense ce n’est pas de tout repos le boulot de journaliste. J’aurais mieux fait de choisir un autre métier : dresseurs de lions ou soldat dans la légion étrangère...)
Les autres étaient perplexes.
« Mouais… C’est pas pour rien que t’es la meilleure dans toutes les matières, finit par lâcher Vipère.
- Et ça explique l’odeur, dit Hongo en grimaçant.
- Tu as des preuves ? Demanda Tôa, impatient de pouvoir jeter son rival en prison. Je veux dire tu as pris des photos ?
- Je viens de vous le dire : ils ont gardé mon appareil ! » Cria Olys folle de rage.
(Mon bel appareil, on a vécu tellement de choses ensemble…)
Un déclic se produisit dans l’esprit d’Olys, elle n’y avait pas pensé pendant sa course poursuite nocturne, quelle erreur ! Un terrible frisson lui parcourut l’échine.
« Oh non…
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? »
(Les clichés de Ken les circuits à l’air… Ils sont encore sur l’appareil. Si Wilka ou Stratéquerre les voient, ils auront un moyen de pression sur nous. Ken sera au mieux chassé de la ville, au pire démonté comme une vulgaire montre !)
- Mais quoi ? Accouche ! Ordonna Hongo qui sentait la tension monter d’un cran.
- Sur ma carte mémoire… » Répondit Olys d’une voix tremblante, elle se tourna lentement vers Ken, son regard était rempli de remords.
« Il y a des photos compromettantes de toi, je suis désolée, j’ai pourtant essayé de garder ton secret...
- Des photos compromettantes de Tôa ? Qu’a-t-il fait de mal ? Demanda Ken le doigt dressé comme un point d’interrogation.
- Non pas de moi, de toi Ken ! Répliqua Tôa.
- Des photos de moi avec Tôa ?
- Non ! » Cria Olys qui perdait patience. Elle s’agrippa à Ken, au bord de l’hystérie, et le secoua comme un prunier. Elle n’était pas rentrée chez elle de la nuit, par extension elle n’avait donc ni dormi, ni pris son médicament.
« Ken, j’ai des photos où on te voit en train de te dévisser la tête et parler à ton chien !
- Mais qu’est-ce que tu racontes Olys ? Dit Keiji, c’est toi qui perds la tête : un humain ne peut pas se démonter comme un légo.
- Un humain non… Dit sombrement Tôa, il avait tout compris. Mais un robot si.
- Alors tu disais bien la vérité l’autre jour à propos de Ken ? » Souffla Duke, il avait toujours du mal à y croire.
Hongo prit une pose dramatique dont lui seul avait le secret. Bibi poussa un petit cri et plaqua ses mains contre sa bouche puis tous se tournèrent vers Ken, l’air profondément choqué.
« Ken est en réalité un robot ! » Crièrent les garçons à l’unisson.
Jusqu’à présent imperturbable, Ken comprit qu’il était démasqué, ses pires craintes s’étaient réalisées. En quelques secondes, sa vie venait de basculer… Ses sourcils se froncèrent et il baissa la tête, renonçant définitivement à sa couverture.
« Oui, c’est vrai, vous m’avez percé à jour.
- Je suis vraiment désolée Ken… Couina Olys.
- C’est moi qui suis désolé de vous avoir menti pendant toutes ces années. Désormais, je ne peux plus vivre parmi vous. »
Dans un éclair bleu, l’enfant robot s’enfuit comme une fusée avant qu’aucun de ses camarades n’ait le temps de réagir.
« Non Ken ! Ne pars pas ! On doit rester unis ! » Brailla Tôa à pleins poumons après son ami. Olys s’égosilla à son tour, mais ce fut sans résultat.
Les cinq autres restèrent immobiles et silencieux un moment, le temps de se rendre compte que Ken avait véritablement pris la fuite.
« Damned... Et on fait quoi maintenant ? Demanda Hongo.
- On ne perd pas de temps ! Cria Tôa en prenant les choses en mains. Hongo, Bibi et Keiji : poursuivez Ken, essayez de le raisonner. Duke, prends Vipère avec toi et essayez de savoir ce que ton oncle va faire exactement avec Wilka maintenant qu’ils sont percés à jour. Moi j’accompagne Olys chez le principal, il faut qu’on lui parle de Wilka au plus vite ! Go ! »
La dispersion des apprentis héros se fit en un éclair.
Pendant ce temps, Ken qui ne savait pas où aller s’était caché dans une ruelle du centre-ville remplie de poubelles et de chats errants. A voix haute, il se posait la même question qu’Hongo.
« Qu’est-ce que je fais maintenant ? Est-ce que je préviens Nonos 2 ? Non il va se mettre en état d’alerte rouge, me disputer et m’obliger à changer d’école… »
Ken frappa dans son poing, son cerveau bionique venait d’avoir une idée.
« Je sais, si Wilka a pris pour cible la Sentaï School, mon devoir est de l’arrêter et j’en profiterai pour récupérer les photos. Si je prouve ma valeur et ma loyauté aux autres, ils continueront de m’accepter parmi eux. »
Ken fit demi-tour et fila en direction de l’usine Wilka (donc de la Sentaï School). Alors que le sol de la ruelle tremblait encore de son départ précipité, un chat à l’air malfaisant, vêtu d’une veste mauve et d’un chapeau assorti, sortit la tête d’une poubelle. Avec sa patte, il tenait un talkie-walkie contre son oreille.
« Ici Isidore84, j’ai repéré la cible. Elle se dirige vers le point W.
- Bien reçu Isidore ! » Répondit Stratéquerre, toujours dans l’usine Wilka. Il se tourna vers son adjoint et les quelques étudiants qui se trouvaient là. Il avait avec lui l’appareil photo d’Olys Allen.
« Cette info tombe à pic ! Nous allons pouvoir directement passer à la phase 3 de notre plan diabolique…
- Quoi ? Mais et la phase 2 alors ? Demanda Vitalis Rex, un étudiant de dernière année.
- Pas besoin avec ce robot-humain dans la nature.
- Mais j’ai beaucoup travaillé pour la phase 2… Pleurnicha l’apprenti-vilain. J’ai préparé pleins de bombonnes de gaz et de feux d’artifices. J’ai même noué les rubans moi-même pour maintenir les bâtonnets de TNT ensemble…
Le garçon avait la larme à l’œil.
- Tant pis, répliqua Stratéquerre insensible. Réactivité, efficacité et méchanceté ! Voilà le nouveau slogan de la Vilain School ! Le changement, c’est maintenant…
- Snif, mes rubans…
- Minos, le piège à robot est-il prêt ? »
Stratéquerre se tourna vers son adjoint, il était en train d’ajuster les derniers réglages de l’aimant géant qui servait normalement à retirer toutes les impuretés qui pouvaient trainer dans le caramel wilka comme les clous rouillés ou les lames de rasoirs usagées… Tôa avait raison sur ce point : les produits wilka étaient vraiment dégoutants.
« Diaboliquement prêt monsieur Stratéquerre, il ne nous échappera pas.
- Parfait ! Espérons que Wilka réussisse à gagner du temps avec Ricky et que cette peste n’arrive pas avant lui. »
Sur le trottoir d’en face, Tôa et Olys déboulèrent comme des furies dans le bureau d’Ultra Sama sans frapper. Il y avait déjà Tofu à l’intérieur, les bras croisés et la mine renfrognée.
« J’insiste pour que la Sentaï School augmente les rations de tofu à la cantine… Vous me devez bien cela après avoir détruit mon stand lors de la course de karts !
- Vous êtes élève ici Tofu, pas le patron ! Et je n’y suis pour rien si votre stand a été détruit, réglez vos comptes avec vos petits camara… »
La porte s’ouvrit à la volée.
« Monsieur le principal !!! Nous avons une information capitale à vous transmettre ! Hurla Tôa en mode conquérant de la gastronomie.
- Ah non pas encore vous ! Je ne veux pas vous voir dans mon bureau si je ne vous ai pas convoqué, allez du vent, houst ! Kss kss kss ! »
Le principal agitait frénétiquement la main comme s’il cherchait à chasser une grosse mouche.
« Ecoutez au moins ce qu’on a à vous dire Monsieur ! Le supplia Olys.
- Qu’est-ce que c’est que cette tenue mademoiselle Allen ? Et cette odeur ? Ce n’est pas règlementaire !
- Pourrions-nous revenir au sujet le plus important ? C'est-à-dire moi ! Lança Tofu avec son arrogance naturelle.
- Erick ? »
Georges Spectreman venait d’ouvrir la porte du bureau voisin.
« Monsieur Wilka est ici, il voudrait vous parler d’Oly… Ah vous êtes là vous ! »
Spectreman fronça les sourcils en apercevant Olys en haillons.
« La fautive est déjà là monsieur Wilka.
- Tu es là espèce de monstre ! Honte à toi d’utiliser la gastronomie à des fins malfaisantes ! » Beugla Tôa en pointant du doigt Wallace Wilka.
Le confiseur pénétra dans la pièce avec une assurance peu encourageante pour Tôa et Olys. La jeune fille le fusilla du regard.
« Girara calmez-vous ou je vous retire votre carte de cantine ! Ordonna le principal.
- Mais il empoisonne les élèves monsieur ! Olys l’a vu !
- Monsieur Wilka ? Releva Ultra Sama, perplexe. C’est absurde ! Vous avez des preuves de ce que vous avancez ?
- J’ai pris des photos mais il a volé mon appareil ! Grogna Olys. Il est de mèche avec la Vilain School, leur but est d’affaiblir les élèves pour en faire de piètres héros et fermer l’école.
- Fermer l’école ? »
Cette fois Ultra Sama se leva de son siège, Olys venait de toucher la corde sensible mais Wilka affichait un sourire terriblement innocent.
« Je suis navrée mademoiselle Allen, je n’ai pas votre appareil photo, en revanche j’ai ceci… Et ceci. »
Dans sa main gauche, il tenait la veste de la Sentaï School qu’Olys avait laissé dans les toilettes de la boutique. Sa mère gaga avait bien entendu brodé son nom sur l’étiquette, il était inutile de nier qu’elle lui appartenait. Dans sa main droite, il présentait le costume de blaireau utilisé par Olys récupéré dans la poubelle.
« Ce costume appartient à l’école, Madame Sainte Calèche est furieuse ! La sermonna Spectreman.
- Principal, cette jeune fille s’est servie de ce costume pour s’infiltrer dans mon usine et faire de l’espionnage industriel. C’est intolérable !
- Elle a aussi sécher les cours hier après-midi, ajouta Georges.
- Je suis terriblement déçu par vous mademoiselle Allen, je pensais que vous valiez mieux que ces catastrophes ambulantes ! Déclara Ultra Sama en pointant du doigt Tôa et un Tofu offusqué.
- Il ment ! Je l’ai pris en flag en train de fabriquer des Sucettes Génétiquement Modifiées (SGM) avec des élèves de la Vilain School ! Les mêmes qu’il a offert à Hongo !
- C’est ridicule... Protesta Wilka. Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à distribuer des sucettes à des enfants.
- C’est ce que je me demandais aussi, dit Ultra Sama, mais quelque chose me gêne tout de même, vous devriez arrêter, ça pourrait être mal interprété.
- Si c’est ce que vous souhaitez monsieur le principal.
- Mais ce n’est pas ça le problème ! Beugla Olys. Ces sucettes viennent de la Vilain School ! Elles affaiblissent les élèves ! Ils prennent du poids et perdent le goût du combat ! Ce ne sont plus des héros mais des chiffes molles !
- Et ils consomment moins de produits à base de farine de saucisse ! Ajouta Tôa.
- Et moins de tofu ! Renchérit Tofu.
- Ca on s’en fout ! Rétorqua Olys qui perdait complètement son sang-froid.
- Etre la meilleure de votre promotion ne vous donne pas tous les droits mademoiselle Allen ! La gronda Ultra Sama, avec un doigt accusateur. Vous êtes exclue de la Sentaï School jusqu’à la fin de la semaine et vous passerez en conseil de discipline ! En attendant, je garde votre uniforme, vous n’en aurez plus besoin. »
Olys tremblait de rage. Elle avait du mal à se retenir de se jeter à la gorge de Wallace Wilka.
(Mes médicaments… Il me faut mes médicaments…)
Tôa posa une main sur son épaule pour tenter de la calmer, Ultra Sama le fusilla du regard.
« Quant à vous deux, dit-il lentement en s’adressant à lui et à Tofu. Si vous ne sortez pas d’ici dans les cinq secondes, je vous vire également, compris ? Un, deux…
- Viens Olys… Souffla doucement Tôa en assassinant du regard Wilka qui affichait toujours son petit sourire en coin.
- C’est un scandale ! Vous aurez des nouvelles de mes avocats ! Protesta Tofu en quittant la pièce lui aussi.
- C’est ça c’est ça ! »
Ultra Sama soupira de soulagement lorsqu’ils furent enfin tous les trois sortis. Avec une allure compatissante, Wilka s’approcha du bureau d’Ultra Sama et ouvrit un coffret en bois type boîte à cigares sous le nez du principal. La boîte contenait des caramels multicolores.
« Une petite douceur pour oublier cet éprouvant rendez-vous ? »
Le sourire de Wilka s’agrandit, il était purement et simplement malfaisant, mais Ultra Sama ne se rendit compte de rien…
A l’extérieur, le regard de Tôa se durcit.
« Ce salopard de Wilka… Il s’est mis Ultra Sama dans la poche.
- Et sans photo je ne peux pas prouver ce que j’avance ! Se lamenta Olys. Pas moyen de prévenir les médias... »
Duke apparut au détour du couloir. Tôa se tourna vivement vers lui.
« Duke ! Alors du nouveau du côté de ton oncle ?
- Où est Vipère ? Demanda Olys.
- En classe. Elle a dit qu’elle ne voulait pas sécher les cours pour ces foutaises.
- On ne peut vraiment pas compter sur elle… Pesta Tôa.
- J’ai pas réussi à joindre mon oncle par téléphone mais ce n’est pas surprenant, même pour les fêtes de Noël il ne répond pas, c’est son rôle de méchant. Je ne peux pas faire grand-chose de plus… A part jouer un morceau, conclue Duke en caressant les cordes de sa guitare.
- Fougni fou gnigni ! »
Tôa se pinça l’arête du nez. Chibi Goldo courait autour de lui avec bonne humeur. Dans le fond, il comprenait Ultra Sama : c’était parfois très difficile de compiler avec la famille Stratéquerre.
« Bon… Des nouvelles de Keiji ou Hongo ?
- Aucune, répondit Duke en plein solo de guitare.
- On n’a pas le choix, on va devoir se débrouiller seuls pour arrêter Wilka, déclara Tôa. Mais il faut retrouver Ken, en tant que robot surpuissant et leader du groupe c’est notre meilleur atout. »
Tôa se tourna vers Olys. Silencieuse, elle était en train de se liquéfier sur place. Il tenta malgré tout de la mettre à contribution.
« T’as une idée d’où il pourrait aller ?
- A l’école ou chez lui… Dans son état d’esprit je ne le vois pas aller au cinéma pour regarder un polar. S’il a le sentiment d’être obsolète il va peut-être se rendre à la décharge…
- Un suicide tu veux dire ? » Demanda Tôa.
Olys s’imagina Ken réduit en un cube de métal dans un cimetière de voiture à côté de Christine qui passerait un morceau de vieux rock de Danny and the Juniors. Elle faillit s’évanouir. Duke s’arrêta de jouer deux secondes.
« On devrait aller jeter un œil dans son casier, il y aura peut-être des indices.
- Bonne idée. »
Mais devant le casier verrouillé de Ken, Tôa se sentit penaud.
« Pizza au chef et brocolis… Pesta Tôa. Il est fermé, on aurait dû s’y attendre. »
Olys soupira en retirant une épingle à cheveux de sa frange. Elle tordit l’épingle de façon à former une clef de fortune et elle déverrouilla la porte en moins de cinq secondes. Les deux garçons la fixèrent, abasourdis.
« Quoi ? C’est pas la première fois que je force son casier… Dit Olys dans un haussement d’épaules. A mon avis vous n’y trouverez pas grand-chose. »
Tôa ouvrit le casier et farfouilla à l’intérieur. Sur le verso de la porte, Ken avait scotché une photo de Nonos2 avec une dédicace (une empreinte de patte donc) et une petite affiche pour le film "Mon petit doigt m’a dit".
« Mes amis, l’heure est grave : Ken a laissé sa veste de la Sentaï School dans son casier.
- Quoi ? Releva Duke en écarquillant les yeux, surpris. Même lorsqu’il a décidé de rejoindre la Vilain School il y a deux ans il l’avait gardé sur lui, il n’avait pas eu le cœur de s’en séparer. »
Tandis que les camarades de Ken piaillaient comme des louveteaux affolés ayant perdus leur chef de meute, Olys baissa les yeux sur la veste de Ken accrochée très solennellement au seul cintre du casier. Elle avait un affreux nœud dans la gorge, jamais elle n’avait ressenti une telle douleur : une telle culpabilité.
(Je n’ai pourtant pas trahi mon intégrité de journaliste… Alors pourquoi je me sens aussi mal ? Quand est ce que j’ai merdé ?)
« Tout est de ma faute… Murmura-t’elle.
- Tu ne dois pas t’en vouloir, lui dit gentiment Tôa en posant une main réconfortante sur l’épaule d’Olys.
- J’ai trahi Ken… Et je vous ai trahi aussi. Je ne pourrai plus jamais me regarder en face !
- Tu n’as trahi personne, voyons, tu as fait ton travail de journaliste c’est tout. Et grâce à toi on sait ce que Wilka manigance maintenant.
- Mais Ken, il…
- Tu sais, nous on s’est toujours douté que Ken n’était pas vraiment humain, intervint Duke. Ce n’est pas grave d’avoir révélé son secret, il aurait fini par être découvert un jour ou l’autre. C’est juste arrivé au mauvais moment, c’est la faute à pas de chance.
- Non, tout ça ne serait jamais arrivé si je n’avais pas intégré votre école ! Cria Olys que la culpabilité rongeait jusqu’à l’os. Je n’ai rien à faire à la Sentaï School ! Rien ! »
Olys se dégagea de la main de Tôa et s’enfuit en courant, les larmes aux yeux. Les deux garçons la regardèrent s’enfuir, impuissants.
« On est plus que cinq maintenant… Soupira Tôa.
- Comme au début tu te souviens ? Lui demanda Duke en jouant un air de musique empreint de nostalgie. Et puis avec Chibi ça fait six.
- Fougnou nini ?
- Mouais, mais si on continue comme ça notre groupe va se dissoudre complètement et Wilka aura gagné.
- T’as qu’à appeler Hongo et lui demander de passer chez Ken, nous trois on va s’occuper de la déchetterie. »
Une demi-heure plus tard, Hongo, Bibi et Keiji frappaient à la porte de la maison de Ken. Elle était mal fermée et à force de tambouriner dessus, elle finit par s’entrebâiller dans un grincement presque sinistre. Ils pénétrèrent dans la demeure qu’aucun d’eux n’avait jusqu’alors jamais visité.
« Eh oh ! Ken t’es là ? C’est Keiji ! Bibi et Hongo sont avec moi ! Aller réponds nous, c’est pas grave si t’es un robot, moi je t’aime quand même !
- Ken ne fais pas l’enfant ! Grogna Hongo d’une voix forte. On a besoin de toi l’ami !
- ... Ken ? … Ken ?
- Vous êtes des amis de Ken ? »
Les trois apprentis héros sursautèrent et regardèrent dans toutes les directions, il n’y avait pas âme qui vive, enfin si un chien mais ce n’était certainement pas lui qui venait de leur parler.
« Ah euh oui… Répondit Keiji qui commençait flipper en se demandant s’il n’y avait pas un fantôme dans la pièce. M… Monsieur Eraclor ? C’est vous ?
- Monsieur ? J’ai une tête à m’appeler monsieur ? »
Shinobi pâlit brutalement et ses cheveux se dressèrent sur sa tête.
« ….le chien !
- Quoi le chien ? Qu’est-ce que tu racontes Bibi ? Demanda Hongo.
-… chien a parlé. »
Hongo et Keiji se rapprochèrent du canidé.
« M’enfin Bibi c’est ridicule, répliqua Hongo.
- C’est bien vrai ça, renchérit Keiji. Les chiens ne parlent pas, pas vrai joli toutou ?
- Dites donc jeune homme je ne vous permets pas ce genre de familiarité ! Nous nous connaissons à peine ! » Répondit le chien mécontent.
Keiji recula brusquement la main. Il y eut ensuite un silence pesant pendant lequel Hongo crut qu’il ne s’était toujours pas remis de son accident de kart.
« Qu’y-a-t’il ? Vous préférez comme ça : wouf wouf ? Lança le chien, agacé.
- Euh… Vous êtes le chien de Ken c’est ça ? Finit par dire Keiji.
- Quelle perspicacité… En réalité je suis un robot chien et son tuteur légal. J’ai été fabriqué par le père de Ken pour veiller sur eux deux, mais depuis que le professeur a gagné au loto, il n’y a plus que Ken et moi… Pourquoi êtes-vous là ?
- Un robot chien ? Répéta Hongo en se massant le crâne.
- On est à la recherche Ken, il s’est sauvé de l’école.
- Ken se sauver ? C’est impossible.
- …Ken…un robot, dit Bibi.
Le chien avait triste mine.
- Oh, alors la situation est grave. Venez avec moi.
- Un chien… robot… et qui parle… Répéta une fois de plus Hongo abasourdi. Bibi tu peux me toucher le front, pour voir si je n’ai pas de fièvre ? Et me pincer pour vérifier que je ne rêve pas.
- ….. réalité… déjà vu… fête de l’école…deux ans. » Répondit Bibi, un brin agacée mais pas suffisamment pour parler plus fort.
Les trois étudiants suivirent le chien qui trottinait dans les couloirs de la maison très banale de Ken Eraclor. Il entra finalement dans une petite pièce, faisant office de bibliothèque, et s’arrêta devant un rayonnage rempli de romans policiers et de livres divers. Du bout de la truffe, il enfonça le manga intitulé "Astro le petit robot". L’étagère coulissa dans un bruit métallique de porte blindée et révéla un laboratoire secret.
Par certains aspects, la pièce ressemblait plus à un atelier de bricoleur du dimanche qu’à un véritable labo, mais d’autres éléments semblaient directement sortis des affaires de la NASA avec des logos radioactifs et des têtes de morts.
Les trois ados restèrent paralysés par la surprise. Ils regardaient autour d’eux sans vraiment en croire leurs yeux et finalement, Bibi se décida à pincer Hongo comme il l’avait demandé.
« Aïe ! »
Au centre de la pièce trônait un ordinateur du dernier cri. Nonos 2 appuya avec sa patte sur un bouton rouge pour allumer l’ordinateur, puis bondit sur le siège à roulettes qui dérapa sur un demi mètre jusqu’à toucher le bureau.
« Ken est équipé d’un GPS intégré.
- Ouais je sais, répliqua Hongo plein de mauvais souvenirs.
- Ca lui permet de se repérer mais ça fait aussi office de traceur, » leur expliqua Nonos 2.
Le chien robot tapota avec ses pattes griffues sur le clavier, un globe terrestre apparut à l’écran. Hongo et Keiji avaient l’impression d’être en plein délire.
Nonos 2 lança la recherche et finalement un point rouge apparut au beau milieu du plan de la ville.
« Voilà, il est là, déclara Nonos 2 : 50 rue des héros… C’est pas l’adresse de votre école ça ?
- Tu veux dire qu’on se casse la nénette depuis ce matin à le chercher alors qu’il n’a pas bouger de l’école ?!? S’emporta Hongo.
- Non…. trottoir d’en face, objecta Bibi.
- La boutique wilka ! S’écria Keiji l’ex-fidèle client du confiseur.
- Qu’est-ce qu’il est allé faire tout seul là-bas cet abruti ?
- Au moins on sait où il est… » Se rassura le chien, quand soudain le point lumineux s’éteignit. Nonos 2 plissa les yeux comme un humain aurait froncé les sourcils.
« …. normal ? Demanda Bibi.
- Non, répondit Nonos 2. Le traceur est désactivé, il est sensé fonctionner même lorsque Ken est en mode veille prolongée. Le GPS a dû être retiré du corps de Ken. Ca ne sent pas bon… Pas bon du tout. Quelqu’un est en train de faire du mal à mon filleul.
- Il faut prévenir les autres ! » Cria Keiji, inquiet.
Hongo décrocha son téléphone portable pour appeler Duke, assis au sommet d’un monticule d’ordures à l’autre bout de la cité.
« Hongo ? On est toujours à la déchetterie… »
Duke se retourna pour regarder Tôa la tête dans le tambour d’une machine à laver rouillée et Chibi Goldo les fesses en l’air en train de renifler l’intérieur d’une boîte de conserve.
« Ken ?
- Fougni fougni ?
- Du nouveau ? Demanda Duke.
- Ken est à la fabrique wilka, il a des problèmes. On se retrouve là-bas. »
Hongo raccrocha et rangea le téléphone dans sa poche. Nonos 2 descendit de sa chaise et s’approcha d’un meuble aux multiples rangements. Il se dressa sur ses pattes arrières, agrippa la poignée avec ses crocs et ouvrit un tiroir où étaient alignés une trentaine de disquettes argentées. Il fit basculer la pile vers le fond du tiroir du bout du museau pour attraper celle qui se trouvait le plus près de l’ouverture.
« Tenech, prenech cha.
- Qu’est-ce que c’est ? Demanda Keiji en se saisissant de ce que Nonos 2 avait dans la gueule.
- Un disque de restauration, on en fabrique un tous les soirs avec Ken en enregistrant les évènements de la journée.
- Si c’est un disque pourquoi est-il triangulaire ? Demanda Hongo en haussant un sourcil.
- Et ça veut dire quoi le S dessus ? Renchérit Keiji.
- Un S pour sauvegarde voyons, c’est évident. Par contre je ne sais pas pourquoi il est triangulaire. Si vous avez le moindre problème avec Ken, posez le disque sur son torse, mais il faut un mot de passe pour lancer la restauration.
- Quel mot de passe ? »
Nonos 2 fouilla dans les dossiers en reniflant et extirpa une enveloppe où était griffonnée le MP.
« Il faudra le prononcer à voix haute pour que la reconnaissance vocale de Ken l’identifie. »
Shinobi prit le mot dans la gueule de Nonos 2 y jeta un coup d’œil puis, blasée, le confia à Hongo qui écarquilla les yeux.
« Quoi c’est ça le mot de passe ?!? Beugla Hongo. Vous pouviez pas trouver un truc encore plus long ?
- Ce n’est pas moi qui l’aie choisi, je vous rappelle que je suis un chien, se justifia Nonos2.
- Maintenant on fonce chez Wilka ! »

Dans une course très héroïque, Hongo, Bibi, Keiji, ainsi que Duke, Hongo et Chibi Goldo retournèrent le plus vite possible à la boutique Wilka.
« Ken, on sait que tu es là ! Réponds-nous si tu vas bien ! » Brailla Tôa devant la façade.
N’obtenant aucune réponse, il tenta d’ouvrir vaillamment les portes de la boutique mais il eut beau tirer sur les anses, les portes ne bougèrent pas d’un millimètre. L’espace d’une seconde, Toâ se sentit ridicule. Shinobi s’approcha et remarqua l’écriteau suspendu. Elle le pointa du doigt.
« Fermé pour inventaire, lu Keiji à voix haute.
- Foutaises ! S’exclama Tôa. Wilka sait qu’il est percé à jour.
- Les gars j’entends un camion ! » S’exclama Duke. Lui et ses compagnons contournèrent la boutique pour longer les murs de l’usine et rejoindre la zone de livraison. Un camion venait de démarrer. Wilka s’apprêtait à monter dedans.
« Halte ! Au nom de la justice ! » Cria Hongo. Wilka se retourna vivement dans un sursaut et en apercevant les cinq apprentis héros qui couraient vers lui il se précipita immédiatement sur le siège passager.
« Chauffe Marcel ! » Ordonna Wilka.
Le camion démarra dans un nuage de poussière, Tôa s’élança en vain, le véhicule était déjà loin. En colère il brandit le poing, furieux de voir Wilka lui échapper.
« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Demanda Duke.
- On fracasse la porte et on entre ! Proposa Tôa, énervé.
- Non on n’entre pas par effraction ce n’est pas héroïque ! Protesta Hongo.
- En plus on ne sait même pas si Ken est toujours à l’intérieur, précisa Keiji.
- ……camion ?
- Je suis de l’avis de Bibi, dit Hongo. Ils ont dû embarquer Ken dans le camion.
- Oui mais pour aller où ?
- J’ai bien une idée, fit Duke. Mais…
- Tu penses à la Vilain School c’est ça ?
- Exact, mais je doute que mon oncle nous laisse rentrer comme ça, en plus on se va se jeter dans la gueule du loup pour rien si Ken n’y est pas.
Tôa prit la parole d’un air solennel.
- Ecoutez, il est tard et on a crapahuté toute la journée, je propose que chacun rentre chez soi, prenne un bon dîner, et on avisera ensuite.
- Toi faut toujours que tu bouffes ! Gronda Hongo. Comment tu peux penser à manger dans un moment aussi grave ?
- On ne peut pas combattre le crime efficacement avec l’estomac dans les talons !
Keiji s’interposa avant que les deux garçons, à bout de nerfs, en viennent aux mains.
- Arrêtez les gars ! Ce n’est pas le moment de se disputer, on doit rester soudés ! Tôa a raison Hongo, il faut qu’on se prépare, qu’on mange et qu’on dorme un peu. On élaborera un plan d’attaque à tête reposée. »
Tôa et Hongo s’éloignèrent l’un de l’autre. Keiji parut soulagé mais au fond de lui il mourait de peur. Ken n’était pas le chef idéal, pourtant son absence brisait l’équilibre du groupe. Même s’ils étaient les meilleurs amis du monde depuis la maternelle, jamais leur quintet n’avait traversé une crise aussi grave. En plus, Keiji sentait les premiers symptômes de manque, il n’avait pas consommé de produit wilka depuis dix heures, il était au bord de l’hypoglycémie et il sentait poindre une crise dark-gothic.
Keiji se tourna alors vers sa sœur.
« Il me faut un chocolat chaud et des peluches… Plein de peluches, et vite. »
La fratrie Jasper rentra chez elle, l’âme en peine, tout comme Tôa et Hongo.
Les cours venaient de se terminer à la Sentaï School et Vipère qui avait refusé de suivre le groupe rentrait chez elle en solitaire.
Elle ouvrit la porte de la résidence Stratéquerre et la claqua avec mauvaise humeur, faisant trembler le panneau "Get out !" planté dans la pelouse près de l’entrée. Elle frotta vite-fait ses pieds sur le paillasson "Soyez le malvenu."
« Quelle journée pourrie… Pesta Vipère. Les cours c’est vraiment naze quand y’a ni Bibi, ni Olys pour papoter… »
Vipère balança son sac sur le canapé, la maison lui semblait étrangement silencieuse.
« Pa, c’est moi, j’uis rentrée. »
Personne ne lui répondit. Elle traîna alors les pieds jusque dans la cuisine.
« Eh Pa t’es là ? T’as pas fait à manger ? J’ai la dalle moi… »
La table de la cuisine était en bazar mais il n’y avait rien à manger dans le lot. Toutefois Vipère repéra un objet familier sur la table. Elle plissa les yeux, le ramassa puis fit le tour de la pièce. Finalement, elle trouva un message qui lui été destiné sur la porte du réfrigérateur.
[Ma chère vilaine petite fille, j’ai trouvé un plan méchamment génial pour anéantir la Sentaï School, je serai donc absent ce soir pour peaufiner les détails à l’école avec Minos. Je t’ai laissé une salade de tomates et des brioches jambon-poivrons dans le frigo pour le diner. Je ne te hais point, ton papa démoniaque.]
Vipère chiffonna le bout de papier rédigé par son père en boulette et le jeta à la poubelle. Elle regarda le ciel par la fenêtre, il faisait sombre, la nuit était sur le point de tomber et de gros nuages noirs venaient cacher la lune et les étoiles par-dessus le marché.
« Super… Soupira Vipère. Je vais ressortir pour me prendre la saucée. Franchement pourquoi je me préoccupe de leurs histoires hein ? »
Vipère réfléchit un instant. Si son père était sérieux, elle devrait encore changer d’école et il insisterait pour qu’elle rentre à la Vilain School. Avoir son père en guise de directeur ce serait pire que la mort. En plus elle serait séparée de Bibi, ce qui ne serait pas drôle du tout, et de Tôa, mettant définitivement un terme à son ambition de devenir femme de milliardaire.
Elle attrapa son imperméable blanc.
« Fait’iech. » Cracha-t’elle en claquant la porte derrière elle.
Vipère traversa la moitié de la ville à pieds jusqu’à arriver dans les beaux quartiers, là où se trouvaient la maison de Tofu, de Tôa et aussi celle d’Olys. Elle tambourina à la porte de cette dernière. Elle s’attendait à tomber sur la mère d’Olys pourtant ce fut bel et bien la jeune fille qui vint lui ouvrir en trainant les pieds.
Olys portait le même tee-shirt noir à tête de mort que Keiji dans ses mauvais jours. Elle tenait dans ses bras un énorme pot de glace au parfum suspect, déjà à moitié vide.
« Qu’est-ce que tu veux ? Grommela Olys.
- Euh salut… Ta mère n’est pas là ? Demanda Vipère un peu perplexe.
- En cure de réintoxication aux algues jusqu’à la fin de la semaine.
- Ok, euh… Je peux rentrer ?
- Ouais… »
Olys s’écarta et laissa entrer Vipère. Apparemment, la mère d’Olys était absente et l’adolescente s’était installée dans le salon avec sa crème glacée et ses idées noires. Elle avait étalée autour d’elle sur le canapé toutes les photos de Ken qu’elle avait en sa possession et il y en avait un rude paquet. Vipère remarqua qu’elles étaient deux fois plus nombreuses qu’à sa dernière visite. Vipère était presque mal à l’aise de voir tous ces regards stoïques rivés sur elles, pourtant ce n’était pas dans son tempérament. Tandis qu’Olys s’affalait à nouveau sur les cousins au milieu des photos de Ken, une odeur de gras vint chatouiller les narines de Vipère, elle grimaça.
« Je rêve ou ton pot de glace sent la saucisse ?
- C’est la nouvelle trouvaille de Tôa pour concurrencer Wilka : la glace à la saucisse. Il me l’a offerte pour me consoler. Ca ne marche pas.
- Tu m’étonnes… Répondit Vipère le ton dégoulinant, la mixture lui paraissait immonde. J’ai avec moi quelque chose qui devrait fonctionner d’avantage. »
Vipère farfouilla dans son sac en bandoulière et en extirpa un gros appareil photo. Olys le reconnut immédiatement et se jeta dessus comme Gollum sur l'anneau unique, elle l’arracha des mains de Vivi.
« Où l’as-tu trouvé ?!?
- A ton avis ? Chez moi, mon père l’a laissé trainer sur la table de la cuisine. Il est tellement craignos comme méchant… »
Olys s’empressa de l’allumer et de regarder les photos dans l’appareil, Vipère prit les devants.
« T’esquintes pas j’ai déjà vérifié : il a supprimé toutes les photos où on le voit avec Wilka, il n’y a plus que les photos de Ken.
- Pfff… J’aurais dû m’en douter, soupira Olys, dépitée.
- Il n’y a pas que ça, je crois que mon père prépare un sale coup avec Ken. J’ai déjà prévenu mon cousin, mais comme je voulais te rendre ton bidule j’uis venue te le dire en personne. »
Quelques minutes plus tôt, Duke était tranquillement chez lui en train de répéter un solo de guitare sur le rebord de son balcon, quelques filles en pamoison en contre bas. Son téléphone portable posé sur son bureau vibra lorsqu’il reçut un SMS de sa cousine.
DE : Vipère (ne surtout pas répondre !!!)
RECU LE : mercredi 2 décembre 2015 - 6h 47 PM.
[Salut le boloss. Mon crétin de père détient ton crétin de copain robot à la Vilain-S. Préviens tes autres crétins de copains mais comptez pas sur moi pour m’en mêler ! >< Vivi. PS : T’es trop naze :p ]
Duke haussa un sourcil. Chibi Goldo posa sa tête sur ses genoux.
« Gni fougnigni ?
- Tu sais Chibi, c’est pas tous les jours facile d’être né dans une famille de méchants… »
A l’autre bout de la ville, Olys s’enfonça dans son canapé.
« C’est sympa de ta part d’avoir prévenu Duke… Dit Olys d’une petite voix.
- Oh tu sais moi du moment que je peux mettre des bâtons dans les roues de mon paternel, j’uis comblée.
- Mais il est trop tard… Dans le meilleur des cas, si Duke et les autres arrivent à libérer Ken, tout le monde saura qu’il est un robot. Il sera chassé de l’école et sans preuve, Wilka sera toujours libre comme l’air. Dans le pire des cas, Stratéquerre va transformer Ken en monstre pour détruire la planète. Et tout ça sera de ma faute… »
Elle engouffra deux énormes cuillères de glace à la saucisse en une seconde. Vipère en eut la nausée.
« Nan mais ça sert à rien de te mettre dans des états pareils ! Ok t’as fait une boulette et ça va peut-être entrainer la fin de l’école, voire celle de l’humanité mais essayes de voir le bon côté des choses.
- Parce qu’il y a un bon côté ? Répliqua Olys avec cynisme.
- Je sais que tu l’aimes ton gentil Ken super-à-côté-de-la-plaque, mais dis-toi que s’ils le transforment en machine à tuer tu auras le scoop du siècle, ce n’est pas ce que tu voulais ? »
Olys tourna ostensiblement le dos à Vipère, elle tremblait, de rage, de peur et sans doute d’autres choses encore.
« Je ne suis pas amoureuse de Ken... Ce serait complètement idiot d’aimer un robot… »
(Alors pourquoi je pleure bon sang ?)
Olys sentit les larmes jusqu’à présent bloquées au coin de ses paupières et coincées dans les boules de glace aux saucisses s’écouler lentement sur son visage. Elle passa une main sur sa joue droite.
(Arrêtes de pleurer Olys, tu es ridicule… Arrêtes je te dis.)
« Tu pleures ? Demanda Vipère qui n’en croyait pas ses yeux.
- Non, je ne pleure pas… »
(Mais si je pleure ! Je pleure et je n’arrive pas à m’arrêter…)
Vipère était encore plus mal à l’aise, elle tenta de dissimuler sa gêne en se fourrant les mains dans ses poches avec désinvolture mais elle se gardait bien de regarder Olys. Elle s’approcha d’elle toutefois.
« Bon écoutes… Je vais aider Duke à récupérer Ken. Tout’façon Bibi me l’a demandé et je n’peux presque rien lui refuser, alors sèches tes larmes et viens te battre avec nous. Ce sera plus utile que de chialer sur un pot de glace vide qui put le graillon. »
Vipère se demanda comment la jeune fille avait pu s’engouffrer près d’un litre de glace parfumé à la chipolata sans vomir. Olys renifla bruyamment.
(Elle a raison… Les étudiants de la Sentaï ne pleurent pas, les héros ne pleurent pas, Ken ne disparaîtra pas et je ferai tout pour qu’il ne soit pas renvoyer…)
« Ok. Allons chercher les autres et partons à la rescousse de Ken Eraclor ! La fin du monde ne sera pas pour tout de suite ! Lança Olys qui reprenait du poil de la bête.
Vipère lui sourit du coin de la bouche.
- Ouais, et avec un peu de chance, on va bien se marrer. »
Reprenant du poil de la bête, Olys passa une partie de la nuit à ranger son foutoir dans le salon avec Vipère et l’autre à se préparer pour la bataille contre Stratéquerre.
En digne apprentie-reporter, elle commença par remplacer la sangle déchirée de son appareil photo rechargé à bloc et l’enfila autour de son cou. Elle tailla ses crayons en pointe si fine qu’ils pouvaient écrire sur une ficelle, puis elle en accrocha un à son oreille et en enfila deux autres dans ses cheveux pour les maintenir relevés en queue de cheval. Comme elle n’avait pas récupéré sa veste de la Sentaï School, elle enfila son ancienne chemisette bleue foncée de la Saint-Richard et glissa dans la poche un bloc note flambant neuf. Enfin, elle nettoya ses lunettes jusqu’à ce qu’elles aient l’air neuves et les enfila sur son nez avec un seul doigt, face au miroir. Les sourcils froncés, le regard empli de détermination, elle savait qu’elle était prête.
Avant de partir pour rejoindre les autres, Olys s’arrêta aux toilettes et vida son flacon de pilules dans les WC. Vipère la regarda faire avec une pointe d’inquiétude.
« Tu es sûre que c’est prudent ?
- C’est ce que j’ai de mieux à faire vu les circonstances. Je vais avoir besoin de toutes mes capacités.
- Tes… Capacités ? Répéta lentement Vipère.
- Tu comprendras bien assez vite. »
La dernière phrase d’Olys n’était pas du tout rassurante aux oreilles de Vipère mais tant pis, il était trop tard : les cachets étaient dans la cuvette et au pire, Vivi avait un don pour prendre la poudre d’escampette lorsque la situation devenait trop critique.
Le soleil pointait tout juste à l’horizon lorsqu’Olys et Vipère rejoignirent les autres au point de rendez-vous, devant les grilles encore fermées de la Sentaï School. Pour l’occasion, tous étaient en uniforme, y compris Vipère. Olys leur offrit un petit sourire pincé en guise de salutations, elle se sentait toujours coupable pour la disparition de Ken, pourtant ses camarades l’accueillirent comme l’une des leurs.
« Tiens. »
Duke lui tendit la veste d’hiver de Ken. Elle s’en saisit d’une main un peu tremblante et caressa du bout des doigts l’écusson de la Sentaï School cousu sur la poitrine. Duke sourit, confiant.
« Il nous manque un membre pour notre justice squad. »
Reconnaissante, Olys enfila avec beaucoup de classe la veste bleue claire de Ken ornée du blason de l’école, ce même blouson qui lui avait fait découvrir à travers le zoom de son objectif quelques mois auparavant la Sentaï school.
« Elle te va trop bien ! Lança Keiji.
- Ouais, t’es plus grosse que t’en as l’air en fait. »
Olys fusilla Vipère du regard.
« C’est bon c’était une blague, pour détendre l’atmosphère… T’es coincée parfois.
- Tout le monde est prêt ? » Demanda Tôa, solennel. Les autres lui répondirent tous par un hochement de tête tout aussi sérieux.
« Alors allons-y. »

A suivre...
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